dimanche, 4 octobre, 2020
Par Aude le dimanche, 4 octobre, 2020, 11h52 - Lectures
Friction. Délires et faux-semblants de la globalité, Anna Lowenhaupt Tsing, La Découverte, 2020, 460 pages, 24 €
En 1998, le leader autoritaire indonésien Suharto doit abandonner le pouvoir. Les années qui suivent sont celles de la Reformasi, mouvement de démocratisation qui est aussi une période de grande insécurité : la déforestation s'accélère et l'armée empoche les dessous de table. Anna Tsing écrit dans les années suivantes, depuis l'île de Bornéo, cet ouvrage, Friction, où il est question d'un aventureux entrepreneur canadien, d'étudiant·es amateurs de nature, d'une femme qui cite une millier d'espèces animales et végétales présentes autour d'elle, de chef·fes de village capables de parler la langue des écologistes comme celle des développeurs. Entre autres. L'autrice, connue du lectorat français pour son livre Le Champignon de la fin du monde (La Découverte, 2017), est anthropologue et travaille depuis les années 1980 à Bornéo (ou Kalimantan), dans la partie indonésienne de cette île, la plus grande de l'archipel, jadis couverte de forêts équatoriales.
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lundi, 14 septembre, 2020
Par Aude le lundi, 14 septembre, 2020, 08h59 - Textes
Il existe en français des adjectifs qui ne peuvent pas être modalisés, renforcés par très ou atténués par un peu. On ne dit pas *très formidable, *assez délicieux, *un peu sublime. C'est ou ce n'est pas essentiel, admirable, horrible. Ou alors c'est qu'on a oublié le sens même de ces mots, qui a un caractère absolu. Les autres adjectifs appellent la modalisation, la nuance. Et ceux-là sont beaucoup plus nombreux. Parce que les choses dans notre expérience nous arrivent rarement toutes blanches ou toutes noires, elles obéissent à une certaine gradation : un plat est plus ou moins bon, salé, épicé, une personne est plus ou moins intelligente, malveillante, originale.
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samedi, 29 août, 2020
Par Aude le samedi, 29 août, 2020, 14h16 - Textes
Le soir du jeudi 12 mars, je m'étais couchée très en colère : osaient parler de « santé publique » ceux qui avaient traité le soin comme une marchandise et en avaient exclu une partie du corps social (les personnes en séjour irrégulier, voir ici) comme si la santé n'était pas un bien commun, à entretenir ensemble, d'autant plus dans le contexte de maladies infectieuses et contagieuses. Quelques jours plus tard, nous étions sommé·es de participer à un effort de réduction des risques extrêmement coûteux, conçu par en haut, inadapté à la réalité des personnes les plus fragiles de ce pays, les mal logé·es, les sans balcon ni jardin, les qui vivent seul·es ou à trop de monde, bref tout ce qui n'est pas un homme aisé en télétravail sur la terrasse pendant que maman s'occupe des gosses. Le tout pendant que les travailleurs et travailleuses exposé·es, les indispensables, les « premier·es de corvée », allaient trimer dans des lieux peu ou pas sécurisés, prenant des transports en commun toujours aussi bondés (il y avait moins de fréquence) alors que le gouvernement nous expliquait que nous ne devions pas porter de masques pour réduire la propagation du virus dans ces situations parfaites pour lui (densité humaine, intérieur mal aéré).
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lundi, 24 août, 2020
Par Aude le lundi, 24 août, 2020, 10h02 - Lectures
Grandeur et décadence, Liv Strömquist, Rackham, 2017, 128 pages, 20 €
Je ne sais pas ce qui m'avait retenu tout ce temps de lire Grandeur et décadence, présent dans mes étagères depuis quelques années, cadeau de Noël ou d'anniversaire. Malgré tout le bien que je pense des Sentiments du prince Charles, une mauvaise appréciation m'avait retenue d'ouvrir ce livre-là : il y était question de capitalisme et le propos de Strömquist n'avait rien d'original, m'avait-on dit. J'avais peur de lire la énième BD dans la lignée d'Attac. C'est pourtant un ouvrage très original. Dans le style un peu bordélique des précédents, qui mêle histoires people et théorie politique, Strömquist livre une série d'essais (au sens traditionnel de tentative de réflexion) très stimulants qui interrogent l'infrastructure psychique du capitalisme.
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lundi, 3 août, 2020
Par Aude le lundi, 3 août, 2020, 09h58 - Textes
C'est un beau dimanche de juillet et je vais réparer mon vélo sous la supervision amicale de F. dans le squat où il vit. F. a été réparateur de vélos dans une autre vie mais aujourd'hui il partage son temps entre des cours de français pour les migrant·es, des carcasses de vélo remontées entièrement et ce qui lui chante, comme d'aider des gens comme moi le dimanche à réparer leur biclou. Je dois être la seule cet aprem qui peut se payer les transports en commun ou les services d'un vélociste, les autres sont fauché·es comme les blés, avec ou sans papiers (la preuve que le vélo, c'est vraiment un truc de bobos). Heureusement pour nous qu'il y a l'atelier du dimanche. Derrière la verrière sous laquelle on transpire abondamment (mais rassurez-vous, il y fait très froid en hiver, ça équilibre), un petit jardin et une petite piscine gonflable. Un truc écrit sur la porte de sortie : « Si ta dernière douche ne date pas d'aujourd'hui, rince-toi avant de rentrer dans la piscine. » Voilà : tout ça pour dire que mêmes chez les anars, y'a des règles.
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dimanche, 19 juillet, 2020
Par Aude le dimanche, 19 juillet, 2020, 21h15 - Lectures
Joseph Heath et Andrew Potter, Révolte consommée. Le Mythe de la contre-culture, traduit de l'anglais par Élise de Bellefeuille et Michel Saint-Germain, L'Échappée, 2020, 368 pages, 20 €
C'est une drôle d'idée éditoriale, que de republier un ouvrage traduit en français il y a quinze ans (1) et qui se pose aussi fièrement contre le reste de son catalogue : la technique qui dépend de ce qu'on en fait, l'agriculture bio qui n'est pas écologique, l'anarchisme qui est la loi de la jungle… Tout y est, dans cet ouvrage qui finit avec de belles propositions de réforme : un impôt sur le revenu progressif, un marché des droits à polluer et des voitures hybrides. Les amis de L'Échappée auraient-ils perdu la tête ?
Peut-être pas. Parce que malgré tout ça, Révolte consommée pose des questions que ne peuvent plus désormais éviter les ami·es de l'émancipation. Ne serait-ce que parce que la rebellitude et l'hégémonie culturelle se portent très bien à l'extrême droite, ce que les auteurs, écrivant au temps d'Empire (Hardt et Negri) et de No Logo (N. Klein), n'avaient d'ailleurs pas vu venir.
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lundi, 15 juin, 2020
Par Aude le lundi, 15 juin, 2020, 09h37 - Textes
Elles prennent de l'assurance, ces voix qui condamnent notre servilité
pendant le confinement. C'est un propos qu'on attendrait chez les lecteurs et
lectrices de Henry D. Thoreau et d'Étienne de La Boétie, deux théoriciens de la
désobéissance civile, ou bien chez les anarchistes, chez celles et ceux qui
disent « non »… mais ça infuse bien plus largement. À vrai dire, il
me semble que ce n'est pas de la part de celles et ceux qui se souhaitent
ingouvernables que j'entends ces sorties rebelles mais plutôt des autres. Ce
n'est pas honteux, d'avoir éteint son esprit critique pendant le confinement
parce qu'on avait besoin
d'irénisme. On a tou·tes nos mauvais moments. Mais revenir critiquer une
servilité généralisée ?
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dimanche, 12 avril, 2020
Par Aude le dimanche, 12 avril, 2020, 10h55 - Textes
La vie politique, dans les
régimes représentatifs libéraux, est traditionnellement structurée autour des
partis (et autres corps intermédiaires comme les syndicats). Traditionnellement
mais pas de tous temps puisque avant 1848 les corps intermédiaires étaient
interdits, accusés de briser le bel unanimisme du peuple. Quand les
associations, les syndicats et les partis sont autorisés en 1848, cette
disposition est l'occasion pour des classes qui jusqu'ici avaient été tenues à
l'écart de la vie publique, et pas seulement par le suffrage censitaire, d'y
participer pleinement. Avant 1848, être élu supposait d'avoir les moyens de
mener campagne sur des ressources individuelles. Après 1848, non seulement tout
le peuple est invité à voter (tout le peuple ? à l'exception des femmes,
soit de sa moitié) mais en plus il gagne le droit de s'auto-organiser dans des
structures qui lui permettent de mettre en commun des moyens pour peser dans le
débat public – et plus concrètement de s'organiser dans son bras de fer avec
ses employeurs. En théorie, les corps intermédiaires portent une dimension
démocratique du gouvernement représentatif (lequel est, en théorie aussi,
faiblement démocratique).
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lundi, 30 mars, 2020
Par Aude le lundi, 30 mars, 2020, 14h45 - Textes
Le besoin d'être ensemble qui nous caractérise, nous humain·es grégaires,
s'exprime d'autant plus fort que nous sommes tenu·es à des mesures de
confinement en cette période de pandémie. Il trouve tous les moyens de
s'exprimer : on appelle les personnes qu'on aime ou dont on sait qu'elles
sont les plus seules et vulnérables, on communique maladivement sur les réseaux
sociaux et les moyens les plus inventifs sont trouvés pour être ensemble à
distance : applaudissements depuis chez soi pour les soignant·es à 20 h
chaque soir, bougie à la fenêtre pour une fête chrétienne. On a tellement envie
d'unanimité que
Macron a remonté dans les sondages, prenant 50 % de points en plus,
après son discours de mobilisation. Une chèvre aurait fait l'affaire, peut-être
même beaucoup mieux : aucune chèvre n'a lutté contre les soignant·es
pendant les mois précédant la pandémie de coronavirus pour leur imposer une
énième baisse des moyens de l'hôpital public.
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samedi, 21 mars, 2020
Par Aude le samedi, 21 mars, 2020, 13h16 - Textes
Le 6 mars, monsieur le président se rendait au théâtre. On n'allait pas
se laisser abattre : « La vie continue. Il n’y a aucune raison,
mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de
sortie. » Cinq jours plus tard, il en remettait une
couche : « Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à
chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert,
aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. » Deux jours après
cette sortie rappelant la grandeur de notre civilisation, avant tout celle des
loisirs marchands, Macron posait les bases de notre nouvelle vie :
rassemblements interdits, contacts physiques limités (mais pas la peine de
porter un masque, d'ailleurs on n'en a pas), privé·es de sorties sauf pour les
activités vitales (les courses, la promenade du chien, le kilomètre de marche
pour ne pas perdre la main, aller bosser dans une usine produisant des biens
pas spécialement vitaux en temps d'épidémie). Y'a pas à dire, le type voit la
fin du monde arriver avec plus de clairvoyance que Jojo et les Gilets jaunes
qui, elles et eux, ont vite compris à quel point les luttes écologistes et
démocratiques étaient aussi les leurs…
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lundi, 16 mars, 2020
Par Aude le lundi, 16 mars, 2020, 08h45 - Lectures
Xavier Ricard Lanata, La Tropicalisation
du monde, PUF, 2019, 128 pages, 12 €
Et si le monde occidental, celui des pays riches et peuplés de Blanc·hes,
faisait aujourd'hui l'objet d'un processus de
« tropicalisation » ? Lanata, anthropologue et économiste du
développement, fait l'hypothèse que nous sommes à un point où le monstre
capitaliste, créé et nourri dans les pays du nord, est devenu tellement avide
que le Sud ne lui suffit plus. Jusqu'alors, l'économie capitaliste a connu des
pratiques différentes dans les pays colonisés et les pays colonisateurs. Là-bas
il était violemment prédateur, utilisant les territoires comme puits de
ressources et les populations locales comme bras pour les exploiter. Et quand
les locaux n'étaient pas assez nombreux, d'autres peuples étaient déportés pour
servir de main d’œuvre (1). La vision toxique que nous avons de l'environnement
comme d'un milieu à exploiter ne s'est jamais mieux déployée que pendant
l'histoire coloniale à son apogée, du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe.
C'est alors qu'on a assisté à « la décorrélation entre les lieux de
consommation et les lieux de production, par l'extension considérable des
réseaux d'échange et des chaînes de valeur » (p. 61). Nous vivons
encore dans ces structures et ces représentations, avec plus ou moins
d'inquiétude sur le fait de toucher un jour le fond et d'arriver à épuisement
du modèle.
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vendredi, 13 mars, 2020
Par Aude le vendredi, 13 mars, 2020, 08h05 - Textes
Les soins de santé en France sont en grande partie pris en charge par un
système d'assurance collectif financé par les cotisations des un·es et des
autres et étendu à leurs proches. Il semble donc justifié par certain·es d'en
exclure les migrant·es qui n'ont pas encore cotisé : résidant depuis moins de
trois mois, en séjour irrégulier, etc. C'est une revendication assez commune à
droite et elle a été mise en œuvre par les fameuses lois Pasqua en 1993. Ce
n'est pas sous des gouvernements d'extrême droite que le ministre de Jacques
Chirac puis d'Édouard Balladur a fait refuser l'accès à l'Assurance maladie
pour les personnes en séjour irrégulier.
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dimanche, 19 janvier, 2020
Par Aude le dimanche, 19 janvier, 2020, 19h09 - Annonces
Le Revenu garanti : une utopie libérale, Aude Vidal, Le Monde à l'envers, 2020, 5 euros, 96 pages
Un extrait
« Allô, madame la ministre ? C'est pour signaler un accident du travail. » En 2019, un compte sur un réseau social interpelle les pouvoirs publics, faisant chaque semaine le décompte morbide des mort·es au travail. Chaque semaine sont mortes entre 4 et 7 personnes, de tous âges, plutôt des hommes dans des emplois ouvriers. Et c'est sans compter les travailleurs et travailleuses qui meurent à petit feu de l'exposition à des polluants dans leur emploi, comme les femmes de ménage ou les petites mains des salons de beauté. Sans compter les personnes qui se suicident sur leur lieu de travail, épuisées par un management féroce générateur d'angoisse ou par la perte de sens de leur métier – en particulier dans le service public. Le travail tue et casse les corps. Même si les politiques « n'adore[nt] pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible » (1), cette pénibilité existe. Elle fait mourir plus tôt les ouvriers que les cadres et baisser leur espérance de vie en bonne santé. Quant aux contreparties, elles sont maigres.
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Par Aude le dimanche, 19 janvier, 2020, 11h35 - Textes
C'est une affirmation à tempérer mais, sans attendre des
politiques de transition écologique, nous avons dès maintenant la possibilité
et la responsabilité de baisser notre impact sur l'environnement en adoptant
quelques bons principes de vie : choisir les mobilités douces, acheter des
produits bio tant alimentaires que cosmétiques, d'entretien ou textiles, trier
ses déchets, rénover sa maison avec des matériaux écologiques, habiter un
logement pas trop grand, produire moins de déchets en utilisant des objets
réutilisables et des aliments en vrac et moins transformés, moins chauffer son
logement, ne jamais prendre l'avion. J'en oublie peut-être…
Ces quelques principes semblent opposer des classes conscientisées de
centre-ville (qui vivent assez près de de leur emploi pour y aller à vélo, ont
les moyens de manger bio, peuvent assumer les surcoûts de certaines pratiques
de consommation quand il faut choisir un produit plus écologique) à ces classes
populaires qui se sont insurgées l'hiver dernier à propos d'éco-taxes sur le
diesel, lesquelles sont dépendantes
de la voiture, n'ont pas les moyens de faire entrer dans leurs critères de
consommation les questions écologiques et le voudraient-elles vraiment ?
Il est une idée qui s'impose d'après laquelle cette écologie des ménages, qui
constituerait notre principale marge de manœuvre pour faire changer
radicalement nos sociétés, appartiendrait au registre d'une classe sociale,
éduquée et à l'aise financièrement (1) pendant que les autres
sont au mieux captives, au pire rétives.
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dimanche, 1 décembre, 2019
Par Aude le dimanche, 1 décembre, 2019, 14h21 - Lectures
Les Besoins
artificiels. Comment sortir du consumérisme, Razmig Keucheyan, La
Découverte, « Zones », 2019, 250 pages, 18 euros
Depuis quelques années le Black Friday, ce lendemain de Thanksgiving dévoué à
la consommation, donne lieu en France à des soldes frénétiques. L'édition de
2019 a été également l'occasion de nombreuses actions de sabotage, dans le
monde comme ici. L'impact écologique et social de la fièvre acheteuse est
connu, régulièrement dénoncé. Le Buy Nothing Day du magazine
Adbusters, dernier samedi de novembre, a longtemps été marqué d'une
pierre blanche dans l'agenda des militant·es de la décroissance, un jour dédié
à des actions de sensibilisation dans les temples de la consommation. Mais
l'urgence climatique toujours plus pressante, la part croissante de la vente en
ligne et de ses conséquences
sociales
et
écologiques,
tout ça a donné cette année des actions directes plus radicales, souvent menées
dans les magasins plutôt que dans les nœuds logistiques. Cette orientation,
côté consommation plutôt que production, a suscité quelques malaises :
« Le Black Friday, c'est l'occasion pour des classes moins aisées de payer
des cadeaux pas trop chers à leur petite famille », ai-je entendu ici ou
là. L'urgence écologique, oui, mais acheter pour Noël (1) est un besoin qui
doit être pris en compte. Peut-être est-ce là un de ces besoins artificiels à
remettre en cause ? Et comment ?
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lundi, 25 novembre, 2019
Par Aude le lundi, 25 novembre, 2019, 20h32 - Lectures
Sorry We Missed You, un film de Ken Loach (Royaume-Uni,
2019)
« Sorry we missed you », c'est cette note qui vous attend quand vous
avez raté le passage du colis que vous avez commandé sur Internet. Ricky, le
héros du dernier Ken Loach, est un travailleur indépendant qui travaille pour
une compagnie de transports de colis. Il sillonne les rues des Newcastle pour
livrer à des particuliers des colis, plus ou moins gros, plus ou moins urgents.
Des achats sur Amazon ou une autre plate-forme de vente en ligne aussi bien que
des repas, des colis à livrer dans la journée et d'autres dans une fourchette
d'une heure. Il a acheté sa camionnette pour ne pas la louer à l'entreprise qui
lui donne ses missions et passe sa journée pressé par un objet connecté (à la
fois scanner, téléphone, GPS) qui bippe quand il quitte le camion plus de deux
minutes. Sur le papier, l'entreprise donneuse d'ordres est sa cliente. En vrai,
vu le dispatcher qui est toujours sur son paletot, la boîte ressemble
étrangement à un employeur, aussi exigeante et peu accommodante que les pires
petits patrons décrits par le cinéaste anglais.
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mardi, 30 juillet, 2019
Par Aude le mardi, 30 juillet, 2019, 08h36 - Annonces
Petit montage réalisé par Tranbert de la discussion autour
d'Égologie à la librairie La Gryffe à Lyon en janvier
2018.
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lundi, 15 juillet, 2019
Par Aude le lundi, 15 juillet, 2019, 09h11 - Textes
Parmi les armes de défense du féminisme, avec la
dérision et la sororité, figure la non-mixité. Se priver des mâles lumières de
nos camarades ou de leurs bras musclés a bien des avantages : entre
femmes, notre parole prend enfin la place qu'elle mérite et nous nous révélons
puissantes, bien plus que ce que les rôles sociaux qui nous sont dévolus nous
laissaient imaginer. Pour certaines, la non-mixité est un moment de prise de
conscience, de ressourcement, de questionnement libre, sans pression externe,
des agendas féministes. Pour d'autres, il s'agit de mener des vies séparées,
autant que possible, de la classe des hommes, perçus comme agresseurs et
exploiteurs. L’idée est alors d'assurer le respect de son autonomie ou de son
intégrité.
Les enseignant·es aussi s'interrogent sur les bienfaits de la non-mixité
pour protéger les filles de l'ambiance masculine que les garçons imposent si
vite, de même qu'ils monopolisent l'attention de leurs profs. Est-ce le signe
d'une régression, d'un retour au temps des tabliers et des écoles de filles,
avec des enseignements différenciés accompagnant des rôles de genre rigides et
hiérarchisés ? La non-mixité fait enrager quelques universalistes
persuadé·es que des valeurs communes de justice sociale suffisent à assurer
l'égalité entre nous. Ainsi que certains proféministes convaincus d'avoir assez
« déconstruit » leur masculinité ou trahi la classe des hommes pour
mériter que leur place soit partout, y compris dans des groupes de femmes qui
souhaitent un moment de répit.
La non-mixité fait causer et depuis quelques années celle des toilettes est
en débat. « Whatever, just wash your hands! » : c'est le mot
d'ordre de la libération des stéréotypes de genre dans les toilettes. Les
pictogrammes stupides, figure neutre pour les hommes et en robe pour les
femmes, sont remplacés par des licornes ou des dragons de Komodo. Au-delà des
cercles militants queer, l'idée fait son chemin chez les décideurs,
président·es d'université ou des États-Unis, qui rendent les toilettes neutres
ou autorisent l'accès aux toilettes du sexe de son choix sur les bases de
l’auto-déclaration. Voilà qui a de quoi séduire.
La suite sur papier et sur ce blog dès septembre. À noter, que ce
numéro d'été, plus épais et qui sera en kiosque pendant deux mois, est bien au
prix de 5 euros...
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jeudi, 20 juin, 2019
Par Aude le jeudi, 20 juin, 2019, 10h58 - Lectures
Marie-France Hirigoyen, Les Narcisse, La Découverte,
2019, 238 pages, 18 euros
Déjà autrice d'enquêtes sur le harcèlement au travail, sur l'isolement ou
les violences conjugales, Marie-France Hirigoyen livre ici un ouvrage où il est
question de tout cela et qui met en lumière (ce qui devrait leur plaire) les
personnalités narcissiques. Après un prologue sur LA personnalité narcissique
du moment, Donald Trump, elle revient sur la définition du narcissisme et les
enjeux autour de la reconnaissance de cette pathologie : notion
psychanalytique, elle a dû être réinterprétée pour entrer dans le champ,
aujourd'hui dominant, de la psychologie cognitive avant de se voir reconnue. Ce
qui était d'autant plus vital que le désordre est commun. Le narcissisme est un
trait sous-jacent de toutes les personnalités, qui cultivent ce qu'Hirigoyen
appelle un « narcissisme sain ». Dans ses dimensions pathologiques,
le narcissisme peut être « grandiose » ou « vulnérable ».
On connaît assez bien le Narcisse grandiose : très majoritairement
masculin, il a besoin de reconnaissance, beaucoup trop d'assurance et un
remarquable manque d'empathie. Trump constitue un cas d'école. Le Narcisse
vulnérable est moins connu et l'autrice ne trouve pas d'autre illustration que
François Hollande, président de la République française de 2012 à 2017, si vous
l'aviez oublié. Même besoin d'exister en se flattant mais plus de difficulté à
le faire, notre Narcisse vulnérable peut être confondu avec une personne
dépressive. Ne pas confondre les deux avec le pervers narcissique, figure très
présente dans l'imaginaire français et dont Vladimir Poutine semble constituer
un bon exemple.
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dimanche, 26 mai, 2019
Par Aude le dimanche, 26 mai, 2019, 10h59 - Annonces
Aude Vidal, La Conjuration des ego. Féminismes et individualisme, Syllepse, 2019, 96 pages, 7 €
Parution octobre 2019
Et si l'individualisme et le libéralisme, qui déterminent si fortement nos manières de considérer le monde, faisaient aussi dériver les mouvements politiques engagés pour la justice sociale et l'émancipation ? Après avoir soumis à cette question les « alternatives » écologistes, Aude Vidal interroge les nouveaux féminismes radicaux. Le renouveau que connaît aujourd'hui le mouvement semble également le déborder sur ses marges : prostitution, inclusion des femmes trans et des personnes non-binaires, difficile articulation avec les pensées queer et décoloniales sont l'occasion d'autant de frottements. Ringard et étriqué, le féminisme hérité de la deuxième vague ? Ou bien le foisonnement des féminismes d'aujourd'hui ne serait-il pas l'occasion de dérives libérales ? L'auto-détermination et la reconnaissance d'un troisième genre, non-binaire, ne nieraient-elles pas le genre comme rapport sociaux de sexe, en faisant une caractéristique individuelle ? Le féminisme du choix, en postulant que tous les choix effectués librement par des femmes sont des choix féministes, n'est-il pas devenu le point de rencontre entre féministes libérales et nouvelles féministes radicales ? Comment accueillir ces questions qui renouvellent le féminisme, souvent de manière stimulante ou salutaire, sans rien céder sur la défense des femmes et de leur intégrité ?
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