Entre Castoriadis et Castorama : le do-it-yourself et les méprises du projet d'autonomie

Texte repris ici (en mieux !) pour publication dans Offensive n°38.

J'écrivais il y a quelques semaines un coup de gueule sur les excès d'un certain do-it-yourself (ou DIY, en anglais bricolage, en français le terme et les pratiques ont un sens plus politisé). Suite à quelques échanges intéressants, je pense pouvoir reprendre mes arguments et continuer le débat en mettant le doigt sur quelques points.

Ce texte est désormais le n°2 de ma série "La petite bourgeoisie s'amuse", inaugurée le 17 mai 2013.

La petite bourgeoisie, communément appelée classe moyenne, c'est cette classe sociale qui, privée de pouvoir économique, n'est pas responsable de l'abjection ambiante mais profite toutefois de ses retombées. Une classe sociale repue de droits et qui ne se reconnaît aucun devoir. Voyage au pays de la petite bourgeoisie, par une déclassée, en trois temps : militer, faire soi-même, voyager.

« Vu d'aujourd'hui, on peut au moins avancer avec certitude que l'aspiration individuelle à ne dépendre de rien ni de personne conduit à de nouvelles servitudes, à une forme de collectivisme non moins implacable que les communautés étouffantes d'autrefois. »
La Liberté dans le coma
, groupe Marcuse

Commerce = capitalisme ?

Le capitalisme, c'est le système économique qui permet l'accumulation de capital : j'ai du capital, donc j'aurai plus de capital, parce que les outils sont là pour permettre son accumulation. La société de consommation, c'est l'extension de la sphère marchande à des biens ou à des services qui étaient auparavant hors marché (gratuité, sphère domestique, etc.). Le commerce, en revanche, c'est tout un monde d'échanges dont certains ne supposent l'existence ni du capitalisme ni de la société de consommation.

Existe-t-il un commerce sans capitalisme ? Aujourd'hui les systèmes d'échanges locaux, les monnaies locales fondantes, le prix libre et toutes les initiatives autour de l'économie sociale et solidaire dessinent les traits d'un commerce sans capitalisme. Je ne sais pas dans quelle mesure la gratuité fait partie du tableau (le débat est ouvert), mais on cherche partout le moyen d'échanger des biens et des services sans alimenter la machine capitalistique. Il ne faudrait donc pas jeter le bébé avec l'eau du bain, le commerce avec le capitalisme.

Les exemples qui m'ont été donnés de production par soi pour consommation par soi ou ses très proches proposent de réduire autant la sphère de la consommation que la sphère de l'échange. Qu'on puisse s'en satisfaire sans chercher les moyens de réduire la première sans enlever à la seconde est assez déprimant.

Inégalités sociales et DIY

Je n'ai pas vraiment abordé la question du DIY « de subsistance », de calcul opéré dans la nécessité. Mais il y a par exemple un monde entre les stratégies de subsistance alimentaire des pauvres et la mode pour l'agriculture urbaine, et il est intéressant de glisser un œil critique sur les influences qu'elles peuvent avoir l'une sur l'autre, particulièrement quand la seconde, la moins vitale, met en danger la première. Quand par exemple l'envie de mettre les mains dans la terre de membres de la classe moyenne entre en compétition directe, parce que le nombre de lopins en ville est limité, avec les besoins de subsistance d'une famille pauvre (c'est le sujet d'un article très critique de Kelsey McGilvrey dans le magazine féministe Bitch). Les échanges peuvent être (on l'espère) plus fructueux, quand les militant-e-s écolos apprennent grâce à leurs voisin-e-s à s'occuper d'un pied de tomates ou que les gosses des familles pauvres peuvent regarder autrement un jardinage qui leur apparaissait comme un contrainte économique et un stigmate. Mais à dire que les deux sont la même chose, qu'on est tou-te-s ensemble dans une stratégie de déprise du capitalisme, et à éviter de regarder là où ça fait mal (ben oui, on est des bobos avec les moyens de retourner à l'épicerie bio si jamais la récolte foire), on fait un geste purement apolitique, et ça fait mal quand ce sont des militant-e-s qui nient les divergences d'intérêt entre classes sociales... un peu comme le font Christine « Tous dans le même bateau et on se retrousse les manches » Lagarde et les autres (1a).

J'ai fait d'autre part allusion à des exemples autour de moi de mépris de classe sous prétexte de DIY : un cadre, ingénieur ou enseignant du supérieur décide que son loisir vaut autant ou mieux que le métier d'artisan-e-s, manuel-le-s, artistes ou intellectuel-le-s, qui frôlent le seuil de pauvreté. Je voudrais ajouter ici que c'est peut-être anecdotique, mais que la plupart de mes exemples mettent aussi en jeu une dimension genrée, hommes aisés et femmes pauvres. C'est peut-être anecdotique, mais ça tient peut-être aussi au fait bien documenté que les femmes ont (eu) plus de mal à faire reconnaître leur métier, et ça va de l'accès fermé à certaines carrières aux inégalités salariales à travail égal, encore, le tout sous menace constante de retour à la maison.

Apprendre et pratiquer ensemble

Par métier, qu'il soit entendu que je ne pense pas activité rémunérée, comme on dit « j'ai un métier », mais somme de compétences acquises au cours du temps, comme on dit « j'ai du métier ». Que la nécessité ou la passion nous ait rendu-e-s capables de grands achèvements, et qu'il s'agisse d'apprendre à faire son pain, à refaire l'électricité dans un squat ou à juger de la qualité d'un texte littéraire, je parlerais de métier même en l'absence de rétribution économique. L'essentiel, dans l'idée de reconnaître ce métier, est de ne pas nier le besoin d'en passer par des tâtonnements et par un apprentissage. J'ai vu des militant-e-s tiquer lors de mes ateliers sur la démocratie directe : comment, n'importe qui aurait le droit de décider ? alors que nous nous intéressons à la politique depuis des années, on tirerait au sort des personnes pour intégrer des structures où se prennent des décisions ? C'est ce genre de reconnaissance de l'apprentissage que je demande (ici celui qui est fait dans les groupes et les organisations politiques et qui pose plein de questions (1b))... On peut réclamer des droits pour l'ignorance, on peut aussi se battre pour rendre « tou-te-s capables ». C'est le projet de l'éducation populaire.

A côté de ça, le capitalisme promet des apprentissages sans peine. Devenez vous-mêmes en dix leçons... Et on encombre les cuisines particulières avec du matos de pro qui sert au mieux une fois par mois, on fait crouler les étagères sous le poids des livres pour faire soi-même. L'une des dimensions du succès du DIY est le retour sur la sphère domestique (moi, mon/ma partenaire sexuel-le et nos éventuels rejetons). Mona Chollet a commenté dans Beauté fatale (2) les liens entre le succès des blogs de cuisine ou de mode et la tentation du désinvestissement de la sphère sociale (particulièrement du travail rémunéré) par les femmes. Si le rêve du DIY – sans compter la dimension genrée qui ferait assumer beaucoup des tâches d'auto-production par les femmes (3) – c'est de promouvoir un surinvestissement de la cellule familiale ou du couple, on doit pouvoir trouver un projet politique plus excitant...

Un DIY au service de qui ?

On imagine des imprimantes 3D de salon pour permettre à chacun-e de produire tout-e seul-e l'objet de ses rêves. Les rêveries sur les apprentissages à distance grâce à Internet (de même que celles de la diffusion électronique de l'indignation et du passage à l'acte politique) mettent en scène un-e individu-e libéré-e de ses appartenances sociales et de ses liens, à qui tous les possibles sont ouverts, toujours, immédiatement. Ceusses qui se sont arraché les cheveux devant un tutoriel savent reconnaître les bienfaits de l'enseignement en présentiel et des ateliers où l'on partage de visu (que ce soient des cours de couture ou des install parties). Mais un certain humanisme, qui mise plus sur l'individu-e que sur la communauté (« front secondaire » de la lutte anti-capitaliste ?), rode un discours d'omnipotence qui coïncide avec celui des pubs d'IBM. Et l'autonomie finit accommodée à toutes les sauces, dont la plus présente est celle du néolibéralisme.

Au nom d'une démarche qui est encore quasi-unanimement perçue comme déprise du marché, on ouvre paradoxalement de nouveaux marchés (grandes surfaces de bricolage, magasins d'ustensiles de cuisine, machines à pain, je vous invite à compléter la liste). Ce n'est pas si paradoxal : les besoins d’accumulation du capital exigent de mettre tout sur le marché, y compris les tentatives d'autonomie. Le projet d'autonomie défendu par un auteur comme Castoriadis se perd donc dans le désir d'autonomie que nous vend Castorama : l'individu-e en majesté, capable de tout improviser, et qui n'a plus besoin de personne. Le/la consomateurice est une île.

Si on s'engouffre dans toutes les pratiques DIY sur de beaux objectifs mais sans rien interroger de son inscription dans un système capitaliste et dans une société étranglée par l'individualisme, on se met en danger de simplement accompagner le mouvement. Vive le DIY peut-être, car on ne va pas laisser indéfiniment le marché envahir de nouveaux espaces et nous déculturer, mais un DIY qui se pense dans le cadre d'une communauté, et ne s'arrête pas aux plaisirs et désirs individuels.

---

Do-it-yourself, suite et suite... Il est parfois bon, quand l’imagination est en panne et qu’on n’arrive plus à considérer sa culture que comme un universel, d’aller voir ailleurs. C’est ce à quoi nous invitent l’histoire et l’ethnologie. Et les voyages, si on prend vraiment le temps. Je voudrais reprendre cette question du DIY en lien avec la cuisine et les pratiques culinaires et d’autoproduction alimentaire (qui me passionnent plus que d'autres aspects). C'est ici.

(1a) J'ai reprécisé cette question de l'égalité de façade en milieu militant ici-même (26 juin 2013).

(1b) Qui est le plus élitiste ? C'est pour éviter de la prise de décision de moindre qualité que je suis sceptique envers un suffrage universel qui rendrait « nécessaire » la délégation vers un corps de spécialistes (ce qu'on appelle la représentation) et bien plus enthousiasmée par le tirage au sort de personnes sans connaissances préalables mais qui se forment pour être en mesure de prendre des décisions (et ce serait le métier des militant-e-s d'animer le débat dans l'ensemble de la société pour améliorer le niveau global de compréhension de ce qu'il nous arrive). Merci de ne pas commenter ce point sans aller d'abord voir du côté de la brochure ou de la conférence que j'ai produites sur ces questions.

(2) « Zones », La Découverte, 2012. Une lecture salutaire, chroniquée ici-même et à laquelle je fais souvent allusion.

(3) Le mode de vie sous perfusion industrielle ne libère pas non plus les femmes, mais j'ai insisté sur cette idée (qui me semble toujours aussi valable) à l'époque où je pensais naïvement que, comme mes ami-e-s, les ménages ayant un mode de vie écolo étaient bien plus attentifs/ves que les autres au partage genré des tâches domestiques. J'adore le bouquin de Barbara Kingsolver, Un jardin dans les Appalaches, mais que l'on ôte à Barbara ses droits d'auteure ou l'ambition d'écrire un livre, et elle devient dans un échange informel et inégal la prestataire de services de Steve, qui continue à bosser à l'extérieur comme ingénieur.

---

Les commentaires sont ouverts, modérés a priori (je tente de les libérer dans des délais raisonnables – c'est à dire pas à l'heure près), mais je ne publie pas ceux qui ne laissent pas d'adresse mail valide.

Commentaires

1. Le vendredi, 1 mars, 2013, 08h28 par Yob

Juste une suggestion, peut être qu'une définition juridique du commerce permettrait de mieux cerner le problème?

2. Le vendredi, 1 mars, 2013, 17h03 par pedro38

Votre analyse du "mépris social" est bien courte (je cite : "un cadre [...] décide que son loisir vaut autant ou mieux que le métier d'artisan-e-s, manuel-le-s, artistes ou intellectuel-le-s, qui frôlent le seuil de pauvreté").
Notamment, elle rejoint les analyses de la droite patronale, selon laquelle les riches créent de la richesse en consommant, donc ils sont légitimes.
Vous tournez çà autrement : les riches qui ne consommeraient pas assez de services feraient oeuvre de "mépris social" (sic).
Mais çà revient à les investir de la même mission que le MEDEF (et de la même signification).
Messieurs les riches, écoutez bien l'auteur de ce billet (ou Laurence Parisot qui dit la même chose autrement) : et pour commencer, veuillez consommer au lieu de bricoler, SVP :)

3. Le dimanche, 3 mars, 2013, 10h04 par babaorum

Autour des mêmes réflexions, sortira mi-mars "Construire l’autonomie - Se réapproprier le travail, le commerce, la ruralité..." aux éditions de l'Échappée.
Ce livre reprend 4 dossiers de la revue Offensive dont plusieurs sont aujourd'hui épuisés.

Que ce soit pour se nourrir, s’éduquer, travailler, se loger ou même désormais se rencontrer, créer, échanger ou se parler, nous dépendons des fluctuations du marché, de normes et règlements édictés par les bureaucraties d’État et d’entreprise, ainsi que d’un gigantesque appareil techno-industriel. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Pendant très longtemps, et jusqu’à une période récente, les sociétés ont reposé sur la capacité de leurs membres, artisans, paysans et ouvriers, à produire eux-mêmes leurs outils, leurs moyens de subsistance et à développer leur propre culture.
Le capitalisme, l’État et la société industrielle ont dépossédé les individus et les communautés de leurs capacités de jugement et de décision, de leurs instruments de travail et de leurs savoir-faire originaux, en bref de tout ce qui leur permettait de vivre ensemble dans une certaine harmonie et de manière autonome.
Pourtant, « soyez autonomes » est une injonction du néolibéralisme. Elle signifie : « adaptez-vous, soyez vous-même et ne comptez que sur vous ». Ce livre montre qu’au contraire, l’autonomie réelle, épanouissante, porteuse de liberté, consiste à assumer notre dépendance à la nature et aux autres, à s’appuyer sur nos capacités et celles d’autrui pour bâtir une société solidaire, une technique et une vie décentes, à la mesure des humains. Cette autonomie-là trouve écho dans les résistances et les luttes autour de la planète chez celles et ceux qui, sans forcément attendre le grand soir, défendent leurs modes de vie, leur savoir-faire et construisent l’utopie ici et maintenant.

http://www.lechappee.org/construire...

4. Le jeudi, 7 mars, 2013, 09h39 par Vincent

Merci pour ce billet sur les deux "Casto". Outre celui des rapports genrés, je partage votre approche en termes de rapports de classes, bien souvent négligés dans les nouvelles formes de mobilisation citoyenne. Reste à trouver (et surtout à mettre en oeuvre !) une forme d'écologie politique qui soit aussi appropriable par les milieux populaires (dans leur si grande diversité)... Mais cela fait plaisir et donne du courage de voir que certain-e-s y pensent et y travaillent !
Bonne continuation,
Vincent

5. Le vendredi, 8 mars, 2013, 05h21 par Aude

@pedro38

Bien vu, de soulever un point qui n'était pas encore apparu à la surface du débat : la droite justifie les inégalités et la richesse par l'appel à la consommation de services par les riches. C'est juste dommage que vous me donniez une adresse bien alter mais qui ne me semble pas valide, histoire qu'on ne puisse pas continuer la discussion. (Au passage, je trouve accablant qu'on utilise les forums des blogs, à fortiori quand ce ne sont pas les forums de la presse bourgeoise mais ceux de personnes physiques - et sensibles - pour répandre sa prose sans accepter que derrière se noue une discussion.)

Une petite précision : sensibilisée par le remarquable travail sur l'emploi à domicile que fait l'équipe du Clersé à Lille 1 (Sandrine Rousseau, FX Devetter, Florence Jany-Catrice, etc.), j'ai ajouté cette question à ma réflexion à de multiples reprises. Temps de travail élevé, inégalités sociales accrues, refus de la distribution, et tout ce qui nous reste c'est l'utopie de faire faire le ménage des riches qui surtravaillent par des dames pauvres plus toutes jeunes et qui n'arriveront jamais à gagner comme ça mille euros par mois (ça fait baisser le chômage). Le tout avec autant d'aides de l’État que s'il fallait s'occuper des plus faibles, puisqu'on confond allègrement care (soin) et clean (ménage)... Je vous renvoie à mes textes sur le projet sarkozyste (http://blog.ecologie-politique.eu/p...) et surtout aux textes des auteur-e-s en question, le bouquin Du balai ! (http://www.homme-moderne.org/raison...) ou un article facile d'accès (http://www.monde-diplomatique.fr/20...). Voilà pour préciser que non, je ne me prononce pas pour l'extension illimitée de la sphère marchande, certainement pas, et j'ai assez causé et agi dans ce sens pour que la question soit claire aux yeux de qui me connaît.

Mais quand même, que nos désirs d'autonomie ne tuent pas le lien, ne tuent pas la reconnaissance du métier, surtout pas quand à côté de ça le capitalisme se porte très bien, merci. Le souci étant qu'enchâssé-e-s comme nous le sommes dans une société individualiste, capitaliste et inégalitaire (merci Vincent), nos rêves politiques ont du mal à surmonter nos habitus fortement ancrés, notre force d'inertie, notre insertion sociale profonde. Et à le nier, nous nous mettons en situation de reproduire les violences et les inégalités. C'est ce qui fait aussi que les milieux militants, largement investis par la classe moyenne, considèrent avec légèreté le rôle de l'argent (pas un problème quand on en a, tu es sûre que tu veux te faire rembourser tes 50 euros de train ? vraiment ?) dans nos interactions et prend pour acquis que ses habitus sont ceux de tou-te-s.

Ici un lien envoyé par Xavier, qui fréquente ce forum, vers un texte sur ce qui fait que les milieux militants sont blancs : http://endingactivism.org/read-more... Je résume la partie qui m'a le plus intéressée : si les noir-e-s qui fréquenteraient les milieux militants apprécient de se réunir dans des endroits propres pour ne pas salir leurs fringues et de manger pendant les rencontres parce que c'est convivial, alors que la majorité des participant-e-s blanc-he-s trouvent que c'est cool de s'asseoir par terre dans la poussière en ne faisant tourner que des tasses de café ou des joints, ben ouais, c'est cool, mais y'a pas de raison pour que les noir-e-s investissent ces lieux... J'en reparlerai dans un article sur les centres de femmes et féministes en Amérique du nord et en France.

Mes textes sont des alertes à ne pas prendre pour acquis que si on est cool, tout ce qu'on fait est cool, que si on a envie de se déprendre du capitalisme, nous ce qu'on fait sert à nous déprendre du capitalisme. Une alerte, vraiment, et qui ne doit pas faire plaisir à entendre, ce qui justifie une réception aussi passionnée et parfois agressive. Merci pour vos commentaires, et j'attends avec impatience la sortie du bouquin à L’Échappée !

@Ariane : j'ai bien reçu ton coucou !

6. Le vendredi, 8 mars, 2013, 06h09 par Aude

@ Yob

Je suis plus littéraire que juriste, alors voici la première partie de la définition du Trésor de la langue française :

COMMERCE, subst. masc.
I. Vieilli ou littér.
A. [Domaine de la vie de société]
1. Relations sociales, amicales ou affectives entre plusieurs personnes.

Commerce a la même racine que communication, communion, c'est à dire le cum latin qui signifie avec. Mais le sens de relation économique semble être premier, et il est documenté dès 1370 : commerque « échange, vente de marchandises » (Guillaume de Machaut).

J'en profite pour vous demander d'excuser la libération tardive de vos commentaires, j'ai été sans accès web pile au mauvais moment.

7. Le vendredi, 8 mars, 2013, 20h29 par Val

Comme quoi, quoique l'on fasse, il y a toujours une dimension politique à nos actes. Peut-être eut-il été interessant de comprendre le phénomène au travers de ceux qui l'on mis en oeuvre, sans le savoir, et avant qu'il ne soit repris (si ce n'est déjà le cas), par ce capitalisme dont il est question.
Faisant partie des "Makers" et autres DIY'ers depuis pas mal de temps, mon propre exemple n'est certes pas suffisant comme référence, mais j'ai croisé sur mon chemin pas mal de personne telle que moi : des passionnées et autre lecteurs/admiratrices de Vinci, Jules Vernes ou Philip K. Dick, ayant parfois à l'idée de faire - eux-aussi - leur propre avion, leur sous-marin, ou leur boite à synchronie.

Alors voici : le point de départ est souvent une sortie de l'école très tôt, parce que déjà trop créatif et peu conforme aux attentes académiques, partant du principe que savoir lire, écrire et compter est amplement suffisant. Ces profils là ont passé leur temps dans les bouquins, et internet a été pour eux l'eldorado de la connaissance avant d'être un truc ludique ou informatif. A partir de là, tout s'enclenche, il suffit d'assembler certaines pièces choisies de l'immense puzzle Internet pour fabriquer pratiquement n'importe quoi. Le "tout est information" prends ici tout son sens. Je me suis même vu traduire des lignes entières de fonctions mathématiques issue de bouquins purement théoriques auxquels je ne comprenais rien (niveau doctorat), simplement parce-que l'informatique étant la cousine des maths, il me "suffisait" de traduire tel symbole en qques lignes de programmes, de tester le résultat, et rouler jeunesse !
Manipulation de symbole, manipulation de l'information, imagination, au bout des doigts et de la ligne de téléphone. Avec l'émergence des réseaux, on publie ses résultats, ses montages, et d'une certaines manière, on "emmerde" le système qui vous avait refusé votre dissertation sur Breton et les surréalistes parce-qu'elle n'était pas au programme.

De nos jours, les Makers sont plus souvent issue du MIT ou de pôles de recherches équivalent. Mais ce sont également de simples passionnés qui maitrisent leur sujet, et souvent fabriquent eux-mêmes des "choses" parce-qu'ils leur manquent les moyens d'acheter l'équivalent dans le commerce.
Un très bon exemple est celui de la communauté des All-in-box qui fabriquent eux-même leur video projecteur à partir de matériel de récup comme les vieux rétro-projecteurs : le 1er argument soutenu est que ça coute moins cher. Enfin, je note que la pluspart des grands constructeurs de Box-Media ont arrêté leur développement, parce-que, d'une part, fabriquer sa propre box multimedia coûte moins cher que ce qu'on trouve chez Samsung, Phillips et autres grands gourous des technos actuelles, et d'autres part, les technos évoluent si vite qu'ils ne suivent plus la cadence (monter une ligne de prod. pour une durée de 6 mois maxi n'a aucun intérêt).
Les DIYers y sont aussi pour qque chose dans cette histoire, ils leur ont piqué le marché. Ainsi, ce sont les Makers qui vous expliquent comment tirer profit de la dernière petite carte multi-fonctions à 25$ qui vient de sortir pour la transformer en box-media qui lira aussi bien vos copies de DVD (au sens légal du terme, bien entendu ...), alors que les box du commerce vous l'interdisent. et ce sans vous prendre la tête ni vous demander de souscrire aux 200 pages du CLUF (contrat de license utilisateur final) illisible et incompréhensible.
Ce sont encore des sortes de "Makers" qui vous permettent d'enrichir ce blog, parce que Dotclear est basé sur du logiciel libre, et qu'on ne peut pas différencier un programmeur qui publie son code source à dispo de tout le monde d'un DIYer qui vous explique sur Youtube comment fabriquer son propre tDCS : c'est exactement la même veine.
Bref.
Evidemment, projeter ce phénomène dans la sphère politique et économique comme tu le fais est riche d'enseignement. Il serait peut-être utile de rapprocher le principe du DIY de celui de l'OpenSource, dont l'impacte économique n'a - IMHO - jamais été évalué (ou sous-évalué).
Mais cela demanderait plus amples études, et surtout l'avis de plusieurs. Ce n'est que ma propre vision, et c'est très certainement insuffisant. Le monde se fludifie, et avec lui l'information et le temps. Le DIY en est un de ses multiples reflets. La connaissance est là, gratuitement, il suffit de se servir, de la transformer, de la partager.
Je terminerai sur l'application du DIY comme vecteur des arts numériques : la pluspart des performances actuelles (du type "Nuit blanche" à Panam) sont basées sur des assemblages de cartes multifonctions, et nombreuses sont les écoles d'art numériques qui enseignent à la fois le design, le codage et l'électronique ; toutes les oeuvres issuent de cette sphère sont une autre forme du DIY dont je parle, ou emprunte à celui-ci, et c'est je crois, dans ce domaine précisément, que le phénomène prends toute sa dimension.
J'espère ne pas avoir été trop long et avoir permi d'enrichir qque peu ton débat, bien qu'il y ait de forte chance que je sois - encore une fois - hors sujet ; mais ça, j'ai l'habitude :o)
Cdt,
Val.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://blog.ecologie-politique.eu/trackback/84

Fil des commentaires de ce billet