mardi, 3 décembre, 2019
Par Aude le mardi, 3 décembre, 2019, 19h09
La Révolution féministe, Aurore Koechlin, Amsterdam, 2019,
170 pages, 12 euros
Aurore Koechlin est une jeune chercheuse en sociologie du genre qui livre
ici un premier livre prometteur, à la fois petite histoire du féminisme et
réflexion sur les perspectives du mouvement. C'est ambitieux… mais c'est
réussi. L'ouvrage commence avec une quarantaine de pages consacrées à
l'histoire des mouvements féministes, les trois fameuses vagues :
mouvements suffragistes au début du XXe siècle, libération des femmes dans les
années 1970 (pour la France), mouvements d'inspiration queer ou black
feminist enfin, le tout assez centré sur la France mais à l'écoute des
autres mondes qui contribuent à la fabrication du féminisme hexagonal.
L'autrice poursuit en nous apprenant qu'une quatrième vague est en train de se
former. Elle en dresse les contours, en reprend la principale question à ses
yeux, celle de l'exploitation des femmes en tant que classe mais appartenant
également à d'autres, et propose une stratégie féministe capable de passer
entre quelques écueils pour prendre nos maux à la racine.
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dimanche, 1 décembre, 2019
Par Aude le dimanche, 1 décembre, 2019, 14h21
Les Besoins
artificiels. Comment sortir du consumérisme, Razmig Keucheyan, La
Découverte, « Zones », 2019, 250 pages, 18 euros
Depuis quelques années le Black Friday, ce lendemain de Thanksgiving dévoué à
la consommation, donne lieu en France à des soldes frénétiques. L'édition de
2019 a été également l'occasion de nombreuses actions de sabotage, dans le
monde comme ici. L'impact écologique et social de la fièvre acheteuse est
connu, régulièrement dénoncé. Le Buy Nothing Day du magazine
Adbusters, dernier samedi de novembre, a longtemps été marqué d'une
pierre blanche dans l'agenda des militant·es de la décroissance, un jour dédié
à des actions de sensibilisation dans les temples de la consommation. Mais
l'urgence climatique toujours plus pressante, la part croissante de la vente en
ligne et de ses conséquences
sociales
et
écologiques,
tout ça a donné cette année des actions directes plus radicales, souvent menées
dans les magasins plutôt que dans les nœuds logistiques. Cette orientation,
côté consommation plutôt que production, a suscité quelques malaises :
« Le Black Friday, c'est l'occasion pour des classes moins aisées de payer
des cadeaux pas trop chers à leur petite famille », ai-je entendu ici ou
là. L'urgence écologique, oui, mais acheter pour Noël (1) est un besoin qui
doit être pris en compte. Peut-être est-ce là un de ces besoins artificiels à
remettre en cause ? Et comment ?
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vendredi, 29 novembre, 2019
Par Aude le vendredi, 29 novembre, 2019, 13h32
Collectif Désobéissances libertaires, Une critique
anarchiste de la justification de la violence, Atelier de création
libertaire, Lyon, 2019, 144 pages, 8 euros
Suite au succès du livre de Peter Gelderloos Comment la non-violence
protège l'État (Libre, 2018), des anarchistes non-violents rentrent dans
le débat. Ce petit livre est bizarrement fichu : deux textes de réfutation de
Gelderloos, avec quelques redites, quelques éléments d'histoire de la
non-violence, deux contributions sur les black blocs de 2018 en France, soit
des textes militants épars, produits dans un contexte donné qui n'est pas
toujours celui du livre… Gelderloos
avait justement bien ordonné son propos : la non-violence est inefficace,
raciste, étatiste, patriarcale, stratégiquement inférieure et illusoire.
Ici il faudra chercher dans le désordre la réfutation de ces différentes prises
de position. Puisqu'au fond le succès de Gelderloos témoigne de la mauvaise
presse qu'a la non-violence dans les milieux anti-autoritaires, on peut
regretter que l'argumentaire qui la défend ne soit pas présenté et déployé dans
un seul texte plus clair mais cet ouvrage a le mérite d'être riche et
varié.
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lundi, 25 novembre, 2019
Par Aude le lundi, 25 novembre, 2019, 20h32
Sorry We Missed You, un film de Ken Loach (Royaume-Uni,
2019)
« Sorry we missed you », c'est cette note qui vous attend quand vous
avez raté le passage du colis que vous avez commandé sur Internet. Ricky, le
héros du dernier Ken Loach, est un travailleur indépendant qui travaille pour
une compagnie de transports de colis. Il sillonne les rues des Newcastle pour
livrer à des particuliers des colis, plus ou moins gros, plus ou moins urgents.
Des achats sur Amazon ou une autre plate-forme de vente en ligne aussi bien que
des repas, des colis à livrer dans la journée et d'autres dans une fourchette
d'une heure. Il a acheté sa camionnette pour ne pas la louer à l'entreprise qui
lui donne ses missions et passe sa journée pressé par un objet connecté (à la
fois scanner, téléphone, GPS) qui bippe quand il quitte le camion plus de deux
minutes. Sur le papier, l'entreprise donneuse d'ordres est sa cliente. En vrai,
vu le dispatcher qui est toujours sur son paletot, la boîte ressemble
étrangement à un employeur, aussi exigeante et peu accommodante que les pires
petits patrons décrits par le cinéaste anglais.
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mardi, 19 novembre, 2019
Par Aude le mardi, 19 novembre, 2019, 11h56
Cause animale, cause du capital, Jocelyne Porcher, Le
Bord de l'eau, Lormont, 120 pages, 12 €
Make the world a better place… Rendre le monde meilleur, c'est
l'objectif bien connu des start-ups qui préparent des initiatives disruptives
permettant au capitalisme d'effectuer les transitions nécessaires à sa survie –
malgré les trous qu'il creuse et les impasses qu'il emprunte. Jocelyne Porcher
n'y va donc pas par quatre chemins et peint pour introduire son ouvrage le
paysage économique et financier de la « viande » in vitro ou
« viande » de culture cellulaire, cette innovation qui devrait
permettre à terme de cesser de manger des animaux. Ce qu'on appelle
« agriculture cellulaire » semblait fou il y a encore quelques années
mais le kilo de « viande » cultivée en labo à partir de cellules
animales devrait dans les mois qui viennent être assez bas pour que le steak in
vitro apparaisse dans les restaus branchés (1). Suite à ce premier chapitre, la
sociologue, spécialiste de la relation humain-animal, déplie son propos :
d'où vient que c'est aujourd'hui que surgit cette préoccupation massive pour le
bien-être des animaux ? C'est parce que les alternatives aux productions
animales industrielles (responsables de la pollution des eaux et de l'air, de
l'emprise sur les terres via l'aliment du bétail, de problèmes sanitaires et
qui accessoirement ont des rendements économiques en baisse), ces alternatives
sont prêtes.
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mercredi, 18 septembre, 2019
Par Aude le mercredi, 18 septembre, 2019, 11h59
Mjólk de Grímur Hákonarson, sortie le 11 septembre
2019 en France
En France,
parmi les géants de l'agroalimentaire se trouvent en bonne place des
coopératives, dirigées par des paysan·nes pour des paysan·nes mais qui
mènent des politiques peu favorables à une majorité de leurs adhérent·es.
Comment donc les coopératives agricoles en sont-elles arrivées là ?
(Pourquoi sommes-nous gouverné·es par des élu·es menant des politiques
défavorables à une majorité de l'électorat, sans mentionner les générations
futures ?)
Inga et son mari sont un couple d'éleveurs laitiers dans un coin perdu
d'Islande. Elle assure les vêlages avec un bon coup de poignet. Lui complète le
maigre revenu de la ferme en conduisant un camion. Les deux se battent pour
tenir leur ferme à flots. Équipé·es d'un robot de traite avec d'efficaces
capteurs optiques de mamelles qui leur évite d'interagir chaque jour avec leurs
bêtes, ils passent plus de temps avec leurs machines. Dans sa cabine de
pilotage, elle consulte son Facebook l'air éteint. Lui ne va pas mieux et quand
son camion sort de la route une nuit, on découvre qu'il pourrait s'agir d'un
suicide…
La perte de son mari déclenche chez Inga une belle colère et cette femme
qu'on croyait éteinte, dont on distinguait à peine les traits, se révèle, y
compris aux spectateurs et spectatrices. Pour elle, c'est la coopérative qui
est responsable de la course de rats qu'on leur a fait mener, du suréquipement
et du chantage pour rester économiquement dépendant·es de la coop. La coop
aurait même demandé à son mari de signaler chaque livraison de produits achetés
ailleurs que chez elle, faisant de lui l'espion de ses collègues… Le président,
un éleveur de chevaux qui passe plus de temps en costard, récuse ses
accusations (qu'elle a publiées sur Facebook) et explique à Inga les bases de
l'engagement coopératif : se serrer les coudes entre paysan·nes, faire
vivre le tissu local, etc. Elle reprend ces belles paroles lors d'une AG des
producteurs laitiers : à la fin du XIXe siècle, les paysan·nes du coin se
sont doté·es d'un bel outil pour être indépendant·es de la tutelle danoise et
pour vivre mieux mais cet outil est aujourd'hui cassé.
Dans son précédent film Béliers, Grímur Hákonarson mettait en scène
deux frères fâchés à mort sur fond d'épidémie ovine et de prophylaxie agressive
(un animal malade et tout le troupeau doit être abattu). Ce nouvel opus met
toujours en scène
les conditions socio-économiques du désarroi des éleveurs et les personnes
qui le vivent, dans toute leur singularité. Ici une femme qui redonne du sens à
sa vie et qu'on accompagne à la fin du film, chantonnant sur une vieille
chanson pop à la radio qu'une nouvelle vie commence et que cette fois ce sera
bien la sienne. Pas celle de la coop.
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jeudi, 20 juin, 2019
Par Aude le jeudi, 20 juin, 2019, 10h58
Marie-France Hirigoyen, Les Narcisse, La Découverte,
2019, 238 pages, 18 euros
Déjà autrice d'enquêtes sur le harcèlement au travail, sur l'isolement ou
les violences conjugales, Marie-France Hirigoyen livre ici un ouvrage où il est
question de tout cela et qui met en lumière (ce qui devrait leur plaire) les
personnalités narcissiques. Après un prologue sur LA personnalité narcissique
du moment, Donald Trump, elle revient sur la définition du narcissisme et les
enjeux autour de la reconnaissance de cette pathologie : notion
psychanalytique, elle a dû être réinterprétée pour entrer dans le champ,
aujourd'hui dominant, de la psychologie cognitive avant de se voir reconnue. Ce
qui était d'autant plus vital que le désordre est commun. Le narcissisme est un
trait sous-jacent de toutes les personnalités, qui cultivent ce qu'Hirigoyen
appelle un « narcissisme sain ». Dans ses dimensions pathologiques,
le narcissisme peut être « grandiose » ou « vulnérable ».
On connaît assez bien le Narcisse grandiose : très majoritairement
masculin, il a besoin de reconnaissance, beaucoup trop d'assurance et un
remarquable manque d'empathie. Trump constitue un cas d'école. Le Narcisse
vulnérable est moins connu et l'autrice ne trouve pas d'autre illustration que
François Hollande, président de la République française de 2012 à 2017, si vous
l'aviez oublié. Même besoin d'exister en se flattant mais plus de difficulté à
le faire, notre Narcisse vulnérable peut être confondu avec une personne
dépressive. Ne pas confondre les deux avec le pervers narcissique, figure très
présente dans l'imaginaire français et dont Vladimir Poutine semble constituer
un bon exemple.
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mardi, 23 octobre, 2018
Par Aude le mardi, 23 octobre, 2018, 09h04
Mona Chollet, Sorcières. La Puissance invaincue des
femmes, La Découverte/Zones, 2018, 240 pages, 18 euros
Ce n’est pas pour rien que la chasse aux sorcières est souvent située à tort
au Moyen Âge et attribuée, à tort également, à un bas peuple aveuglé par
l’ignorance. C’est parce que c’est un exploit qui fait moche sur la carte de
visite des élites européennes, en grande partie laïques et universitaires, qui
ont accusé des femmes de tous âges (1) de se frotter la vulve sur des balais
volants et d’entretenir des rapports charnels avec le diable… des accusations
délirantes portées par de si sérieux messieurs.
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dimanche, 18 mars, 2018
Par Aude le dimanche, 18 mars, 2018, 09h23
Nicolas Rouillé, Timika, Anacharsis, Toulouse, 2018,
492 pages, 22 euros.
« Western papou », prévient la couverture. Timika, cette ville de
Papouasie occidentale située dans les environs de la plus grande mine d'or du
monde, a en effet des airs de ville-frontière pourrie par la corruption, le
fric de l'or qui ruisselle tant bien que mal, pourrie enfin par cette guerre
méconnue que l'Indonésie mène contre les Papous. Si aujourd'hui ce grand
archipel épouse parfaitement les frontières des Indes néerlandaises, une
création coloniale, cela n'a rien d'une évidence car la Nouvelle Guinée est une
île peuplée de Papous, peuple mélanésien et chrétien. Sa partie occidentale a
été rattachée de force à l'Indonésie dans les années 1960, suite à une annexion
forcée et à un référendum sous contrôle, avec la complaisance de la communauté
internationale. Jakarta mène depuis lors une guerre pour garder le territoire
dans son giron. Car, qu'il s'agisse de bois ou de métaux, l'île est aussi riche
en matières premières que ses habitant·es sont pauvres.
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samedi, 21 octobre, 2017
Par Aude le samedi, 21 octobre, 2017, 10h44
Aude Picault, Idéal standard, Dargaud,
2017, 152 pages, 17,95 euros
Claire a 32 ans et elle rêve de rencontrer l’homme de sa vie. Cette
infirmière en néonatologie, un peu conformiste et un peu complexée, a des airs
de madame Toutlemonde, c’est un personnage un peu fade qu’on a croisé mille
fois dans la presse féminine ou les séries états-uniennes. On la voit
multiplier les aventures amoureuses dans l’espoir de rencontrer le bon. Passant
du mec qui répugne à s’engager mais qu’elle croise deux mois plus tard très en
couple au supermarché à celui qui lui demande de partir le matin comme si elle
était la femme de ménage ou qu’elle avait fini de s’occuper de la plomberie
(1), Claire est en train de baisser les bras quand arrive le prince charmant,
une barbe de trois jours qui bosse dans la finance et fait beaucoup d’efforts
pour la séduire. Fin du premier acte, tout ne fait que commencer.
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mardi, 19 septembre, 2017
Par Aude le mardi, 19 septembre, 2017, 17h42
Nicholas Carr, Remplacer l'humain.
Critique de l'automatisation de la société, traduit de l'anglais
(États-Unis) par Édouard Jacquemoud, 272 pages, 19 euros, L'Échappée,
2017
Résister à l’automatisation, voilà une entreprise qui semble insensée. Ce
serait résister à la logique selon laquelle les investissements dans les
machines sont très vite plus rentables que le recours à du travail humain (et
que l’argent décide de la marche du monde). Ce serait résister également à
notre goût pour l’économie de moyens, une tendance presque naturelle à s’éviter
de la peine. Il est toujours possible de s’en désoler à longueur de pages, de
la documenter de manière intéressante mais à quoi bon ? Nicholas Carr
réussit pourtant à livrer avec Remplacer l’humain un livre
passionnant.
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lundi, 13 juin, 2016
Par Aude le lundi, 13 juin, 2016, 11h06
La Fabrique pornographique, Lisa Mandel d'après Mathieu
Trachman, Casterman, Sociorama, 2016, 168 pages, 12 euros
Mathieu Trachman avait livré en 2013 Le Travail pornographique. Enquête sur
la production de fantasmes (La Découverte). C'est d'après cette enquête
que Lisa Mandel, dessinatrice et scénariste, inaugure une collection de bandes
dessinées d'inspiration sociologique, Sociorama. On attend au tournant celle
qui est avec Yasmine Bouagga co-directrice de la collection. Côté adaptation,
on appréciera ou pas le parti pris qui consiste à ne pas livrer un récit
documentaire – c'est le choix de beaucoup d’œuvres qui trouvent désormais leur
place en album ou dans les revues (1) – mais une fiction très bien documentée.
On suit ses personnages, une femme et un homme, novices comme il se doit, dans
leur découverte de l'industrie porno. Et dans leur désaffection finale puisque
les carrières féminines sont brèves (« un an pour un chien c'est sept ans
pour un humain [et] dans le porno c'est pareil »). L'héroïne, une jeune
femme à l'apparence éloignée des stéréotypes de hardeuse (cheveux courts et
poitrine de taille modeste) fait ainsi l'objet d'un engouement à son arrivée
dans l'industrie puis se range au bout d'une année, quand ses fantasmes sont
taris et que « les salaires […] stagnent ». Avec 14 mois en moyenne
pour une carrière féminine, pas de temps pour construire un métier avec des
revendications corporatives, comme le suggèrent deux personnages féminins à la
fin du livre, rappelant qu'aux USA les acteurs et actrices porno sont
organisé-e-s en syndicat. Il y aurait pourtant de quoi, comme on l'apprend au
fil d'un récit réaliste, qui laisse la part aux fantasmes de cette industrie
tout en en éclairant les zones d'ombre.
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mardi, 24 mai, 2016
Par Aude le mardi, 24 mai, 2016, 17h19
La Démocratie aux champs, Joëlle Zask
Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2016
252 pages, 18,50 euros
Dans une tradition où « politique » (du grec polis) et
« citoyen » (soit citadin) disent le caractère urbain du fait
démocratique, quelle est la place des ruraux et plus particulièrement de la
paysannerie ? Le mépris dans lequel ont longtemps été tenu-e-s les
paysan-ne-s (1) semble avoir fait obstacle à leur participation politique.
Quand les révolutionnaires choisissent le suffrage censitaire et la
représentation,
deux dispositions anti-démocratiques, l'argument selon lequel le peuple est
en grande partie composé de paysan-ne-s trop courbé-e-s sur la terre pour avoir
des aspirations politiques un peu élevées légitime la dépossession qui s'opère
alors. Joëlle Zask livre donc un ouvrage utile qui redonne ses lettres de
noblesses aux personnes qui cultivent la terre, en tant que classe sociale (2)
et en tant qu'individus.
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mardi, 12 avril, 2016
Par Aude le mardi, 12 avril, 2016, 17h07
Le Syndrome
du bien-être, Carl Cederström et André Spicer, traduction Édouard
Jacquemoud, L'Échappée, 2016, 168 pages, 15 euros
Préféreriez-vous être riche et en bonne santé ou pauvre et malade ?
Bien-être et prospérité économique se conjuguent comme si l'un appelait
l'autre, à moins que ce ne soit le contraire. Pendant que des « athlètes
d'entreprise » se voient offrir jusqu'à leur poste de travail les
conditions matérielles de leur bien-être, tant physique que psychique, les
losers de la guerre économique ne pourront s'en prendre qu'à eux-même pour
leurs muscles flasques et leur teint blafard. Ce ne sont plus des inégalités
criantes, ce n'est que justice…
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mardi, 5 avril, 2016
Par Aude le mardi, 5 avril, 2016, 16h52
Refuser de
parvenir. Idées et pratiques, Centre international de recherches sur
l'anarchisme (CIRA) de Lausanne, Nada et CIRA, Paris et Lausanne, 2016, 300
pages, 20 euros
Voici un bouquin qui devrait faire écho chez les militant-e-s qui se sont posé
la question de l'articulation entre leurs engagements et leur vie
professionnelle. Peut-être pas les cadres supérieurs qui trouvent quelques
heures par mois pour leurs loisirs associatifs et font exactement les mêmes
carrières que leurs collègues qui votent PS. Plutôt à ceux et celles qui se
sont posé la question de comment être utiles et ont fait des choix de vie en
fonction. Le livre commence fièrement avec le rappel de l’œuvre d'Albert
Thierry, brillant étudiant choisissant le métier de maître d'école alors que
des fonctions d'enseignement plus prestigieuses lui sont ouvertes. C'est lui
qui théorise le « refus de parvenir » qui fait l'objet de ce recueil.
Principaux objectifs : ne pas trahir sa classe et travailler à une
émancipation qui ne soit pas individuelle mais collective. Le refus de parvenir
n'est pas le choix solitaire d'une belle âme mais une stratégie politique
visant une amélioration des conditions de travail et de vie de toute une classe
sociale. L'égalité des chances (de parvenir) ne les intéresse pas, ils et elles
visent une égalité des conditions.
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jeudi, 17 mars, 2016
Par Aude le jeudi, 17 mars, 2016, 16h44
Matthew Crawford, Contact. Pourquoi nous avons perdu le
monde, et comment le retrouver, La Découverte, 2016, 283 pages, 21
euros
Il est question d’Emmanuel Kant et de Walt Disney, de philosophie politique et
de machines à sous. Crawford manie des concepts philosophiques parfois un peu
ardus mais toujours éclairés par des exemples concrets, l’idée étant de
comprendre pourquoi, dans un univers toujours plus commode, nous nous trouvons
toujours plus désemparés. L’exemple qui m’a le plus frappée est celui des vieux
Disney, dans lesquels les personnages sont aux prises avec des objets qui
répugnent à leur obéir, au point de sembler animés d’une vie propre : des
ressorts qui ne cessent de se détendre, des portes de s’ouvrir… Aujourd’hui,
dit-il, les dessins animés de la même firme montrent des personnages béats
servis par des machines complaisantes. Je me demande quelles intrigues ce
dispositif peut servir. L’absence de conflit, outre qu’elle est assez pauvre
politiquement, l’est aussi sur le plan narratif.
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jeudi, 31 décembre, 2015
Par Aude le jeudi, 31 décembre, 2015, 13h58
Une chronique à retrouver sur le tout nouveau site de L'An
02.
Sophie Bessis
La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux
et marchand
La Découverte, 2014
240 pages, 19 €
Deux visions inconciliables du monde : la démocratie libérale d’un
côté, avec son individualisme bon teint, et de l’autre une doctrine passéiste,
à la violence médiévale. Les deux se seraient heurtés de plein fouet lors des
événements de 2015. Dans cet ouvrage publié quelques mois plus tôt, Sophie
Bessis renvoie dos à dos ce qu’elle appelle la « théologie de
marché » (ne parle-t-on pas de « dogme » néo-libéral ?) et
le fondamentalisme religieux, protestant et musulman au premier chef. Il ne
s’agit pas selon elle d’un choc des civilisations mais du désarroi d’un monde
livré à un monstre à deux faces qui se nourrissent l’une l’autre, un monde au
bord de l’épuisement écologique et où les idées émancipatrices peinent
désormais à se faire entendre. Le développement ne signifie plus que
l’intégration au capitalisme mondialisé, l’argent passe au rouleau compresseur
la diversité du monde. Les traités transatlantique et transpacifique proposent
de peaufiner l’arsenal juridique global pour la prédation des ressources
publiques par les intérêts privés. Les mondes musulmans, du Mali à l’Indonésie,
sont uniformisés par la magie des pétrodollars. La mondialisation est là, et
bien là, mais l’universalisme recule. Ne restent que les identités : celle
des Charlie qui bravent les barbares en levant leur verre, oubliant l’état de
délitement de leur « démocratie », gouvernement représentatif aux
abois depuis que l’ordre néolibéral s’est imposé depuis Chicago ou
Bruxelles ; celle de ceux et celles qui ne sont plus désormais que des
musulman-e-s.
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mardi, 29 décembre, 2015
Par Aude le mardi, 29 décembre, 2015, 15h09
Alain Deneault
Gouvernance. Le Management totalitaire
Lux, Montréal, 2013
200 pages, 12 €
et
La Médiocratie
Lux, Montréal, 2015
224 pages, 15 €
Les discussions sur la démocratisation des structures de gouvernement, sur des
modalités comme la reddition des comptes, les modes de scrutin plus «
représentatifs », le tirage au sort de certaines assemblées, etc. semblent à
côté de la plaque à la lecture d’Alain Deneault. Comme si nous retardions de
quarante ans. Depuis, la gouvernance a su imposer sa façon d’envisager l’action
publique comme un dialogue fructueux, orchestré par l’État, entre ce qu’on
appelle les acteurs : vous, moi, à partir du moment où nous sommes concerné-e-s
par les projets à mettre en œuvre. Mais aussi (et surtout), dans le cas d’un
projet d’aménagement par exemple, Vinci ou Eiffage, qui sont bien les plus
concernées au regard des budgets qu’elles vont mobiliser. On comprend mieux les
« ratés » de la bonne gouvernance occidentale, les autoroutes et autres grands
projets construits contre les textes de loi, contre l’avis des services du
ministère et des associations écologistes ou de riverains qui dénoncent le
gaspillage d’argent public.
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mercredi, 19 août, 2015
Par Aude le mercredi, 19 août, 2015, 10h16
Chris Harman, Une histoire populaire de l'humanité. De
l'âge de pierre au nouveau millénaire
Traduit par Jean-Marie Guerlin, La Découverte Poche, 2015 (2011)
720 pages, 15 €
«
On me demande souvent, disait Howard Zinn,
s'il existe un
livre équivalent à mon Histoire populaire des États-Unis
pour
l'histoire du monde. Je réponds toujours qu'il n'en existe qu'un qui
accomplisse cette tâche particulièrement délicate : celui de Chris
Harman. »
Une histoire populaire de l'humanité, par un
auteur spécialement attentif aux mouvements révolutionnaires, donne l'occasion
de revenir sur des moments marquants de l'histoire sociale et politique, plus
compréhensive envers les classes laborieuses et les révolté-e-s de toute sorte,
moins attachée au grands hommes qui semblent ailleurs seuls capables de faire
se mouvoir des foules inertes (1).
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lundi, 20 juillet, 2015
Par Aude le lundi, 20 juillet, 2015, 16h15
Brut. La Ruée vers l’or
noir, David Dufresne, Nancy Huston, Naomi Klein, Melina Laboucan-Massimo
et Rudy Wiebe, Lux éditeur, Montréal, 2015, 108 pages, 12 €
Du brut. Par millions de barils. Ou comment donner à voir l’exploitation des
sables bitumineux du Canada. Barils, dollars, gaz à effet de serre, degrés de
réchauffement… On connaît l’histoire mais voici une invitation à en découvrir
jusqu’aux acteurs les plus modestes, en un livre composite où se mêlent
reportage, témoignage, plaidoyer et littérature, et autant de voix. Fort
McMurray, dans le Nord-Est de l’Alberta, est la capitale de ces hydrocarbures
que l’on dit non-conventionnels : leur exploitation, plus polluante et
plus coûteuse que partout ailleurs, souille 90 000 km2 de terres et le bassin
du fleuve Mackenzie, l’une des principales sources d’eau douce au monde. Dans
des mines à ciel ouvert, des camions de trois étages chargent ce mélange de
sable, d’argile et de bitume. Moins visible, l’exploitation par forage consomme
plus d’eau et relâche plus de produits toxiques. Le transport par pipe-line,
ensuite, déverse lors de fuites régulières des millions de litres jusque dans
l’océan Pacifique.
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