Mot-clé - Individualisme

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samedi, 23 mars, 2024

Une captivité coupable ?

L’an dernier, une étude publiée par des économistes rendait compte de la somme pour laquelle les utilisateurs et utilisatrices des médias sociaux consentiraient à se déconnecter. Les étudiant·es d’une université états-unienne accepteraient 59 dollars, pas moins, pour ne plus se connecter à TikTok et 47 pour délaisser Instagram. De manière plus intéressante et apparemment contradictoire, ils et elles paieraient cette fois 28 dollars pour voir leur entourage (et elles-mêmes) se déconnecter de la plateforme chinoise et seulement 10 pour Instagram qui était pourtant, la dernière fois que j’ai regardé, la plateforme qui impactait le plus négativement les personnes qui ne s’en servent pas que pour regarder des vidéos de chatons.

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lundi, 19 février, 2024

I'm so happy to see you

Les logiques du développement personnel se sont doucement imposées dans notre imaginaire. Les ouvrages qui ont envahi les rayons des librairies peuvent dispenser une grande sagesse, si possible orientale, ou enchaîner les conseils simples ou les lieux communs (charité bien ordonnée commence par soi-même). Offrant une façade lisse, ils ont un propos aussi varié que consensuel. Depuis quelques années les critiques s’attachent à cet objet protéiforme, en dévoilant les nombreuses influences derrière une apparence anodine. Le développement personnel tire ses origines d’une part d’un ethos libéral et méritocratique qui s’exprime assez frontalement en langue anglaise depuis au moins un siècle : tout le monde peut devenir riche, celles et ceux qui ne le sont pas n’ont pas su tirer profit de mes enseignements, que voici offerts à la vente. Les nouvelles pratiques spirituelles devenues plus visibles en Occident à partir des années 1960, mais qui elles aussi ont des racines profondes, en constituent le versant ésotérique.

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vendredi, 2 février, 2024

Chères collaboratrices

9782348077609.jpg, fév. 2024Sandrine Holin, Chères collaboratrices. Comment échapper au féminisme néolibéral, La Découverte, 2023, 240 pages, 19,50 €

Voici un livre dont on a envie de partager la lecture avec beaucoup d’amies et de camarades, en raison de son sujet qui en France reste assez rarement abordé. S’il est facile de mépriser certains féminismes, il est plus difficile en revanche de poser le doigt sur ce qui pose réellement problème. Ainsi du féminisme pour cadres sup qui a trouvé en Sheryl Sandberg, ex-dirigeante de Facebook et milliardaire, son égérie (voir ici une critique par bell hooks, citée dans Chères collaboratrices). Sandrine Holin, survivante du féminisme en entreprise, remonte à la source du phénomène.

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samedi, 4 novembre, 2023

Sous le parapluie trans

Je suis bénévole dans un festival de cinéma qui tient à une non-mixité aujourd’hui devenue moins courante. Alors que bon nombre d’espaces non-mixtes sont « sans mecs cis(genre) », soit adoptent une non-mixité queer, nous tenons à être un lieu pour « les femmes et les lesbiennes » (1). Depuis vingt ans que je connais le festival, toutes les femmes y sont les bienvenues, cisgenre ou transgenre. J’apprécie le fait que chaque groupe puisse bâtir un espace qui correspond à ses aspirations et que diverses définitions de la non-mixité cohabitent, qu’on ne standardise pas les pratiques militantes. Ce festival réunit des festivalières très diverses, de tous âges, venues de tout le pays, avec des positionnements politiques différents qui se frottent parfois. L’an dernier un tag sur le mur externe du lieu disait : « Festival transphobe ». Cette année ce sont des « lesbiennes pas queer » tout aussi courageuses et anonymes qui ont pris la parole de cette manière très déplaisante pour faire connaître leurs reproches. Ça veut peut-être dire que le festival n’est pas monolithique et ces attaques sont une reconnaissance de la diversité qui y a cours.

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dimanche, 1 octobre, 2023

Tout plaquer

tout_plaquer_w.jpg, oct. 2023Anne Humbert, Tout plaquer. La désertion ne fait pas partie de la solution... mais du problème, Le Monde à l’envers, 2023, 72 pages, 5 €

Autour de vous, beaucoup ont peut-être choisi de déserter leur emploi dans le tertiaire pour en exercer un autre « qui a du sens » dans l’artisanat ou l’agriculture et sortir du salariat. Peut-être même faites-vous partie de ces déserteurs et déserteuses qui depuis quelques années font parler d’elles et d’eux, avec des pics d'attention inattendus.

Anne Humbert, ingénieure non déserteuse, a choisi de consacrer un livre au phénomène (encore un) mais celui-ci prend le parti de le critiquer, à partir d’échanges avec des ami·es ayant déserté et de lectures qui vont de la grande presse à des auteurs comme le sociologue Richard Sennet, critique de la standardisation du travail. Outre quelques articles, comme celui-ci dans Lundi matin, cette option reste à ma connaissance assez peu conventionnelle dans les milieux alternatifs plus ou moins radicaux subjugués par la notion de désertion (Reporterre a, selon Humbert, consacré vingt-et-un articles au discours des étudiant·es qui bifurquent d’AgroParisTech). Ces trajectoires ont suscité plus d’intérêt que le « refus de parvenir » auquel était consacré il y a quelques années un excellent bouquin, toujours disponible.

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mardi, 12 septembre, 2023

Luttes LGBTI, luttes des classes ?

En mars 2023, j’ai été invitée par l’UNEF à m’exprimer à l’université Clermont-Auvergne dans le cadre du Festival étudiant contre le racisme et les discriminations. La soirée a commencé par l’intervention d’un membre des Inverti·es qui a présenté ce collectif très présent dans le mouvement contre la réforme des retraites et sa volonté d’inscrire les personnes LGBT en tant que telles dans le mouvement social, notamment en raison du fait que c’est à ce titre que beaucoup sont vulnérables économiquement.

J’ai enchaîné en apportant quelques précisions sur la préhistoire du mouvement LGBT (j’étais la plus âgée dans l’assistance, ayant eu 20 ans en 1997) et en abordant des questions qui me tiennent à cœur. J’étais venue avec deux livres très différents. Le premier, du journaliste espagnol Daniel Bernabé, s’intitule Le Piège identitaire, chroniqué ici, et porte sur la politique des identités sexuelles et raciales, trop souvent perçue comme subversive. L’expression politique de minorités sexuelles n’est pas en soi un danger pour l’ordre établi. Barnabé montre combien la social-démocratie démissionnaire a même utilisé ses réponses aux revendications de ces minorités pour se donner une caution de gauche qu’elle ne méritait plus en raison de ses politiques trop favorables au capital et néfastes aux intérêts des plus pauvres (parmi lesquel·les ces minorités sont par ailleurs surreprésentées, ce que note bien Bernabé). Pensons dans le contexte français au mariage pour tou·tes, seule réforme de gauche de Hollande, par ailleurs responsable de la loi travail, de la mort de Rémi Fraisse et d’une répression politique violente, des cars Macron et de l’adoubement de celui qui depuis six ans fait le marche-pied de l’extrême droite. Rétrospectivement, le mariage pour tou·tes, une réforme par ailleurs insatisfaisante aux yeux de communautés LGBT, a le goût amer d’un quinquennat déjà à droite.

livres-LGBT-classes.jpeg, sept. 2023

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mardi, 15 août, 2023

Arrêtez de vous indigner !

Cette année je suis membre dans des collectifs militants de deux commissions qui ont chacune pour objectif de défricher des prises de position sur des questions délicates. J’ai été encouragée à y participer au motif qu’il faut y assurer un peu de diversité politique et que peu de personnes ont envie de s’y coller quand elles savent ne pas défendre la position qu’il est de bon ton d’avoir. J’ai prouvé ma capacité à défendre des positions minorisées, à ne pas répéter la doxa et à mettre le doigt sur les questions qui fâchent. Ça ne m’a pas empêchée d’y aller la boule au ventre en raison des violences symboliques qui se jouaient dans ces réunions.

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dimanche, 23 avril, 2023

« Mon corps, mon choix »

Il y a quelques jours, dans un groupe féministe, nous avons déplié un paragraphe de notre manifeste qui reprenait le slogan « Mon corps, mon choix ». J’avais émis quelques doutes sur cette formulation car si entendue comme un appel à la liberté reproductive et sexuelle des femmes elle fait consensus, elle contient aussi tout un monde contre lequel, en tant que féministes au sein d’un syndicat de transformation sociale, nous luttons. Enfin, j’espère.

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lundi, 30 janvier, 2023

Le Mythe de l’entrepreneur

entrepreneur.jpg, janv. 2023Anthony Galluzzo, Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l'imaginaire de la Silicon Valley, « Zones », La Découverte, 2023, 240 pages, 20 €

Auteur de La Fabrique du consommateur, Anthony Galluzzo nous livre ici le pendant de sa remarquable histoire de la consommation, une analyse du mythe de l’entrepreneur aux USA. Son histoire commence par la fin, avec la célébration de Steve Jobs. Galluzzo tente une histoire du succès d’Apple par plusieurs angles. Et si cette entreprise devait tout à Steve Wozniak, l’ingénieur de talent associé à Jobs depuis les fameux débuts de l’entreprise dans un garage ? Ou bien à Mark Markkula, l’homme qui réussit à intéresser les investisseurs au destin de la start-up, avec un succès tel qu’elle dut vite refuser des propositions d’entrée dans le capital ? Ou bien à la Silicon Valley, ce tissu d’entreprises dont Hewlett-Packard où Wozniak fit ses premiers pas et Xerox qui inventa dès 1973 l’interface graphique qui fit le succès d’Apple ? Ou bien à l’État, très volontaire dans la création de ce cluster de laboratoires de recherche fondamentale financés par le public, complété par des entreprises qui en valorisaient l’innovation ? Un peu de chaque, évidemment. Le mythe de Steve Jobs illustre bien ce que François Flahaut appelait le « paradoxe de Robinson », cette image de l’homme qui ne doit rien à personne – mais qui survit grâce au bateau échoué dont la cale contient tous les outils nécessaires, pour ne rien dire des savoirs acquis en Angleterre et que le naufragé a emportés avec lui sur son île déserte.

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jeudi, 12 janvier, 2023

La bride sur le col

Il y a quelques semaines, je suis restée songeuse devant un énième fil sur un réseau social bien connu. Un homme avait pris des photos de ses enfants devant le SUV nouvellement acquis de son voisin et mettait en évidence le contraste entre la vulnérabilité des petit·es et la lourdeur de la machine. Suivaient des interrogations sur la dangerosité de cette voiture pour les autres car, outre la lourdeur de l’engin en cas de choc, la visibilité est compromise par la taille du capot. La personne qui conduit n’est pas en mesure de seulement voir la tête d’un enfant en âge de traverser si elle est à moins de x mètres de la voiture, le x en question augmentant avec l’énormité du véhicule. Les réponses étaient très clivées, les un·es acquiesçant et les autres défendant le choix du propriétaire du char d’assaut, au nom de la liberté individuelle.

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samedi, 12 novembre, 2022

Soyez sympas, portez un masque

Quand les annonces dans les trains et les métros, depuis plus de six mois, invitent « vivement » au port du masque pour éviter la propagation du Covid alors que même le personnel de la SNCF ou de la RATP ne le porte pas, la parole des autorités est démonétisée comme jamais. « Parle à mon cul, Manu, ma tête est malade ! » On pourrait en sourire ou se réjouir de cette insubordination mais je ne pense pas qu’elle constitue le moindre antidote au libéralisme autoritaire qui triomphe actuellement, avec son atteinte aux formes démocratiques pourtant peu exigeantes du gouvernement représentatif. Au contraire, c’est d’obéissance aux autorités qu’il est question quand le gouvernement choisit de se passer dans les lieux publics d’un moyen de protection simple, au motif que les hôpitaux sont à peine engorgés et que le nombre de mort·es chaque semaine est acceptable (l’équivalent d’un ou deux cars qui se crashent chaque jour, presque trois pendant le printemps électoral), et que l’immense majorité d’entre nous le suit.

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vendredi, 8 juillet, 2022

Face aux politiques sanitaires inconsistantes, l’autogestion ?

Deux ans après les mensonges sur les masques, que le gouvernement n’avait pas pris la peine de provisionner en masse malgré les multiples alertes de virus se transmettant par voie d’air, les autorités ont été jugées fautives par le Conseil d’État. Mais aucune responsabilité n’a été précisément établie concernant les personnes mortes des conséquences de leur action car après tout c’est aussi la faute à pas de chance quand on chope le Covid et parce que les dites autorités ont quand même montré leur bonne volonté pour lutter contre l’épidémie en promouvant largement la distanciation physique et le lavage des mains. Voilà qui pose problème. Car la distanciation physique et le lavage des mains ne contribuent pas vraiment à la réduction des risques Covid. Pire, les efforts qui leur sont dédiés sont divertis du cœur du problème : la transmission par aérosols, qui nécessite port du masque et aération des locaux. Et depuis deux ans et demie, ce cœur de la réduction des risques est sous-estimé ou ignoré et nous perdons « la bataille de l’air ».

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dimanche, 22 mai, 2022

La grande convergence

Imaginez cette annonce dans un avion : « Mesdames et messieurs, pas la peine d’attacher vos ceintures, elles ne servent à rien : même avec, des gens ont pu mourir dans des accidents aériens. Nous avons revendu les gilets de sauvetage et économisé sur les inspections de sécurité avant le vol. N’hésitez pas à aller fumer dans les toilettes et bon courage pour arriver à bon port. » Ce n’est pas le genre d’annonce qui susciterait les applaudissements et les cris de joie des passagèr·es mais c’est ce qui s’est passé mi-avril quand aux États-Unis les juges ont estimé que le port du masque attentait à la liberté individuelle. Et pas du tout à la liberté de tou·tes de prendre les transports en toute sécurité, malgré leur fragilité ou leur simple manque d’appétence pour une semaine de grosse crève, le risque d’un Covid long et la possibilité d’infliger tout ça ou pire aux personnes de leur entourage et au-delà. Le scénario catastrophe s’est propagé de l’Amérique libertarienne à la France macroniste avec un mois de retard et, le 16 mai, la fin du port du masque obligatoire dans les lieux publics confinés s’est étendue aux transports en commun. Ironie de l’histoire, ce sont ces jours-là pour lesquels l’Assurance maladie me demande de renseigner mes cas contact car je viens d’être testée positive (j'ai répondu en donnant la liste des lignes de transport en commun que je fréquente).

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samedi, 21 mai, 2022

Reconnaître nos chaînes pour espérer les briser

Des jeunes qui ont le grand mérite d’avoir décroché un diplôme sensiblement égal à celui de leurs parents. Des consommateurs et consommatrices à blâmer pour leurs choix peu soutenables. Des personnes positives au Covid et qui ne peuvent que regretter leur manque de chance. Nous peinons toujours à admettre à quel point nos vies sont déterminées par l’organisation sociale et préférons envisager nos personnes en majesté, en capacité de mener des vies indépendantes, de faire des choix qui leur appartiennent entièrement.

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mercredi, 20 avril, 2022

Fin de partie ?

Si la crise sanitaire due au Covid-19 était un marathon, on peut tenter d’imaginer comment les autorités françaises l’auraient couru. D’abord un énorme sprint, à s’en faire péter la rate. Confinement strict, avec deux poids-deux mesures selon le statut social des personnes, et un coût énorme – pas seulement économique mais aussi social et sanitaire (les malades, actuel·les et à venir, d’autres pathologies ont été sérieusement impacté·es (1), sans compter la dégradation globale de la santé physiologique et psychologique), démocratique également car l’arbitraire des règles et de leur mise en œuvre attente aux quelques caractères démocratiques de nos sociétés. Le tout avec le petit caillou dans la chaussure que constituent le discours sur l’inutilité des masques et leur absence dans les stocks.

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vendredi, 15 avril, 2022

Ma bite est vivante

Par Alain Gomasio

La bride tendue sur mon cou, la ceinture de chasteté sur ma bite, tout ce qui m’empêche de humer l’air des sous-bois et de profiter du vivant… Voilà deux ans que le capital et ses complices appauvrissent ma vie et confinent mon vit. Le troupeau des peine-à-jouir applaudit les autorités pour leur gestion inhumaine de nos corps, salue l’efficacité et la constance de mesures qui devraient faire horreur à n’importe quel être véritablement vivant. « Gestes-barrière », « confinement », « comorbidités », « immunité », « épidémiologie », « ARN messager », leur lexique est envahi par une novlangue aussi laide que commune.

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mardi, 29 mars, 2022

Le Piège identitaire

Le-piege-identitaire.png, mar. 2022Le Piège identitaire. L’Effacement de la question sociale, Daniel Bernabé, traduit de l’espagnol par Patrick Marcolini avec Victoria Goicovich, L’Échappée, 312 pages, 20 €

En 2018, le journaliste et essayiste Daniel Bernabé publiait en Espagne un ouvrage critique des tendances de la gauche à servir les besoins de reconnaissance des minorités tout en abandonnant toute prétention à lutter contre l’organisation socio-économique qui permet l’exploitation des travailleurs et travailleuses. Résumé comme ça, le livre semble rejoindre le lot de ces nombreuses imprécations moqueuses et convenues contre les « racialisateurs », les féministes post-modernes ou les poses de la bourgeoisie de gauche dans l’espace public. Mais l’exercice est bien plus subtil et cette publication, traduite et légèrement adaptée au contexte français de 2022 par Patrick Marcolini (1), est une réussite. Car il ne s’agit pas pour l’auteur de déclarer la nullité des demandes des groupes sociaux minorisés (femmes, personnes non blanches, LGBT, etc.) mais de les articuler à une critique sociale plus large et vigoureuse, celle d’un capitalisme en roue libre, qui ne rencontre plus guère d’opposition dans les sociétés européennes.

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mardi, 30 novembre, 2021

Covid : la liberté des un·es aux dépens de celle des autres

Vaccin, j’oublie tout

Allez les enfants, les vacances sont finies, les mesures sanitaires sont de retour. Après avoir offert quelques mois de répit aux personnes vaccinées, papa Macron cogite pour gérer le seul chiffre qui lui importe, celui des admissions hospitalières qui doivent rester à la limite de capacités bien écornées, et par la politique d’austérité, et par la crise sanitaire. Tout en respectant au mieux les besoins de l’économie, c’est à dire des classes qui en tirent le plus grand profit.

Pendant tout l’automne, les salarié·es n’ont pas eu la possibilité de choisir de télétravailler et ont dû s’entasser dans le métro ou contribuer à des embouteillages qu’on n’avait plus vus depuis longtemps. Les lieux recevant du public n’ont plus eu d’obligation de port du masque en intérieur, sauf à l’initiative des organisateurs ou des préfets. C’était la fête. À un détail près : nous en avons tenu à l’écart les personnes non-vaccinées ou qui ne se soumettaient pas au pass sanitaire. Pendant qu’elles étaient de facto confinées, nous avons enfin joui. Pendant ce temps, je fermais ma gueule, un peu parce que j’en ai marre de faire les Cassandre qui sait comment ça va finir (dans un futur proche, pas plus), un peu parce que la seule réponse accordée aux questions que je pose à la sphère écolo radicale à ce sujet, c’est du bullying (j’en reparlerai).

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dimanche, 5 septembre, 2021

Misère du cyclisme urbain

« Connasse, t’as qu’à te pousser dans le caniveau, je te double si je veux ! » C’est pas lui qui me gueule ça, c’est moi qui verbalise à voix haute son dring-dring parce que je prends toute la place sur cette piste cyclable trop étroite pour y rouler à deux de front. (Oui, dans la France d’avant – avant le 5 décembre 2019 – on imaginait des cyclistes épars·es se suivre de loin en loin et personne n’avait prévu des pistes suffisamment larges pour doubler.) Il me dépasse quand même, en me frôlant et en me faisant savoir qu’il est vexé que j’aie pu le confondre avec un automobiliste de base. Lui, il est beaucoup mieux. Il fait du vélo, il mange peut-être bio pour sauver la planète en rentrant à 18 h de son boulot de bureau bien payé, si j’en juge par son joli équipement. Il est probablement « déconstruit » et titulaire d’un livret éthique qui partage ses maigres bénéfices avec Pierre Rabhi, un peu comme moi. Sauf que moi, je suis capable de gérer ma frustration et de rester à rouler tranquillement derrière une vieille dame ou un gros monsieur, tant que je n’ai pas la place de les dépasser. Je le retrouve plus tard, j’étais passée devant lui suite à un mauvais choix de sa part au carrefour et il me double de nouveau. On roule à peu près à la même vitesse mais le moindre différentiel lui est insupportable, c’est son droit humain de doubler quiconque le ferait à peine ralentir, dès qu’il estime que « ça passe ». Aujourd’hui c’est lui, un barbu trentenaire ou quadra. Hier c’était elle, une meuf plus jeune en Vélib (1) pour qui s’était vital, de se placer devant moi, j’avais donc roulé deux kilomètres sur l’avenue sagement derrière elle après son dépassement dangereux. Avant-hier c’était un autre gars avec un vélo sportif, dans un virage, et qui roulait sur la piste malgré une vitesse élevée.

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mercredi, 9 juin, 2021

La prévention et la responsabilité, c’était nous

Le minibus filait sur l’autoroute, ramenant à Paris les dernier·es participant·es d’un séminaire écologiste. Sur l’un des ponts autoroutiers, ce slogan d’Extinction Rebellion : 48 000 morts prématurées sont dues chaque année à la pollution de l’air (1). Parce que ces morts nous importent, nous n’avons jamais proposé que les personnes fragiles restent chez elles pendant que nous autres (2) continuerions à polluer. Alors que les autorités nous opposaient une inertie coupable, nous proposions plutôt d’entamer ensemble une décroissance organisée et équitable des transports. La prévention et la responsabilité, la reconnaissance de notre interdépendance, c’était nous. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et nous, les écologistes, avons en partie rejoint la masse des jouisseurs qui refusent de négocier leur mode de vie, quand ce n’est pas les rangs d’une extrême droite libertarienne qui hurle à la « dictature sanitaire » quand sont prises des mesures collectives contre la circulation du Covid. À la dictature sanitaire, nous n’avons pas opposé de démocratie sanitaire mais un libéralisme sanitaire, pour le dire poliment.

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