lundi, 30 novembre, 2020
Par Aude le lundi, 30 novembre, 2020, 09h11 - Lectures
Romaric Godin, La Guerre sociale en France. Aux sources économiques de la démocratie autoritaire, La Découverte, 2019, 250 pages, 18 €
L’an dernier sortait un ouvrage important, destiné à nous sortir de la sidération devant la situation actuelle : une sorte de blitzkrieg d’un néolibéralisme longtemps contenu en France. Romaric Godin, journaliste économique à La Tribune puis à Mediapart, y fait dans un premier temps l’histoire du néolibéralisme, cette idéologie apparue dès la première moitié du XXe siècle mais tardivement épanouie (1). Aujourd’hui le néolibéralisme constitue une vérité révélée pour nombre d’économistes, il est perçu comme un « "consensus scientifique" en économie » mais « repose sur des prémisses (...) fort contestables sur le plan théorique et (…) très fortement remis en cause par les faits ». Cette doctrine, qui vise la neutralité du marché, refuse tout rôle redistributif à l’État, à contre-courant du compromis français établi en 1936 puis 1945 et qui pose l’État en arbitre entre les exigences du capital et les besoins d’un peuple de travailleurs et de travailleuses.
Lire la suite...
aucun rétrolien
lundi, 23 novembre, 2020
Par Aude le lundi, 23 novembre, 2020, 09h27 - Textes
Sans surprise, les troubles anxieux et dépressifs ont doublé en moins d'un mois et demie. Sans surprise, « les personnes déclarant une situation financière très difficile, celles ayant des antécédents de troubles psychologiques, les inactifs et les CSP- (les pauvres, ma précision) ainsi que les jeunes adultes (18-34 ans) sont davantage concernés par les états dépressifs » (1). Sans surprise, parce que rien n'a été fait pour aménager un dernier bout de vie sociale et affective pour les gens, en particulier les personnes sans emploi ou qui vivent seules. Et comme je disais ailleurs, le pire moment pour aller mal, c'est quand tout le monde va mal.
Lire la suite...
aucun rétrolien
jeudi, 12 novembre, 2020
Par Aude le jeudi, 12 novembre, 2020, 14h03 - Textes
De loin, il est fascinant de voir l'état des savoirs évoluer aussi vite à propos du Covid-19. Pendant le premier confinement, nous apprenions avec anxiété que le virus pouvait tenir sur des surfaces pendant des heures, peut-être des jours. Faut-il désinfecter ses courses ou seulement les mettre en quarantaine ? Finalement les contaminations par les surfaces sont considérées comme beaucoup plus rares que celles par la respiration. Les particules que nous expirons ont plusieurs tailles. On a un temps cru que le virus se transmettait uniquement par les particules les plus larges et donc les plus lourdes que nous expirons, les gouttelettes, mais il s'avère que les aérosols sont aussi dangereux et de plus ils sont plus légers et donc plus volatils : la distance est donc un facteur moins important que nous ne le pensions, il faut aussi porter des masques et aérer fréquemment les espaces clos. Les premiers tâtonnements concernant la mortalité et les facteurs de risque se sont précisés : oui, on meurt plus facilement de la maladie quand on est âgé·e (à vrai dire le risque est multiplié à chaque décennie) mais on peut à tout âge en mourir, s'en remettre difficilement et/ou en porter longtemps les séquelles. Tout cela, qui pourrait ne concerner que des spécialistes, a des répercutions sur nos vies.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mardi, 27 octobre, 2020
Par Aude le mardi, 27 octobre, 2020, 20h07 - Textes
Hannah Arendt distinguait entre homo faber, l'être humain qui engage sa personnalité (ses intelligences, y compris son expérience corporelle et sensible) dans la fabrication d'une œuvre, et animal laborans, occupé à trimer comme le ferait une bête, à base de répétition mécanique des mêmes gestes. Précisons qu'il ne s'agit pas d'une distinction entre métiers intellectuels et manuels : dans son ouvrage Éloge du carburateur, Matthew Crawford montrait qu'un métier intellectuel jouissant d'une forte reconnaissance pouvait être mécanique et qu'un métier manuel pouvait solliciter sens de l'observation, capacités inductives et déductives, etc. Et disons-le aussi, aucun animal ne mérite d'être attaché à une tâche répétitive et pénible.
Lire la suite...
aucun rétrolien
dimanche, 25 octobre, 2020
Par Aude le dimanche, 25 octobre, 2020, 12h13 - Lectures
Du libéralisme autoritaire, Carl Schmitt et Hermann Heller, présenté par Grégoire Chamayou, La Découverte, « Zones », 2020, 144 pages, 16 €
La collection Zones réédite une polémique qui date de quelques mois avant la concession du pouvoir à Hitler en Allemagne en 1933. Carl Schmitt, juriste conservateur, sur le point de rejoindre les rangs nazis, fait allégeance au pouvoir économique rhénan (il est l'invité d'une « société au long nom » d'entrepreneurs du sud-ouest du pays). Quelques semaines après, Hermann Heller, social-démocrate et juif, lui répond. L'ouvrage est introduit par le directeur de collection, Grégoire Chamayou, auteur de ce livre remarquable qu'est La Société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire (La Fabrique, 2018). Il s'agit donc ici de poursuivre l'histoire qu'il fait du libéralisme autoritaire, oxymore aujourd'hui au pouvoir un peu partout dans le monde.
Lire la suite...
aucun rétrolien
lundi, 14 septembre, 2020
Par Aude le lundi, 14 septembre, 2020, 08h59 - Textes
Il existe en français des adjectifs qui ne peuvent pas être modalisés, renforcés par très ou atténués par un peu. On ne dit pas *très formidable, *assez délicieux, *un peu sublime. C'est ou ce n'est pas essentiel, admirable, horrible. Ou alors c'est qu'on a oublié le sens même de ces mots, qui a un caractère absolu. Les autres adjectifs appellent la modalisation, la nuance. Et ceux-là sont beaucoup plus nombreux. Parce que les choses dans notre expérience nous arrivent rarement toutes blanches ou toutes noires, elles obéissent à une certaine gradation : un plat est plus ou moins bon, salé, épicé, une personne est plus ou moins intelligente, malveillante, originale.
Lire la suite...
aucun rétrolien
samedi, 25 avril, 2020
Par Aude le samedi, 25 avril, 2020, 18h29 - Textes
S'il est un domaine dans lequel nos représentations baignent dans un mélange
de connaissances assurées et d’irrationalité, c'est le corps et la santé. J'y
pense depuis longtemps mais la crise sanitaire en a donné de nombreuses
illustrations, notamment avec les ruées sur la chloroquine, la nicotine et
maintenant l'eau de Javel… J'y pense depuis que j'ai lu
Le Sain et le malsain (Le Seuil, 1993), ouvrage dans lequel
l'historien Georges Vigarello montrait que ce qui est bon pour la santé et ce
qui ne l'est pas constitue une sorte de système d'images mentales à la logique
parfois étonnante. Par exemple, les épices (poivre, cannelle, clou de girofle,
etc.) ont la particularité de pourrir difficilement, en conséquence de quoi
elles ont été perçues comme saines : la pourriture étant malsaine,
l'imputrescibilité – des minéraux, des épices, etc. – était saine. Comme elles
ont aussi un goût très fort, l'analogie avec l'ail a constitué une évidence,
quand bien même le goût et les vertus thérapeutiques n'auraient aucun lien
entre eux. L'ail a donc été investi des mêmes qualités que les épices au coût
prohibitif, pour devenir l'épice des pauvres. Étrangement, ces qualités prêtées
à l'ail sont en grande partie reconnues par la science moderne. Antibactérien,
aliment santé, excellent en cas de rhume avec de l'eau chaude, du thym, du
citron, du miel, du gingembre… (sans oublier de porter un cristal en contact
avec votre peau !) Aujourd'hui encore, ce que nous savons de source sûre
et ce que nous imaginons et transmettons comme représentations est encore un
peu confus… Tout ça pour dire que cette crise sanitaire appuie pile là où nous
sommes les moins rationnel·les.
Lire la suite...
aucun rétrolien
jeudi, 2 avril, 2020
Par Aude le jeudi, 2 avril, 2020, 17h09 - Textes
Savez-vous comment remplir l'attestation qui vous permet de mettre un pied
dehors ? La question se pose car les verbalisations fusent. L'attestation
en question peut être recopiée à la main (à l'encre indélébile) car nul·le
n'est censé·e avoir une imprimante à la maison. (Rappelons que recopier est une
gageure pour les illettré·es, les dyslexiques ou les migrant·es qui ne sont pas
alphabétisé·es en français mais dans d'autres systèmes d'écriture.) Il n'y a
pas d'obligation à recopier chacun des motifs de sortie, seulement celui qui
vous concerne. Texte complet, avec vos données personnelles, daté, horodaté et
signé. Basta. Mais être en règle ne suffit pas et certain·es sont verbalisé·es
(déjà 55 millions d'euros d'amendes !), pour la raison que l'attestation a été
rédigé à la main ou que les cinq motifs n'ont pas été tous recopiés…
justifications qui ne tiennent pas en droit. Il faudra rendre des comptes quand
ce sera fini, gardez vos procès verbaux. #OnOublieraPas
Lire la suite...
aucun rétrolien
lundi, 30 mars, 2020
Par Aude le lundi, 30 mars, 2020, 14h45 - Textes
Le besoin d'être ensemble qui nous caractérise, nous humain·es grégaires,
s'exprime d'autant plus fort que nous sommes tenu·es à des mesures de
confinement en cette période de pandémie. Il trouve tous les moyens de
s'exprimer : on appelle les personnes qu'on aime ou dont on sait qu'elles
sont les plus seules et vulnérables, on communique maladivement sur les réseaux
sociaux et les moyens les plus inventifs sont trouvés pour être ensemble à
distance : applaudissements depuis chez soi pour les soignant·es à 20 h
chaque soir, bougie à la fenêtre pour une fête chrétienne. On a tellement envie
d'unanimité que
Macron a remonté dans les sondages, prenant 50 % de points en plus,
après son discours de mobilisation. Une chèvre aurait fait l'affaire, peut-être
même beaucoup mieux : aucune chèvre n'a lutté contre les soignant·es
pendant les mois précédant la pandémie de coronavirus pour leur imposer une
énième baisse des moyens de l'hôpital public.
Lire la suite...
aucun rétrolien
samedi, 21 mars, 2020
Par Aude le samedi, 21 mars, 2020, 13h16 - Textes
Le 6 mars, monsieur le président se rendait au théâtre. On n'allait pas
se laisser abattre : « La vie continue. Il n’y a aucune raison,
mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de
sortie. » Cinq jours plus tard, il en remettait une
couche : « Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à
chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert,
aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. » Deux jours après
cette sortie rappelant la grandeur de notre civilisation, avant tout celle des
loisirs marchands, Macron posait les bases de notre nouvelle vie :
rassemblements interdits, contacts physiques limités (mais pas la peine de
porter un masque, d'ailleurs on n'en a pas), privé·es de sorties sauf pour les
activités vitales (les courses, la promenade du chien, le kilomètre de marche
pour ne pas perdre la main, aller bosser dans une usine produisant des biens
pas spécialement vitaux en temps d'épidémie). Y'a pas à dire, le type voit la
fin du monde arriver avec plus de clairvoyance que Jojo et les Gilets jaunes
qui, elles et eux, ont vite compris à quel point les luttes écologistes et
démocratiques étaient aussi les leurs…
Lire la suite...
aucun rétrolien
jeudi, 20 juin, 2019
Par Aude le jeudi, 20 juin, 2019, 10h58 - Lectures
Marie-France Hirigoyen, Les Narcisse, La Découverte,
2019, 238 pages, 18 euros
Déjà autrice d'enquêtes sur le harcèlement au travail, sur l'isolement ou
les violences conjugales, Marie-France Hirigoyen livre ici un ouvrage où il est
question de tout cela et qui met en lumière (ce qui devrait leur plaire) les
personnalités narcissiques. Après un prologue sur LA personnalité narcissique
du moment, Donald Trump, elle revient sur la définition du narcissisme et les
enjeux autour de la reconnaissance de cette pathologie : notion
psychanalytique, elle a dû être réinterprétée pour entrer dans le champ,
aujourd'hui dominant, de la psychologie cognitive avant de se voir reconnue. Ce
qui était d'autant plus vital que le désordre est commun. Le narcissisme est un
trait sous-jacent de toutes les personnalités, qui cultivent ce qu'Hirigoyen
appelle un « narcissisme sain ». Dans ses dimensions pathologiques,
le narcissisme peut être « grandiose » ou « vulnérable ».
On connaît assez bien le Narcisse grandiose : très majoritairement
masculin, il a besoin de reconnaissance, beaucoup trop d'assurance et un
remarquable manque d'empathie. Trump constitue un cas d'école. Le Narcisse
vulnérable est moins connu et l'autrice ne trouve pas d'autre illustration que
François Hollande, président de la République française de 2012 à 2017, si vous
l'aviez oublié. Même besoin d'exister en se flattant mais plus de difficulté à
le faire, notre Narcisse vulnérable peut être confondu avec une personne
dépressive. Ne pas confondre les deux avec le pervers narcissique, figure très
présente dans l'imaginaire français et dont Vladimir Poutine semble constituer
un bon exemple.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mardi, 30 avril, 2019
Par Aude le mardi, 30 avril, 2019, 10h58 - Textes
En voilà une question bête, bien sûr que non ! Les populistes, ce sont
ces politiques qui ne cessent de faire appel au peuple et de flatter ses bas
instincts. Notre président-philosophe (Frédéric de Prusse et Voltaire enfin
réunis dans le même corps jeune et presque athlétique, waw !) en appelle,
lui, à la raison et à la bonne gouvernance. Macron ne fait pas appel au peuple,
c'est une des habitudes de la droite que de vendre la puissance du pays et
qu'importent les gens qui y vivent.
Lire la suite...
aucun rétrolien
vendredi, 18 janvier, 2019
Par Aude le vendredi, 18 janvier, 2019, 11h23 - Textes
À la rentrée prochaine, le gouvernement prévoit de multiplier par dix environ
les frais d’inscription des étudiant·es étrangèr·es non-communautaires. La
raison officielle : rendre les études supérieures en France plus prestigieuses
(plus c’est cher, plus c’est classe, d’ailleurs hier j’ai payé trois euros ma
baguette et vous savez quoi ? elle était bien meilleure). Les esprits chagrins
y voient surtout un ballon d’essai pour augmenter les frais d’inscription pour
tout le monde, établir un marché de l’éducation et des prêts étudiants tout en
réduisant l’accès à l’université des classes moins solvables. Les étudiant·es
non-européen·nes qui ne changent pas de cycle (licence, master, doctorat)
seront épargné·es par la mesure et après quelques semaines de remous
l’exception a été étendue à ceux et celles qui changent de cycle. Plus aucun·e
étudiant·e en France n’est concerné·e, ce qui réduit la mobilisation : ceux et
celles que cela touche sont loin des yeux, loin du cœur.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mercredi, 1 août, 2018
Par Aude le mercredi, 1 août, 2018, 12h02 - Textes
Je n'aime pas la police de mon pays. La raison la plus évidente, c'est que
j'ai la chance d'en connaître d'autres. À Bruxelles, un jour, j'ai vu un
clochard traiter une policière de « connasse ». Celle-ci, qui
s'éloignait d'un pas tranquille, lui a fait un petit signe de la main, façon
« Oui, oui, j'ai entendu » mais elle n'a pas dévié de son chemin.
Sans doute pensait-elle mieux utiliser les ressources de la police en
continuant sa patrouille plutôt qu'en l'interrompant pour mettre en cellule une
personne dont elle avait évalué qu'elle ne représentait aucun danger pour les
autres ni pour soi-même. Elle a également arbitré entre la dignité de sa
fonction (et des autres fonctionnaires), qui était mise à mal par une insulte
publique de poivrot, et le besoin de poursuivre sa mission.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mardi, 2 février, 2016
Par Aude le mardi, 2 février, 2016, 17h40 - Textes
Depuis les attentats, la France a peur.
Magnanimes, ses gouvernants durcissent un appareil juridique qui, semble-t-il,
suffisait amplement. Mais la France a aussi peur de mourir d’un cancer (ce qui
est plus probable) et ses gouvernants ne font rien. S’attaquer aux lobbies pour
élaborer une politique de santé environnementale décente a de quoi déplaire à
des intérêts qui ont l’habitude d’être très bien servis. Il serait d’autre part
naïf de penser que l’État réagit parce que nous sommes
attaqué-e-s. C’est parce qu’il est attaqué, lui. C’est parce que le
terrorisme remet en cause sa prétention à nous protéger, sa raison d’être,
qu’il réagit avec une telle vivacité. À voir la tête du premier ministre, il a
moins peur qu’il n’est (tout bêtement) vexé. Le contrat social, protection
contre soumission, exige de sérieuses rodomontades quand c’est au titre de
cette soumission que nous sommes attaqué-e-s. Que nous
le soyons à titre individuel et le crime de lèse-majesté disparaît. J’ai
ainsi croisé la route, le 14 novembre, d’un homme qui fauche délibérément des
cyclistes et aux dernières nouvelles il conduit toujours sa Clio dûment
identifiée. Ni vous ni moi n’aimerions pourtant croiser son chemin mais
la répression qui se présente à tort ou à raison comme anti-terroriste est
prioritaire dans le travail de la police.
Lire la suite...
aucun rétrolien
jeudi, 31 décembre, 2015
Par Aude le jeudi, 31 décembre, 2015, 13h58 - Lectures
Une chronique à retrouver sur le tout nouveau site de L'An
02.
Sophie Bessis
La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux
et marchand
La Découverte, 2014
240 pages, 19 €
Deux visions inconciliables du monde : la démocratie libérale d’un
côté, avec son individualisme bon teint, et de l’autre une doctrine passéiste,
à la violence médiévale. Les deux se seraient heurtés de plein fouet lors des
événements de 2015. Dans cet ouvrage publié quelques mois plus tôt, Sophie
Bessis renvoie dos à dos ce qu’elle appelle la « théologie de
marché » (ne parle-t-on pas de « dogme » néo-libéral ?) et
le fondamentalisme religieux, protestant et musulman au premier chef. Il ne
s’agit pas selon elle d’un choc des civilisations mais du désarroi d’un monde
livré à un monstre à deux faces qui se nourrissent l’une l’autre, un monde au
bord de l’épuisement écologique et où les idées émancipatrices peinent
désormais à se faire entendre. Le développement ne signifie plus que
l’intégration au capitalisme mondialisé, l’argent passe au rouleau compresseur
la diversité du monde. Les traités transatlantique et transpacifique proposent
de peaufiner l’arsenal juridique global pour la prédation des ressources
publiques par les intérêts privés. Les mondes musulmans, du Mali à l’Indonésie,
sont uniformisés par la magie des pétrodollars. La mondialisation est là, et
bien là, mais l’universalisme recule. Ne restent que les identités : celle
des Charlie qui bravent les barbares en levant leur verre, oubliant l’état de
délitement de leur « démocratie », gouvernement représentatif aux
abois depuis que l’ordre néolibéral s’est imposé depuis Chicago ou
Bruxelles ; celle de ceux et celles qui ne sont plus désormais que des
musulman-e-s.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mercredi, 24 septembre, 2014
Par Aude le mercredi, 24 septembre, 2014, 11h57 - Annonces
Je viens de livrer mon troisième
dossier à L'An 02, la revue d'écologie politique que j'anime. Vous
pouvez trouver ce n°6 en librairie à 7 € ou vous abonner à 10 €
les deux numéros. 60 pages en couleurs, format A4 ou à peu près, des lectures
de bouquins récents, des chroniques et des reportages, 100 % bénévole, elle a
besoin de lectrices et de lecteurs pour exister. Pourquoi pas vous
?
L’écologie propose de s’éclairer à la bougie, de renvoyer les femmes à la
maison et à leur condition… ou bien, lorsqu’elle gagne en maturité, elle se
montre à la pointe de l’innovation, prête à miser sur l’efficacité des nouveaux
procédés de management des flux humains et énergétiques. Alors, l’écologie
politique : tout à la fois réac et moderne ?
Lire la suite...
aucun rétrolien
mardi, 19 août, 2014
Par Aude le mardi, 19 août, 2014, 08h51 - Lectures
La Reproduction artificielle de
l’humain, Alexis Escudero, Le Monde à l’envers,
2014.
« En privilégiant le construit sur le donné, les gender studies entendaient s'affranchir des
pesanteurs charnelles et naturelles, au prétexte qu'elles servaient presque
toujours de paravent à la domination. La démarche conduit à une impasse. Elle
revient à négliger, voire à mépriser le vécu de l'incarnation, c'est à dire
l'expérience subjective du corps, celle de la vie vivante. »
La citation s'étale sur la plus grande partie de la page 195 de
La
Reproduction artificielle de l'humain, aussi impressionnante que
l'autorité de Jean-Claude Guillebaud qui l'a écrite. Guillebaud le pape du
féminisme, l'auteur de nombreux ouvrages consacré à la domination
masculine ? Non, Guillebaud le journaliste chrétien à qui le mouvement des
femmes ne doit rien,
ancien directeur du
centre François-Mauriac sur présentation d'une paire de testicules (quatre
directeurs en 28 ans, quatre grands hommes) mais qui à n'en pas douter aime
beaucoup les femmes comme
Gérard Longuet : il en a peut-être une, quatre filles et quand il a un
chien, c'est une chienne. La démarche conduit à une impasse, prière d'en
changer à la demande du mâle qui n'a aucun, mais alors aucun intérêt dans cette
affaire et ne jouit d'aucun, mais alors aucun privilège sur la question. Air
connu.
Lire la suite...
aucun rétrolien
mardi, 21 janvier, 2014
Par Aude le mardi, 21 janvier, 2014, 11h04 - Textes
Un jour mon dentiste m'a demandé (très gentiment, sachant qu'il risquait de
me froisser) à quoi servaient mes études de lettres et la recherche dans ce
champ disciplinaire... Je m'en suis sortie en lui expliquant qu'au-delà des
premiers tomes publiés de son vivant, Proust avait écrit A la recherche du
temps perdu sur des post-it (des « paperolles »,
pardon) et qu'on avait besoin de beaucoup de travail de recherche pour arriver
à en tirer les milliers de pages bien ordonnées de son édition de poche. Bon,
peut-être pas la sienne, mais la mienne.
Lire la suite...
aucun rétrolien
dimanche, 15 décembre, 2013
Par Aude le dimanche, 15 décembre, 2013, 10h03 - Textes
Il y a quelques semaines j'attirais
l'attention sur la difficulté qu'il peut y avoir, quand on est un homme et
qu'on partage les idéaux féministes d'égalité femmes-hommes, à participer au
mouvement sans mettre à mal son sens même, à savoir l'émancipation des femmes.
Pour moi le féminisme a ceci de spécifique, par rapport à l'anti-sexisme qui
est une position abstraite elle aussi tout à fait respectable, d'être une
pensée située et une pensée en action. Comme son nom l'indique, le féminisme
(du latin femina) est structuré autour du sort des femmes, de
leur expérience et de leurs revendications, même si beaucoup d'hommes peuvent à
juste titre trouver leur compte dans ces revendications, et même si la plupart
des féministes accueillent positivement l'idée d'avoir des alliés hommes
(1). A moi qui voulais simplement prévenir les hommes
proféministes de ces difficultés, sans pour autant remettre en cause leur
engagement contre le sexisme, la réception de ce billet a posé quelques
questions...
Lire la suite...
aucun rétrolien