mardi, 28 mars, 2023
Par Aude le mardi, 28 mars, 2023, 09h02 - Lectures
Édouard Morena, Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, La Découverte, 2023, 168 pages, 21 €
Il y a quelques années surgissait une écologie people. Les stars s’engageaient pour la planète : Mélanie Laurent co-réalisait le film Demain avec Cyril Dion, Leonardo DiCaprio invitait sur son yacht géant le petit Pierre Rabhi, Aurélien Barrau et Juliette Binoche engageaient, avec leurs ami·es du monde du cinéma, l’humanité à se ressaisir et les autorités à prendre des mesures coercitives s’il le fallait (1). Tous leurs discours avaient en commun une écologie niaise, faisant l’impasse sur notre organisation sociale et sur la liberté donnée aux plus gros acteurs économiques d’user et d’abuser des ressources naturelles (2). Le livre du politiste Édouard Morena n’est pas consacré à ces petits fours-là mais la lecture de son livre donne des clefs pour comprendre qu’il ne s’agit pas là de niaiserie mais d’une stratégie de classe très consciente appuyée sur la niaiserie de certaines personnalités.
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dimanche, 1 mai, 2022
Par Aude le dimanche, 1 mai, 2022, 20h12 - Lectures
Mickaël Correia, Criminels climatiques. Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète, La Découverte, 2022, 190 pages, 19 €
Au début des années 2000, l’industrie pétrolière promeut le concept d’empreinte carbone. Chacun·e selon son mode de vie a une empreinte comptabilisée en émissions de gaz à effet de serre (GES) : kilomètres en voiture ou en avion, alimentation, achats, chauffage correspondent à des consommations énergétiques et aux émissions de GES conséquentes. Et si, au-delà des individus, on comptait l’empreinte carbone des pays ? celle des entreprises ? et pourquoi pas celle des entreprises qui livrent l’énergie aux consommateurs finaux ? L’idée semble a priori simple ou bien alors incongrue car ces entreprises ne se contentent-elles pas de fournir aux dits consommateurs ?
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mardi, 15 mars, 2022
Par Aude le mardi, 15 mars, 2022, 20h22 - Textes
Et si, pour protéger les espèces vivantes de cette planète, nous décidions de préserver la moitié des terres de toute agriculture ? C’est la proposition qui est faite par les tenants du sparing, de l’anglais pour épargner. Cette idée part du principe que notre agriculture est destructrice des milieux et que la meilleure façon de limiter son impact est de limiter les surfaces sur lesquelles elle se déploie. Dans ce cadre de pensée-là, la productivité plus faible de l’agroécologie (1), plus gourmande en espaces, en fait un choix… moins écologique. Le biologiste Edward Osborne Wilson a présenté en 2016 cette idée dans un ouvrage, Half-Earth, jamais traduit en français. Benjamin Phalan, l’un des chercheurs qui la soutient, montre que les populations animales s’en sortent mieux dans les espaces sauvages que cultivés, même de manière écologique, et selon lui « la plupart des espèces auraient des populations plus fournies si la nourriture était produite sur les surfaces les plus réduites possible, épargnant les plus grandes surfaces de végétation sauvage possible » (les citations sont tirées d’un article lumineux de Fred Pearce).
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mercredi, 19 janvier, 2022
Par Aude le mercredi, 19 janvier, 2022, 09h02 - Textes
La viande est en passe de devenir le énième emblème identitaire, marqueur de francité ou de progrès social. La droite rance réagit au quart de tour quand il est question de végétarisme. L’annonce de menus végétariens sans possibilité de choix dans les écoles lyonnaises avait déclenché une véritable panique morale, quand bien même la mesure avait été mise en place par la mairie de droite avant la victoire d’EELV, pour fluidifier la circulation dans les cantines par temps de Covid. À les entendre, c’est Mozart qu’on assassine, les enfants pauvres qu’on prive de subsistance, les éleveurs qu’on condamne à un suicide certain.
Cette droite est désormais suivie par le candidat communiste pour qui la tradition française et la qualité de la nourriture se confondent en une devise ternaire : « Viande, fromage, vin (avec modération). » Exit les patates du gratin dauphinois, les haricots du cassoulet, les pommes de la tarte Tatin, le populo veut de la barbaque et du frometon, la gauche va leur en donner !
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dimanche, 15 août, 2021
Par Aude le dimanche, 15 août, 2021, 20h27 - Lectures
Hélène Tordjman, La Croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande, La Découverte, 2021, 352 pages, 22 €
La Croissance verte contre la nature est certainement le plus grand livre d’écologie de l’année. L’économiste Hélène Tordjman s’y attaque aux évolutions de la technologique et du capitalisme et à leur nouvelle prise en compte des questions environnementales. Entamé il y a moins de vingt ans, ce virage « vert » n’entend pas sortir de l’ornière productiviste mais ses innovations sont désormais accompagnées de justifications écologiques. Tordjman documente donc plusieurs dossiers pour tenter d’en comprendre les racines idéologiques et les logiques économiques.
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vendredi, 30 avril, 2021
Par Aude le vendredi, 30 avril, 2021, 08h24 - Annonces
Aux premières heures du jour, des tas de feuilles mortes et d’emballages plastiques brûlent devant les maisons de Kalianyar, un village de Java-Est où vit M. Slamet Riyadi. Ce dernier travaille dans le tourisme après avoir appris l’anglais en autodidacte. Il sait que la combustion ne fait pas tout disparaître. « Comme ils ne voient plus rien, les villageois croient qu’il n’y a plus rien. Or le plastique reste ! » Il aimerait monter une association pour trier les déchets, vendre ce qui peut être recyclé, composter les matières organiques, et pour le reste… il verra.
Il est bien le seul à s’inquiéter des fumées pleines de dioxines. Les plastiques ne font l’objet d’aucune collecte dans les campagnes indonésiennes. Pourtant, ils abondent dans la vie quotidienne. Au marché du bourg voisin, Tamanan, deux stands vendent des emballages à usage unique, sachets et boîtes en polystyrène, dont les autres marchands et marchandes font grand usage. Les doses individuelles sont légion : non seulement elles sont pratiques, mais surtout elles permettent aux ménages pauvres d’effectuer leurs dépenses au jour le jour. Quand ces déchets ne sont pas brûlés, ils s’accumulent au bord des routes et dans les cours d’eau.
La suite dans le Monde diplomatique de mai 2021, en kiosques actuellement.
English version translated by Charles Goulden
Aluvión de residuos plásticos en el sudeste asiático
Unser Müll in Java. Südostasien versinkt im Plastik
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mercredi, 24 mars, 2021
Par Aude le mercredi, 24 mars, 2021, 20h57 - Textes
Cet hiver le Haut conseil pour le climat, une instance créée en 2018 pour « apporter un éclairage indépendant sur la politique du gouvernement en matière de climat », a livré un rapport sur l'impact écologique du déploiement de la 5G. Ce rapport, commandé par le Sénat, anticipe une augmentation de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre due à l'utilisation de cette nouvelle technique, pourtant plus efficace que la 4G. L'empreinte carbone du numérique, aujourd'hui autour de 15 millions de tonnes par an en France, est amenée à croître ces prochaines années mais le déploiement de la 5G devrait entraîner vers 2030 un doublement de cette croissance, a minima, si ce n'est un quadruplement. Les raisons en sont le renouvellement du matériel, l'effet-rebond des consommations (soit les nouveaux usages induits par exemple par l'Internet des objets, si j'ai bien compris). Le tout nous entraînant vers une empreinte de 25 millions de tonnes bien incompatible avec les engagements déjà peu ambitieux de la France en matière d'émissions.
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vendredi, 19 mars, 2021
Par Aude le vendredi, 19 mars, 2021, 17h02 - Lectures
Glenn Albrecht, Les Émotions de la Terre. Des nouveaux mots pour un nouveau monde, Les Liens qui libèrent, 2021, 366 pages, 9,90 €
Lors du premier confinement, c'est un fait qui est apparu avec plus d'évidence que jamais : la nature fait du bien, au corps et à l'esprit. Or dans une société industrielle qui détruit son milieu, l'accès à la nature est restreint ou dégradé. Glenn Albrecht a nommé le malaise devant cette dégradation la solastalgie, néologisme ou plutôt mot-valise évoquant la consolation et la nostalgie, soit la douleur d'avoir perdu un milieu qui faisait du bien. Ce philosophe australien est d'ailleurs gourmand de néologismes, les siens et ceux des autres. On connaît la nostalgie (un mot inventé au XVIIe siècle pour décrire le sentiment douloureux pour un pays éloigné et, dans une acception plus récente, une époque révolue) ; l'Anthropocène, la période géologique qui a succédé à l'Holocène et se caractérise par le changement apporté par l'être humain (on y reviendra) à son milieu ; l'écocide (l'équivalent d'un crime de guerre ou crime contre l'humanité mais perpétré contre le milieu). Je dis « milieu » pour éviter cette expression récusée par l'auteur d'« environnement », bien trop anthropocentrique. À ces mots il faut ajouter ses créations propres, entre beaucoup d'autres la météoranxiété, ou angoisse devant un climat devenu imprévisible, la Terraphthora, les forces qui détruisent la Terre alors que la Terranascia est au contraire l'ensemble des forces créatrices.
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mardi, 9 mars, 2021
Par Aude le mardi, 9 mars, 2021, 16h02 - Lectures
Claude Aubert, Les Apprentis sorciers de l’azote. La Face cachée des engrais chimiques, Terre vivante, 2021, 144 pages, 15 €
Chaque année au printemps, c’est la saison des épandages agricoles. Une pollution mal connue qui pourtant est responsable de la présence dans l’air, entre autres, de particules fines PM 2,5 (de moins de 2,5 micromètres). Ces particules fines provoquent chaque année des morts prématurées mais elles sont aussi mises en cause pour l’aggravation de maladies respiratoires transmissibles, dont le Covid. Le confinement du printemps 2020, qui a vu une baisse jamais observée auparavant des transports, a été l’occasion de constater l’impact spécifique de notre agriculture, dû notamment aux engrais azotés. Et alors que les autres pollutions de l’air baissent depuis quelques décennies, celles-ci restent stables. C’est à ce problème et à d’autres que l’agronome Claude Aubert, pionnier de l’agriculture bio, consacre un ouvrage simple, clair et joliment illustré.
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samedi, 23 janvier, 2021
Par Aude le samedi, 23 janvier, 2021, 13h47 - Lectures
James C. Scott, Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États, traduit de l’anglais par Marc Saint-Upéry, La Découverte, 2021, 324 pages, 13 €
C’est un récit classique, celui d’une humanité qui se dirige de manière continue vers son accomplissement. Jadis sans État ni agriculture, nos ancêtres découvrirent enfin comment planter des céréales puis comment s’organiser dans des formes politiques de plus en plus complexes. James C. Scott va à rebrousse-poil (against the grain en anglais, c’est aussi le titre original du livre) de cette histoire en présentant un tableau beaucoup plus critique des premiers États et de l’hésitation entre sociétés avec ou sans État. Car il ne s’agit déjà pas d’une histoire linéaire. Les individus qui vivent sous un État peuvent s’en libérer et les États eux-mêmes s’effondrer – sans que les individus qui y vivaient ne s’en trouvent plus mal.
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dimanche, 4 octobre, 2020
Par Aude le dimanche, 4 octobre, 2020, 11h52 - Lectures
Friction. Délires et faux-semblants de la globalité, Anna Lowenhaupt Tsing, La Découverte, 2020, 460 pages, 24 €
En 1998, le leader autoritaire indonésien Suharto doit abandonner le pouvoir. Les années qui suivent sont celles de la Reformasi, mouvement de démocratisation qui est aussi une période de grande insécurité : la déforestation s'accélère et l'armée empoche les dessous de table. Anna Tsing écrit dans les années suivantes, depuis l'île de Bornéo, cet ouvrage, Friction, où il est question d'un aventureux entrepreneur canadien, d'étudiant·es amateurs de nature, d'une femme qui cite une millier d'espèces animales et végétales présentes autour d'elle, de chef·fes de village capables de parler la langue des écologistes comme celle des développeurs. Entre autres. L'autrice, connue du lectorat français pour son livre Le Champignon de la fin du monde (La Découverte, 2017), est anthropologue et travaille depuis les années 1980 à Bornéo (ou Kalimantan), dans la partie indonésienne de cette île, la plus grande de l'archipel, jadis couverte de forêts équatoriales.
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dimanche, 16 août, 2020
Par Aude le dimanche, 16 août, 2020, 17h21 - Malaisie et Indonésie
Au bout d’une heure de piste entre les plantations de palmiers à huile, nous voilà enfin sur une route goudronnée, au milieu de la forêt. Les panneaux avertissent de possibles passages d’éléphants et leurs excréments encore frais au milieu de la chaussée confirment cette présence. L’entrée du parc naturel national d’Endau-Rompin, le deuxième plus grand de Malaisie occidentale derrière l’emblématique Taman Negara, est au bout de la route, à côté d’un village autochtone jakun, population autochtone du sud de la péninsule Malaise. Les maisons sont modestes, les environs plantés d’arbres et les habitant·es sillonnent le village sur leurs scooters. Nous sommes à Kampung Peta, le village le plus en amont de la rivière Endau qui se jette dans la mer de Chine méridionale, au sud de la péninsule.
La suite sur le site de Visions carto.
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dimanche, 19 janvier, 2020
Par Aude le dimanche, 19 janvier, 2020, 11h35 - Textes
C'est une affirmation à tempérer mais, sans attendre des
politiques de transition écologique, nous avons dès maintenant la possibilité
et la responsabilité de baisser notre impact sur l'environnement en adoptant
quelques bons principes de vie : choisir les mobilités douces, acheter des
produits bio tant alimentaires que cosmétiques, d'entretien ou textiles, trier
ses déchets, rénover sa maison avec des matériaux écologiques, habiter un
logement pas trop grand, produire moins de déchets en utilisant des objets
réutilisables et des aliments en vrac et moins transformés, moins chauffer son
logement, ne jamais prendre l'avion. J'en oublie peut-être…
Ces quelques principes semblent opposer des classes conscientisées de
centre-ville (qui vivent assez près de de leur emploi pour y aller à vélo, ont
les moyens de manger bio, peuvent assumer les surcoûts de certaines pratiques
de consommation quand il faut choisir un produit plus écologique) à ces classes
populaires qui se sont insurgées l'hiver dernier à propos d'éco-taxes sur le
diesel, lesquelles sont dépendantes
de la voiture, n'ont pas les moyens de faire entrer dans leurs critères de
consommation les questions écologiques et le voudraient-elles vraiment ?
Il est une idée qui s'impose d'après laquelle cette écologie des ménages, qui
constituerait notre principale marge de manœuvre pour faire changer
radicalement nos sociétés, appartiendrait au registre d'une classe sociale,
éduquée et à l'aise financièrement (1) pendant que les autres
sont au mieux captives, au pire rétives.
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dimanche, 1 décembre, 2019
Par Aude le dimanche, 1 décembre, 2019, 14h21 - Lectures
Les Besoins
artificiels. Comment sortir du consumérisme, Razmig Keucheyan, La
Découverte, « Zones », 2019, 250 pages, 18 euros
Depuis quelques années le Black Friday, ce lendemain de Thanksgiving dévoué à
la consommation, donne lieu en France à des soldes frénétiques. L'édition de
2019 a été également l'occasion de nombreuses actions de sabotage, dans le
monde comme ici. L'impact écologique et social de la fièvre acheteuse est
connu, régulièrement dénoncé. Le Buy Nothing Day du magazine
Adbusters, dernier samedi de novembre, a longtemps été marqué d'une
pierre blanche dans l'agenda des militant·es de la décroissance, un jour dédié
à des actions de sensibilisation dans les temples de la consommation. Mais
l'urgence climatique toujours plus pressante, la part croissante de la vente en
ligne et de ses conséquences
sociales
et
écologiques,
tout ça a donné cette année des actions directes plus radicales, souvent menées
dans les magasins plutôt que dans les nœuds logistiques. Cette orientation,
côté consommation plutôt que production, a suscité quelques malaises :
« Le Black Friday, c'est l'occasion pour des classes moins aisées de payer
des cadeaux pas trop chers à leur petite famille », ai-je entendu ici ou
là. L'urgence écologique, oui, mais acheter pour Noël (1) est un besoin qui
doit être pris en compte. Peut-être est-ce là un de ces besoins artificiels à
remettre en cause ? Et comment ?
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samedi, 10 août, 2019
Par Aude le samedi, 10 août, 2019, 12h58 - Textes
Il y a quelques jours, j'ai eu l'idée saugrenue de demander à un colibri de ma
connaissance s'il avait bien supporté la lecture d'
Égologie
et celui-ci en est venu à critiquer les mouvements écolos qui se complaisent
dans leur singularité et le fait qu'ils ont raison tandis que les autres ne
sont que des imbéciles. Vu la gravité de l'enjeu, me disait-il, il faut s'unir,
tous les efforts sont bons à prendre. Oui. Mais non.
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dimanche, 23 juin, 2019
Par Aude le dimanche, 23 juin, 2019, 16h22 - Malaisie et Indonésie
Une série de trois reportages publiés sur
Asialyst.com
En août 2018, les biologistes
militant·es de l'association Ecoton à Java me font visiter une
décharge sauvage à quelques kilomètres de leur siège. Des
déchets plastiques triés par des travailleurs pauvres, une partie brûlée comme
combustible, sans filtre, dans l'usine de tofu voisine… Je prends quelques
photos pendant que les chiffonniers m'exhibent l'une de leurs trouvailles, un
drapeau états-unien. Deux ans plus tôt, j'avais visité une usine de recyclage
de papier qui s'était engagée sous l'influence d'Ecoton pour augmenter la
qualité de ses rejets dans la rivière. Ces décharges constituent un gros recul
écologique, dans une région où les déchets ménagers ne sont pas même
collectés.
C'est que l'année 2018 a été celle d'une crise mondiale des déchets
plastiques, suite au choix de la Chine de ne plus assurer leur
recyclage. Les industriels cherchent alors d'autres débouchés et lorgnent sur
les pays voisins. La Malaisie et l'Indonésie en font les frais, hésitant à
refuser elles aussi l'importation de ces déchets, au centre d'une activité
économique émergente. Mais à la fin de l'année, il faut se rendre à
l'évidence : beaucoup d'acteurs véreux ne font pas du recyclage mais une
gestion à moindre coût pour profiter de l'aubaine. Stockage de déchets dans des
usines qui sont abandonnées une fois pleines, décharges sauvages dans la
nature, combustion sans filtre qui libère des fumées toxiques, etc.
Pendant des mois, les riverain·es, qui commencent à souffrir des pollutions,
découvrent ces sites autour de leurs villages. Les associations écologistes
sont sur le terrain. Greenpeace produit à l'automne 2018 un premier rapport qui
concerne l'ensemble de l'Asie du Sud-Est. Les Amis de la Terre Malaisie
interpellent le gouvernement sur l'interdiction des
importations et travaillent main dans la main avec GAIA (Global
Alliance for Incinerator Alternatives). C'est Mageswari Sangaralingam, une
Malaisienne que j'ai déjà rencontrée sur d'autres luttes, qui fait le lien
entre les deux. En avril 2019, la question est largement traitée par les médias
malaisiens et arrive sur le devant de la scène. Le gouvernement est convaincu
et le contexte international s'éclaircit : une conférence à Genève propose
d'intégrer les déchets plastiques non-recyclables à la convention de Bâle sur
les déchets dangereux – ce qu'ils sont – pour en interdire le trafic
international. Prigi, de l'association Ecoton, et Mageswari, tou·tes deux à
Genève, ont eu gain de cause.
Chapitre 3 : Quand l'Asie du Sud-Est nous renvoie nos déchets
plastiques
Aujourd'hui les déchets plastiques sont toujours là, en particulier en
Malaisie qui a reçu le plus gros contingent. Et d'autres arrivent encore, que
les autorités portuaires découvrent sur les docks de Port Klang et de
Butterworth, les deux plus gros ports du pays, sur le détroit de Malacca. Ils
sont cachés dans les conteneurs sous des déchets légaux recyclables ou bien
sous de fausses déclaration. Le 17 juin, il y a à Butterworth pas moins de
400 conteneurs en attente de renvoi à leur envoyeur… aux frais
des autorités malaisiennes qui doivent en outre faire la chasse aux
contrebandiers et nettoyer les sites pollués. Il est temps que les pays
développés, qui envoient en
Europe de l'Est ou en Asie une (petite) partie de leurs déchets, les
retraitent tous à la maison.
Plein de liens à suivre sur le site d'Asialyst mais des bonus ici
:
Les pauvres ne comprennent rien à l'écologie mais les riches, si ? Chronique rigolote de Guillaume
Meurice.
En France aussi on sait jeter du plastique à la flotte.
Excellente histoire politique
de l'emballage perdu et du recyclage par Grégoire Chamayou.
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mercredi, 1 mai, 2019
Par Aude le mercredi, 1 mai, 2019, 03h44 - Malaisie et Indonésie
Les touristes occidentaux qui arpentent les routes du Sud-Est
asiatique sont toujours choqués par l’omniprésence de déchets plastiques dans
l’environnement de la péninsule et de l’archipel. Le plastique abonde dans la
vie quotidienne, qu’il s’agisse d’usage unique ou d’objets. Dans les
supermarchés et les épiceries, les contenants en verre ou en carton sont plus
rares qu’en Europe et les doses individuelles plus répandues. Dans les marchés,
les emballages en feuilles de bananier ont laissé place au plastique et parmi
les stands, il en est souvent un qui vend aux commerçants les sacs en plastique
et boîtes en polystyrène dont ils font un usage abondant. Le traitement des
déchets pose problème : les infrastructures sont mauvaises ou inexistantes et
dans les zones rurales les déchets ne sont pas collectés, chaque famille
brûlant dans son jardin ses emballages de snacks, sacs ou bouteilles en
plastique. À ces difficultés s’ajoutent désormais celles que connaît la région
depuis qu’elle suscite les convoitises des acteurs du marché mondial du
recyclage des déchets. Car le problème des déchets domestiques est aggravé par
l’importation de ceux des pays riches, des États-Unis au Japon, en passant par
l’Europe.
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mercredi, 12 décembre, 2018
Par Aude le mercredi, 12 décembre, 2018, 14h42 - Textes
C’est bientôt Noël et c’est déjà l’overdose. Des pubs qui dégoulinent de
rouge, des passant·es avec leurs gros sacs en papier remplis de cadeaux venus
du cœur et d’usines où le travail est bon marché, des questions existentielles
sur ce qu’on aimerait recevoir alors qu’il faut bien l’admettre, on n’a
franchement besoin de rien… ou bien de tout. C’est la grande bouffe et il y a
du monde à table. Des week-ends en avion dans une ville où on n’a personne à
aller voir (à part un hôte AirBnB) aux changements d’équipement parce qu’un
nouveau vient de sortir qui est tellement mieux (et pas parce que l’ancien ne
marche plus), tout déborde.
Et à côté de ça, les histoires de ces familles qui payent les activités de
leurs enfants, vingt euros l’année grâce aux aides municipales, en trois fois
sans frais ou de ce petit garçon qui raconte à ses copains de classe qu’hier il
a dîné – parce que c’est pas tous les soirs que ça arrive.
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mardi, 2 octobre, 2018
Par Aude le mardi, 2 octobre, 2018, 03h27 - Textes
C’était il y a presque vingt ans. La formatrice était venue avec son bébé,
qu’elle allaitait, pour nous présenter les grandes lignes de ce qu’est le
changement climatique. Les particules de gaz à effet de serre plus denses dans
l’atmosphère, qui font que l’énergie solaire est recapturée en plus grande
proportion après qu’elle a touché la Terre. Le réchauffement de la planète, qui
s’ensuit, ces deux ou trois degrés (selon les différents scénarios) qui ne sont
pas uniformément répartis mais constituent une énergie en plus phénoménale,
laquelle nourrit des épisodes climatiques plus intenses et plus fréquents. Et
puis ce qu’on peut y faire : un quart des émissions dû aux transports, un
autre à l’agriculture (pas seulement l'élevage mais aussi le mésusage des
sols), un autre au bâtiment, un dernier à l’industrie et une troisième moitié
pour tout ce que nous achetons sur le marché mondial et qui n'est pas compté
dans la consommation nationale… Les solutions ? Des techniques plus
écologiques et moins industrielles et une réduction : du nombre de
kilomètres effectués par les biens et les personnes, de la consommation, de
l'extraction des ressources, etc. Changer de mode de vie mais aussi changer de
modèle économique. Ça tombait bien, les échos de Seattle se faisaient encore
entendre et la mondialisation néolibérale était nommée, décrite et
combattue.
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dimanche, 18 mars, 2018
Par Aude le dimanche, 18 mars, 2018, 09h23 - Lectures
Nicolas Rouillé, Timika, Anacharsis, Toulouse, 2018,
492 pages, 22 euros.
« Western papou », prévient la couverture. Timika, cette ville de
Papouasie occidentale située dans les environs de la plus grande mine d'or du
monde, a en effet des airs de ville-frontière pourrie par la corruption, le
fric de l'or qui ruisselle tant bien que mal, pourrie enfin par cette guerre
méconnue que l'Indonésie mène contre les Papous. Si aujourd'hui ce grand
archipel épouse parfaitement les frontières des Indes néerlandaises, une
création coloniale, cela n'a rien d'une évidence car la Nouvelle Guinée est une
île peuplée de Papous, peuple mélanésien et chrétien. Sa partie occidentale a
été rattachée de force à l'Indonésie dans les années 1960, suite à une annexion
forcée et à un référendum sous contrôle, avec la complaisance de la communauté
internationale. Jakarta mène depuis lors une guerre pour garder le territoire
dans son giron. Car, qu'il s'agisse de bois ou de métaux, l'île est aussi riche
en matières premières que ses habitant·es sont pauvres.
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