L’extrême droite règne mais ne gouverne pas

Le trafiquant d’influence Darmanin-démission, par ailleurs ministre de l’intérieur, se flatte de ne pas avoir fait voter sa loi contre les personnes migrantes avec les voix de l’extrême droite. Cela m’évoque la situation suédoise à l'issue des élections de 2022. L’extrême droite suédoise, un parti d’origine néo-nazie bien nommé Démocrates de Suède (SD), est le deuxième plus gros groupe parlementaire (73 sièges) derrière celui du parti social-démocrate (107 sièges). Mais c’est le dirigeant d’un parti de droite ayant obtenu 68 sièges, Ulf Kristersson, qui dirige le gouvernement dans lequel sont entrés d’autres partis de droite ayant fait des scores de respectivement 5,34 et 4,61 %. À eux trois, ceux-ci ont réuni 30 % des voix et donc des sièges. Le gouvernement Kristersson est élu par 176 voix contre 173 grâce à un accord programmatique avec le SD. Celui-ci fait en outre partie d’un cabinet informel qui réunit les quatre partis et prépare les budgets endossés par la coalition de trois partis. Officiellement, l’extrême droite ne gouverne pas en Suède, elle se contente de régner.

Au programme du quatuor figurent la mise du ministère de l’environnement sous tutelle de celui de l’industrie, la relance de l’industrie nucléaire et la hausse programmée des émissions de gaz à effet de serre. Les quotas migratoires, l’asile politique et l’aide au développement seront fortement réduites et les lois sécuritaires durcies (fouille policière autorisée en l’absence de suspicion, renforcement des peines et anonymat des dénonciations). Tout un programme qui reprend les marottes que les fascistes ont imposées dans le débat public, ainsi que d’autres en matière d’économie propres aux tenants du néolibéralisme. Ironie de l’histoire, un an après, la Suède est en récession.

Darmanin-démission, désavoué dans un premier temps sur sa droite par le RN, n’a pas eu besoin des voix lepénistes pour faire voter sa loi. Pas plus que Kristersson n’a eu besoin d’inclure l’extrême droite dans sa coalition.

Sur le fond, on ne peut qu’être accablée par une loi nourrie des paniques fascistes quand par ailleurs l’économie des migrations et la démographie ont établi des savoirs qui font voler en éclats tous les clichés sur lesquelles elles reposent (je pense notamment à l’excellent François Héran, titulaire d’une chaire consacrée aux migrations au Collège de France). Les migrant·es sont considéré·es par le violeur Darmanin comme des parasites et des criminels en puissance. Les criminels, c’est plutôt ce gouvernement populiste et illibéral qui refuse de soigner les migrant·es et les empêche de travailler pour vivre, à rebours de l’intérêt collectif tel qu’il est largement documenté par la recherche en sciences sociales. Il persiste dans son inhumanité en descendant une marche de plus car il est mal élu et a besoin de s’assurer que les députés fascistes ne voteront pas contre ses propositions de loi. Misère du néolibéralisme autoritaire, qui a besoin de déchirer le corps social, d’inventer des ennemis intérieurs et de s’attaquer aux plus vulnérables pour faire oublier sa politique économique toujours en faveur des plus riches.

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