dimanche, 14 juillet, 2024

La bourgeoisie de gauche molle

Dans les milieux écolos, féministes et de gauche que je fréquente on trouve un peu de tout : des précaires avec ou sans capital culturel (mais toujours un capital social, parfois acquis au hasard de rencontres, qui permet de ne pas subir les déterminations de sa classe), des petit·es bourgeois·es qui ont des intérêts objectifs à être de gauche et des personnes plus aisé·es qui en ont un peu moins (pour donner un seul exemple, dans une société décente les services de ménage dus aux gens qui peuvent se les payer ne seraient pas pris en charge à 50 % par la collectivité, voir quelques bouquins à ce sujet). J’ai déjà pas mal parlé dans Égologie des conflits de classe à peine cachés qu’on peut observer dans ces milieux plutôt engagés et du rôle qu’y jouent les classes les plus aisées. Je fréquente beaucoup moins, notamment parce qu’elle est moins engagée, la bourgeoisie de gauche molle, mais elle mérite que je lui fasse enfin un sort.

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lundi, 1 juillet, 2024

Faire la morale, une bonne stratégie politique ?

Même si elle n’a jamais abordé le sujet avec moi, j’ai de bonnes raisons de croire que la gardienne de mon immeuble vote pour le Rassemblement national. L’un de ses thèmes de prédilection est le goût du travail bien fait qui se perd, « voyez-vous madame Vidal ». Je ne mets pas en cause son constat. Locataire dans le logement social, je n’ai jamais eu de propriétaire aussi indélicat. Et si, quand j’ai emménagé, j’ai pu être choquée par certains comportements peu civiques de mes voisin·es, j’en suis venue à les voir comme des révoltes minuscules et mal ciblées contre un monstre maltraitant mais invisible. Ce bailleur, l’un des plus gros du pays, a par exemple externalisé son service d’intervention technique et l’a confié à une entreprise encore plus détestable.

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lundi, 10 juin, 2024

Pourquoi je n’ai pas voté hier

signal-2024-06-10-075109_002.jpeg, juin 2024Depuis quelques années je ressens une contrainte à aller voter, bien loin de mes convictions selon lesquelles l’élection n’est pas une procédure démocratique, ou plutôt qu’elle a des caractères démocratiques bien ténus (1). L’urgence, la nécessité de faire barrage au fascisme s’impose à moi – serait-ce en votant pour celui qui justement gouverne en entretenant la vitalité de son opposition d’extrême droite et en validant des points essentiels de son discours. Toujours il faut aller nettoyer la merde avec son petit bulletin crotté.

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lundi, 3 juin, 2024

Sur quelques accusations de fascisme envers le mouvement anti-industriel

Il y a quelques mois a été publié un pamphlet anonyme dénonçant le « naufrage réactionnaire du mouvement anti-industriel ». Mouvance à laquelle j’estime appartenir (entre autres affiliations) et pamphlet dans lequel un de mes écrits fait référence… Je ne sais pas si c’est une position spécialement confortable ou au contraire inconfortable mais le fait est que je n’ai pas ressenti l’intérêt de m’exprimer à ce sujet. Les camarades du collectif anti-autoritaire et technocritique Ruptures l’ont fait et même si, probablement, nous ne sommes pas parfaitement aligné·es sur tout leur réponse me semble devoir clore le débat en rappelant d’une part que leur militantisme consiste non pas en une recherche de la pureté mais en la construction d’alliances pour lutter à la fois contre le « déferlement technologique » et le « raidissement autoritaire du pouvoir » (deux objets souvent réunis, qu’on pense aux technologies de surveillance) et d’autre part que ni la lutte sociale, contre les inégalités et les oppressions, ni la lutte technocritique pure n’ont pour elles et eux de sens si elles ne sont pas fermement liées l’une à l’autre.

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samedi, 27 avril, 2024

Être de gauche et penser la domination (ou pas)

Le récit des relations sexuelles abusives que le psychanalyste de gauche Gérard Miller a imposées à de jeunes femmes admiratives m’a rappelé les mésaventures subies par des ami·es. Dans mon entourage, je connais pas moins de trois personnes qui à des âges très jeunes (entre 18 et 22 ou 23 ans) ont eu des rapports sexuels avec des personnalités masculines, rapports qui après coup avaient un goût amer. Aucun·e n’a été forcé·e comme les victimes de Miller dans les descriptions qu’en donne Mediapart ici, mais il me semble que la relation qui s’est nouée alors interroge la notion de consentement.

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lundi, 22 avril, 2024

Les hommes doux sont-ils l’avenir du féminisme ?

Même si lafemme est l’avenir de l’homme, c’est moins sur nous que sur les hommes que sont projetées nombre d’attentes concernant le recul espéré du sexisme. Comme si nous ne faisions que notre boulot ingrat de féministes, tandis qu’eux sont des forces telluriques. Hommes proféministes, à la masculinité non hégémonique, non binaires (1), ce sont eux qui vont sauver le monde. Engagements contre le sexisme, participation à la création de savoirs sur le genre et les sexualités, renouvellement des représentations sur ce qu’est un homme et légitimation de formes de masculinités diverses et plus respectueuses des femmes, voilà tout ce que nous leur devons.

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samedi, 23 mars, 2024

Une captivité coupable ?

L’an dernier, une étude publiée par des économistes rendait compte de la somme pour laquelle les utilisateurs et utilisatrices des médias sociaux consentiraient à se déconnecter. Les étudiant·es d’une université états-unienne accepteraient 59 dollars, pas moins, pour ne plus se connecter à TikTok et 47 pour délaisser Instagram. De manière plus intéressante et apparemment contradictoire, ils et elles paieraient cette fois 28 dollars pour voir leur entourage (et elles-mêmes) se déconnecter de la plateforme chinoise et seulement 10 pour Instagram qui était pourtant, la dernière fois que j’ai regardé, la plateforme qui impactait le plus négativement les personnes qui ne s’en servent pas que pour regarder des vidéos de chatons.

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vendredi, 8 mars, 2024

Comment j’ai appris à mépriser Sandrine Rousseau

Il me semble important de critiquer les camarades, non par plaisir égocentrique et pour se mettre en valeur à leurs dépens mais parce que toutes les stratégies peuvent être interrogées et que personne n’est à l’abri d’une dérive. Les critiques du camp opposé, par leur violence, leur injustice ou leurs présupposés biaisés, tendent plutôt, et c’est compréhensible, à conforter celle ou celui qui les essuie qu’à susciter un peu de remise en cause. Au contraire, une critique « amie » doit faire surgir des questionnements, rappeler des exigences partagées… et accessoirement être cordiale et éviter la personnalisation.

Ce billet n’est pas une critique amie.

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lundi, 26 février, 2024

Traverser la rue pour manger sainement

J’ai déjà démonté ici le cliché selon lequel « on vote avec son portefeuille » et on n’a qu’à traverser la rue pour soutenir son type d’agriculture préféré en achetant les produits qui en sont issus. Julien Denormandie, le précédent ministre de l’agriculture, avait ainsi justifié l’abandon des aides publiques au maintien en agriculture bio : c’était un segment du marché, l’État n’avait aucune raison de soutenir les préférences de consommation de tel ou telle. Ce genre de considération est une sorte de bingo particulièrement réussi de l’idéologie qui triomphe aujourd’hui, elle coche toutes les cases de ce que pensent les représentant·es les plus idiot·es de la petite bourgeoisie qui vote au centre ; elle a pour but de flatter dans le sens du poil leur méconnaissance du monde dans lequel ils et elles trimbalent leurs malheureuses existences. Je ne fais pas l’honneur à Emmanuel Macron de manger la même pâtée que celle qu’il donne à ses chiens. Ses sorties récentes sur le sujet sont le propos délibérément cynique d’un leader populiste. Je reprends donc, parce qu’il me semble important à plusieurs titres, le sujet à la faveur de l’actualité.

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lundi, 19 février, 2024

I'm so happy to see you

Les logiques du développement personnel se sont doucement imposées dans notre imaginaire. Les ouvrages qui ont envahi les rayons des librairies peuvent dispenser une grande sagesse, si possible orientale, ou enchaîner les conseils simples ou les lieux communs (charité bien ordonnée commence par soi-même). Offrant une façade lisse, ils ont un propos aussi varié que consensuel. Depuis quelques années les critiques s’attachent à cet objet protéiforme, en dévoilant les nombreuses influences derrière une apparence anodine. Le développement personnel tire ses origines d’une part d’un ethos libéral et méritocratique qui s’exprime assez frontalement en langue anglaise depuis au moins un siècle : tout le monde peut devenir riche, celles et ceux qui ne le sont pas n’ont pas su tirer profit de mes enseignements, que voici offerts à la vente. Les nouvelles pratiques spirituelles devenues plus visibles en Occident à partir des années 1960, mais qui elles aussi ont des racines profondes, en constituent le versant ésotérique.

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jeudi, 15 février, 2024

Une colère qui se tient sage

La récente mobilisation agricole a emmêlé tous les ingrédients qui caractérisent la France depuis son accélération illibérale : une pauvreté que le travail peine à résorber malgré les promesses renouvelées depuis 2007 de lui redonner sa « valeur » (morale, voire moralisatrice, mais jamais économique) ; la colère à laquelle donnent lieu ces promesses non tenues et le sentiment d’avoir été le dindon de la farce ; l’arbitrage systématique des gouvernements en faveur des classes dominantes.

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jeudi, 25 janvier, 2024

France Bullshit

Il y a quelques jours j’ai repéré une pub assez laide pour un entreprise avec un nom à la con. Un peu comme Assur2000 ou Charenton Clés. Passant et repassant devant pour aller prendre le métro (quand il est accessible), il m’a fallu un temps pour comprendre que France Services était une énième déclinaison de France Bullshit, cette refonte des services de l’État sous une marque à la syntaxe anglaise.

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jeudi, 21 décembre, 2023

L’extrême droite règne mais ne gouverne pas

Le trafiquant d’influence Darmanin-démission, par ailleurs ministre de l’intérieur, se flatte de ne pas avoir fait voter sa loi contre les personnes migrantes avec les voix de l’extrême droite. Cela m’évoque la situation suédoise à l'issue des élections de 2022. L’extrême droite suédoise, un parti d’origine néo-nazie bien nommé Démocrates de Suède (SD), est le deuxième plus gros groupe parlementaire (73 sièges) derrière celui du parti social-démocrate (107 sièges). Mais c’est le dirigeant d’un parti de droite ayant obtenu 68 sièges, Ulf Kristersson, qui dirige le gouvernement dans lequel sont entrés d’autres partis de droite ayant fait des scores de respectivement 5,34 et 4,61 %. À eux trois, ceux-ci ont réuni 30 % des voix et donc des sièges. Le gouvernement Kristersson est élu par 176 voix contre 173 grâce à un accord programmatique avec le SD. Celui-ci fait en outre partie d’un cabinet informel qui réunit les quatre partis et prépare les budgets endossés par la coalition de trois partis. Officiellement, l’extrême droite ne gouverne pas en Suède, elle se contente de régner.

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samedi, 16 décembre, 2023

Les gueux, restez chez vous !

Il l’a dit ou il ne l’a pas dit ? Le préfet d’Île-de-France n’a pas annoncé de confinement des habitant·es de la région pendant la durée des Jeux olympiques. Non. Il a simplement fait remarquer que les transports régionaux était tellement performants « qu’à certains endroits le plan de transport ne permet d’acheminer les spectateurs que si tous les autres voyageurs ou presque étaient dissuadés » de les prendre. Venant d’autorités si soucieuses de respecter les libertés civiles, ça fait un peu peur, même si le type n’a pas prononcé l’expression « confinement olympique ».

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samedi, 9 décembre, 2023

Nourrir la bête

« La magie Shiva n’a jamais été aussi accessible », apprend-on sur les publicités pour cette entreprise qui met à disposition du travail de ménage. « Shiva vous permet de faire le choix de régler la moitié de votre facture chaque mois en bénéficiant immédiatement de votre crédit d’impôt. » Ménage, garde d’enfants et même cours de musique à la maison font l’objet de publicités variées qui insistent toutes sur ce fait : c’est l’État qui paye la moitié !

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samedi, 4 novembre, 2023

Sous le parapluie trans

Je suis bénévole dans un festival de cinéma qui tient à une non-mixité aujourd’hui devenue moins courante. Alors que bon nombre d’espaces non-mixtes sont « sans mecs cis(genre) », soit adoptent une non-mixité queer, nous tenons à être un lieu pour « les femmes et les lesbiennes » (1). Depuis vingt ans que je connais le festival, toutes les femmes y sont les bienvenues, cisgenre ou transgenre. J’apprécie le fait que chaque groupe puisse bâtir un espace qui correspond à ses aspirations et que diverses définitions de la non-mixité cohabitent, qu’on ne standardise pas les pratiques militantes. Ce festival réunit des festivalières très diverses, de tous âges, venues de tout le pays, avec des positionnements politiques différents qui se frottent parfois. L’an dernier un tag sur le mur externe du lieu disait : « Festival transphobe ». Cette année ce sont des « lesbiennes pas queer » tout aussi courageuses et anonymes qui ont pris la parole de cette manière très déplaisante pour faire connaître leurs reproches. Ça veut peut-être dire que le festival n’est pas monolithique et ces attaques sont une reconnaissance de la diversité qui y a cours.

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Une histoire d’autoroute

En 2007, l’écologie avait enfin surgi comme un sujet politique légitime, après des décennies d’alertes ignorées. C’est cette année-là que je me suis engagée dans une lutte contre un projet d’aménagement, l’autoroute A65. Première autoroute de l’après-Grenelle de l’environnement, le projet aquitain, long de 150 km, supposait l’artificialisation de 1 500 hectares et la destruction de huit zones Natura 2000. J’avais rencontré à l’occasion un petit groupe de militant·es landais·es très attaché·es à leur coin de forêt et à leurs sept fontaines, à quelques dizaines de kilomètres de là où j’ai moi-même grandi.

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mercredi, 25 octobre, 2023

« Nous sommes en guerre »

Rien de tel qu’une bonne guerre pour faire taire toute contestation. On se souvient du maréchal Macron, recevant dès 2018 des réponses cinglantes à son mépris, mis en difficulté sur sa réforme des retraites, se saisissant de la crise sanitaire pour se faire une image de chef de guerre là où on avait plutôt besoin de soignant·es. Plus tard il a su également profiter des guerres des autres pour se mettre en scène viril et hétérosexuel, en sweat à capuche et mal rasé pour mimer maladroitement le président ukrainien. La guerre fait les chefs, la guerre fait l’unité. Quand c’est la guerre, il faut abdiquer toute réflexion, faire front commun contre l’ennemi. Les conflits sur la production des richesses, serait-ce par la destruction de nos milieux de vie, et sur leur répartition n’importent plus quand on a un ennemi, extérieur idéalement et à défaut intérieur.

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mardi, 3 octobre, 2023

Un pays qui aime le sport

Celles et ceux que fatigue l’overdose actuelle de sport ne sont pas au bout de leurs peines. La France macroniste est un pays profondément divisé politiquement et dans lequel les entrepreneurs en politique n’ont de cesse de nier à leurs adversaires la simple existence ou d’appuyer à leur profit sur tout ce qui clive (voir le récent usage de l’abaya, mot et vêtement inconnus de la plupart d’entre nous avant qu’un ministre n’en fasse LA menace contre sainte République, bien avant le démantèlement organisé des services publics). Cette France-là a bien besoin de sport, cet objet qui réconcilie à moindre coût, et Emmanuel Macron s’en empare avec enthousiasme. On se rappelle l’énarque vibrant de manière exagérée à la victoire de l’équipe de France en 2018 et sa silhouette exultante, pour une fois virile et hétérosexuelle, aussi vite répliquée sur le matériel promotionnel de l’Élysée. C’est bien là un usage politique, voire partisan, du sport mais on est tenu de respecter l’injonction paradoxale à une réconciliation programmée autour de l’équipe de France. Le président va pêcher un peu de popularité dans les stades ? Impossible de le huer, il représente la France. Il mène une politique assise sur une bien faible légitimité démocratique et sa Première ministre ne gouverne plus que par 49.3 ? Il est Mbappé ou Dupont, il est la France, taisez-vous.

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lundi, 18 septembre, 2023

Pas de Covid long pour la chair à patrons

J’ai découvert il y a peu grâce à un haut fonctionnaire du ministère de la santé, lors d’une conversation privée, la réalité du Covid long : plutôt qu’une affection qui toucherait une part significative des personnes infectées, même quand leurs symptômes ont été très légers, le Covid long ne serait au fond qu’un symptôme psychiatrique, conséquence de nombreux confinements. Devant ces assertions affirmées avec l’assurance du chef de service, j’ai fait comme avec les platistes et les porteurs de chapeau anti-radiation en papier aluminium. J’ai clos poliment la conversation sur l’accord qu’il nous fallait plus d'études.

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