L’an dernier le succès de la notion de bienveillance interrogeait mon
mauvais esprit. Depuis, cette notion a pris encore plus de place dans l'espace
public. De l'éducation positive au développement personnel, la bienveillance a
envahi jusqu'aux discours militants, dans un large spectre qui va des plus
radicaux/ales aux bénévoles de la campagne Macron. Certes, écrivais-je, « la bienveillance, ce pourrait
être cette manière d'être ensemble sans s'user, sans se faire trop de mal les
un-es aux autres, pour continuer à militer, faire venir du monde et ne pas se
retrouver avec trois warriors et deux tondus dans des rangs clairsemés ».
Mais, alors que l’injonction à la bienveillance devenait omniprésente, j’avais
l’impression d’un comportement dont il n’était plus question d’interroger le
sens, d'une véritable norme qui n’était plus (seulement) un moyen de renforcer
les rangs des militant-es en cultivant entre eux et elles des liens plus
positifs, contre l'usure ou contre la violence qui irrigue ces milieux (1). Au
nom de la bienveillance, valeur observée à Nuit debout, je notais par exemple
qu’il n’était plus possible de huer à l’ancienne un type venu servir un
discours de préférence nationale. À quoi servait donc la bienveillance si ce
n’était plus une qualité relationnelle à construire entre camarades mais une
obligation sociale, un genre de droit humain dû même aux fachos ?