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mercredi, 8 novembre, 2023

La Tentation écofasciste

Tentation_ecofasciste.jpg, nov. 2023Pierre Madelin, La Tentation écofasciste. Écologie et extrême droite, Écosociété, 2023, 272 pages, 18 €

Après deux ouvrages consacrés à l’écologie politique (Après le capitalisme. Essai d’écologie politique) et à une de ses branches parmi les plus intrigantes ou questionnables (Faut-il en finir avec la civilisation ? Primitivisme et effondrement), le philosophe Pierre Madelin a choisi d’interroger l’écofascisme, mis sur le devant de la scène en 2019 par deux meurtres de masse, à Christchurch en Nouvelle-Zélande et Houston au Texas, justifiés par les discours écofascistes de leurs auteurs. Son ouvrage commence par une recherche de définition de ce qu’est l’écofascisme. Plus souvent insulte qu’argumentaire étayé, l’accusation d’écofascisme n’est pas plus claire que celle de fascisme. Les discours dominants assimilent l’écofascisme avec toute critique de la modernité et de l’industrialisme. Les écologistes, d’EELV aux sphères anti-indus et radicales, seraient donc des écofascistes en puissance, foulant aux pieds l’héritage monolithique des Lumières et son universalisme éclairé (pas si simple). Leur attachement aux notions d’autonomie et de liberté est évacué, pendant que leur discours sur les limites écosystémiques est assimilé à l’acceptation des diktat de la nature. Les écologistes, au premier rang desquels Bernard Charbonneau et André Gorz, ont pour leur part appelé écofascisme la tentation de régler les problèmes d’accès à des ressources naturelles devenues plus rares par un contrôle bureaucratique et un partage autoritaire. Enfin, une dernière définition de l’écofascisme tient à certaines pensées écocentriques, accusées de mépriser la vie humaine.

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samedi, 4 novembre, 2023

Une histoire d’autoroute

En 2007, l’écologie avait enfin surgi comme un sujet politique légitime, après des décennies d’alertes ignorées. C’est cette année-là que je me suis engagée dans une lutte contre un projet d’aménagement, l’autoroute A65. Première autoroute de l’après-Grenelle de l’environnement, le projet aquitain, long de 150 km, supposait l’artificialisation de 1 500 hectares et la destruction de huit zones Natura 2000. J’avais rencontré à l’occasion un petit groupe de militant·es landais·es très attaché·es à leur coin de forêt et à leurs sept fontaines, à quelques dizaines de kilomètres de là où j’ai moi-même grandi.

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dimanche, 10 septembre, 2023

Plantez des arbres !

arbre-sécheresse.JPG, sept. 2023Tout le monde aime les arbres. Même Macron. Et pour cause, en dehors de leur valeur intrinsèque, leurs bénéfices pour les êtres humains sont nombreux. En ville les arbres améliorent la qualité de l’air en capturant le CO2 et relâchant de l'oxygène. Ils apportent une ombre bien plus fraîche (1) que celle des « ombrelles » en béton qui les ont parfois remplacés (2). L’absence d’arbres et des espaces trop minéraux provoquent au contraire des îlots de chaleur insupportables lors des périodes caniculaires toujours plus nombreuses. Les arbres à feuilles caduques ont même le bon goût de se dévêtir l’hiver, quand les maisons ont besoin des apports du soleil pour se réchauffer, et c’est l’un des principes de l’architecture bioclimatique. Dans les prés et même les champs, la présence d’arbres protège de la sécheresse, apporte de l’ombre et du fourrage pour les animaux (les ruminants mangent aussi des feuilles), du bois dans les économies paysannes pour le chauffage ou la construction. Les recherches en agroécologie nous ont permis de mesurer les bénéfices de l’arbre jusque dans les champs. Certes ils compliquent le travail mécanique et réservent une partie de la surface, qui ne peut être cultivée. Mais globalement, il est établi que la présence d’arbres est un bénéfice y compris en matière de production végétale et là encore les canicules à venir ne feront que les accroître en comparaison avec les terres sans arbres, plus sujettes à la sécheresse et dont l’attrait paysager est par ailleurs bien faible. Les forêts, en revanche, apportent fraîcheur et variété des espèces vivantes (3). Les paysages arborés fournissent un plaisir qui va jusqu’à l’émerveillement mais qui disparaît devant une monoculture à perte de vue. Partout la présence d’arbres contribue à l’entretien de populations d’insectes pollinisateurs ou non, au maintien de la vie. Et au niveau global, les arbres ont les mêmes avantages de captation du CO2 et leur rôle dans la régulation des gaz à effet de serre est bien connu. Dans les forêts tropicales, la plantation d’arbres nourriciers au milieu des arbres qui ont poussé spontanément ainsi que la chasse d’animaux forestiers ont permis à de nombreux peuples, comme à Bornéo, de vivre dans cet écosystème. La déforestation sur tous les continents de larges pans de forêt met en jeu leur survie… et à terme, la nôtre.

IMG_1329.JPG, sept. 2023

Photos : En septembre 2022 en Loire-Atlantique, l'herbe n'est restée verte que sous un grand arbre. Pendant une très chaude journée d’été dans le Lot-et-Garonne, des animaux d’élevage se regroupent à l’ombre des arbres. Ombre portée en été sur la façade d’un mas provençal par un micocoulier.

mas-micocoulier.jpeg, sept. 2023

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jeudi, 27 juillet, 2023

Cartes participatives en Malaisie

Cet été deux sites publient mes billets sur des initiatives malaisiennes très différentes mais qui toutes deux passent par la cartographie participative.

Cartographie participative du vélo potentiel à Kuala Lumpur
Sur le tout nouveau site Imago Mundi, dédié à nos usages de l’espace et à ses représentations, un reportage datant de 2016 sur la cartographie de la cyclabilité de la capitale malaisienne Kuala Lumpur. Au-delà du caractère socialement marqué de l'usage du vélo par des classes jeunes et aisées, une initiative tente d’intégrer tou·tes les usager·es du basikal.

Mapping as a Tool in Indigenous Peoples’ Struggle
Retrouvez sur Visionscarto la version anglaise d'un reportage paru en 2019 sur l’usage des cartes par les communautés rurales autochtones cherchant à faire valoir leurs droits sur leurs terres ancestrales.

mardi, 28 mars, 2023

Fin du monde et petits fours

findumonde.jpg, mar. 2023Édouard Morena, Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, La Découverte, 2023, 168 pages, 21 €

Il y a quelques années surgissait une écologie people. Les stars s’engageaient pour la planète : Mélanie Laurent co-réalisait le film Demain avec Cyril Dion, Leonardo DiCaprio invitait sur son yacht géant le petit Pierre Rabhi, Aurélien Barrau et Juliette Binoche engageaient, avec leurs ami·es du monde du cinéma, l’humanité à se ressaisir et les autorités à prendre des mesures coercitives s’il le fallait (1). Tous leurs discours avaient en commun une écologie niaise, faisant l’impasse sur notre organisation sociale et sur la liberté donnée aux plus gros acteurs économiques d’user et d’abuser des ressources naturelles (2). Le livre du politiste Édouard Morena n’est pas consacré à ces petits fours-là mais la lecture de son livre donne des clefs pour comprendre qu’il ne s’agit pas là de niaiserie mais d’une stratégie de classe très consciente appuyée sur la niaiserie de certaines personnalités.

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dimanche, 1 mai, 2022

Criminels climatiques

9782348046773.jpg, mai 2022Mickaël Correia, Criminels climatiques. Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète, La Découverte, 2022, 190 pages, 19 €

Au début des années 2000, l’industrie pétrolière promeut le concept d’empreinte carbone. Chacun·e selon son mode de vie a une empreinte comptabilisée en émissions de gaz à effet de serre (GES) : kilomètres en voiture ou en avion, alimentation, achats, chauffage correspondent à des consommations énergétiques et aux émissions de GES conséquentes. Et si, au-delà des individus, on comptait l’empreinte carbone des pays ? celle des entreprises ? et pourquoi pas celle des entreprises qui livrent l’énergie aux consommateurs finaux ? L’idée semble a priori simple ou bien alors incongrue car ces entreprises ne se contentent-elles pas de fournir aux dits consommateurs ?

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mardi, 15 mars, 2022

La part du feu

Et si, pour protéger les espèces vivantes de cette planète, nous décidions de préserver la moitié des terres de toute agriculture ? C’est la proposition qui est faite par les tenants du sparing, de l’anglais pour épargner. Cette idée part du principe que notre agriculture est destructrice des milieux et que la meilleure façon de limiter son impact est de limiter les surfaces sur lesquelles elle se déploie. Dans ce cadre de pensée-là, la productivité plus faible de l’agroécologie (1), plus gourmande en espaces, en fait un choix… moins écologique. Le biologiste Edward Osborne Wilson a présenté en 2016 cette idée dans un ouvrage, Half-Earth, jamais traduit en français. Benjamin Phalan, l’un des chercheurs qui la soutient, montre que les populations animales s’en sortent mieux dans les espaces sauvages que cultivés, même de manière écologique, et selon lui « la plupart des espèces auraient des populations plus fournies si la nourriture était produite sur les surfaces les plus réduites possible, épargnant les plus grandes surfaces de végétation sauvage possible » (les citations sont tirées d’un article lumineux de Fred Pearce).

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mercredi, 19 janvier, 2022

L’élevage entre deux feux

La viande est en passe de devenir le énième emblème identitaire, marqueur de francité ou de progrès social. La droite rance réagit au quart de tour quand il est question de végétarisme. L’annonce de menus végétariens sans possibilité de choix dans les écoles lyonnaises avait déclenché une véritable panique morale, quand bien même la mesure avait été mise en place par la mairie de droite avant la victoire d’EELV, pour fluidifier la circulation dans les cantines par temps de Covid. À les entendre, c’est Mozart qu’on assassine, les enfants pauvres qu’on prive de subsistance, les éleveurs qu’on condamne à un suicide certain.

Cette droite est désormais suivie par le candidat communiste pour qui la tradition française et la qualité de la nourriture se confondent en une devise ternaire : « Viande, fromage, vin (avec modération). » Exit les patates du gratin dauphinois, les haricots du cassoulet, les pommes de la tarte Tatin, le populo veut de la barbaque et du frometon, la gauche va leur en donner !

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dimanche, 15 août, 2021

La Croissance verte contre la nature

9782348067990.jpg, août 2021Hélène Tordjman, La Croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande, La Découverte, 2021, 352 pages, 22 €

La Croissance verte contre la nature est certainement le plus grand livre d’écologie de l’année. L’économiste Hélène Tordjman s’y attaque aux évolutions de la technologique et du capitalisme et à leur nouvelle prise en compte des questions environnementales. Entamé il y a moins de vingt ans, ce virage « vert » n’entend pas sortir de l’ornière productiviste mais ses innovations sont désormais accompagnées de justifications écologiques. Tordjman documente donc plusieurs dossiers pour tenter d’en comprendre les racines idéologiques et les logiques économiques.

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vendredi, 30 avril, 2021

Déferlement de déchets plastiques en Asie du Sud-Est

Aux premières heures du jour, des tas de feuilles mortes et d’emballages plastiques brûlent devant les maisons de Kalianyar, un village de Java-Est où vit M. Slamet Riyadi. Ce dernier travaille dans le tourisme après avoir appris l’anglais en autodidacte. Il sait que la combustion ne fait pas tout disparaître. « Comme ils ne voient plus rien, les villageois croient qu’il n’y a plus rien. Or le plastique reste ! » Il aimerait monter une association pour trier les déchets, vendre ce qui peut être recyclé, composter les matières organiques, et pour le reste… il verra.

Il est bien le seul à s’inquiéter des fumées pleines de dioxines. Les plastiques ne font l’objet d’aucune collecte dans les campagnes indonésiennes. Pourtant, ils abondent dans la vie quotidienne. Au marché du bourg voisin, Tamanan, deux stands vendent des emballages à usage unique, sachets et boîtes en polystyrène, dont les autres marchands et marchandes font grand usage. Les doses individuelles sont légion : non seulement elles sont pratiques, mais surtout elles permettent aux ménages pauvres d’effectuer leurs dépenses au jour le jour. Quand ces déchets ne sont pas brûlés, ils s’accumulent au bord des routes et dans les cours d’eau.

La suite dans le Monde diplomatique de mai 2021, en kiosques actuellement.

English version translated by Charles Goulden
Aluvión de residuos plásticos en el sudeste asiático
Unser Müll in Java. Südostasien versinkt im Plastik

mercredi, 24 mars, 2021

Faut-il faire de l'écologie sans les écologistes ?

Cet hiver le Haut conseil pour le climat, une instance créée en 2018 pour « apporter un éclairage indépendant sur la politique du gouvernement en matière de climat », a livré un rapport sur l'impact écologique du déploiement de la 5G. Ce rapport, commandé par le Sénat, anticipe une augmentation de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre due à l'utilisation de cette nouvelle technique, pourtant plus efficace que la 4G. L'empreinte carbone du numérique, aujourd'hui autour de 15 millions de tonnes par an en France, est amenée à croître ces prochaines années mais le déploiement de la 5G devrait entraîner vers 2030 un doublement de cette croissance, a minima, si ce n'est un quadruplement. Les raisons en sont le renouvellement du matériel, l'effet-rebond des consommations (soit les nouveaux usages induits par exemple par l'Internet des objets, si j'ai bien compris). Le tout nous entraînant vers une empreinte de 25 millions de tonnes bien incompatible avec les engagements déjà peu ambitieux de la France en matière d'émissions.

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vendredi, 19 mars, 2021

Les Émotions de la Terre

livre_affiche_635.png, mar. 2021Glenn Albrecht, Les Émotions de la Terre. Des nouveaux mots pour un nouveau monde, Les Liens qui libèrent, 2021, 366 pages, 9,90 €

Lors du premier confinement, c'est un fait qui est apparu avec plus d'évidence que jamais : la nature fait du bien, au corps et à l'esprit. Or dans une société industrielle qui détruit son milieu, l'accès à la nature est restreint ou dégradé. Glenn Albrecht a nommé le malaise devant cette dégradation la solastalgie, néologisme ou plutôt mot-valise évoquant la consolation et la nostalgie, soit la douleur d'avoir perdu un milieu qui faisait du bien. Ce philosophe australien est d'ailleurs gourmand de néologismes, les siens et ceux des autres. On connaît la nostalgie (un mot inventé au XVIIe siècle pour décrire le sentiment douloureux pour un pays éloigné et, dans une acception plus récente, une époque révolue) ; l'Anthropocène, la période géologique qui a succédé à l'Holocène et se caractérise par le changement apporté par l'être humain (on y reviendra) à son milieu ; l'écocide (l'équivalent d'un crime de guerre ou crime contre l'humanité mais perpétré contre le milieu). Je dis « milieu » pour éviter cette expression récusée par l'auteur d'« environnement », bien trop anthropocentrique. À ces mots il faut ajouter ses créations propres, entre beaucoup d'autres la météoranxiété, ou angoisse devant un climat devenu imprévisible, la Terraphthora, les forces qui détruisent la Terre alors que la Terranascia est au contraire l'ensemble des forces créatrices.

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mardi, 9 mars, 2021

Les Apprentis sorciers de l’azote

azote.jpeg, mar. 2021Claude Aubert, Les Apprentis sorciers de l’azote. La Face cachée des engrais chimiques, Terre vivante, 2021, 144 pages, 15 €

Chaque année au printemps, c’est la saison des épandages agricoles. Une pollution mal connue qui pourtant est responsable de la présence dans l’air, entre autres, de particules fines PM 2,5 (de moins de 2,5 micromètres). Ces particules fines provoquent chaque année des morts prématurées mais elles sont aussi mises en cause pour l’aggravation de maladies respiratoires transmissibles, dont le Covid. Le confinement du printemps 2020, qui a vu une baisse jamais observée auparavant des transports, a été l’occasion de constater l’impact spécifique de notre agriculture, dû notamment aux engrais azotés. Et alors que les autres pollutions de l’air baissent depuis quelques décennies, celles-ci restent stables. C’est à ce problème et à d’autres que l’agronome Claude Aubert, pionnier de l’agriculture bio, consacre un ouvrage simple, clair et joliment illustré.

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samedi, 23 janvier, 2021

Homo domesticus

domesticus.jpg, janv. 2021James C. Scott, Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États, traduit de l’anglais par Marc Saint-Upéry, La Découverte, 2021, 324 pages, 13 €

C’est un récit classique, celui d’une humanité qui se dirige de manière continue vers son accomplissement. Jadis sans État ni agriculture, nos ancêtres découvrirent enfin comment planter des céréales puis comment s’organiser dans des formes politiques de plus en plus complexes. James C. Scott va à rebrousse-poil (against the grain en anglais, c’est aussi le titre original du livre) de cette histoire en présentant un tableau beaucoup plus critique des premiers États et de l’hésitation entre sociétés avec ou sans État. Car il ne s’agit déjà pas d’une histoire linéaire. Les individus qui vivent sous un État peuvent s’en libérer et les États eux-mêmes s’effondrer – sans que les individus qui y vivaient ne s’en trouvent plus mal.

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dimanche, 4 octobre, 2020

Friction

9782359251791.jpg, oct. 2020Friction. Délires et faux-semblants de la globalité, Anna Lowenhaupt Tsing, La Découverte, 2020, 460 pages, 24 €

En 1998, le leader autoritaire indonésien Suharto doit abandonner le pouvoir. Les années qui suivent sont celles de la Reformasi, mouvement de démocratisation qui est aussi une période de grande insécurité : la déforestation s'accélère et l'armée empoche les dessous de table. Anna Tsing écrit dans les années suivantes, depuis l'île de Bornéo, cet ouvrage, Friction, où il est question d'un aventureux entrepreneur canadien, d'étudiant·es amateurs de nature, d'une femme qui cite une millier d'espèces animales et végétales présentes autour d'elle, de chef·fes de village capables de parler la langue des écologistes comme celle des développeurs. Entre autres. L'autrice, connue du lectorat français pour son livre Le Champignon de la fin du monde (La Découverte, 2017), est anthropologue et travaille depuis les années 1980 à Bornéo (ou Kalimantan), dans la partie indonésienne de cette île, la plus grande de l'archipel, jadis couverte de forêts équatoriales.

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dimanche, 16 août, 2020

La cartographie, outil de lutte des peuples autochtones

P1050276.JPG, août 2020Au bout d’une heure de piste entre les plantations de palmiers à huile, nous voilà enfin sur une route goudronnée, au milieu de la forêt. Les panneaux avertissent de possibles passages d’éléphants et leurs excréments encore frais au milieu de la chaussée confirment cette présence. L’entrée du parc naturel national d’Endau-Rompin, le deuxième plus grand de Malaisie occidentale derrière l’emblématique Taman Negara, est au bout de la route, à côté d’un village autochtone jakun, population autochtone du sud de la péninsule Malaise. Les maisons sont modestes, les environs plantés d’arbres et les habitant·es sillonnent le village sur leurs scooters. Nous sommes à Kampung Peta, le village le plus en amont de la rivière Endau qui se jette dans la mer de Chine méridionale, au sud de la péninsule.

La suite sur le site de Visions carto.

dimanche, 19 janvier, 2020

Une écologie des riches

C'est une affirmation à tempérer mais, sans attendre des politiques de transition écologique, nous avons dès maintenant la possibilité et la responsabilité de baisser notre impact sur l'environnement en adoptant quelques bons principes de vie : choisir les mobilités douces, acheter des produits bio tant alimentaires que cosmétiques, d'entretien ou textiles, trier ses déchets, rénover sa maison avec des matériaux écologiques, habiter un logement pas trop grand, produire moins de déchets en utilisant des objets réutilisables et des aliments en vrac et moins transformés, moins chauffer son logement, ne jamais prendre l'avion. J'en oublie peut-être…

Ces quelques principes semblent opposer des classes conscientisées de centre-ville (qui vivent assez près de de leur emploi pour y aller à vélo, ont les moyens de manger bio, peuvent assumer les surcoûts de certaines pratiques de consommation quand il faut choisir un produit plus écologique) à ces classes populaires qui se sont insurgées l'hiver dernier à propos d'éco-taxes sur le diesel, lesquelles sont dépendantes de la voiture, n'ont pas les moyens de faire entrer dans leurs critères de consommation les questions écologiques et le voudraient-elles vraiment ? Il est une idée qui s'impose d'après laquelle cette écologie des ménages, qui constituerait notre principale marge de manœuvre pour faire changer radicalement nos sociétés, appartiendrait au registre d'une classe sociale, éduquée et à l'aise financièrement (1) pendant que les autres sont au mieux captives, au pire rétives.

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dimanche, 1 décembre, 2019

Les Besoins artificiels

Les Besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme, Razmig Keucheyan, La Découverte, « Zones », 2019, 250 pages, 18 euros

Depuis quelques années le Black Friday, ce lendemain de Thanksgiving dévoué à la consommation, donne lieu en France à des soldes frénétiques. L'édition de 2019 a été également l'occasion de nombreuses actions de sabotage, dans le monde comme ici. L'impact écologique et social de la fièvre acheteuse est connu, régulièrement dénoncé. Le Buy Nothing Day du magazine Adbusters, dernier samedi de novembre, a longtemps été marqué d'une pierre blanche dans l'agenda des militant·es de la décroissance, un jour dédié à des actions de sensibilisation dans les temples de la consommation. Mais l'urgence climatique toujours plus pressante, la part croissante de la vente en ligne et de ses conséquences sociales et écologiques, tout ça a donné cette année des actions directes plus radicales, souvent menées dans les magasins plutôt que dans les nœuds logistiques. Cette orientation, côté consommation plutôt que production, a suscité quelques malaises : « Le Black Friday, c'est l'occasion pour des classes moins aisées de payer des cadeaux pas trop chers à leur petite famille », ai-je entendu ici ou là. L'urgence écologique, oui, mais acheter pour Noël (1) est un besoin qui doit être pris en compte. Peut-être est-ce là un de ces besoins artificiels à remettre en cause ? Et comment ?

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samedi, 10 août, 2019

Leur écologie et la nôtre

Il y a quelques jours, j'ai eu l'idée saugrenue de demander à un colibri de ma connaissance s'il avait bien supporté la lecture d'Égologie et celui-ci en est venu à critiquer les mouvements écolos qui se complaisent dans leur singularité et le fait qu'ils ont raison tandis que les autres ne sont que des imbéciles. Vu la gravité de l'enjeu, me disait-il, il faut s'unir, tous les efforts sont bons à prendre. Oui. Mais non.

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dimanche, 23 juin, 2019

Crise des déchets plastiques en Asie du Sud-Est

Une série de trois reportages publiés sur Asialyst.com

En août 2018, les biologistes militant·es de l'association Ecoton à Java me font visiter une décharge sauvage à quelques kilomètres de leur siège. Des déchets plastiques triés par des travailleurs pauvres, une partie brûlée comme combustible, sans filtre, dans l'usine de tofu voisine… Je prends quelques photos pendant que les chiffonniers m'exhibent l'une de leurs trouvailles, un drapeau états-unien. Deux ans plus tôt, j'avais visité une usine de recyclage de papier qui s'était engagée sous l'influence d'Ecoton pour augmenter la qualité de ses rejets dans la rivière. Ces décharges constituent un gros recul écologique, dans une région où les déchets ménagers ne sont pas même collectés.

C'est que l'année 2018 a été celle d'une crise mondiale des déchets plastiques, suite au choix de la Chine de ne plus assurer leur recyclage. Les industriels cherchent alors d'autres débouchés et lorgnent sur les pays voisins. La Malaisie et l'Indonésie en font les frais, hésitant à refuser elles aussi l'importation de ces déchets, au centre d'une activité économique émergente. Mais à la fin de l'année, il faut se rendre à l'évidence : beaucoup d'acteurs véreux ne font pas du recyclage mais une gestion à moindre coût pour profiter de l'aubaine. Stockage de déchets dans des usines qui sont abandonnées une fois pleines, décharges sauvages dans la nature, combustion sans filtre qui libère des fumées toxiques, etc.

Pendant des mois, les riverain·es, qui commencent à souffrir des pollutions, découvrent ces sites autour de leurs villages. Les associations écologistes sont sur le terrain. Greenpeace produit à l'automne 2018 un premier rapport qui concerne l'ensemble de l'Asie du Sud-Est. Les Amis de la Terre Malaisie interpellent le gouvernement sur l'interdiction des importations et travaillent main dans la main avec GAIA (Global Alliance for Incinerator Alternatives). C'est Mageswari Sangaralingam, une Malaisienne que j'ai déjà rencontrée sur d'autres luttes, qui fait le lien entre les deux. En avril 2019, la question est largement traitée par les médias malaisiens et arrive sur le devant de la scène. Le gouvernement est convaincu et le contexte international s'éclaircit : une conférence à Genève propose d'intégrer les déchets plastiques non-recyclables à la convention de Bâle sur les déchets dangereux – ce qu'ils sont – pour en interdire le trafic international. Prigi, de l'association Ecoton, et Mageswari, tou·tes deux à Genève, ont eu gain de cause.

Chapitre 3 : Quand l'Asie du Sud-Est nous renvoie nos déchets plastiques

Aujourd'hui les déchets plastiques sont toujours là, en particulier en Malaisie qui a reçu le plus gros contingent. Et d'autres arrivent encore, que les autorités portuaires découvrent sur les docks de Port Klang et de Butterworth, les deux plus gros ports du pays, sur le détroit de Malacca. Ils sont cachés dans les conteneurs sous des déchets légaux recyclables ou bien sous de fausses déclaration. Le 17 juin, il y a à Butterworth pas moins de 400 conteneurs en attente de renvoi à leur envoyeur… aux frais des autorités malaisiennes qui doivent en outre faire la chasse aux contrebandiers et nettoyer les sites pollués. Il est temps que les pays développés, qui envoient en Europe de l'Est ou en Asie une (petite) partie de leurs déchets, les retraitent tous à la maison.

Plein de liens à suivre sur le site d'Asialyst mais des bonus ici :

Les pauvres ne comprennent rien à l'écologie mais les riches, si ? Chronique rigolote de Guillaume Meurice.

En France aussi on sait jeter du plastique à la flotte.

Excellente histoire politique de l'emballage perdu et du recyclage par Grégoire Chamayou.

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