jeudi, 12 novembre, 2020
Par Aude le jeudi, 12 novembre, 2020, 14h03
De loin, il est fascinant de voir l'état des savoirs évoluer aussi vite à propos du Covid-19. Pendant le premier confinement, nous apprenions avec anxiété que le virus pouvait tenir sur des surfaces pendant des heures, peut-être des jours. Faut-il désinfecter ses courses ou seulement les mettre en quarantaine ? Finalement les contaminations par les surfaces sont considérées comme beaucoup plus rares que celles par la respiration. Les particules que nous expirons ont plusieurs tailles. On a un temps cru que le virus se transmettait uniquement par les particules les plus larges et donc les plus lourdes que nous expirons, les gouttelettes, mais il s'avère que les aérosols sont aussi dangereux et de plus ils sont plus légers et donc plus volatils : la distance est donc un facteur moins important que nous ne le pensions, il faut aussi porter des masques et aérer fréquemment les espaces clos. Les premiers tâtonnements concernant la mortalité et les facteurs de risque se sont précisés : oui, on meurt plus facilement de la maladie quand on est âgé·e (à vrai dire le risque est multiplié à chaque décennie) mais on peut à tout âge en mourir, s'en remettre difficilement et/ou en porter longtemps les séquelles. Tout cela, qui pourrait ne concerner que des spécialistes, a des répercutions sur nos vies.
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lundi, 9 novembre, 2020
Par Aude le lundi, 9 novembre, 2020, 19h09
Comme beaucoup de féministes, j'ai été effarée de voir entrer le harcèlement de rue dans le droit, sous la forme de contraventions pour « outrage sexiste » en l'absence de plainte des personnes victimes et à l'appréciation de la seule maréchaussée. C'est potentiellement le flic qui bat sa femme et qui fait des blagues sexistes devant sa collègue, soit un vrai spécialiste de la question, qui décide si la manière dont on vous a adressé la parole est bien sexiste. J'ai alors découvert que c'était le cas de toutes les violations de la loi sanctionnées par l'État. Vous pouvez bien porter plainte mais ce sera soit pour demander des dommages et intérêts dans le cadre d'un procès civil, soit pour attirer l'attention de l'État sur un délit ou un crime dont il jugera de la gravité non pas au regard de ce qui vous est arrivé mais au regard du bien public, soit de son bien à lui.
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dimanche, 1 novembre, 2020
Par Aude le dimanche, 1 novembre, 2020, 08h56
Ce n’est pas un scoop, la vie par temps de Covid exacerbe les problèmes de santé mentale. Pour tout le monde, y compris celles et ceux qui vont assez bien d’habitude et qui nous disent leur détresse et le coût énorme du confinement – particulièrement pour les femmes, comme ici Titiou Lecoq.
Il y a la difficulté du confinement (j’avais dans un premier temps utilisé le mot violence mais je le réserve aux douze personnes mortes des mains de la police en huit semaines de confinement ce printemps et aux autres blessées). Et il y a l’angoisse par rapport à l’avenir quand on n’est pas en CDI ou fonctionnaire et qu’on voit le chômage grimper en flèche.
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mardi, 27 octobre, 2020
Par Aude le mardi, 27 octobre, 2020, 20h07
Hannah Arendt distinguait entre homo faber, l'être humain qui engage sa personnalité (ses intelligences, y compris son expérience corporelle et sensible) dans la fabrication d'une œuvre, et animal laborans, occupé à trimer comme le ferait une bête, à base de répétition mécanique des mêmes gestes. Précisons qu'il ne s'agit pas d'une distinction entre métiers intellectuels et manuels : dans son ouvrage Éloge du carburateur, Matthew Crawford montrait qu'un métier intellectuel jouissant d'une forte reconnaissance pouvait être mécanique et qu'un métier manuel pouvait solliciter sens de l'observation, capacités inductives et déductives, etc. Et disons-le aussi, aucun animal ne mérite d'être attaché à une tâche répétitive et pénible.
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lundi, 21 septembre, 2020
Par Aude le lundi, 21 septembre, 2020, 22h20
Il y a quelques années, j'avais fomenté une action lors de la présentation d'un livre contre lequel j'avais beaucoup de griefs et je n'étais pas la seule. Nous étions des féministes et des technocritiques fatigué·es du machisme de leurs camarades (je faisais partie des deux cercles). Nous nous étions retrouvé·es dans un petit front hétéroclite mais d'accord sur un mode d'action qui aujourd'hui paraîtrait inoffensif. Nous n'allions pas assister à la présentation et nous contenter du dispositif de questions-réponses pour nous exprimer, nous allions investir les lieux, poser notre parole et partir. Notre action avait même eu les faveurs d'une partie des animateurs du lieu de la rencontre, mis·es devant le fait accompli de cette soirée organisée de manière autoritaire par un membre du collectif. Nous avons retardé le début des échanges d'un petit quart d'heure mais la présentation a bien eu lieu et des personnes critiques mais moins désireuses que nous de marquer le coup étaient restées pour apporter la contradiction à l'auteur. Nous n'avions lors de la préparation de l'action pas débattu pendant des plombes du dispositif, n'imaginant pas même saboter la rencontre ou détruire les livres. Au centre de notre discussion était la parole que nous souhaitions porter et la volonté d'étendre notre petit front. C'était le temps béni où l'on n'exerçait pas de coercition contre les auteurs des livres qu'on n'aimait pas.
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lundi, 14 septembre, 2020
Par Aude le lundi, 14 septembre, 2020, 08h59
Il existe en français des adjectifs qui ne peuvent pas être modalisés, renforcés par très ou atténués par un peu. On ne dit pas *très formidable, *assez délicieux, *un peu sublime. C'est ou ce n'est pas essentiel, admirable, horrible. Ou alors c'est qu'on a oublié le sens même de ces mots, qui a un caractère absolu. Les autres adjectifs appellent la modalisation, la nuance. Et ceux-là sont beaucoup plus nombreux. Parce que les choses dans notre expérience nous arrivent rarement toutes blanches ou toutes noires, elles obéissent à une certaine gradation : un plat est plus ou moins bon, salé, épicé, une personne est plus ou moins intelligente, malveillante, originale.
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dimanche, 30 août, 2020
Par Aude le dimanche, 30 août, 2020, 14h47
Petite, j'étais ce qu'on appelle un « garçon manqué ». Les cheveux courts, le même regard sévère que mon père (1), un goût exclusif pour les vêtements portés par les garçons et les hommes (et les toréadors), une bande de copains, aucune attirance pour les jeux de filles ou les « il faut souffrir pour être belle » que ressassaient les copines (plus tard j'ai compris que ce mantra maternel servait à rendre supportable le démêlage douloureux de cheveux inutilement longs-pour-être-belle). Je n'ai pas beaucoup changé : j'ai toujours les cheveux courts et j'ai essayé tout l'été de repérer d'autres femmes que moi vêtues de ces (très laids) bermudas ou pantalons 3/4 bardés de poches latérales que les hommes portent parfois parce que c'est pratique. Sans succès.
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samedi, 29 août, 2020
Par Aude le samedi, 29 août, 2020, 14h16
Le soir du jeudi 12 mars, je m'étais couchée très en colère : osaient parler de « santé publique » ceux qui avaient traité le soin comme une marchandise et en avaient exclu une partie du corps social (les personnes en séjour irrégulier, voir ici) comme si la santé n'était pas un bien commun, à entretenir ensemble, d'autant plus dans le contexte de maladies infectieuses et contagieuses. Quelques jours plus tard, nous étions sommé·es de participer à un effort de réduction des risques extrêmement coûteux, conçu par en haut, inadapté à la réalité des personnes les plus fragiles de ce pays, les mal logé·es, les sans balcon ni jardin, les qui vivent seul·es ou à trop de monde, bref tout ce qui n'est pas un homme aisé en télétravail sur la terrasse pendant que maman s'occupe des gosses. Le tout pendant que les travailleurs et travailleuses exposé·es, les indispensables, les « premier·es de corvée », allaient trimer dans des lieux peu ou pas sécurisés, prenant des transports en commun toujours aussi bondés (il y avait moins de fréquence) alors que le gouvernement nous expliquait que nous ne devions pas porter de masques pour réduire la propagation du virus dans ces situations parfaites pour lui (densité humaine, intérieur mal aéré).
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jeudi, 20 août, 2020
Par Aude le jeudi, 20 août, 2020, 18h24
J'ai vu passer à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux la photo d'un emballage de masques, qui avertissait que les dits masques ne pouvaient constituer une protection appropriée pour des usages hospitaliers. Cette photo était censée prouver que « le masque, ça sert à rien ». Passons sur le fait que les emballages présentent souvent de telles protections juridiques (des décharges), vous avertissant qu'un beurre de cacahuètes peut contenir du gluten et un paquet de pâtes des fruits à coques. Cela ne signifie pas qu'il y a du gluten dans le beurre de cacahuètes ou des fruits à coques dans les pâtes mais que l'entreprise juge raisonnable de ne pas garantir la pureté de ses produits à des personnes allergiques qui pourraient les traîner en justice si la « présence éventuelle » de l'agent allergène était effective. Le fabricant de masque grand public ne souhaite pas non plus voir sa responsabilité engagée au cas où un·e praticien·ne hospitalièr·e aurait eu l'idée d'utiliser en bloc opératoire un masque au standard moins élevé, conçu pour éviter des contaminations moins graves que quand un·e chirurgien·ne opère le visage à 30 cm de plaies béantes.
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dimanche, 16 août, 2020
Par Aude le dimanche, 16 août, 2020, 11h24
Je suis une féministe de Twitter. J'exprime en ligne mes idées, mes espoirs et mes indignations, sur mon fil et celui d'autres, parfois en espérant convaincre des anti-féministes partageant leurs préjugés. J'ai rencontré en ligne d'autres autrices, d'autres féministes mais la plupart du temps nous ne faisons que nous croiser. Plus ou moins poliment : il m'arrive même de poser de véritables questions pour mieux comprendre les motivations des un·es et des autres mais elles restent sans réponse.
Heureusement, j'ai connu mieux : une socialisation militante dans des groupes ou petites organisations, le plus souvent en non-mixité, y compris avec d'autres féministes dans un mouvement généraliste mixte. Nous étions camarades. Ces années-là m'ont nourrie, politiquement et intellectuellement, humainement aussi. Et je les regrette. Est-ce moi qui ai changé et suis devenue un esprit chagrin ? Ou le féminisme ? Il m'est encore arrivé de me répandre en public sur l'énergie extraordinaire éprouvée en non-mixité, et que l'autrice avec laquelle nous partagions une rencontre tempère un peu mes propos… oui, c'est vrai que ces derniers temps, être féministe a moins été une suite d'enthousiasmes qu'un chapelet de déceptions.
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lundi, 3 août, 2020
Par Aude le lundi, 3 août, 2020, 09h58
C'est un beau dimanche de juillet et je vais réparer mon vélo sous la supervision amicale de F. dans le squat où il vit. F. a été réparateur de vélos dans une autre vie mais aujourd'hui il partage son temps entre des cours de français pour les migrant·es, des carcasses de vélo remontées entièrement et ce qui lui chante, comme d'aider des gens comme moi le dimanche à réparer leur biclou. Je dois être la seule cet aprem qui peut se payer les transports en commun ou les services d'un vélociste, les autres sont fauché·es comme les blés, avec ou sans papiers (la preuve que le vélo, c'est vraiment un truc de bobos). Heureusement pour nous qu'il y a l'atelier du dimanche. Derrière la verrière sous laquelle on transpire abondamment (mais rassurez-vous, il y fait très froid en hiver, ça équilibre), un petit jardin et une petite piscine gonflable. Un truc écrit sur la porte de sortie : « Si ta dernière douche ne date pas d'aujourd'hui, rince-toi avant de rentrer dans la piscine. » Voilà : tout ça pour dire que mêmes chez les anars, y'a des règles.
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lundi, 15 juin, 2020
Par Aude le lundi, 15 juin, 2020, 09h37
Elles prennent de l'assurance, ces voix qui condamnent notre servilité
pendant le confinement. C'est un propos qu'on attendrait chez les lecteurs et
lectrices de Henry D. Thoreau et d'Étienne de La Boétie, deux théoriciens de la
désobéissance civile, ou bien chez les anarchistes, chez celles et ceux qui
disent « non »… mais ça infuse bien plus largement. À vrai dire, il
me semble que ce n'est pas de la part de celles et ceux qui se souhaitent
ingouvernables que j'entends ces sorties rebelles mais plutôt des autres. Ce
n'est pas honteux, d'avoir éteint son esprit critique pendant le confinement
parce qu'on avait besoin
d'irénisme. On a tou·tes nos mauvais moments. Mais revenir critiquer une
servilité généralisée ?
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dimanche, 7 juin, 2020
Par Aude le dimanche, 7 juin, 2020, 16h10
Le débat a surgi aux USA à l'occasion de la mort d'un homme noir aux mains
de la police. Énième mort, constat d'un racisme endémique, d'une violence trop
commune. Et suite à ces manifestations, l'idée fait son chemin qu'il serait
possible d'abolir la police. Beaucoup de ces propositions sont très
pragmatiques, d'autres sont plus révolutionnaires et de toutes la presse
anglo-saxonne rend compte. On n'a pas tous les jours de si bonnes nouvelles,
alors regardons-les (malgré les différences culturelles et les difficultés de
traduction) au prisme de ce qui se passe chez nous.
« Defund the police! »
Le
département de police de Minneapolis a tenté des réformes de ses
troupes : elles ont été équipées de caméras embarquées, formées à la
lutte contre les discriminations (1) et même à la…
bienveillance et à la désescalade de la violence. Le résultat ? Plus
de budgets et plus de pouvoir à la police, sans grand résultat. Sachant que la
plupart des départements de police absorbent entre un tiers et la moitié d'un
budget municipal, et que cette proportion est en hausse avec la crise
économique due au Covid-19 et l'effondrement des autres budgets ; sachant
que les polices US coûtent en tout 115 milliards de dollars, 182 en ajoutant
l'incarcération… les manifestant·es s'en prennent aujourd'hui au budget de la
police (« Defund
the police! ») qu'ils souhaitent réduire… ou réduire à néant, selon
les traductions (2).
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dimanche, 31 mai, 2020
Par Aude le dimanche, 31 mai, 2020, 10h53
J'ai subi un crime de haine qui est resté impuni. Il y a quelques années je rentrais chez moi à vélo dans le centre de Lille
avec un ami. Nous roulions en file indienne, alors qu'il nous était permis de rouler de front, dans un rond-point urbain, la place Philippe Lebon à Lille. Je ne m'explique pas pourquoi, au feu rouge, je remets en question ma position sur la chaussée. Peut-être parce que je me sens déjà menacée par une voiture tout près de nous. Oui, je suis bien placée, je prends ma place sur la chaussée pour éviter d'être fauchée à chaque sortie d'automobile à droite. Un tutoriel de la Sécurité routière suisse explique ici qu'il faudrait même rouler « au milieu de la voie ». Lorsque le feu passe au vert, nous redémarrons. Devant un nouveau feu rouge, cinquante mètres plus loin, parvis Saint-Michel, un automobiliste
fait une queue de poisson à mon ami qui est placé devant. Mon ami le prend à partie en tapant sa voiture du plat de la main (note : ce n'est pas comme ça qu'on abîme les carrosseries, c'est seulement pour produire un peu de bruit et capter l'attention).
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Par Aude le dimanche, 31 mai, 2020, 10h42
Un an plus tard, mon agresseur court toujours avec sa haine, toujours capable d'un passage à l'acte violent. Un an plus tard, je me décide à faire d'autres démarches, cette fois sans attendre la police. Grâce à un ami et à l'excellent site Service-public.fr, je saisis le procureur de la République par une lettre recommandée et attire son attention sur ma plainte en déshérence. Celui-ci peut juger que « mon agresseur » n'est pas que mon agresseur mais une menace pour d'autres encore, autres personnes à vélo ou à pied où dont la tête ne lui revient pas et qu'il souhaite punir comme il a puni mon ami puis moi. J'ai porté plainte pour mon assurance (mais je ne me suis pas assez bien assurée) et pour ça. Mon agresseur n'appartient pas à mon cercle de connaissances, je ne peux rien négocier avec lui, ses proches ou les miens, rien exiger comme réparation. Dans une société anonyme, je ne peux faire appel qu'à la police. Puis à la justice, qui ne bouge pas.
Sans réponse du procureur, je porte plainte auprès du doyen des juges d'instruction et demande en raison de ma pauvreté l'exemption d'une provision que sans ça je devrais faire dans le cas où ma plainte serait calomnieuse. Cette exemption m'est accordée et une juge d'instruction est saisie de l'affaire.
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lundi, 11 mai, 2020
Par Aude le lundi, 11 mai, 2020, 08h36
Il y a quelques mois, une jeune féministe prenait acte d'un désaccord que
nous avions en le mettant sur le compte de nos générations différentes. Ce
jour-là j'ai regardé dans le miroir mes rides naissantes et mes trois cheveux
blancs de quadragénaire relativement bien conservée et j'ai respiré un grand
coup. Je suis en cours de péremption.
J'ai pris parti dans un débat qui opposerait « jeunes féministes »
queer pour qui l'identité de genre est un fait individuel, je suis qui je veux,
y compris une licorne ou un dragon de Komodor (sic) (1), et
« vieilles féministes » pour qui le genre est une invention
patriarcale et qui finissent par dire que c'est le sexe biologique qui
détermine la position sociale. C'est le genre de débat particulièrement
intéressant où on a le choix entre deux positions caricaturales et largement
caricaturées. Les secondes
seraient en cheville avec l'extrême droite nord-américaine (celle-ci étant
100 % hostile à la liberté d'avorter, l'argument me paraît foireux mais
j'imagine en effet les milieux réacs se frotter les mains à l'idée de tirer
parti de ces polémique et soutenir, s'ils aiment jouer au billard, cette
partie-là) et les premières mèneraient la controverse à force d'intimidation et
de sabotages de l'expression publique des secondes (Twitter, universités et
bibliothèques) et de coups dans la vraie vie (et ça, à ma connaissance, c'est
avéré).
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dimanche, 3 mai, 2020
Par Aude le dimanche, 3 mai, 2020, 11h19
Depuis le début du confinement, les appels à un « monde d'après »
plus solidaire, juste et écologique se multiplient. Parmi les propositions
concrètes on trouve parfois le revenu garanti, réforme qui est dans l'air du
temps depuis quelques années. Le pape François lui-même se serait engagé pour
le « revenu universel de base », lit-on dans les journaux… Qu'on lise
le texte d'un peu plus près : « Vous, les travailleurs informels,
indépendants ou de l’économie populaire, n’avez pas de salaire fixe pour
résister à ce moment... et les quarantaines vous deviennent insupportables.
Sans doute est-il temps de penser à un salaire universel qui reconnaisse et
rende leur dignité aux nobles tâches irremplaçables que vous effectuez, un
salaire capable de garantir et de faire de ce slogan, si humain et chrétien,
une réalité : pas de travailleur sans droits. » Plus loin le pape
précise qu'il souhaite que soient garanti « l’accès universel aux trois T
que vous défendez : terre, toit et travail ». Il est plutôt question
de valoriser le travail des « premiers de corvée » en le sécurisant
comme le fait le salariat dans les pays occidentaux, avec sa continuité du
revenu qui s'avère relativement protectrice. Ou par l'accès à la terre… et on
aurait envie de rajouter la propriété des autres moyens de production (mais
c'est le pape, pas Che Guevara non plus).
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samedi, 25 avril, 2020
Par Aude le samedi, 25 avril, 2020, 18h29
S'il est un domaine dans lequel nos représentations baignent dans un mélange
de connaissances assurées et d’irrationalité, c'est le corps et la santé. J'y
pense depuis longtemps mais la crise sanitaire en a donné de nombreuses
illustrations, notamment avec les ruées sur la chloroquine, la nicotine et
maintenant l'eau de Javel… J'y pense depuis que j'ai lu
Le Sain et le malsain (Le Seuil, 1993), ouvrage dans lequel
l'historien Georges Vigarello montrait que ce qui est bon pour la santé et ce
qui ne l'est pas constitue une sorte de système d'images mentales à la logique
parfois étonnante. Par exemple, les épices (poivre, cannelle, clou de girofle,
etc.) ont la particularité de pourrir difficilement, en conséquence de quoi
elles ont été perçues comme saines : la pourriture étant malsaine,
l'imputrescibilité – des minéraux, des épices, etc. – était saine. Comme elles
ont aussi un goût très fort, l'analogie avec l'ail a constitué une évidence,
quand bien même le goût et les vertus thérapeutiques n'auraient aucun lien
entre eux. L'ail a donc été investi des mêmes qualités que les épices au coût
prohibitif, pour devenir l'épice des pauvres. Étrangement, ces qualités prêtées
à l'ail sont en grande partie reconnues par la science moderne. Antibactérien,
aliment santé, excellent en cas de rhume avec de l'eau chaude, du thym, du
citron, du miel, du gingembre… (sans oublier de porter un cristal en contact
avec votre peau !) Aujourd'hui encore, ce que nous savons de source sûre
et ce que nous imaginons et transmettons comme représentations est encore un
peu confus… Tout ça pour dire que cette crise sanitaire appuie pile là où nous
sommes les moins rationnel·les.
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mardi, 14 avril, 2020
Par Aude le mardi, 14 avril, 2020, 09h40
Dans
Les Besoins artificiels,
Razmig Keucheyan montre combien la consommation est un geste politique, non pas
parce que les choix individuels auraient le pouvoir de réorienter le marché
(une certaine aporie de la pensée écolo-alternative) mais parce que l'union des
consommateurs, sur le modèle de l'union des travailleurs à laquelle elle fut
d'ailleurs liée, est un outil sous-estimé et sous-utilisé pour ne plus subir
l'offre et contribuer à une démocratie économique. Tout intéressant qu'il soit,
cet ouvrage ne pose pas comme il le promet la question de la construction des
besoins, notamment par l'offre.
J'ai bien peur que nous ne soyons pas dans L'An 01, appelé·es à
reconsidérer nos besoins pour imaginer ensemble une société décente… J'ai bien
peur que ce qui nous attend ne soit pas un grand banquet démocratique où les
idées les plus généreuses et les moins bêtes triompheront… J'ai néanmoins envie
de poser ici cette question au sujet de l'avion, stimulée par des débats
récents du confinement et par ma relative déception devant l'ouvrage de
Keucheyan. Tentant de faire la part entre besoins authentiques et besoins créés
par l'offre, celui-ci affirme : « Voyager est devenu un besoin
authentique. (…) La démocratisation du voyage est un acquis. »
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dimanche, 12 avril, 2020
Par Aude le dimanche, 12 avril, 2020, 10h55
La vie politique, dans les
régimes représentatifs libéraux, est traditionnellement structurée autour des
partis (et autres corps intermédiaires comme les syndicats). Traditionnellement
mais pas de tous temps puisque avant 1848 les corps intermédiaires étaient
interdits, accusés de briser le bel unanimisme du peuple. Quand les
associations, les syndicats et les partis sont autorisés en 1848, cette
disposition est l'occasion pour des classes qui jusqu'ici avaient été tenues à
l'écart de la vie publique, et pas seulement par le suffrage censitaire, d'y
participer pleinement. Avant 1848, être élu supposait d'avoir les moyens de
mener campagne sur des ressources individuelles. Après 1848, non seulement tout
le peuple est invité à voter (tout le peuple ? à l'exception des femmes,
soit de sa moitié) mais en plus il gagne le droit de s'auto-organiser dans des
structures qui lui permettent de mettre en commun des moyens pour peser dans le
débat public – et plus concrètement de s'organiser dans son bras de fer avec
ses employeurs. En théorie, les corps intermédiaires portent une dimension
démocratique du gouvernement représentatif (lequel est, en théorie aussi,
faiblement démocratique).
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