Covid : la liberté des un·es aux dépens de celle des autres

Vaccin, j’oublie tout

Allez les enfants, les vacances sont finies, les mesures sanitaires sont de retour. Après avoir offert quelques mois de répit aux personnes vaccinées, papa Macron cogite pour gérer le seul chiffre qui lui importe, celui des admissions hospitalières qui doivent rester à la limite de capacités bien écornées, et par la politique d’austérité, et par la crise sanitaire. Tout en respectant au mieux les besoins de l’économie, c’est à dire des classes qui en tirent le plus grand profit.

Pendant tout l’automne, les salarié·es n’ont pas eu la possibilité de choisir de télétravailler et ont dû s’entasser dans le métro ou contribuer à des embouteillages qu’on n’avait plus vus depuis longtemps. Les lieux recevant du public n’ont plus eu d’obligation de port du masque en intérieur, sauf à l’initiative des organisateurs ou des préfets. C’était la fête. À un détail près : nous en avons tenu à l’écart les personnes non-vaccinées ou qui ne se soumettaient pas au pass sanitaire. Pendant qu’elles étaient de facto confinées, nous avons enfin joui. Pendant ce temps, je fermais ma gueule, un peu parce que j’en ai marre de faire les Cassandre qui sait comment ça va finir (dans un futur proche, pas plus), un peu parce que la seule réponse accordée aux questions que je pose à la sphère écolo radicale à ce sujet, c’est du bullying (j’en reparlerai).

Depuis cet automne, les élu·es des associations pour lesquelles je travaille sont purement et simplement tenu·es à l’écart de la vie publique. Ils et elles ne vont pas au restaurant ou dans les bars et ne s’en portent pas plus mal (c’est une pratique assez peu fréquente dans de nombreux milieux) mais n’ont plus accès non plus aux trains nationaux ni à une partie des lieux où nous menons nos rencontres, statutaires ou pas. C’est à dire qu’ils et elles ne sont pas en mesure de participer sans pass à nos conseils d’administration ou à nos AG. Ici le plus grand flou prévaut et il faut batailler pour faire valoir, quand elle existe, la liberté de mener des réunions associatives. Mais étant des associations nationales, la question du transport et de l’hébergement fait souvent achopper nos efforts. Nos co-président·es sont quasiment assigné·es à résidence, privé·es de leur droit élémentaire à la participation politique – ou alors sous une forme dégradée, à distance.

Ailleurs, ce sont les usagèr·es des bibliothèques qui doivent présenter un pass. Les bibliothèques municipales sont le seul lieu d’accès gratuit à l’information, au savoir et aux démarches administratives toujours plus dématérialisées mais qu’importe, elles sont jugées aussi dispensables qu’une boîte de nuit ou un restaurant. Les bibliothécaires présentent ici leur lutte pour que leur service reste accessible à tou·tes, tout en expliquant que les bibli « avaient parfaitement su s'adapter à la crise sanitaire en restant ouverts en continu depuis mai 2020, grâce à des protocoles sanitaires stricts » (la prochaine journée de grève a lieu le 1er décembre).

À partir du moment où le vaccin a été promu comme la principale mesure sanitaire, il s’est agi de tordre le bras aux récalcitrant·es tout en promettant monts et merveilles aux dociles : « Quand on est vacciné, on est protégé et on ne diffuse quasiment plus, en tout cas beaucoup moins, le virus », mentait Macron en Polynésie (dépêche AFP du 25 juillet). Probablement moins bien informée que le chef de l’État, je savais pourtant que « quasiment plus », c’est environ deux fois moins. Pas de quoi pavoiser, pas de quoi faire la fête, pas de quoi oublier de se protéger et de protéger les autres avec des gestes simples. Ce qui devait arriver arrive donc : la fête est finie ou en passe de l’être pour les vacciné·es.

De la critique du pass à la critique des politiques sécuritaires ?

La restriction des libertés, elle, s’intensifie à chaque prétexte. Mais c’est peu de dire que ce sujet est mal porté par le mouvement anti-pass. D’abord parce que la confusion est de mise quand on parle de politique « sanitaire » et qu’on met dans le même panier Big Pharma et des précautions qui ne tiennent qu’à la bonne volonté de chacun·e, critique de la société industrielle et malthusianisme. Or, « il n’y a pas de politique sanitaire dans la mesure où il y a (de la part de l’État) un refus obstiné de toute mesure qui soit efficace et non punitive », écrit Valérie Gérard dans ce bel article qui oublie un « détail » : le durcissement des libertés individuelles et collectives à fins diverses.

Les lois sécuritaires s’enchaînent depuis des années, elles sortent toutes prêtes des ministères le lendemain d’une attaque ou d’un fait divers, elles en viennent à interdire tout et n’importe quoi, soumettent chacun·e à l’arbitraire policier, rognent des libertés que nous avions prises pour acquises. Leur prétexte importe peu, elles finissent par s’installer et les retours en arrière semblent impossibles. Cette critique est loin d’être un commun des manifestations anti-pass. Des camarades anarchistes les ont accompagnées dans l’espoir d’y voir surgir l’esprit de révolte qui a animé les Gilets jaunes comme des mouvements Nimby anti-aménagement, quand les discussions invitent à sortir de soi pour voir plus loin. La rencontre n'a pas eu lieu...

Justement, le couvre-feu pour raisons « sanitaires » dans les Antilles françaises a été remplacé par un couvre-feu sécuritaire. Un glissement qui n’a rien d’extraordinaire : à Singapour, il y a plus d’un an que l’appli anti-Covid locale sert à résoudre des affaires de droit commun. Nous y sommes donc, en commençant par les anciennes colonies, mais comment désormais faire front commun, après les convergences avec les libertariens et l’extrême droite au sujet des mesures « sanitaires », après la haine déversée sur celles et ceux qui osent dire que la violence et le mépris de l’État s’expriment d’autant mieux sur les sujets coloniaux ou post-coloniaux ? Pour recoudre cette déchirure, il faudra redonner tout son sens à la notion de liberté. Ça tombe bien, c’est ce à quoi nous invite un ouvrage tout juste sorti de presse...

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C’est la fin de l’année, des asso qui luttent pour nos libertés demandent de l’aide. Ici la Quadrature du net et là la Ligue des droits « de l’Homme ». En attendant les prochaines manifs.

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