L’an dernier le succès de la notion de bienveillance interrogeait mon mauvais esprit. Depuis, cette notion a pris encore plus de place dans l'espace public. De l'éducation positive au développement personnel, la bienveillance a envahi jusqu'aux discours militants, dans un large spectre qui va des plus radicaux/ales aux bénévoles de la campagne Macron. Certes, écrivais-je, « la bienveillance, ce pourrait être cette manière d'être ensemble sans s'user, sans se faire trop de mal les un-es aux autres, pour continuer à militer, faire venir du monde et ne pas se retrouver avec trois warriors et deux tondus dans des rangs clairsemés ». Mais, alors que l’injonction à la bienveillance devenait omniprésente, j’avais l’impression d’un comportement dont il n’était plus question d’interroger le sens, d'une véritable norme qui n’était plus (seulement) un moyen de renforcer les rangs des militant-es en cultivant entre eux et elles des liens plus positifs, contre l'usure ou contre la violence qui irrigue ces milieux (1). Au nom de la bienveillance, valeur observée à Nuit debout, je notais par exemple qu’il n’était plus possible de huer à l’ancienne un type venu servir un discours de préférence nationale. À quoi servait donc la bienveillance si ce n’était plus une qualité relationnelle à construire entre camarades mais une obligation sociale, un genre de droit humain dû même aux fachos ?
Tag - Militer
vendredi 20 mai 2016
Limites de la bienveillance
Par Aude le vendredi 20 mai 2016, 21:17 - La trilogie de la terre cuite
lundi 2 mai 2016
On a les utopies qu'on mérite : la bienveillance
Par Aude le lundi 2 mai 2016, 19:09 - On a les utopies qu'on mérite
Militante féministe, j'ai participé à construire ou animer des lieux
bienveillants. Et j'ai évité ceux où ne se posaient pas les mêmes exigences.
Une réunion sans tours de parole, que ce soit dans la vieille gauche ou chez
les anars spontanéistes, me semble une perte d'énergie considérable. Attachées
à saisir un ton de phrase qui annoncerait la fin d'une intervention, les
grandes gueules ont depuis longtemps arrêté d'écouter ce qui se dit pour se
donner une chance de prendre la parole au vol. Une situation de guerre sourde
qui, en plus de baisser la qualité de la communication et de mettre une
pression accrue sur les participant-e-s, nous prive des idées portées par des
personnalités différentes (pas forcément des femmes, j'ai déjà vu un copain
partir en disant que de toute façon il n'avait rien d'intéressant à dire alors
que j'avais déjà pris la parole plusieurs fois). Je vais jusqu'à éviter les
lieux où la parole est distribuée de cette manière, même quand le programme a
l'air intéressant.
mardi 5 avril 2016
Refuser de parvenir
Par Aude le mardi 5 avril 2016, 16:52 - Lectures
Refuser de
parvenir. Idées et pratiques, Centre international de recherches sur
l'anarchisme (CIRA) de Lausanne, Nada et CIRA, Paris et Lausanne, 2016, 300
pages, 20 euros
Voici un bouquin qui devrait faire écho chez les militant-e-s qui se sont posé
la question de l'articulation entre leurs engagements et leur vie
professionnelle. Peut-être pas les cadres supérieurs qui trouvent quelques
heures par mois pour leurs loisirs associatifs et font exactement les mêmes
carrières que leurs collègues qui votent PS. Plutôt à ceux et celles qui se
sont posé la question de comment être utiles et ont fait des choix de vie en
fonction. Le livre commence fièrement avec le rappel de l’œuvre d'Albert
Thierry, brillant étudiant choisissant le métier de maître d'école alors que
des fonctions d'enseignement plus prestigieuses lui sont ouvertes. C'est lui
qui théorise le « refus de parvenir » qui fait l'objet de ce recueil.
Principaux objectifs : ne pas trahir sa classe et travailler à une
émancipation qui ne soit pas individuelle mais collective. Le refus de parvenir
n'est pas le choix solitaire d'une belle âme mais une stratégie politique
visant une amélioration des conditions de travail et de vie de toute une classe
sociale. L'égalité des chances (de parvenir) ne les intéresse pas, ils et elles
visent une égalité des conditions.
samedi 27 février 2016
Confessions d'un sac à rêves
Par Aude le samedi 27 février 2016, 22:49 - Textes
Nous rêvons peut-être tou-te-s mais nous ne rêvons pas de la même façon. À l'instar des personnes qui ne nettoient pas leurs chiottes elles-mêmes et font appel pour cela aux services de femmes peu fortunées, il est loisible de rêver par procuration si l'on a autour de soi un sac à rêves. Comment donc fonctionne le sac à rêves ?
jeudi 24 décembre 2015
Le chômage, c'est la mort
Par Aude le jeudi 24 décembre 2015, 08:01 - Textes
Il y a quelques temps, une copine me disait combien le travail, c’est la mort. Des suicides sur le lieu de travail (qui arrivent par vagues dans les médias) aux burn-out, de la vulnérabilité que la hiérarchie crée face au harcèlement à la dépossession dont témoignent tant et tant de gens du métier, il semble qu’il n’y ait rien à défendre dans l’organisation du travail aujourd’hui. Est-ce une raison suffisante pour taper dans le dos d’une chômeuse comme moi en la félicitant de ne pas être employée ? Peut-être pas, aussi ai-je répliqué à ma pote que le chômage, c’est la mort.
lundi 16 novembre 2015
Les autres ont aussi leurs raisons
Par Aude le lundi 16 novembre 2015, 09:10 - Textes
Parmi la litanie de faits désespérants, il en est qui intriguent et inquiètent, quand bien même ils sembleraient anecdotiques. Ainsi les agressions d’automobilistes sur cyclistes. Cela fait vingt ans ce mois-ci que je fais du vélo en ville (Décembre 1995 a commencé en novembre) et je suis plus que familière avec l'insouciance qui consiste à arbitrer entre quelques secondes de gagnées et la mise en danger d’une personne à vélo. Mais au-delà de la négligence et de l’incivilité souvent constatées, il s'agit d'insulter, de menacer, de descendre pour frapper un cycliste ou d’utiliser comme arme par destination (1) une tonne de métal motorisée. L’occasion est arrivée de mettre noir sur blanc les vagues cogitations suscitées par la prise de conscience que ce phénomène a pu prendre une certaine ampleur.
mardi 13 octobre 2015
Crowdfunding à la française
Par Aude le mardi 13 octobre 2015, 14:32 - Annonces
Lors d’un séjour aux États-Unis à Portland, Oregon, j’ai eu le plaisir de donner un coup de main régulier dans un cinéma associatif. Tous les samedis on pouvait me trouver derrière la caisse à jongler entre le logiciel d’édition des billets et les coupures de dix dollars, quand je ne partais pas passer le balai dans les salles. Pendant mon séjour, et deux ans après avoir financé ainsi de nouveaux sièges, le cinéma a lancé une opération de crowdfunding sur Kickstarter pour rénover sa marquee. Voici le cinéma avant, quand j’y balayais le pop corn, et après, suite au succès de la levée de fonds populaires (sachant que le cinéma a aussi des mécènes corporate, dont Nike qui est basée à deux pas). Pas mal…
jeudi 1 octobre 2015
Écologie : la petite bourgeoisie s’amuse
Par Aude le jeudi 1 octobre 2015, 17:37 - La petite bourgeoisie s'amuse
« La petite bourgeoisie intellectuelle dans son ensemble se trouve dans une position sociale paradoxale et est traversée de contradictions, qui se retrouvent sur le plan politique et idéologique. C'est également en son sein que s'épanouissent ainsi les pensées et les pratiques alternatives, qu'elles soient autogestionnaires, écologistes ou féministes et queer. Comme la petite bourgeoisie traditionnelle, elle est dominée par la bourgeoisie tout en étant exploitée dans son travail et en subissant la dégradation des conditions de travail imposée par le capitalisme néolibéral, mais elle perçoit aussi une rémunération supérieure à la seule reproduction de sa force de travail, une sorte de rétrocession partielle de la plus-value capitaliste, qui témoigne de sa participation à l'exploitation des classes populaires. En outre, si les niveaux de revenu en son sein sont très variables, la petite bourgeoisie intellectuelle est dominante sur le plan culturel. »
Anne Clerval, Paris sans le peuple. La Gentrification de la capitale, La Découverte, 2013, p. 41.
L’écologie a politisé de nombreux aspects de la vie quotidienne : rythmes et cadre de vie par exemple. Mais quand l’écologie urbaine se contente d’améliorer la qualité de vie dans les quartiers centraux, y ramenant des classes aisées appréciées des décideurs, elle accompagne des phénomènes de domination socio-économique. La bonne conscience en plus.
Poursuivre la lecture sur le site de L'An 02.
lundi 22 juin 2015
Petites et grandes lâchetés
Par Aude le lundi 22 juin 2015, 08:16 - La trilogie de la terre cuite
Petite, j'ai toujours été peureuse et ça ne s'est pas arrangé en grandissant. J'ai peur de glisser quand le sol est mouillé ou gelé et dans les manifs, si je tiens à être là malgré la répression, c'est à des endroits qui me semblent sûrs (ce qui ne suffit pas, il m'est arrivé d'avoir des surprises et de passer près d'un coup). Bref, je n'ai pas l'impression que c'est avec moi qu'on arrivera à faire la révolution.
vendredi 1 mai 2015
On a les utopies qu'on mérite : le revenu garanti
Par Aude le vendredi 1 mai 2015, 18:45 - "On a les utopies qu'on mérite : le revenu garanti"
J'ai tout de la militante écolo-alternative. Des jeunes écolos de
Chiche ! jusqu'à la revue L'An 02,
en passant par la fondation d'un collectif Vélorution, l'animation d'un groupe
décroissance ou la rédaction d'une brochure « Perdre sa vie à la
gagner », mon enthousiasme pour le revenu garanti n'aurait pas dû cesser
de croître en quinze ans de militantisme.
Raté. Je suis au chômage depuis plus de dix ans et, considérant cette
expérience et les exclusions qui l'accompagnent, cette bonne idée m'apparaît
désormais comme une mesure qui conforterait le productivisme ambiant, la perte
d'autonomie, les inégalités socio-économiques, culturelles et de genre et
serait un recours bien insuffisant devant les désastres que provoque
l'organisation du travail (et du chômage !).
J'explique en quatre temps mes inquiétudes au sujet de ces différentes
dimensions.
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