lundi, 30 janvier, 2023
Par Aude le lundi, 30 janvier, 2023, 08h49 - Lectures
Anthony Galluzzo, Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l'imaginaire de la Silicon Valley, « Zones », La Découverte, 2023, 240 pages, 20 €
Auteur de La Fabrique du consommateur, Anthony Galluzzo nous livre ici le pendant de sa remarquable histoire de la consommation, une analyse du mythe de l’entrepreneur aux USA. Son histoire commence par la fin, avec la célébration de Steve Jobs. Galluzzo tente une histoire du succès d’Apple par plusieurs angles. Et si cette entreprise devait tout à Steve Wozniak, l’ingénieur de talent associé à Jobs depuis les fameux débuts de l’entreprise dans un garage ? Ou bien à Mark Markkula, l’homme qui réussit à intéresser les investisseurs au destin de la start-up, avec un succès tel qu’elle dut vite refuser des propositions d’entrée dans le capital ? Ou bien à la Silicon Valley, ce tissu d’entreprises dont Hewlett-Packard où Wozniak fit ses premiers pas et Xerox qui inventa dès 1973 l’interface graphique qui fit le succès d’Apple ? Ou bien à l’État, très volontaire dans la création de ce cluster de laboratoires de recherche fondamentale financés par le public, complété par des entreprises qui en valorisaient l’innovation ? Un peu de chaque, évidemment. Le mythe de Steve Jobs illustre bien ce que François Flahaut appelait le « paradoxe de Robinson », cette image de l’homme qui ne doit rien à personne – mais qui survit grâce au bateau échoué dont la cale contient tous les outils nécessaires, pour ne rien dire des savoirs acquis en Angleterre et que le naufragé a emportés avec lui sur son île déserte.
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jeudi, 12 janvier, 2023
Par Aude le jeudi, 12 janvier, 2023, 08h40 - Textes
Il y a quelques semaines, je suis restée songeuse devant un énième fil sur un réseau social bien connu. Un homme avait pris des photos de ses enfants devant le SUV nouvellement acquis de son voisin et mettait en évidence le contraste entre la vulnérabilité des petit·es et la lourdeur de la machine. Suivaient des interrogations sur la dangerosité de cette voiture pour les autres car, outre la lourdeur de l’engin en cas de choc, la visibilité est compromise par la taille du capot. La personne qui conduit n’est pas en mesure de seulement voir la tête d’un enfant en âge de traverser si elle est à moins de x mètres de la voiture, le x en question augmentant avec l’énormité du véhicule. Les réponses étaient très clivées, les un·es acquiesçant et les autres défendant le choix du propriétaire du char d’assaut, au nom de la liberté individuelle.
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samedi, 16 juillet, 2022
Par Aude le samedi, 16 juillet, 2022, 17h23 - Textes
L’élection en juin de cette année à l’Assemblée nationale d’une femme de chambre en a choqué plus d’un·e. Une journaliste conservatrice s’est même inquiétée que Rachel Kéké, c’est son nom, puisse être démunie devant une tâche pareille et ait besoin d’une « formation » (1). Dans ma circonscription a un jour été élu un dentiste dont c’était le premier mandat et il était évident que son diplôme d’odontologie lui donnait accès aux arcanes du pouvoir législatif.
Ce qui est choquant, c’est moins la présence que l’absence des classes populaires sur les bancs de l’assemblée : six ouvrièr·es pour 175 cadres et professions intellectuelles, deux technicien·nes pour 83 professions libérales. Loin de représenter, au sens de donner à voir le peuple réuni en assemblée, l’élection sélectionne des personnes que leur classe sociale, leur genre, leur ambition ou l’illusion de leur mérite personnel appelle à représenter les autres, à parler en leur nom (2).
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dimanche, 1 mai, 2022
Par Aude le dimanche, 1 mai, 2022, 20h12 - Lectures
Mickaël Correia, Criminels climatiques. Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète, La Découverte, 2022, 190 pages, 19 €
Au début des années 2000, l’industrie pétrolière promeut le concept d’empreinte carbone. Chacun·e selon son mode de vie a une empreinte comptabilisée en émissions de gaz à effet de serre (GES) : kilomètres en voiture ou en avion, alimentation, achats, chauffage correspondent à des consommations énergétiques et aux émissions de GES conséquentes. Et si, au-delà des individus, on comptait l’empreinte carbone des pays ? celle des entreprises ? et pourquoi pas celle des entreprises qui livrent l’énergie aux consommateurs finaux ? L’idée semble a priori simple ou bien alors incongrue car ces entreprises ne se contentent-elles pas de fournir aux dits consommateurs ?
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mercredi, 19 janvier, 2022
Par Aude le mercredi, 19 janvier, 2022, 09h02 - Textes
La viande est en passe de devenir le énième emblème identitaire, marqueur de francité ou de progrès social. La droite rance réagit au quart de tour quand il est question de végétarisme. L’annonce de menus végétariens sans possibilité de choix dans les écoles lyonnaises avait déclenché une véritable panique morale, quand bien même la mesure avait été mise en place par la mairie de droite avant la victoire d’EELV, pour fluidifier la circulation dans les cantines par temps de Covid. À les entendre, c’est Mozart qu’on assassine, les enfants pauvres qu’on prive de subsistance, les éleveurs qu’on condamne à un suicide certain.
Cette droite est désormais suivie par le candidat communiste pour qui la tradition française et la qualité de la nourriture se confondent en une devise ternaire : « Viande, fromage, vin (avec modération). » Exit les patates du gratin dauphinois, les haricots du cassoulet, les pommes de la tarte Tatin, le populo veut de la barbaque et du frometon, la gauche va leur en donner !
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lundi, 6 décembre, 2021
Par Aude le lundi, 6 décembre, 2021, 20h13 - Lectures
Aurélien Berlan, Terre et liberté. La Quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance, La Lenteur, 2021, 220 pages, 16 €
Le constat par lequel commence la démonstration d’Aurélien Berlan, c’est celui d’une « liberté dans le coma » : pourquoi la révélation que les États surveillent les communications de leurs citoyen·nes ne nous a-t-elle pas plus ému·es que ça ? Parce que nous le savions déjà ou parce que cette liberté-là, celle d’avoir une vie vraiment privée, ne nous importe pas tant ? Les classiques du libéralisme mettaient pourtant au-dessus de tout les libertés individuelles : d’opinion, d’expression, de mouvement, d’association, de faire des choix de vie qui nous appartiennent et accessoirement ne pas être surveillé·e. Cette liberté-là s’est construite contre des droits politiques à exercer collectivement, comme la souveraineté politique. L’auteur reprend dans les détails la pensée de Benjamin Constant (le théoricien de la liberté de ne se mêler que de ses propres affaires et d’abandonner à d’autres le gouvernement de la cité) pour affirmer qu’au fond, cette liberté des libéraux est la délivrance des exigences du quotidien : être au chaud sans couper du bois (ou au frais sans avoir planté d’arbre), repu·e sans avoir cultivé ni préparé sa nourriture, pouvoir se détacher de son lieu de vie, etc. Délivrance qui inclut également de ne plus avoir se soucier de politique, ne plus s’engager publiquement.
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samedi, 23 octobre, 2021
Par Aude le samedi, 23 octobre, 2021, 13h45 - Textes
Connaissez-vous l’agneau de Scythie ? C’est une plante assez semblable à première vue au coton, en forme d’agneau, mais sa fleur s’avère d’une structure et d’un goût proches de la chair de l’écrevisse. Cette plante extraordinaire, rare mais attestée au nord de la mer Noire, est décrite par nombre d’auteurs classiques qui se citent les uns les autres sans l’avoir jamais vue car elle n’existe pas. L’entrée « Agnus Scythus », qui se trouve dès la lettre A dans l’Encyclopédie de Diderot (l’auteur de l’article) et d’Alembert, est parfois considérée comme un modeste manifeste des Lumières, léger et ironique, une invitation à l’esprit critique et à l’irrévérence.
À entendre la droite rance de ce début de XXIe siècle, d’Anne Hidalgo à Zemmour, les Lumières sont au contraire un véritable mythe national, monolithique et très révérencieux. Qui a tort ? Qui a raison ? Autrice d’un mémoire de deuxième cycle universitaire consacré à Denis Diderot, j’ai une connaissance des Lumières non seulement très biaisée par mon travail sur cet auteur mais aussi légèrement embrumée par le temps qui a passé depuis lors. Elle est néanmoins plus sûre que celle, simpliste, de tristes sires ignorants s’abritant derrière ce mythe et d’autres pour justifier leur haine de l’autre et leur autoritarisme, désormais leur seule manière d’envisager la vie sociale.
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dimanche, 19 septembre, 2021
Par Aude le dimanche, 19 septembre, 2021, 09h30 - Lectures
Marina Garcés, Nouvelles Lumières radicales, traduction Anne Bardez, La Lenteur, 2020, 90 pages, 10 €
Comme je l’exprimais dans le billet d’à côté, les Lumières sont mises à rude épreuve dans cette France qui se repaît d’autoritarisme et de haine. Aussi l’ouvrage de Marina Garcés, Nouvelles Lumières radicales, fait-il office de bouée de sauvetage en ces temps inquiétants. L'autrice commence par appeler « projet de modernisation » l’industrialisme, le capitalisme, le colonialisme et le réductionnisme qui constituent des éléments majeurs de notre culture européenne :
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dimanche, 15 août, 2021
Par Aude le dimanche, 15 août, 2021, 20h27 - Lectures
Hélène Tordjman, La Croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande, La Découverte, 2021, 352 pages, 22 €
La Croissance verte contre la nature est certainement le plus grand livre d’écologie de l’année. L’économiste Hélène Tordjman s’y attaque aux évolutions de la technologique et du capitalisme et à leur nouvelle prise en compte des questions environnementales. Entamé il y a moins de vingt ans, ce virage « vert » n’entend pas sortir de l’ornière productiviste mais ses innovations sont désormais accompagnées de justifications écologiques. Tordjman documente donc plusieurs dossiers pour tenter d’en comprendre les racines idéologiques et les logiques économiques.
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vendredi, 16 juillet, 2021
Par Aude le vendredi, 16 juillet, 2021, 09h39 - Textes
La pandémie de Covid-19 s’est propagée à une vitesse jamais vue, la vitesse des classes les plus mobiles, au mode de vie le plus globalisé, de nos sociétés. Son origine est encore incertaine mais, qu’il s’agisse d’une fuite d’un labo P4 ou d’une zoonose (maladie se transmettant de l’animal à l’humain, c’est le cas de 75 % des maladies émergentes contre 60 % des maladies infectieuses classiques) due à la destruction d’écosystèmes, elle a des causes qui tiennent bien à notre modernité industrielle. Voilà qui converge avec la critique d’une partie des critiques de la technique et autres écologistes radicaux et radicales.
Mais outre ces quelques éléments, cette pandémie a des airs plus familiers – que nous pensions ne plus jamais connaître, nous qui vivons dans des sociétés industrielles et très médicalisées. Les maladies infectieuses ont beaucoup reculé au XXe siècle, notamment en raison de la vaccination, et les maladies du mode de vie les ont remplacées : maladies cardio-vasculaires, diabète, cancers sont nos maladies de riches. Et nous voilà de nouveau vulnérables à ces maladies de pauvres.
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mardi, 9 mars, 2021
Par Aude le mardi, 9 mars, 2021, 16h02 - Lectures
Claude Aubert, Les Apprentis sorciers de l’azote. La Face cachée des engrais chimiques, Terre vivante, 2021, 144 pages, 15 €
Chaque année au printemps, c’est la saison des épandages agricoles. Une pollution mal connue qui pourtant est responsable de la présence dans l’air, entre autres, de particules fines PM 2,5 (de moins de 2,5 micromètres). Ces particules fines provoquent chaque année des morts prématurées mais elles sont aussi mises en cause pour l’aggravation de maladies respiratoires transmissibles, dont le Covid. Le confinement du printemps 2020, qui a vu une baisse jamais observée auparavant des transports, a été l’occasion de constater l’impact spécifique de notre agriculture, dû notamment aux engrais azotés. Et alors que les autres pollutions de l’air baissent depuis quelques décennies, celles-ci restent stables. C’est à ce problème et à d’autres que l’agronome Claude Aubert, pionnier de l’agriculture bio, consacre un ouvrage simple, clair et joliment illustré.
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mardi, 14 avril, 2020
Par Aude le mardi, 14 avril, 2020, 09h40 - Textes
Dans
Les Besoins artificiels,
Razmig Keucheyan montre combien la consommation est un geste politique, non pas
parce que les choix individuels auraient le pouvoir de réorienter le marché
(une certaine aporie de la pensée écolo-alternative) mais parce que l'union des
consommateurs, sur le modèle de l'union des travailleurs à laquelle elle fut
d'ailleurs liée, est un outil sous-estimé et sous-utilisé pour ne plus subir
l'offre et contribuer à une démocratie économique. Tout intéressant qu'il soit,
cet ouvrage ne pose pas comme il le promet la question de la construction des
besoins, notamment par l'offre.
J'ai bien peur que nous ne soyons pas dans L'An 01, appelé·es à
reconsidérer nos besoins pour imaginer ensemble une société décente… J'ai bien
peur que ce qui nous attend ne soit pas un grand banquet démocratique où les
idées les plus généreuses et les moins bêtes triompheront… J'ai néanmoins envie
de poser ici cette question au sujet de l'avion, stimulée par des débats
récents du confinement et par ma relative déception devant l'ouvrage de
Keucheyan. Tentant de faire la part entre besoins authentiques et besoins créés
par l'offre, celui-ci affirme : « Voyager est devenu un besoin
authentique. (…) La démocratisation du voyage est un acquis. »
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dimanche, 1 mars, 2020
Par Aude le dimanche, 1 mars, 2020, 16h40 - Textes
S'il est une chose bien matérielle que les pays occidentaux pensent avoir
apportée aux pays qu'ils ont colonisés, c'est les chemins de fer.
« Rendez-vous compte, grâce à nous ! » nous disent celles et
ceux qui malgré des années passées sur les bancs des écoles, collèges et
lycées, ignorent tout un pan de l'histoire de leur pays, celui qui concerne sa
relation avec une partie du monde qu'il a tenue sous sa dépendance coloniale.
Rien que ça. Cette histoire compte pour comprendre le monde d'aujourd'hui mais
notre ignorance à ce sujet est assez crasseuse. Alors si vous ne la connaissez
pas bien, plongez-vous dedans, d'autant qu'il est d'autres manières de
s'instruire, plus agréables que des cours magistraux. Dans Terre
d'ébène, son livre de reportages en Afrique de l'Ouest constamment réédité
depuis 1928, Albert Londres rappelle que le chemin de fer Congo-Océan n'a pas
été construit par la métropole mais par le travail forcé des locaux dont
17 000 moururent dans les travaux (ce
pour quoi la République française et Spie Batignolles ont été poursuivies).
Comme beaucoup de personnes éduquées en France, je ne connais pas mieux cette
histoire mais j'ai la chance d'avoir suivi quelques cours sans complaisance sur
une autre partie du monde.
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jeudi, 27 février, 2020
Par Aude le jeudi, 27 février, 2020, 11h53 - Lectures
Julia Laïnae, Nicolas Alep,
Contre l'alternumérisme, La Lenteur, 2020, 128 pages,
10 €
Julia Laïnae et Nicolas Alep tapent large en consacrant un petit livre à
l'« alternumérisme ». Large mais toujours juste, car chaque cible est
précisément définie et sa contribution à une « autre informatisation
possible » fait l'objet d'une critique sérieuse et bien documentée. Des
utopistes d'Internet aux inquiet·es des écrans, ces tendances ont ceci en
commun qu'elles ne refusent ni les outils numériques, ni leur omniprésence dans
la vie sociale, mais souhaitent en encadrer l'usage. Voyons plutôt.
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vendredi, 20 décembre, 2019
Par Aude le vendredi, 20 décembre, 2019, 11h38 - Textes
Les vies que nous menons depuis deux semaines, pour celles et ceux qui sont
tributaires de transports en commun en grève, ont fait apparaître l'inhumanité
de nos vies – en particulier en région parisienne. Nous naviguons d'habitude
sans trop de mal (encore que sans goût et sans aisance) dans des espaces
surdimensionnés, qui ne sont pas à taille humaine. Cela ne nous était peut-être
jamais apparu avec autant de clarté qu'il y a deux semaines. À combien de
kilomètres vivons-nous de notre travail – ou travaillons de notre
domicile ? Certes la durée est aussi une expérience sensible mais ces
15 km qui se faisaient en 50' sans y penser ont pris une réalité
particulière et sont devenus impossibles à surmonter. Il en est qui ont tenté
l'aventure les premiers jours et ont marché deux heures et demie à l'aller,
autant au retour, pour satisfaire à leurs obligations. D'autres ont découvert
le vélo dans les pires conditions : la masse critique est là mais les
équipement sont dimensionnés pour 5 % de cyclistes et les voitures se
pressent encore plus nombreuses et conduites par des personnes encore plus
énervées que d'habitude. Cette vie-là est un petit enfer. Même à vélo, même à
3,5 km de mon lieu de socialisation principal, je n'ai encore trouvé
aucune puissance dans cette nouvelle vie, hors les manifestations.
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mardi, 19 novembre, 2019
Par Aude le mardi, 19 novembre, 2019, 11h56 - Lectures
Cause animale, cause du capital, Jocelyne Porcher, Le
Bord de l'eau, Lormont, 120 pages, 12 €
Make the world a better place… Rendre le monde meilleur, c'est
l'objectif bien connu des start-ups qui préparent des initiatives disruptives
permettant au capitalisme d'effectuer les transitions nécessaires à sa survie –
malgré les trous qu'il creuse et les impasses qu'il emprunte. Jocelyne Porcher
n'y va donc pas par quatre chemins et peint pour introduire son ouvrage le
paysage économique et financier de la « viande » in vitro ou
« viande » de culture cellulaire, cette innovation qui devrait
permettre à terme de cesser de manger des animaux. Ce qu'on appelle
« agriculture cellulaire » semblait fou il y a encore quelques années
mais le kilo de « viande » cultivée en labo à partir de cellules
animales devrait dans les mois qui viennent être assez bas pour que le steak in
vitro apparaisse dans les restaus branchés (1). Suite à ce premier chapitre, la
sociologue, spécialiste de la relation humain-animal, déplie son propos :
d'où vient que c'est aujourd'hui que surgit cette préoccupation massive pour le
bien-être des animaux ? C'est parce que les alternatives aux productions
animales industrielles (responsables de la pollution des eaux et de l'air, de
l'emprise sur les terres via l'aliment du bétail, de problèmes sanitaires et
qui accessoirement ont des rendements économiques en baisse), ces alternatives
sont prêtes.
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mercredi, 18 septembre, 2019
Par Aude le mercredi, 18 septembre, 2019, 11h59 - Lectures
Mjólk de Grímur Hákonarson, sortie le 11 septembre
2019 en France
En France,
parmi les géants de l'agroalimentaire se trouvent en bonne place des
coopératives, dirigées par des paysan·nes pour des paysan·nes mais qui
mènent des politiques peu favorables à une majorité de leurs adhérent·es.
Comment donc les coopératives agricoles en sont-elles arrivées là ?
(Pourquoi sommes-nous gouverné·es par des élu·es menant des politiques
défavorables à une majorité de l'électorat, sans mentionner les générations
futures ?)
Inga et son mari sont un couple d'éleveurs laitiers dans un coin perdu
d'Islande. Elle assure les vêlages avec un bon coup de poignet. Lui complète le
maigre revenu de la ferme en conduisant un camion. Les deux se battent pour
tenir leur ferme à flots. Équipé·es d'un robot de traite avec d'efficaces
capteurs optiques de mamelles qui leur évite d'interagir chaque jour avec leurs
bêtes, ils passent plus de temps avec leurs machines. Dans sa cabine de
pilotage, elle consulte son Facebook l'air éteint. Lui ne va pas mieux et quand
son camion sort de la route une nuit, on découvre qu'il pourrait s'agir d'un
suicide…
La perte de son mari déclenche chez Inga une belle colère et cette femme
qu'on croyait éteinte, dont on distinguait à peine les traits, se révèle, y
compris aux spectateurs et spectatrices. Pour elle, c'est la coopérative qui
est responsable de la course de rats qu'on leur a fait mener, du suréquipement
et du chantage pour rester économiquement dépendant·es de la coop. La coop
aurait même demandé à son mari de signaler chaque livraison de produits achetés
ailleurs que chez elle, faisant de lui l'espion de ses collègues… Le président,
un éleveur de chevaux qui passe plus de temps en costard, récuse ses
accusations (qu'elle a publiées sur Facebook) et explique à Inga les bases de
l'engagement coopératif : se serrer les coudes entre paysan·nes, faire
vivre le tissu local, etc. Elle reprend ces belles paroles lors d'une AG des
producteurs laitiers : à la fin du XIXe siècle, les paysan·nes du coin se
sont doté·es d'un bel outil pour être indépendant·es de la tutelle danoise et
pour vivre mieux mais cet outil est aujourd'hui cassé.
Dans son précédent film Béliers, Grímur Hákonarson mettait en scène
deux frères fâchés à mort sur fond d'épidémie ovine et de prophylaxie agressive
(un animal malade et tout le troupeau doit être abattu). Ce nouvel opus met
toujours en scène
les conditions socio-économiques du désarroi des éleveurs et les personnes
qui le vivent, dans toute leur singularité. Ici une femme qui redonne du sens à
sa vie et qu'on accompagne à la fin du film, chantonnant sur une vieille
chanson pop à la radio qu'une nouvelle vie commence et que cette fois ce sera
bien la sienne. Pas celle de la coop.
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samedi, 16 juin, 2018
Par Aude le samedi, 16 juin, 2018, 17h37 - Textes
Il y a quelques mois je me suis inscrite sur Twitter, mue par diverses
motivations. La première était bassement intéressée, il s'agissait de
promouvoir les deux ouvrages que je venais ou m’apprêtais à publier. La seconde
était que j’avais déjà tweeté pour de basses raisons mercenaires et que je
n’étais pas contre l’idée de refaire ça un jour, il ne fallait pas trop perdre
la main. La plus excitante était de m’habituer à écrire en deux cent et
quelques signes, une écriture concise mais qui aurait quand même un peu de
sens, soit un petit défi. Et enfin je venais de quitter un réseau social
beaucoup trop intéressant : les discussions avec le cercle d’habitué·es
avec qui j’avais pris l’habitude d’interagir me prenaient trop de temps. Sans
surprise, j’ai aussi perdu beaucoup de temps chaque matin sur Twitter en
attendant que se réveillent mes fonctions physiologiques (il m’est même arrivé
de ne pas résister à l’envie d’y faire un tour en journée ou – pire – en
soirée). Beaucoup trop de temps pour que j’explore avec l’attention nécessaire
les pages vers lesquelles menaient les post sur lesquels je tombais. C’est
dommage, c’est un peu tout l’intérêt de la chose. C’est grâce à un lien posté
sur Twitter que j’ai appris la proportion de liens likés qui étaient
effectivement lus : un rappel de la nécessité de soigner ses titres pour
faire grossir le nombre du dixième d'égaré·es qui aurait eu l’idée saugrenue
d’aller lire (ou commencer à survoler) le texte pour lequel ils et elles
affirment si fort leur intérêt, se mettant au fond en scène likant un titre
pour son humour ou son adhésion aux même valeurs qu’eux et elles.
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jeudi, 22 février, 2018
Par Aude le jeudi, 22 février, 2018, 13h36 - Annonces

Quelques liens vers des entretiens autour d
'On achève bien les
éleveurs.
Les
Cahiers du bruit
Propos recueillis par Élise
« Plutôt que la question animale, qui est en vogue en ce moment dans des
milieux très différents (et jusqu’à l’université où il est question d’animal
studies), nous pensons que c’est le mode de production qui doit être clivant :
une agriculture hors-sol, parfaitement végétale et organisée par des mouvements
de capitaux à grande échelle ou une agriculture paysanne ? Après tout, les
hommes et les femmes qui triment dans les usines et sous les serres, comme ceux
et celles qui mangent les produits douteux de l’agro-industrie, sont aussi des
animaux. »
CQFD de mars
2018
Un entretien avec Sébastien Navarro dans le dossier « Reprendre la clef
des champs » sur la paysannerie.
«
Il y a
dans le livre un certain pessimisme qui tranche avec un discours
"alternativiste" qui dirait que oui c’est possible, on peut encore exister en
dehors du système. Effectivement, tout le monde peut faire pousser des légumes
bio. En revanche, produire, se dégager un revenu, mener une vie décente et le
tout de manière stable et pérenne, c’est vraiment un autre
défi. »
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dimanche, 10 décembre, 2017
Par Aude le dimanche, 10 décembre, 2017, 13h35 - Annonces
Vendredi 8 décembre, l'émission "Offensive
sonore" consacrait son émission sur Radio libertaire à On achève bien les
éleveurs. Il a été question d'administration de l'élevage, de puçage
et de résistances.
L'émission est directement
accessible ici mais allez faire aussi un tour sur le site de l'émission.
Dessin Guillaume Trouillard.
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