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lundi, 25 novembre, 2013

Do-it-yourself : le projet d'autonomie de Castoriadis à Castorama

Reprise de deux textes publiés ici en janvier et mars 2013, pour une publication dans Offensive n°38 (novembre 2013, dans toutes les bonnes librairies et kiosques au prix modique de 4 euros).

« L'aspiration individuelle à ne dépendre de rien ni de personne conduit à de nouvelles servitudes, à une forme de collectivisme non moins implacable que les communautés étouffantes d'autrefois. »
Groupe Marcuse, La Liberté dans le coma, La Lenteur, Paris, 2013.

En français, le do-it-yourself (DIY) nous vient en droite ligne de la culture squat, il s'agit de faire soi-même dans l'idée de gagner en autonomie, de se déprendre du capitalisme et des rapports marchands, de l'envahissement des pratiques quotidiennes par la société de consommation. Mais en anglais, l'expression signifie plus prosaïquement « bricolage », une pratique qui s'est épanouie dans les très libérales années 1980. Et c'est ainsi que l'on peut aller pousser le caddie le dimanche dans une grande surface de do-it-yourself. Alors, le DIY est-il de droite ou de gauche ? Ou plus sérieusement, le DIY n'est-il pas passé de la pratique d'autonomie d'une mouvance alternative à un projet de masse récupéré commercialement ? Il nous appartient donc, au-delà de son aura très positive, d'y distinguer la présence d'autres valeurs, qui sont, elles, néfastes au projet d'autonomie.

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mardi, 20 août, 2013

Autour du revenu garanti

On a les utopies qu'on mérite : le revenu garanti

Ici quelques lignes de remerciement aux personnes qui ont accompagné la publication de mon dernier billet en me proposant quelques arguments de défense du revenu garanti. Bon, c'est l'été, c'est calme, et beaucoup ayant été formulés à l'oral ma mémoire pourrait moins bien les traiter, mais voici un début de réponse.

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samedi, 20 juillet, 2013

Le revenu garanti en ligne de mire

Les pistes ébauchées ici se retrouvent dans une brochure là-bas.

La revoilà, cette généreuse idée du revenu garanti, réactivée par des mouvements anti-productivistes ou anti-capitalistes, après une décennie peu propice aux utopies, pendant laquelle elle avait continué son chemin très modestement (1). Rappelons grosso modo (car il en existe plein de variantes) le principe du revenu garanti : c'est une somme offerte à tou-te-s chaque mois, sans condition de revenu ou de bonne volonté à « s'insérer », suffisante pour vivre correctement. Trois critères auquel ne satisfait pas le RSA aujourd'hui. Le revenu garanti est une réforme révolutionnaire, comme on disait (2), qui permet au travail de cesser d'être une valeur centrale et de choisir sans contraintes d'autres « allures de vie ».

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samedi, 22 juin, 2013

Que sont les grands projets inutiles ?

On les appelle Projets Inutiles, Nuisibles et Imposés ou Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII). L'étiquette est récente, elle permet de mettre en réseau les opposant-e-s, les idées, de dessiner une critique politique de grande qualité, assise sur des arguments étayés et variés. Elle témoigne selon moi de deux évolutions dans la société française.

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vendredi, 17 mai, 2013

Le voyage, un droit humain ?

La petite bourgeoisie s'amuse n°3

La petite bourgeoisie, communément appelée classe moyenne, c'est cette classe sociale qui, privée de pouvoir économique, n'est pas responsable de l'abjection ambiante mais profite toutefois de ses retombées. Une classe sociale repue de droits et qui ne se reconnaît aucun devoir. Voyage au pays de la petite bourgeoisie, par une déclassée, en trois temps : militer, faire soi-même, voyager.


Il existe en anglais une expression (well travelled) qui considère qu'on peut être « bien voyagé » comme on est bien éduqué ou bien formé. En français on ne dit pas le contraire : « Les voyages forment la jeunesse ». Et de fait, connaître un seul exemple de société, de même que connaître une seule langue, n'aide pas à la comprendre. On est plus provincial quand on ne quitte jamais Paris que quand on habite « en région » et qu'on va régulièrement à la rencontre d'ami-e-s ou de collègues à Marseille ou Nantes. Allons plus loin : le tourisme a la vertu de protéger un patrimoine naturel ou bâti jugé peu précieux à un moment de leur histoire par certaines sociétés (1) et (1b). Et le voyage nous met dans une bonne volonté culturelle souvent inédite, renouvelant (comme une expo temporaire bien médiatisée) notre intérêt pour les musées et les monuments historiques.

Mais n'accorde-t-on pas au voyage une fonction plus prestigieuse que toutes les autres activités qui sont censées nous élargir l'esprit ? Et n'accorde-t-on pas à tous les voyages des vertus qui sont l'apanage de certains d'entre eux seulement ?

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mardi, 12 mars, 2013

Une expérience cycliste et politique

I want to ride my basikal, I want to ride my
Basikal! Basikal!

Queen

L’économiste du développement Ha-Joon Chang (1) admet que les populations des pays pauvres ont moins d’éducation et de compétences formelles que celles des pays riches, mais n'en fait pas la raison de leur différence de revenu. La cause est à chercher dans un système d’exploitation qui s’est généralisé ces derniers siècles (songeons qu’en 1830, l’écart de richesses entre un pays comme la France et un pays comme l’Algérie était de un à deux). Et s’il faut comparer les compétences d’un chauffeur de taxi de Göteborg et celles de son confrère de Bangkok, on a le choix entre considérer leur niveau d’éducation, leur aisance écrite et leur culture gé, ou leur aisance au volant. Et là, sans conteste, le chauffeur de taxi de Bangkok l’emporte. Parce qu’à conduire dans des conditions chaotiques, avec des règles de circulation peu contraignantes, une rue partagée entre de multiples usager-e-s (automobilistes, deux-roues motorisés, cyclistes, pton-nes, etc.) et de multiples usages (atelier, marché, ferme sauvage, etc.), on en acquiert une vision périphérique, une attention qui dépasse largement les contrôles réguliers dans le rétro. 

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dimanche, 10 mars, 2013

Une autre cuisine DIY est possible

Do-it-yourself, suite et suite... Il est parfois bon, quand l’imagination est en panne et qu’on n’arrive plus à considérer sa culture que comme un universel, d’aller voir ailleurs. C’est ce à quoi nous invitent l’histoire et l’ethnologie. Et les voyages, si on prend un peu le temps. Je voudrais reprendre cette question du DIY en lien avec la cuisine et les pratiques culinaires et d’autoproduction alimentaire (qui me passionnent plus que d'autres aspects). Aujourd’hui, si on s’en tient à la société européenne contemporaine, manger en-dehors de chez soi est un privilège de la classe moyenne, aux dépens d’une armée de précaires aussi mal payée après la baisse de la TVA qu’elle l’était avant ça. Une brochure sur Infokiosques reprend des arguments intéressants à l’encontre du système de la restauration.

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jeudi, 28 février, 2013

Entre Castoriadis et Castorama : le do-it-yourself et les méprises du projet d'autonomie

Texte repris ici (en mieux !) pour publication dans Offensive n°38.

J'écrivais il y a quelques semaines un coup de gueule sur les excès d'un certain do-it-yourself (ou DIY, en anglais bricolage, en français le terme et les pratiques ont un sens plus politisé). Suite à quelques échanges intéressants, je pense pouvoir reprendre mes arguments et continuer le débat en mettant le doigt sur quelques points.

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mardi, 8 janvier, 2013

Le do-it-yourself me (fait chier) pose question

Texte repris ici pour publication dans Offensive n°38.

Devant quelques réactions hostiles suscitées par ce texte, je cède à la pression et modifie le titre... L'essentiel étant d'être lue, et bien lue, si ce titre ne permet pas à mes lecteurs et lectrices de considérer un tranquillement toutes les nuances du texte, et de s'engager dans une lecture sans prévention, c'est que c'est un mauvais titre (ou un titre qui a d'autres qualités que celles dont j'ai besoin aujourd'hui.

A l'origine, il y a l'envie d'étendre son champ d'action individuel, de ne plus dépendre de macro-systèmes pour accéder à des biens ou à des services, de produire au plus près des besoins, de se déprendre de la Technique et du capitalisme. Ou ce sont tout simplement des stratégies de survie immédiate : l’essor des magasins de bricolage depuis plusieurs décennies est une réponse à la crise, au chômage de masse et aux salaires qui restent au ras des pâquerettes sous sa menace. Mais c'est peut-être aussi le résultat d'une stratégie de pingre de la classe moyenne pour étendre son « pouvoir d'achat », pour avoir à la fois la rénovation de la baraque et l'écran plat qui trône dans le salon. Aux dépens de professions qui sont perçues comme abusant de leur position sur le marché pour construire de micro-fortunes personnelles (ça fait râler tout le monde de voir son carreleur rouler en 4x4). L'équation est là : bricolage ou professionnalisme, amateurisme ou métier ?

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lundi, 5 novembre, 2012

Le Soleil en face

Le Soleil en face. Rapport sur les calamités de l'industrie solaire et des prétendues énergies alternatives
Frédéric Gaillard
L'Échappée, 2012
160 pages, 11 €

La critique des énergies dites « renouvelables » continue. Arnaud Michon avait publié en 2010 aux éditions de l'Encyclopédie des Nuisances un réquisitoire contre l'énergie éolienne, Le Sens du vent, qui faisait la part belle à une critique idéologique : un système injuste et autoritaire tente maladroitement d'assurer sa durabilité... le laisserons-nous faire ? Il faisait découvrir en outre aux optimistes de tout poil les défauts de l'énergie éolienne : non seulement les exactions de compagnies pour lesquelles un paysage et les personnes qui l'habitent ne peuvent rien valoir, mais aussi les ressources non-durables, en particulier métalliques, utilisées pour la construction d'une éolienne. Hélas pour les gentil-le-s écolos un brin techno, la réponse universelle à tous nos problèmes n'est pas blanche et dotée de trois grandes pales. C'est plutôt une révolution qu'il nous faut (et nous voilà bien avancé-e-s).

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dimanche, 11 mars, 2012

Comment penser l'après-choc ?

Texte publié dans La Décroissance de février 2012

Les écolos font de bons futurologues, quand on compare leurs analyses à celles qui dominent par ailleurs, dont la vision de l'avenir a du mal à se déprendre d'une simple extrapolation de la situation actuelle. Et encore, quand cette situation change a-t-on parfois du mal à s'en rendre compte ! Des années après les premiers signes d'une décroissance des transports, on continue à construire des autoroutes... J'apprécie cette image qu'utilise Yves Cochet, qui décrit des analystes le nez sur les graduations d'un verre mesureur, capables d'évaluer les moindres variations et d'imaginer la vitesse à laquelle on atteindra tel repère... sans se rendre compte que le verre a un bord, bientôt atteint, et que nous sommes près de le voir déborder.

Mais est-ce la vision à laquelle je souscris ? Dans le premier numéro de la revue L'An 02, dont une partie est consacrée à notre rapport au temps et aux délais dans lesquels nous inscrivons notre action, nous avons publié un article d'Antoine Chollet, grand lecteur de Castoriadis et auteur d'une thèse sur le temps de la démocratie. Il écrit « Si catastrophe il y a, elle est déjà sous nos yeux ». On peut s'opposer à certaines conséquences de cette position, qui sous-évalue peut-être les difficultés qui nous attendent. Mais elle a le mérite de ne pas se satisfaire du monde dans lequel on vit, ou de ne pas le refuser pour l'unique raison qu'il porte en germe son effondrement. Le monde est déjà invivable pour beaucoup, et nous avons déjà de nombreux signes de ce qui nous attend : l'accaparement des terres agricoles nous rappelle que l'agriculture est un socle indispensable à nos sociétés, et que les terres cultivables sont un bien précieux ; les réfugié-e-s climatiques annoncent des désordres qui seront plus graves qu'un été pourri, etc.

Le « choc » dont vous parlez ne sera pas une surprise, peut-être ne sera-t-il même pas un mouvement de forte rupture mais une dégradation continue de notre organisation sociale et politique. Et de notre environnement. On ne saura peut-être pas le dater, mais on se rappellera quelques moments critiques (l'arrivée au pouvoir dans certains pays de « gestionnaires » nommés en raison de leur orthodoxie économique en sera certainement un) et quelques occasions manquées (le Grenelle de l'Environnement, le sommet de Copenhague, etc.).

Même si ce choc est une source d'angoisses légitimes, je ne défends pas une vision de l'écologie qui serait le versant malheureux du Grand Soir révolutionnaire, tout entier tourné vers l'anticipation d'un avenir désastreux. Le présent porte en lui assez de raisons de s'indigner, de s'organiser pour ne pas laisser se dégrader notre environnement social et naturel.

Penser l'après-choc, c'est penser la vie bonne, autant ailleurs (où nous délocalisons nos nuisances, ou que nous pillons allègrement) et demain (avec le souci pour les fameuses générations futures) qu'ici et maintenant. Pour prendre un cas d'école, l'étalement urbain est un enjeu pour demain, parce que le prix élevé du pétrole rendra plus difficile le transport des produits agricoles sur de longues distances, et parce que les zones rurales éloignées des bassins de population sont bien moins productives que les vallées fertiles où l'humanité s'est installée en nombre. Mais dès aujourd'hui les ménages pauvres qui se sont éloignés de la ville sont les prisonniers de leurs campagnes banlieusardes, où la voiture est quasi-indispensable alors que son utilisation est toujours plus coûteuse. Dès aujourd'hui les vocations de nos ami-e-s pour produire non loin des villes légumes et fruits de qualité sont entravées par un accès difficile aux terres agricoles, consacrées par les PLU à de nouvelles zones pavillonnaires ou réservées à la concentration des « exploitations » de type industriel. Et dès aujourd'hui nous avons de très, très bonnes raisons pour faire des choix en faveur de cette vie bonne. Se soucier du lendemain, et de la manière dont nous éviterons le choc ou vivrons avec, n'est pas incompatible avec nos aspirations présentes.

vendredi, 9 mars, 2012

Un geste pour la planète. Peut-on ne pas être écolo ?

Samuel Pelras, Un geste pour la planète. Peut-on ne pas être écolo ?, « Antidote » Flammarion, 2012, 120 pages, 8 €

Rire sur le dos des écolos, rien de plus facile. On le faisait déjà dans les années 70, qui sont ces huluberlus avec leurs fromages de chèvre, non mais, ça fusait de l'extrême gauche au public conventionnel. Aujourd'hui l'exercice est devenu d'autant plus délectable que l'écologie s'est imposée dans le courant dominant... à moins que ce ne soit le contraire ? Samuel Pelras ne s'inquiète guère d'analyser en profondeur cette colonisation croisée, il dézingue tous azimuts. Et on se marre. Alors certes, on aurait aimé qu'il fasse un peu de tri au lieu de mélanger dans sa poubelle les éco-citoyen-ne-s satisfait-e-s de l'aliénation consumériste (mais bio !) et les écolos pour qui l'autonomie est au cœur d'une vie désirable ; qu'il fasse sérieusement la part du politique et celle du religieux... prosélytisme et martyrologie ne sont en effet pas étrangers au mode de vie écolo. On aurait aimé qu'il passe autant de temps sur le cas Juppé (le pauvre ne mangera plus de cerises en hiver, mais il est hélas absent, comme les autres maîtres d'œuvre du développement durable sauce 2007) que sur celui du réseau « Sortir du nucléaire ». On aurait aimé une critique un peu plus fouillée du régime de l'expertise (1). Mais on regrettait Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, de Riesel et Semprun (Encyclopédie des nuisances, 2010), alors une deuxième couche n'est pas de trop. Et l'autre camp n'est pas oublié : on rit un temps avec Iegor Gran (L'Écologie en bas de chez moi, POL, 2011), et puis son cynisme est largement commenté, dans la liste des « irréductibles Gaulois » anti-écolos qui se payent une subversion à deux balles. Liste de type journalistique et non typologie savante, puisque l'auteur ne s'inquiète pas de mettre en valeur les différents ressorts de la réaction : scientisme et rapport à la technique, conservatisme politique, individualisme, etc. A la lecture de ce pamphlet, drôle et parfois injuste comme le veut le genre, on oublie presque l'ambition de la collection, qui est plutôt d'aborder des questions politiques et sociales au prisme de la philosophie. A peine quelques citations pour donner un vernis, il s'agit simplement pour l'auteur de présenter son écologie, ou mieux de l'asséner au détour d'un chapitre : c'est une écologie de la liberté, ou éco-anarchisme, dans le sillage de Murray Bookchin et Cornelius Castoriadis. Belles références, dont on ne se plaindra pas. On doit à ce dernier auteur un développement de grande qualité sur la notion d'imaginaire : que dit-on quand on parle de « décoloniser l'imaginaire » ? S'agit-il seulement de nourrir la société d'images et d'histoires nouvelles, façon storytelling bio, ou ne prend-on pas la tâche à la légère ? L'imaginaire castoriadien a à voir avec l'institution, mais il ne la précède pas allègrement, il est tributaire de sa pesanteur. L'écologie politique, corpus théorique qui semble loin d'être étranger à Samuel Pelras, pose de nombreuses questions de ce type, et on a de quoi regretter qu'elles ne soient pas ici traitées avec la même exigence.

(1) Celle-ci est brillamment faite dans la même collection par Mathias Roux dans J'ai demandé un rapport. La politique est-elle une affaire d'experts ?, « Antidote » Flammarion, 2011.

vendredi, 24 février, 2012

A la Communauté

Premier jour : arrivée sac au dos de la gare toute proche, on m'accueille en me montrant ma chambre, toute simple et très jolie, avec assez de rangements pour m'installer une dizaine de jours. L'après-midi est – comme la matinée – consacrée au travail, mais dans quelques heures tout le monde sera plus disponible. J'attends donc ce moment, bien tranquillement. Mais à 17h30 les lieux restent vides. A 19h30, l'heure de la prière commune, je n'aurai croisé que Sandra, ma voisine du dessous, une très jeune femme en stage pour un an avec son ami, venue me souhaiter la bienvenue. L'appel de la cloche se fait finalement entendre, je me précipite dans la salle commune où brûlent trois bougies devant une assistance plutôt clairsemée. Un texte récité par cœur, des intentions de prière, une chanson, quelques annonces dont celle de mon arrivée. Avant de nous quitter, nous embrassons nos voisin-e-s de droite et de gauche en leur souhaitant une belle soirée. Le samedi est le seul soir où une activité collective est proposée : c'est danse. Les autres soirs, les personnes installées (engagées, selon le vocabulaire de la Communauté), rentrent dans leurs appartements pendant que les six ou sept stagiaires se réunissent dans la cuisine pour finir les restes du midi (1). C'est toujours copieux et délicieux, on mange très bien, en quantité parce qu'on a beaucoup travaillé en plein air, et l'ambiance est cordiale. A la fin du repas, nous lavons nos couverts mais l'un-e de nous reste, préposé-e à la vaisselle des plats. Je me retrouve vite seule, sans autre perspective que celui de rejoindre mon lit. Il est 20h30. Je peste un peu, avant de me rappeler que j'étais aussi venue pour ça : rompre avec mon quotidien, couper pour quelques jours les liens avec mes collaborateurs et mes ami-e-s, avoir enfin beaucoup de temps libre pour lire et me reposer. La mission est donc remplie, de quoi pourrais-je me plaindre ?

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dimanche, 20 novembre, 2011

Pourquoi n'avons-nous pas une gauche de gauche ? (Parce que nous ne la méritons pas)

Entre le PS et ses électeurs/rices, c'est le désamour : le parti ne fait pas une politique de gauche, une politique en rupture avec la doxa néolibérale qui s'est emparée de l'Europe à la fin des années 1970. Chaque élection est celle du changement qui change, de la nouvelle chemise qu'on essaiera quelques années, parce qu'elle nous promet que tout sera différent, avant de la jeter par déception. Cette année l'Italie bascule à gauche pendant que l'Espagne bascule à droite, les deux pays, qui sont dans la même situation socio-économique, pour les mêmes raisons. L'alternance ne change rien, elle n'est que le signe du malaise.
Pourtant nous savons que les membres du PS sont porteurs/ses des mêmes aspirations que nous, qu'ils et elles partagent des valeurs d'égalité (non, pas d'égalité des chances, tout le monde sur la ligne de départ et si tu loupes la course tu n'as plus rien), qu'ils et elles apprécient le service public (rendu à chacun-e sans considération pour ses moyens ou sa situation géographique). Alors pourquoi renier constamment ces valeurs, pourquoi laisser les inégalités exploser depuis trois décennies, pourquoi ne pas apporter une réponse de gauche à la crise ?

Effet de rente

La petite boutique électorale nous donne l'impression d'être un marché où l'offre politique rencontre la demande, processus équitable et honnête où chacun-e doit trouver son compte. D'ailleurs même les perdant-e-s ne le mettent pas en cause. Mais dans ce marché, tout biaise la concurrence entre les idées politiques. D'abord le système électoral, qui oblige un parti qui pèse 15 % lors d'élections à la proportionnelle à dépendre de ses alliances politiques (avec un parti à 25 %) pour s'assurer péniblement d'avoir 0,7 % des sièges à l'Assemblée. Ensuite la personnalisation de la politique, qui rend moins audible les idées et les fait passer derrière le langage, la façon d'être des candidat-e-s. Les biais ne s'arrêtent pas là, ils tiennent aussi à l'imaginaire autour de l'offre politique.
Aussi attirante et sympathique soit l'offre d'un petit parti, aussi forte soit notre envie de rupture, au fond nous avons peur de changer, comme la France pompidolienne ou giscardienne se faisait des frayeurs en pensant que le mouvement post-68 allait tôt ou tard porter Mitterrand au pouvoir. Nous ne risquions rien de moins que l'effondrement économique et sociétal. Vu de loin, ça fait sourire. Mais rien n'a changé, nous avons trop peur de l'alternative pour lui donner sa chance.
C'est une véritable rente sur lesquelles sont assises les formations politiques qui ont comme le PS prouvé qu'avec elles, tout peut changer parce qu'au fond rien ne changera. Si la petite boutique électorale était un marché, ce serait deux hypermarchés en concurrence et quelques échoppes en bois adossées à leurs flancs, dans lesquelles on ose quelques achats avant d'aller pousser le caddie là où il y a tout ce qu'il faut. Pourquoi mettre cette rente en danger en mettant en œuvre des idées de gauche audacieuses alors qu'il est si facile de simplement les montrer pendant la campagne ?

L'élection, un processus aristocratique

La représentation a été inventée à la fin du XVIIIe siècle non pas pour contourner la difficulté d'un corps de citoyens trop large, trop étendu géographiquement. Il aurait été aussi facile de recourir également au tirage au sort, ou bien d'encadrer l'élection avec des mandats impératifs ou la révocabilité des élus. Non, la représentation a été mise en œuvre pour filtrer la parole du peuple, ou disons la « traduire », à travers des personnalités choisies, sélectionnées.
Le phénomène est aussi vrai dans les partis, où d'une base informe se dégage une élite éclairée, assise sur son statut social (celui d'énarque par exemple, mais ce n'est pas la seule expertise reconnue) ou sur son habileté à manœuvrer jusqu'au sommet de la pyramide. Cette sélection des personnes est aussi sélection des idées et des pratiques. Même si la base du PS peut douter que la France ait raison d'encourager la production d'énergie nucléaire quand les autres pays se tromperaient en l'abandonnant ou en ne lui accordant pas tous leurs crédits, l'élite du PS n'en démord pas, et la même contradiction se retrouvera entre les aspirations du peuple, maintenant globalement opposées à l'énergie nucléaire, et le choix qu'il aura au second tour entre un candidat activement pro-nucléaire et un candidat qui tente de cacher qu'il souhaite que la France reste aussi nucléarisée. Électrons, piège à cons ?
Concernant les grands choix socio-économiques acceptés par les élites du PS avec le consensus néolibéral, il faut aller chercher plus loin que la morgue d'une élite qui sait ce qui est bon, qui sait que construire une autoroute vaut mieux que d'encourager les transports en commun, qu'une voie nouvelle de TGV vaut mieux qu'un aménagement des lignes sur lesquelles passent les TER, qui arbitre systématiquement en faveur du neuf, qui va vite et coûte cher (ce n'est plus un coût mais un investissement pour l'avenir) aux dépens de solutions plus économes et plus écologiques. Même si ces choix politiques sont ceux d'une autre ère, celle où on irait un jour passer le w-e sur la Lune, nos bons pères de famille savent ce qui est bon pour nous, croissance plutôt que ménagement du milieu naturel, mondialisation plutôt que protectionnisme. Et nous peinons à les démentir. La mondialisation, qui désormais dicte sa loi et fait la météo, n'est pas le résultat d'un complot international des élites politiques pilotées par l'oligarchie économique, c'est un choix effectué par nos élites... pour servir nos intérêts.

Avons-nous vraiment envie de ne plus manger le monde ?

La division du monde en différentes zones de production, en concurrence les unes avec les autres et qui échangent leurs produits à bas coûts (ni les transports ni les tarifs douaniers ne sont prohibitifs), a détruit en France un tissu industriel capable de nous fournir il y a encore trente ans les chaussures et les vêtements, les objets de la vie quotidienne, les équipements des usines qui fabriquent tout cela. Cette même division nous permet de continuer à grignoter les terres les plus fertiles du pays pour assurer l'étalement de la ville, aux dépens de notre capacité à nous nourrir tou-te-s dans les territoires que nous habitons. Mais c'est cette division-là qui nous permet de porter des vêtements bon marché, des produits électroniques fabriqués pour trois fois rien.
Considérons un peu le prix des objets dont nous nous entourons, et imaginons leur coût s'ils étaient fabriqués par des smicard-e-s bien françai-se-s. Avec un même salaire nous ne pourrions plus nous offrir autant d'objets si indispensables à la vie moderne, adieu i-phone, adieu pèse-personne électronique, adieu lecteur Blu-ray, adieu pompes de randonnée, adieu vacances en Thaïlande ou au Maroc.
Les élites politiques savent mieux que nous ce que nous voulons... Elles ont fait un arbitrage en faveur des consommateurs/rices que nous sommes, et nous n'avons pas eu d'autres réponse que « nous voulons le beurre et l'argent du beurre, l'aisance des consommateurs/rices et la protection due aux producteurs/rices » (1). Après les réunions de la gauche de gauche, nous n'avons aucun scrupule à nous montrer sur nos smartphones les photos de snorkling dans la mer Rouge, tandis que nous en aurions bien plus à ne pas venir à la manif de mardi contre la disparition de nos acquis sociaux.
Cet arbitrage néolibéral imposé par les élites politiques, « à l'insu de notre plein gré », nous sommes encore incapables de le remettre en cause véritablement. Est-ce que la merde qui nous attend fera mûrir plus vite notre pensée politique ? On pense décidément mieux quand on n'est pas en pleine digestion d'un repas trop copieux...

(1) Lire à ce sujet « Supermarchés et pouvoir d'achat : avec Sarko, je positive ! » dans ma brochure « Les structures mentales de la France d'après ».

lundi, 3 octobre, 2011

Colloque "Sortir de l'industrialisme"

Organisé par La Ligne d'horizon, du vendredi 11 novembre 2011 à 13h au dimanche 13 novembre à 15h.

Maison des Associations, 28 rue Denfert-Rochereau, Lyon 4ème - métro ligne C, station Croix-Rousse ou Hénon.

Plein tarif : 25 euros - Petit budget : 10 euros.

Pour s'inscrire, envoyer un chèque à l'adresse suivante : La ligne d'horizon c/o Ozarts, 10-12 rue Pailleron, 69004 Lyon

« Aussi longtemps que nous assimilerons l'évolution de notre société à celle de l'humanité avançant vers un terme à la fois idéal et indéfiniment futur, aussi longtemps que nous verrons dans nos progrès scientifiques et techniques la preuve de cette évolution d'ensemble, nous ne parviendrons même pas à imaginer un projet politique nouveau ». François Partant

Qu’est ce que l’industrialisme ?

Voici la première question que ce colloque, à l’initiative de l’association La Ligne d’Horizon, souhaite mettre en lumière. Socialisme et capitalisme (ou plutôt socialismes et capitalismes ?) ont un fond commun, l’industrialisme, un système dont la production industrielle est le pivot, mais qui ne se limite pas au secteur industriel.
L’industrialisme n’est pas seulement le productivisme. C’est un ensemble cohérent d’habitudes et de processus, incarné dans nos mentalités, dans des objets et dans une organisation de l’espace et du temps. Cette cohérence évolue au prix de multiples conflits. Est-il dissociable de l’appétit de profit et de domination ? Est-ce qu'il n'assujettit pas tous les champs de la vie humaine, par ses séductions et par une liberté illusoire ? Ne s’impose-t-il pas particulièrement par la violence des conditions de travail et par la marchandisation des rapports entre les hommes ?
Aujourd'hui, avec le pillage des ressources et le rejet de ses déchets, l’industrialisme pèse sur la planète entière et se retourne contre le vivant. Son hégémonie prive le citoyen, à la fois coupable et victime, de la maîtrise de ses choix et de ses moyens d’existence, et nie finalement les valeurs du Progrès dont pourtant elle se réclame...

Ensemble, nous chercherons à caractériser ce qu’est l’industrialisme et comment il nous tient, en examinant des domaines aussi divers que l’agriculture, l’industrie, les transports, l’urbanisme, le travail, l’éducation et la santé.

Comment sortir de l’industrialisme ?

Ce colloque sera enfin l’occasion de réfléchir à cette seconde question. Il ne s’agit plus de cerner de nouveaux choix économiques mais bien d’envisager une véritable rupture culturelle, en vue d’une (ré)appropriation du bien commun, de savoir-faire émancipateurs et de la capacité de décider ensemble. Nous en rechercherons des prémices parmi les alternatives actuelles et nous en imaginerons d’autres.

Ce colloque sera réparti sur trois jours, cherchant à répondre aux deux questions ci-dessus. Il accorde une part importante à la réflexion en commun et à sa valorisation, à travers deux séries d’ateliers intégralement enregistrés débouchant sur un échange par affichage et deux synthèses à chaud.

Déroulement

Vendredi 11 novembre

Thème 1 : Qu'est-ce que l'industrialisme, comment le détecter, quel est son fonctionnement, où nous amène-t-il ?

13h00 : Accueil
14h00 : Plénière
- Ouverture par Jean-Marc Luquet
- Introduction par Ingmar Granstedt

15h00 - Présentation des ateliers puis répartition
15h30 – Ateliers :

L’industrialisme, quelque soit le domaine auquel il s’applique, est traversé par les mêmes logiques : domination de l’idée de progrès et de science, ingénierie sociale (entre protection et contrainte, opacité et démocratie), course au profit, violence institutionnalisée contre l’homme et la nature, et autres... Comment ces logiques se manifestent-elles dans l’alimentation, les transports, notre rapport au temps, l’habitat, le travail, l’éducation et la santé ?

1. Industrialisme, industrie, science et technique avec Bertrand Louart, Ingmar Granstedt
2. Industrialisme, agriculture et agro-alimentaire avec Geneviève Savigny, Jocelyne Porcher, Philippe Calbo
3. Industrialisme, énergie, transports et rapport au temps avec Jean Monestier, Xavier Rabilloud, Vincent Doumeyrou
4. Industrialisme, habitat et urbanisation avec Alain Marcom, Silvia Grünig
5. Industrialisme, travail, santé et éducation avec Martine Auzou, Denis Deun

18h00 – 19h00 Affichages et discussions non formelles (bar ouvert...)

20h30 Soirée Film-débat. Projection du film Prêt à jeter. L’obsolescence programmée de Cosima Dannoritzer.

Samedi 12 novembre

9h00 Accueil
9h30 Plénière
• Synthèse par Marie-Pierre Najman puis débat
11h00 Pause
11h15 Interventions puis débat
François Jarrige
Alain Gras

13h00-15h00 : Repas

Thème 2 : Les alternatives à l'industrialisme, aux niveaux individuel et collectif

15h00 - Présentation des ateliers puis répartition
15h30 - Ateliers : Après avoir repéré, compris, pourquoi et comment se manifeste l'industrialisme dans nos vies individuelles et collectives, comment faire autrement ?

6. Quelles manières de faire de la politique s'opposent à l'industrialisme ? avec Samuel Foutoyet, Marie-Pierre Najman, Nicolas Eyguesier
7. Quels rythmes de vie défendre contre l'industrialisme ? avec Robert Linhart, Jean Rouveyrol, Aude Vidal
8. Quel imaginaire cultiver contre l'industrialisme ? avec François Flahaut, Yvette Bailly, Florian Olivier
9. Quelles relocalisations mettre en oeuvre, et comment, pour sortir de l'industrialisme ? avec Philippe Gruca, …
10. Contre l'industrialisme, peut-on s'appuyer sur des institutions existantes ? avec Geneviève Decrop, Clément Homs

18h00 – 19h00 Affichages et discussions non formelles (bar ouvert...)

20h30 - Soirée chansons “politico-tralala” avec le groupe Otchoz

Dimanche 13 novembre

9h00 Accueil
9h30 Plénière
• Synthèse par Sylviane Poulenard puis débat
11h00 Pause
11h15 Interventions puis débat
Philippe Gruca
Patrick Marcolini

13h00-14h30 : Repas

14h30-15h00 Plénière
• Conclusion et perspectives par Jacques Jullien

lundi, 20 octobre, 2008

Le Voyage d’Henry

Le Voyage d’Henry, D.B. JOHNSON, Casterman, coll. Récits d’aujourd’hui, 2001 et 2007, 13,95 euros
(Henry hikes to Fitchburg, 2000)
Lecture parue dans EcoRev'

Voici un album jeunesse passé inaperçu en France, malgré son accueil enthousiaste aux USA : meilleur album jeunesse de l’année d’après le New York Times, belles ventes et depuis l’ouvrage se voit consacrer une page sur Wikipedia. C’est Casterman qui a tenté l’aventure de proposer Le Voyage d’Henry au public francophone et ce, dans deux éditions successives. Et rien.

Pourtant, on est ici devant une curiosité. Car l’auteur a relevé la gageure d’expliquer en quelques pages à un public très jeune la notion de « vitesse généralisée » popularisée dans les années 1970 par Ivan Illich et Jean-Pierre Dupuy. Rien que ça. Rappelons, pour ceux et celles qui ont ignoré Énergie et équité (une série d’articles parus dans Le Monde en 1973, désormais disponible dans le premier tome des Œuvres complètes chez Fayard), ce qu’est la vitesse généralisée. La vitesse d’un véhicule se calcule selon la distance qu’il parcourt en un temps donné. Les embouteillages font déjà considérablement baisser cette vitesse. Mais Jean-Pierre Dupuy pousse le vice jusqu’à ajouter le temps passé à recueillir l’argent nécessaire à l’achat et à l’entretien de la voiture, le temps passé à l’amener au garage, à la laver, etc. Dans les années 1970 cette vitesse généralisée était de 7km/h, aujourd’hui elle est de 6km/h.

Soyons justes, le tour de force que constitue Le Voyage d’Henry tient surtout à l’intuition géniale qu’a eue de la contre-productivité de la technique Henry David Thoreau, auteur de Walden, texte autobiographique publié à Boston en 1854. Dans l’album qui nous intéresse, quand un ami lui propose à d’aller en train à Fitchburg, à 40km de là, Henry répond qu’il préfère faire la distance à pied, plutôt que se contraindre à réunir les 90 cents nécessaires au voyage. Car l’ami d’Henry ne mettra pas une heure à rejoindre Fitchburg dans un train bondé, mais toute la journée, qu’il consacrera à faire de menus travaux rémunérés chez ses voisins. D.B. Johnson propose en montage alterné les journées respectives de l’ami anonyme d’Henry et de ce dernier. Page de gauche, l’ami trime : repeindre une clôture, rentrer du bois... à droite de chaque double page, Henry jouit de la nature. C’est justement ce plaisir de marcher dans la nature, faire la sieste sous un arbre ou cueillir des mûres qui fait arriver Henry à Fitchburg quelques minutes après son ami !

Le Henry de D.B. Johnson est un personnage anthropomorphe vaguement canin, qui évolue dans un décor un peu cubiste et déstructuré aux couleurs profondes. Un style original, loin de l’illustration laborieuse, qui ajoute au plaisir de la lecture. Le Voyage d’Henry est le premier ouvrage que l’auteur a consacré au personnage de Thoreau, sa collection s’étant étoffée de Henry construit une cabane, Henry escalade une montagne et... Henry travaille. Casterman va-t-il publier ces titres ? Espérons qu’un autre éditeur francophone s’en chargera. Car même si cette maison propose sur son site un excellent dossier qui accompagne le livre, il est à remarquer que cette ode à la lenteur, au voyage de proximité, à l’attention portée à la nature sous nos pieds... a été imprimée à Singapour, en pur produit de cette mondialisation inhumaine qui contribue à détruire la planète.

Pour suivre le voyage d’Henry : le site web de l’auteur, sur lequel on peut lire le livre en ligne (en anglais)

D'autres chroniques de bouquins jeunesse sur des questions d'écologie sur le blog de Comptines.

samedi, 31 mars, 2007

Sens de la décroissance

Édito d'un dossier coordonné au printemps 2007 pour la revue EcoRev'

Conviviale, sélective, durable, la décroissance se décline selon les goûts. Et les dégoûts ? L’apparition du mot en 2002, dans les revues lyonnaises S!lence et Casseurs de pub, a suscité depuis les plus grands enthousiasmes et les réprobations les plus sévères, aussi bien en dehors qu’au sein de la mouvance écologiste/altermondialiste. Le terme même de décroissance fait question. Décliné sur une vaste palette de thèmes et de mots d’ordre, son usage suscite les débats les plus vifs. Il en va de la question sociale, quand la simplicité volontaire souvent mise en avant paraît reléguer au second plan la question de la répartition des richesses ; mais aussi de nos modes de vie, quand la spiritualité ou les valeurs de solidarité sont érigées comme les principes cardinaux de pratiques, de styles ou d’univers de vie alternatifs dans une société dominée par le marché. Ou encore de la question du développement, fustigé comme un outil de domination néo-colonial qui ne dit pas son nom. Enfin, la notion de décroissance brouille le sens même de l’action politique, que certain-e-s militant-e-s de la décroissance sont tenté-e-s de limiter aux relations proches et à une action individuelle alors que d’autres préconiseraient des aménagements du système existant ou que d’autres encore demanderaient d’en passer par une action collective empreinte d’utopies ou d’idéaux révolutionnaires.

Notre première ambition a été d’offrir un panorama des mouvements se réclamant de la décroissance. Et, au-delà des ambitions contradictoires, des malentendus sémantiques, de dégager les problèmes théoriques qui sous-tendent certains conflits entre la vision de l’écologie politique, du développement durable et de la décroissance. Pour un numéro à la fois dedans et dehors, qui donne la parole à des figures du paysage "décroissant" mais aussi à des exégètes ou des critiques.

Dedans, pour Serge Latouche, référence incontournable, Jean Aubin, Jean-Pierre Tertrais, Paul Ariès, Vincent Cheynet, qui par leurs textes et leurs conférences proposent une société qui place la décroissance au cœur de l’organisation politique. Dedans encore, pour des militant-e-s politiques ou du quotidien qui nous présentent leurs interrogations, leurs actions ou leurs références. Dehors, pour Luc Semal et les membres de la rédaction d’EcoRev’ qui ont tenté de décrire, comprendre ou dépasser les théories et le vocabulaire "décroissants". Contre, pour Jean-Marie Harribey, farouche opposant, qui nous livre ici ses arguments.

Le dossier se prolonge par une piste et un kit militant qui présentent les enjeux et la pratique de ce qui est devenu le symbole, attractif ou répulsif, de la décroissance : les toilettes sèches ! Mais aussi par nos les lectures où nous recensons quelques-uns des derniers ouvrages sur le sujet, qu’ils s’en réclament, la condamnent ou en partagent simplement les préoccupations.

Dans l’actualité éditoriale pléthorique de la décroissance, nous espérons ne pas avoir ajouté une référence supplémentaire, mais donné, dans une configuration pas si fréquente, l’occasion d’une réflexion plus sereine.

lundi, 15 mai, 2006

Vivre heureux/se chichement : le revenu d’autonomie par Chiche !

Texte rédigé pour Chiche ! pour le n°23 (été 2006) d'EcoRev', "Le revenu garanti en ligne de mire". Merci à Josselin et Claire S. pour la relecture.

Les jeunes écolos alternatif/ves de Chiche ! présentent le revenu garanti comme une revendication-clef en dix ans d’activité : "Mesure à la fois sociale et environnementale : oui le revenu garanti doit permettre à chacun-e de vivre dignement ! Non il ne doit pas servir à relancer la consommation ! Et peut-être même constitue-t-il une chance de faire une objection de conscience au système délétère de production/consommation."

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