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mercredi, 19 mars, 2014

On ne prête qu'aux riches

Grande nouvelle : on ne prête qu'aux riches, et je m'apprête à consacrer un billet à cette question. Bientôt, « qui sème le vent récolte la tempête » et « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ». En reprenant ce topos, je voudrais mettre en lien quelques aspects de la pensée libérale, avec ses droits formels et son égalité qui ne l'est pas moins. Quand Orwell disait que « certains sont plus égaux que d'autres », il décrivait une évidence, mais dont nous avons du mal à comprendre les ressorts. Un peu comme le caractère démocratique assez faiblard de nos sociétés, que l'on constate mais que l'on a du mal à expliquer (1). Si certain-e-s sont plus égaux/ales que d'autres, c'est aussi bien parce que certain-e-s ont plus de droits que d'autres (2) que, quand tout va bien, parce que certain-e-s ont plus de moyens pour faire valoir leur droits que d'autres...

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vendredi, 28 février, 2014

Les Sentiments du prince Charles

Les Sentiments du prince Charles, Liv Strömquist, traduit du suédois par Kirsi Kinunnen et Stéphanie Dubois, Rackam, 2012, 136 pages, 18 euros



Deux questions me taraudent depuis longtemps au sujet du couple hétérosexuel... Peut-on, et comment, avoir des oasis de relations équitables si le reste de la société fait un sort inégal aux femmes et aux hommes ? Par exemple, si une première grossesse fait stagner la carrière d'une femme pendant que celle de son conjoint avance, les responsabilités qui lui seront données à lui, avec des exigences plus fortes de présence (1), mettront à mal leur bonne volonté de s'investir tou-te-s deux à égalité dans les tâches domestiques. Rien à faire, nous sommes pris-es dans un tissu social, et il ne s'agit pas uniquement des injonctions des beaux-parents aux fêtes de famille. Ou bien : pourquoi, comment peut-on demander à la même personne d'être à la fois amant-e, ami-e, parent de ses enfants, copropriétaire, co-habitant-e ? Et n'est-ce pas voué à l'échec, au vu ne serait-ce que des différentes temporalités, celle du désir et celle de l'éducation d'un enfant par exemple ? Si j'aborde la question ici, ce n'est pas pour inaugurer une carrière de conseillère matrimoniale (2) mais parce que Les Sentiments du prince Charles a relevé le défi d'y répondre, dans un ouvrage qui reprend des éléments historiques, anthropologiques et psychanalytiques pour brosser un tableau des enjeux féministes du couple et de l'amour. Rien que ça. En bande dessinée.

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lundi, 24 février, 2014

Contre le masculinisme

Contre le masculinisme. Guide d'auto-défense intellectuelle, collectif Stop masculinisme, Bambule, Lyon, 2013, 160 pages, 8 euros


Le masculinisme s'impose insidieusement en Europe, après avoir pris ses aises au Québec. On l'a découvert à l'occasion de l'un ou l'autre des colloques que la mouvance organise, parfois avec le soutien de pouvoirs publics (1). On l'a croisé dans le film La Domination masculine (2009), pour lequel Patric Jean a infiltré l'un de ses réseaux et montré les principaux ressorts de la réaction anti-féministe. On a désormais (enfin !) un petit bouquin pour faire le point, grâce aux efforts d'un groupe mixte, anti-autoritaire, originaire de Grenoble, qui déplie son analyse en trois points : cause des pères, violence contre les hommes et crise de la masculinité. Trois points, trois mystifications.

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mardi, 21 janvier, 2014

Cachez cet anti-féminisme que je ne saurais voir...

Un jour mon dentiste m'a demandé (très gentiment, sachant qu'il risquait de me froisser) à quoi servaient mes études de lettres et la recherche dans ce champ disciplinaire... Je m'en suis sortie en lui expliquant qu'au-delà des premiers tomes publiés de son vivant, Proust avait écrit A la recherche du temps perdu sur des post-it (des « paperolles », pardon) et qu'on avait besoin de beaucoup de travail de recherche pour arriver à en tirer les milliers de pages bien ordonnées de son édition de poche. Bon, peut-être pas la sienne, mais la mienne.

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jeudi, 26 décembre, 2013

Game of Thrones est-elle une série féministe ?

La polémique fait rage dans un groupe de mes ami⋅e⋅s (et au-delà semble-t-il) : Game of Thrones est-elle une série féministe ? Pour : des personnages féminins nombreux, variés, forts (si l'on est faible, dans ce Moyen-Âge fantasmé (1) et marqué par le darwinisme social, on a peu de chances de rester un personnage) et une narration qui serait « un drame sophistiqué sur la subculture patriarcale », à l'instar des Sopranos ou de Mad Men. C'est à dire que la fiction se déroule dans un monde brutalement patriarcal pour justement produire un discours là-dessus et en montrer la misère, pour les femmes comme pour les hommes.

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jeudi, 19 décembre, 2013

Le patriarche en gros bébé

Dans le mythe originel, le patriarche c'est ce mâle dominant dans une horde composée de ses compagnes et de ses enfants. Il fait violence à tou-te-s à plusieurs titres. Les femmes sont à ses yeux des marchandises (qu'il consomme ou échange), et il en monopolise l'usage sans rien en céder à ses fils. C'est à ces deux titres aussi qu'en tant que féministe je lutte contre le patriarcat, à la recherche d'égalité entre femmes et hommes et sachant qu'elle passe par des exigences d'égalité aussi fortes entre les hommes eux-mêmes. Comme dans cette citation qu'on me rappelait récemment, « Feminism is for everbody » (1) en ce qu'il s'attaque aux deux questions à la fois, et on l'espère la domination en général (classe, race, sexualité, handicap, etc.).

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mardi, 17 décembre, 2013

Auto-défense et agressivité

En même temps que je développe des outils d'auto-défense intellectuelle au patriarcat, je me suis mise au wendo, une discipline d'auto-défense qui s'adresse aux femmes. On me demande dans mon entourage en rigolant si j'ai bien appris à mettre des coups de pied dans les testicules. Justement non, j'ai appris à ne surtout pas tenter ce geste très hasardeux, qui ne correspond ni à la philosophie ni aux techniques du wendo. Je n'apprends à frapper, fort, que dans mon périmètre de sécurité individuel (cette « bulle » qu'on étudie sous le nom de proxémie), c'est à dire que des personnes qui l'ont transgressé. Si l'on regarde bien, même dans les transports en commun aux heures de pointe personne ne se met face à un-e autre en situation de pouvoir recevoir un coup de genou dans les burnes. On se décale toujours un peu pour au moins offrir la proximité d'une épaule ou d'un dos, un biais qui rend acceptable l'espace trop réduit entre les personnes.

Question : qui est la/le plus violent-e, entre un homme qui impose une proximité très intime, avec un « échange sensoriel élevé », et une femme qui lui balance un coup de genou ?

dimanche, 15 décembre, 2013

Féminisme : pourquoi tant d'intérêt ?

Il y a quelques semaines j'attirais l'attention sur la difficulté qu'il peut y avoir, quand on est un homme et qu'on partage les idéaux féministes d'égalité femmes-hommes, à participer au mouvement sans mettre à mal son sens même, à savoir l'émancipation des femmes. Pour moi le féminisme a ceci de spécifique, par rapport à l'anti-sexisme qui est une position abstraite elle aussi tout à fait respectable, d'être une pensée située et une pensée en action. Comme son nom l'indique, le féminisme (du latin femina) est structuré autour du sort des femmes, de leur expérience et de leurs revendications, même si beaucoup d'hommes peuvent à juste titre trouver leur compte dans ces revendications, et même si la plupart des féministes accueillent positivement l'idée d'avoir des alliés hommes (1). A moi qui voulais simplement prévenir les hommes proféministes de ces difficultés, sans pour autant remettre en cause leur engagement contre le sexisme, la réception de ce billet a posé quelques questions...

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lundi, 2 décembre, 2013

Écologie politique : comment ne pas entendre

Ce matin sur France Inter, dans un de ces télescopages saisissants qui servent de signe ostentatoire de pensée originale, le chroniqueur politique maison mettait en parallèle la crise écologique et sociale et les échecs d'EELV : c'est parce que "les écolos" engagé-e-s dans la gestion des affaires publiques s'en sortent plutôt mal qu'on se rapproche des limites du système productiviste, notamment le système agro-alimentaire breton. Cassandre ne parle pas assez fort, ou bien elle n'articule pas assez bien, ou encore elle n'utilise pas des concepts assez stratégiques, toujours est-il qu'on peut passer des années à ne pas l'écouter et finir ensuite par le lui reprocher. Ben tiens.

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samedi, 9 novembre, 2013

L'épilation intégrale du pubis et le sens de la vie

Une amie me disait un jour qu'elle et moi ne pourrions peut-être jamais, dans notre âge mûr, avoir le plaisir (peut-être douteux, mais c'est une autre question) de coucher avec des hommes beaucoup plus jeunes que nous. En effet, si jamais l'idée que les femmes doivent avoir le pubis complètement imberbe finit de s'installer, des générations entières de jeunes hommes n'auront jamais l'occasion de découvrir ce à quoi ressemble un vrai sexe féminin adulte (ou adolescent) et prendront cette configuration naturelle pour une exception monstrueuse, comme en témoigne en partie ce « beurk » du magasine Cosmopolitan. Nous deviendrions donc peu à peu, nous qui tenons à l'épilation raisonnée de notre maillot, des monstres à la chatte velue. Dit comme ça, ça fait un peu peur... Qu'y a-t-il d'autre derrière cette injonction ?

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jeudi, 31 octobre, 2013

Comment peut-on être un homme féministe ?

La réponse est simple : c'est impossible. Le féminisme part d'un point de vue situésur le rôle social réservé aux femmes et les relations femmes-hommes qui en découlent. De son constat découlent des revendications d'égalité qui, elles, peuvent (et doivent) être relayées par les hommes. Cette place ingrate a un nom : proféminisme. Non pas dansle mouvement féministe mais à côté, en allié ou en relais. Et les féministes ont besoin de ces alliés, quand leur parole est méprisée justement parce qu'elle n'a pas l'assurance qu'on développe dans un monde d'hommes (1).

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lundi, 9 septembre, 2013

Rupture anarchiste et trahison proféministe

A propos de Léo Thiers-Vidal, Rupture anarchiste et trahison proféministe, textes rassemblés par Corinne Monnet, Sabine Masson, Samuel Morin et Yeun Lagadeuc-Ygouf, Bambule, 2013, 208 pages, 8 €


Difficile d'aller à l'encontre de ses intérêts de classe... c'est tout le propos de Léo Thiers-Vidal dans ce recueil d'articles, que de rappeler que les hommes, tous les hommes, ont intérêt à (c'est-à-dire perçoivent des gratifications dans le cadre de) la domination masculine. Certes difficile ne veut pas dire impossible, mais les exemples auxquels l'auteur a été confronté pendant sa vie militante, et sur lesquels il a appuyé comme on le lit ici sa pensée, montrent encore et toujours que s'en déprendre n'est pas une mince affaire.

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mercredi, 22 mai, 2013

Montréal-Portland-Lille : des centres communautaires pour les femmes

Article à paraître dans L'An 02 n°4, juin 2013.
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Vous avez envie de vous remettre au yoga ? d'apprendre le français langue étrangère ? besoin d'accéder à un ordi pour votre recherche d'emploi ? d'un lieu pour accueillir un groupe de discussion féministe ? Des centres communautaires permettent aux femmes de mener des activités ensemble. De Montréal à San Francisco, en passant par Portland, et sur le vieux continent à Lille, des femmes s'organisent pour animer des espaces ouverts à toutes, en particulier aux plus fragiles.

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mercredi, 13 février, 2013

Féminisme et queer : la théorie de l'évolution mise à mal ?

« Il me semble qu'il y a dans la théorie queer un certain anti-féminisme. »
Judith Butler, Humain, inhumain (éditions Amsterdam, 2005)

Laissons de côté Judith Butler (1) et attaquons-nous de front au mouvement queer tel qu'il s'exprime en France. Pour une critique bien éloignée des philosophes et sociologues qui vont admettre que le genre est certes un peu construit socialement mais que malgré tout notre identité de genre est fondamentalement liée au biologique... comme Naomi Wolf qui nous explique que quand son vagin va mal, c'est toute sa personne qui dépérit. Une critique matérialiste, radicale, du côté des femmes, du côté des dominé-e-s, du côté de ceux et celles auxquel-le-s le queer se donne pour ambition d'accorder un peu d'attention et de bienveillance.

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dimanche, 27 janvier, 2013

Nature writing au féminin

J'écrivais il y a plus d'un an, pour le n°2 de L'An 02, une chronique sur l'absence d'auteures femmes dans le catalogue des éditions Gallmeister, dont je suis avec beaucoup d'intérêt les collections « Nature Writing » et « Noire ». En mars 2013 une troisième auteure est à paraître, après Kathleen Dean Moore et Terry Temple Williams : Dorothy M. Johnson, pour un recueil de nouvelles, Contrée indienne. Voici d'autres auteures, jamais traduites en français, ou bien il y a longtemps, ou bien récemment rééditées (Mary Austin !) ou bien encore très bien éditées en français (Annie Dillard), qui font de la nature writing une écriture aussi féminine.

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mercredi, 16 janvier, 2013

Citoyen-ne-s, à vos tirets !

Dans un précédent post, des lecteurs ou lectrices ont pu trouver pénible l'emploi régulier de formules qui permettent de faire apparaître le féminin, écarté des usages habituels de la langue au motif que « le masculin l'emporte sur le féminin ». Un petit « e » coincé entre tirets par-ci par là ou une invention comme « lecteurices » ne me semblent pourtant pas si rebutantes (1)...

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dimanche, 6 janvier, 2013

Catch féminin et roller derby : ouvrir le champ des possibles

A propos de deux films
GLOW. Gorgeous Ladies of Wrestling, Brett Whitcomb, 2012
Whip It (Bliss), Drew Barrymore, 2009

Le catch dans les années 80 et le roller derby aujourd'hui sont deux expressions féminines bien particulières, mais qui ont à y réfléchir de nombreux points communs. Au-delà du jeu (mettre à terre l'adversaire, se frayer un passage dans le peloton à coups de hanches), ce sont des jeux de rôle qui permettent de se moquer d'identités stéréotypées (Babe la gentille fille du fermier), d'en créer de nouvelles, à l'aide de noms et de costumes, souvent trash, punk ou mauvais genre, toujours ironiques (ici les exemples ne manquent pas, mais je ne sais pas par où commencer), ou de rendre hommage à son histoire et à ses racines (Mount Fiji, Rosa Sparks).

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