samedi, 25 avril, 2020
Par Aude le samedi, 25 avril, 2020, 18h29 - Textes
S'il est un domaine dans lequel nos représentations baignent dans un mélange
de connaissances assurées et d’irrationalité, c'est le corps et la santé. J'y
pense depuis longtemps mais la crise sanitaire en a donné de nombreuses
illustrations, notamment avec les ruées sur la chloroquine, la nicotine et
maintenant l'eau de Javel… J'y pense depuis que j'ai lu
Le Sain et le malsain (Le Seuil, 1993), ouvrage dans lequel
l'historien Georges Vigarello montrait que ce qui est bon pour la santé et ce
qui ne l'est pas constitue une sorte de système d'images mentales à la logique
parfois étonnante. Par exemple, les épices (poivre, cannelle, clou de girofle,
etc.) ont la particularité de pourrir difficilement, en conséquence de quoi
elles ont été perçues comme saines : la pourriture étant malsaine,
l'imputrescibilité – des minéraux, des épices, etc. – était saine. Comme elles
ont aussi un goût très fort, l'analogie avec l'ail a constitué une évidence,
quand bien même le goût et les vertus thérapeutiques n'auraient aucun lien
entre eux. L'ail a donc été investi des mêmes qualités que les épices au coût
prohibitif, pour devenir l'épice des pauvres. Étrangement, ces qualités prêtées
à l'ail sont en grande partie reconnues par la science moderne. Antibactérien,
aliment santé, excellent en cas de rhume avec de l'eau chaude, du thym, du
citron, du miel, du gingembre… (sans oublier de porter un cristal en contact
avec votre peau !) Aujourd'hui encore, ce que nous savons de source sûre
et ce que nous imaginons et transmettons comme représentations est encore un
peu confus… Tout ça pour dire que cette crise sanitaire appuie pile là où nous
sommes les moins rationnel·les.
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dimanche, 12 avril, 2020
Par Aude le dimanche, 12 avril, 2020, 10h55 - Textes
La vie politique, dans les
régimes représentatifs libéraux, est traditionnellement structurée autour des
partis (et autres corps intermédiaires comme les syndicats). Traditionnellement
mais pas de tous temps puisque avant 1848 les corps intermédiaires étaient
interdits, accusés de briser le bel unanimisme du peuple. Quand les
associations, les syndicats et les partis sont autorisés en 1848, cette
disposition est l'occasion pour des classes qui jusqu'ici avaient été tenues à
l'écart de la vie publique, et pas seulement par le suffrage censitaire, d'y
participer pleinement. Avant 1848, être élu supposait d'avoir les moyens de
mener campagne sur des ressources individuelles. Après 1848, non seulement tout
le peuple est invité à voter (tout le peuple ? à l'exception des femmes,
soit de sa moitié) mais en plus il gagne le droit de s'auto-organiser dans des
structures qui lui permettent de mettre en commun des moyens pour peser dans le
débat public – et plus concrètement de s'organiser dans son bras de fer avec
ses employeurs. En théorie, les corps intermédiaires portent une dimension
démocratique du gouvernement représentatif (lequel est, en théorie aussi,
faiblement démocratique).
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samedi, 21 mars, 2020
Par Aude le samedi, 21 mars, 2020, 13h16 - Textes
Le 6 mars, monsieur le président se rendait au théâtre. On n'allait pas
se laisser abattre : « La vie continue. Il n’y a aucune raison,
mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de
sortie. » Cinq jours plus tard, il en remettait une
couche : « Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à
chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert,
aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. » Deux jours après
cette sortie rappelant la grandeur de notre civilisation, avant tout celle des
loisirs marchands, Macron posait les bases de notre nouvelle vie :
rassemblements interdits, contacts physiques limités (mais pas la peine de
porter un masque, d'ailleurs on n'en a pas), privé·es de sorties sauf pour les
activités vitales (les courses, la promenade du chien, le kilomètre de marche
pour ne pas perdre la main, aller bosser dans une usine produisant des biens
pas spécialement vitaux en temps d'épidémie). Y'a pas à dire, le type voit la
fin du monde arriver avec plus de clairvoyance que Jojo et les Gilets jaunes
qui, elles et eux, ont vite compris à quel point les luttes écologistes et
démocratiques étaient aussi les leurs…
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mardi, 24 décembre, 2019
Par Aude le mardi, 24 décembre, 2019, 15h32 - Lectures
L'Illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du
modèle français, Bruno Amable et Stefano Palombarini, Raisons d'agir,
2018, 256 pages, 10 €
Apprenez-moi quelque chose que je ne sais pas encore… Voilà un livre qui
ne répond pas tout à fait à cette demande, puisque nous avons tou·tes en tête
la séquence politique qui commence avec l'accession de la gauche au
gouvernement en 1981 et se continue aujourd'hui avec la présidence Macron. Ces
chemins sont rebattus depuis bientôt quatre décennies. Il n'empêche, Amable et
Palombarini reviennent dessus avec une hypothèse intéressante et force détails
convaincants.
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dimanche, 1 décembre, 2019
Par Aude le dimanche, 1 décembre, 2019, 14h21 - Lectures
Les Besoins
artificiels. Comment sortir du consumérisme, Razmig Keucheyan, La
Découverte, « Zones », 2019, 250 pages, 18 euros
Depuis quelques années le Black Friday, ce lendemain de Thanksgiving dévoué à
la consommation, donne lieu en France à des soldes frénétiques. L'édition de
2019 a été également l'occasion de nombreuses actions de sabotage, dans le
monde comme ici. L'impact écologique et social de la fièvre acheteuse est
connu, régulièrement dénoncé. Le Buy Nothing Day du magazine
Adbusters, dernier samedi de novembre, a longtemps été marqué d'une
pierre blanche dans l'agenda des militant·es de la décroissance, un jour dédié
à des actions de sensibilisation dans les temples de la consommation. Mais
l'urgence climatique toujours plus pressante, la part croissante de la vente en
ligne et de ses conséquences
sociales
et
écologiques,
tout ça a donné cette année des actions directes plus radicales, souvent menées
dans les magasins plutôt que dans les nœuds logistiques. Cette orientation,
côté consommation plutôt que production, a suscité quelques malaises :
« Le Black Friday, c'est l'occasion pour des classes moins aisées de payer
des cadeaux pas trop chers à leur petite famille », ai-je entendu ici ou
là. L'urgence écologique, oui, mais acheter pour Noël (1) est un besoin qui
doit être pris en compte. Peut-être est-ce là un de ces besoins artificiels à
remettre en cause ? Et comment ?
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mardi, 7 mai, 2019
Par Aude le mardi, 7 mai, 2019, 03h19 - Textes
Il est entendu dans le sens commun que les régimes dans lesquels on choisit
son gouvernement sont des démocraties. Et c'est ce que nous répètent à l'envi
politiques et journalistes, pour qui les non-démocrates, ce sont les
autres : groupes politiques minoritaires ou pays éloignés. Or, pour les
historien·nes et les politistes, nos « démocraties libérales » ont
bien des caractères démocratiques mais subtilement mélangés à d'autres
qui tiennent plutôt de l'aristocratie (le pouvoir des meilleurs) et de la
monarchie (le pouvoir d'un seul). On considère souvent à tort que
l'élection est le seul geste démocratique, dédaignant l'environnement dans
lequel le peuple est amené à voter : liberté et vitalité de la presse, des
structures dans lesquelles le peuple s'organise (partis, syndicats,
associations, collectifs et groupes informels), diffusion de l'esprit critique
dans des débats publics de qualité. Un régime dans lequel la presse relaie la
désinformation du gouvernement (comme on l'a vu le 1er mai 2019 avec l'affaire de la fausse
« attaque » d'un hôpital mais les exemples
abondent) et qui dénigre les formes d'organisation populaire et ses
expressions (de la présence dans l'espace médiatique à la manif) a des
caractères non-démocratiques.
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mardi, 30 avril, 2019
Par Aude le mardi, 30 avril, 2019, 10h58 - Textes
En voilà une question bête, bien sûr que non ! Les populistes, ce sont
ces politiques qui ne cessent de faire appel au peuple et de flatter ses bas
instincts. Notre président-philosophe (Frédéric de Prusse et Voltaire enfin
réunis dans le même corps jeune et presque athlétique, waw !) en appelle,
lui, à la raison et à la bonne gouvernance. Macron ne fait pas appel au peuple,
c'est une des habitudes de la droite que de vendre la puissance du pays et
qu'importent les gens qui y vivent.
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jeudi, 3 janvier, 2019
Par Aude le jeudi, 3 janvier, 2019, 09h34 - Textes
Dans les manuels d'éducation civique, les choses sont simples : les
élections sont un marché où la demande populaire rencontre l'offre électorale
et les deux s'apparient le temps d'un mandat, qui est une sorte de carte
blanche donnée à un élu. Les mouvements sociaux sont une remise en cause
incongrue de la légitimité construite par l'élection. Il est donc dans l'ordre
des choses qu'un président élu explique au milieu d'une grève d'ampleur, suite
à plus d'un an de manifestations hebdomadaires et des mois de blocages de
ronds-points, qu'il fera comme il souhaite. Et qu'il distingue, pour bien
marquer son autorité, le patron français de
l'entreprise
qui devrait être la principale bénéficiaire de la dégradation annoncée de
notre système de retraites (ainsi que d'autres
personnalités du monde de la finance), façon « je vous emmerde,
n'oubliez pas de voter pour moi dans deux ans ».
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mercredi, 12 décembre, 2018
Par Aude le mercredi, 12 décembre, 2018, 14h42 - Textes
C’est bientôt Noël et c’est déjà l’overdose. Des pubs qui dégoulinent de
rouge, des passant·es avec leurs gros sacs en papier remplis de cadeaux venus
du cœur et d’usines où le travail est bon marché, des questions existentielles
sur ce qu’on aimerait recevoir alors qu’il faut bien l’admettre, on n’a
franchement besoin de rien… ou bien de tout. C’est la grande bouffe et il y a
du monde à table. Des week-ends en avion dans une ville où on n’a personne à
aller voir (à part un hôte AirBnB) aux changements d’équipement parce qu’un
nouveau vient de sortir qui est tellement mieux (et pas parce que l’ancien ne
marche plus), tout déborde.
Et à côté de ça, les histoires de ces familles qui payent les activités de
leurs enfants, vingt euros l’année grâce aux aides municipales, en trois fois
sans frais ou de ce petit garçon qui raconte à ses copains de classe qu’hier il
a dîné – parce que c’est pas tous les soirs que ça arrive.
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mardi, 2 octobre, 2018
Par Aude le mardi, 2 octobre, 2018, 03h27 - Textes
C’était il y a presque vingt ans. La formatrice était venue avec son bébé,
qu’elle allaitait, pour nous présenter les grandes lignes de ce qu’est le
changement climatique. Les particules de gaz à effet de serre plus denses dans
l’atmosphère, qui font que l’énergie solaire est recapturée en plus grande
proportion après qu’elle a touché la Terre. Le réchauffement de la planète, qui
s’ensuit, ces deux ou trois degrés (selon les différents scénarios) qui ne sont
pas uniformément répartis mais constituent une énergie en plus phénoménale,
laquelle nourrit des épisodes climatiques plus intenses et plus fréquents. Et
puis ce qu’on peut y faire : un quart des émissions dû aux transports, un
autre à l’agriculture (pas seulement l'élevage mais aussi le mésusage des
sols), un autre au bâtiment, un dernier à l’industrie et une troisième moitié
pour tout ce que nous achetons sur le marché mondial et qui n'est pas compté
dans la consommation nationale… Les solutions ? Des techniques plus
écologiques et moins industrielles et une réduction : du nombre de
kilomètres effectués par les biens et les personnes, de la consommation, de
l'extraction des ressources, etc. Changer de mode de vie mais aussi changer de
modèle économique. Ça tombait bien, les échos de Seattle se faisaient encore
entendre et la mondialisation néolibérale était nommée, décrite et
combattue.
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jeudi, 18 janvier, 2018
Par Aude le jeudi, 18 janvier, 2018, 10h03 - Malaisie et Indonésie
Les prochaines élections législatives en Malaisie devraient se tenir en
février ou mars prochains. La date n’est pas encore connue, elle est laissée à
la discrétion de Najib Razak. Le Premier ministre a l’obligation de convoquer
ces élections avant août 2018 et de les annoncer avec onze jours d’avance,
durée minimale de la campagne. Cette latitude compte parmi les nombreuses
cartes que le parti au pouvoir a en main pour garder son hégémonie à
l’assemblée, comme c’est le cas depuis 1957, date de l’indépendance du pays.
Début décembre, le public malaisien prenait connaissance d’un article
académique dans lequel un chercheur basé au Canada, Kai Ostwald, fait le point
sur les caractères autoritaires du régime, caractères qui donnent à la Malaisie
une place parmi les pays où « l’intégrité électorale » est la plus faible.
L’annonce a choqué, même si ces critiques rejoignent celles de l’opposition
politique malaisienne depuis des années. Car la Malaisie est le seul pays à son
niveau de développement dans le groupe des régimes très autoritaires. Qu’est-ce
qui fait donc du régime parlementaire malaisien l’un des moins démocratiques au
monde ?
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Asialyst.
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dimanche, 9 juillet, 2017
Par Aude le dimanche, 9 juillet, 2017, 08h24 - Textes
On savait qu’on pouvait faire tout dire aux sondages… C’est le cas également
pour les élections. Le dernier cycle électoral a donné lieu à des votes
apparemment contradictoires et inconséquents, au point de douter de la santé
mentale des électeurs et électrices. Voyons un peu : après un premier tour où
quatre candidat·es étaient au coude à coude, le second tour dégage une grosse
majorité pour l’un des deux finalistes. Les électeurs et électrices,
conscient·es que l’élection s’est jouée dès le premier tour et non au second
comme cela devrait être le cas, conscient·es que leur vote a été contraint par
la peur de l’accession d’un parti d’extrême droite à la fonction présidentielle
dans un pays doté d’une constitution qui manque singulièrement de garde-fous à
cette fonction, expriment un souhait somme tout assez bien vu : il ne faut pas
que la farce se rejoue au second tour. Et devinez quoi… il s’est passé pile la
même chose dans la plupart des 577 circonscriptions.
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samedi, 22 avril, 2017
Par Aude le samedi, 22 avril, 2017, 20h14 - Textes
Je les avais vues
de loin pendant des semaines, ces affiches électorales, parfois à moitié
arrachées. Mais c’est hier que le détail m’a sauté aux yeux. C’est vrai que le
personnel politique ne se caractérise pas par sa ressemblance avec le reste du
pays. Pour la plupart ce sont de vieux mecs blancs bourgeois. Mais vieux à ce
point ?

Même Macron, qui
a environ l’âge médian constaté en France (c’est dire s’il est jeune !), a
sur les affiches un visage marqué par les rides. On ne voit qu’elles,
rétrospectivement. Pattes d’oie ou front parcheminé, tou.tes les candidat.es ou
presque les arborent fièrement. À se demander si elles n’ont pas été accentuées
par un logiciel de retouche bien connu…

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mardi, 29 novembre, 2016
Par Aude le mardi, 29 novembre, 2016, 12h11 - Malaisie et Indonésie
Chaque soir depuis dix jours, sur la place de l’Indépendance à Kuala Lumpur,
les supporters du mouvement anti-corruption Bersih se sont réunis en soutien à
Maria Chin Abdullah, incarcérée depuis la veille du rassemblement, le 18
novembre, au titre du Security Offences Special Measures Act (Sosma).
Hier lundi 28 novembre dans la soirée, les slogans sont repris plus joyeusement
: la présidente de Bersih 2.0 a été libérée dans l’après-midi.
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jeudi, 17 mars, 2016
Par Aude le jeudi, 17 mars, 2016, 16h44 - Lectures
Matthew Crawford, Contact. Pourquoi nous avons perdu le
monde, et comment le retrouver, La Découverte, 2016, 283 pages, 21
euros
Il est question d’Emmanuel Kant et de Walt Disney, de philosophie politique et
de machines à sous. Crawford manie des concepts philosophiques parfois un peu
ardus mais toujours éclairés par des exemples concrets, l’idée étant de
comprendre pourquoi, dans un univers toujours plus commode, nous nous trouvons
toujours plus désemparés. L’exemple qui m’a le plus frappée est celui des vieux
Disney, dans lesquels les personnages sont aux prises avec des objets qui
répugnent à leur obéir, au point de sembler animés d’une vie propre : des
ressorts qui ne cessent de se détendre, des portes de s’ouvrir… Aujourd’hui,
dit-il, les dessins animés de la même firme montrent des personnages béats
servis par des machines complaisantes. Je me demande quelles intrigues ce
dispositif peut servir. L’absence de conflit, outre qu’elle est assez pauvre
politiquement, l’est aussi sur le plan narratif.
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mardi, 23 février, 2016
Par Aude le mardi, 23 février, 2016, 17h27 - Textes
On parle beaucoup des « personnes les premières concernées » mais
rarement des « deuxièmes concernées ». J'ai déjà écrit à ce
sujet : les prostituées sont certes les personnes les premières concernées
par leur activité mais la prostitution et sa reconnaissance gravent dans le
marbre la disponibilité des femmes aux hommes, du male entitlement à la
culture du viol. Les autres femmes sont elles aussi concernées par ce que fait
la prostitution à la société qui la réprime ou qui l'accepte (sachant que la
France fait les deux, réprimant des prostituées dont elle soumet le revenu à
l'impôt).
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jeudi, 31 décembre, 2015
Par Aude le jeudi, 31 décembre, 2015, 13h58 - Lectures
Une chronique à retrouver sur le tout nouveau site de L'An
02.
Sophie Bessis
La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux
et marchand
La Découverte, 2014
240 pages, 19 €
Deux visions inconciliables du monde : la démocratie libérale d’un
côté, avec son individualisme bon teint, et de l’autre une doctrine passéiste,
à la violence médiévale. Les deux se seraient heurtés de plein fouet lors des
événements de 2015. Dans cet ouvrage publié quelques mois plus tôt, Sophie
Bessis renvoie dos à dos ce qu’elle appelle la « théologie de
marché » (ne parle-t-on pas de « dogme » néo-libéral ?) et
le fondamentalisme religieux, protestant et musulman au premier chef. Il ne
s’agit pas selon elle d’un choc des civilisations mais du désarroi d’un monde
livré à un monstre à deux faces qui se nourrissent l’une l’autre, un monde au
bord de l’épuisement écologique et où les idées émancipatrices peinent
désormais à se faire entendre. Le développement ne signifie plus que
l’intégration au capitalisme mondialisé, l’argent passe au rouleau compresseur
la diversité du monde. Les traités transatlantique et transpacifique proposent
de peaufiner l’arsenal juridique global pour la prédation des ressources
publiques par les intérêts privés. Les mondes musulmans, du Mali à l’Indonésie,
sont uniformisés par la magie des pétrodollars. La mondialisation est là, et
bien là, mais l’universalisme recule. Ne restent que les identités : celle
des Charlie qui bravent les barbares en levant leur verre, oubliant l’état de
délitement de leur « démocratie », gouvernement représentatif aux
abois depuis que l’ordre néolibéral s’est imposé depuis Chicago ou
Bruxelles ; celle de ceux et celles qui ne sont plus désormais que des
musulman-e-s.
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mardi, 29 décembre, 2015
Par Aude le mardi, 29 décembre, 2015, 15h09 - Lectures
Alain Deneault
Gouvernance. Le Management totalitaire
Lux, Montréal, 2013
200 pages, 12 €
et
La Médiocratie
Lux, Montréal, 2015
224 pages, 15 €
Les discussions sur la démocratisation des structures de gouvernement, sur des
modalités comme la reddition des comptes, les modes de scrutin plus «
représentatifs », le tirage au sort de certaines assemblées, etc. semblent à
côté de la plaque à la lecture d’Alain Deneault. Comme si nous retardions de
quarante ans. Depuis, la gouvernance a su imposer sa façon d’envisager l’action
publique comme un dialogue fructueux, orchestré par l’État, entre ce qu’on
appelle les acteurs : vous, moi, à partir du moment où nous sommes concerné-e-s
par les projets à mettre en œuvre. Mais aussi (et surtout), dans le cas d’un
projet d’aménagement par exemple, Vinci ou Eiffage, qui sont bien les plus
concernées au regard des budgets qu’elles vont mobiliser. On comprend mieux les
« ratés » de la bonne gouvernance occidentale, les autoroutes et autres grands
projets construits contre les textes de loi, contre l’avis des services du
ministère et des associations écologistes ou de riverains qui dénoncent le
gaspillage d’argent public.
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mardi, 8 décembre, 2015
Par Aude le mardi, 8 décembre, 2015, 10h38 - Textes
D’habitude, je ne vote pas. Si mes ancêtres se sont battus pour quelque
chose, c’était pour mener une vie digne, pas pour distribuer des cartes
blanches à leurs gouvernants sur la base de questions mal posées. Mais dimanche
je suis allée poser mon bulletin dans l’urne. D’abord parce que « malgré
tout l’intérêt que présente [mon] CV », cela faisait dix ans que je
moisissais au chômage quand j’ai été embauchée il y a six mois par le groupe
des élus verts au Conseil régional Nord-Pas de Calais. Autant ces dix années
avaient entamé mon optimisme sur la possibilité de créer des alternatives au
capitalisme qui n’en reproduisent pas la violence, autant je leur suis
reconnaissante de ne pas m’avoir jugée sur les mêmes critères que les gentilles
assos chez lesquelles je postulais sans succès. Ensuite parce que, pendant le
peu de temps où je les ai côtoyés, la plupart des élus de ce groupe ont su
gagner une estime que j’accorde chichement. Certes nos visions ne s’accordent
pas tout à fait mais ils et elles correspondent assez largement à ce que les
spectateurs de ma conférence sur les élections
me disent attendre de leurs élus : être réglos et faire leur boulot.
What else?
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mardi, 31 mars, 2015
Par Aude le mardi, 31 mars, 2015, 13h19 - Lectures
Sandrine
Rousseau, Manuel de survie à
destination des femmes en politique, Les Petits Matins, 2015, 108 pages,
9,90 €
Voilà un ouvrage qui s’adresse à toutes les femmes qui pourraient
être tentées par l’action publique. Mais même si vous n’avez pas envie de
devenir un jour conseillère municipale ou présidente de région, même si vous
pensez comme moi que les élections devraient être abolies car la manie de la
représentation est en soi un problème, même si vous n’avez pas envie de
partager le pouvoir mais de le voir disparaître, ne passez pas votre chemin.
Car le pouvoir existe toujours et vous êtes de toute manière susceptible d’y
être confrontée un jour. Si ce n’est pas dans votre activité militante,
heureusement à l’abri de tout rapport de pouvoir entre femmes et hommes
(non ?), ce sera au boulot, avec des proches ou dans la rue.
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