Le voyage, un droit humain ?

La petite bourgeoisie s'amuse n°3

La petite bourgeoisie, communément appelée classe moyenne, c'est cette classe sociale qui, privée de pouvoir économique, n'est pas responsable de l'abjection ambiante mais profite toutefois de ses retombées. Une classe sociale repue de droits et qui ne se reconnaît aucun devoir. Voyage au pays de la petite bourgeoisie, par une déclassée, en trois temps : militer, faire soi-même, voyager.


Il existe en anglais une expression (well travelled) qui considère qu'on peut être « bien voyagé » comme on est bien éduqué ou bien formé. En français on ne dit pas le contraire : « Les voyages forment la jeunesse ». Et de fait, connaître un seul exemple de société, de même que connaître une seule langue, n'aide pas à la comprendre. On est plus provincial quand on ne quitte jamais Paris que quand on habite « en région » et qu'on va régulièrement à la rencontre d'ami-e-s ou de collègues à Marseille ou Nantes. Allons plus loin : le tourisme a la vertu de protéger un patrimoine naturel ou bâti jugé peu précieux à un moment de leur histoire par certaines sociétés (1) et (1b). Et le voyage nous met dans une bonne volonté culturelle souvent inédite, renouvelant (comme une expo temporaire bien médiatisée) notre intérêt pour les musées et les monuments historiques.

Mais n'accorde-t-on pas au voyage une fonction plus prestigieuse que toutes les autres activités qui sont censées nous élargir l'esprit ? Et n'accorde-t-on pas à tous les voyages des vertus qui sont l'apanage de certains d'entre eux seulement ?

Au-delà de la zone de confort

Il y a voyage et voyage, ou plutôt voyage et tourisme. Le second serait un plat avec les ingrédients suivants : méconnaissance de la langue et de la culture locales, usage d'infrastructures spécialisées (transports, hébergements, aménités), peu ou pas de contact avec les habitant-e-s. Et c'est celui-ci que mange la plupart d'entre nous, même les jeunes en sac à dos qui rompent pour plusieurs mois avec leur société pour arpenter l'Asie du sud-est ou l'Amérique latine. (La rupture est peu douloureuse depuis la massification d'Internet, il sera possible de tenir chaque jour une conversation téléphonique avec le pays d'origine, et chacun-e garde en poche un smartphone pour consulter son Facebook à la seule mention d'un wi-fi gratuit.)

Sachant le nombre de destinations balisées, dotées d'infrastructures prêtes à nous accueillir, pourquoi aller plus loin ? Vous avez des matelas comme à la maison, on lave votre linge, même les toilettes sont à l'occidentale. « Sortir de sa zone de confort » est peut-être sympathique sur le papier, mais dormir sur une natte sans linge l'est moins. Et il faut entendre les plaintes quand l'air conditionné marche mal ou que toute autre aménité (qui ne fait pas partie du quotidien des habitant-e-s mais qui vous serait due) n'est pas au rendez-vous. Voir des touristes bronzé-e-s qui ont mangé ce genre de plat, n'ont pas connu de plus grande difficulté que de se faire arnaquer cinq dollars, revenir comme si illes s'étaient mis-es au défi, voilà qui a de quoi faire ricaner. La différence entre voyage et tourisme tient donc peut-être à la sortie de sa zone de confort. Ce sont les difficultés et les inattendus qui forgent le mieux le caractère du/de la voyageureuse et font les passages les plus intéressants du récit de ses péripéties. Et on peut trouver légitime que la petite bourgeoisie qui voyage refuse d'abandonner le plus gros de son confort (c'est mon cas également), mais il faut en accepter la conséquence : dormir dans une guesthouse sans wi-fi n'est pas une aventure.


De quoi l'exotisme est-il le nom ?

La différence tient aussi à la sortie véritable de sa culture pour en embrasser une autre. Déjà, être attentif/ve : des pays comme le Laos et le Cambodge accueillent les touristes avec des affiches et des brochures disponibles dans des zones d'attente et qui donnent des conseils pour un séjour respectueux. En vain, semble-t-il : les couples se cajolent en public, les touristes ont les épaules et les jambes nues et achètent des objets aux enfants comme si on ne leur avait pas clairement demandé de ne pas le faire. Les possibles impairs interculturels sont nombreux, mais les touristes en retiennent un seul : il ne faut pas toucher la tête des gens. Pourquoi ? Mystère, parce que si c'est pour rester respectueux, nulle part on ne touche la tête des gens (2). Effet du symbole : je ne touche pas la tête des gens donc je suis respectueux/se, je dis bonjour et merci dans la langue du pays donc je commence à l'apprendre. Comme je trie mes déchets donc je sauve la planète. Ce chemin qui s'arrête à peine commencé a un nom : exotisme.

L'exotisme, c'est cet intérêt superficiel pour les autres, qui s'éteint dès qu'il est satisfait à peu de frais. Ce serait visiter Angkor en un jour en s'extasiant sur la beauté des statues mais sans s'intéresser au contexte social et politique de la société khmère de l'époque. Ce serait manger un repas exotique structuré en entrée-plat-dessert et pris comme dans un restaurant occidental, service à l'assiette individuelle. Ce serait enlever ses chaussures dans les temples mais pas dans les logements (alors qu'ils sont arrangés dans l'idée qu'on y marche pieds nus, en particulier les tapis ou les salles de bain) ou mettre ses pieds chaussés sur un fauteuil. Ou joindre les mains pour dire merci à la va-vite sans prendre le temps de s'arrêter (on dit « thanks » en marchant, mais le wai des pays bouddhistes est plus exigeant). Les exemples ne manquent pas d'un mépris qui se terre sous un semblant d'intérêt.

Les voyages de plusieurs mois, ceux qui « ont du sens », plus en tout cas que les séjours de deux semaines en club, sont toujours des démarches individualistes, de déprise du boulot, de la famille, de la société. Et ces voyages-là se font dans des sociétés structurées encore de manière collective, où les individu-e-s sont bien plus soumis-es que nous à la famille ou au groupe social. Mais parler de paradoxe serait peu adapté, car il s'agit bien moins d'aller à la rencontre de la société qui accueille que de trouver des destinations peu chères, celles des pays pauvres qui ont conservé ces structures. Il ne s'agit que d'une coïncidence.

L'ailleurs comme décor

Que font donc ces touristes qui s'habillent et se comportent exactement comme à la maison (au mieux) ? Un peu comme les touristes au Club Med, illes jouissent d'un terrain de jeu, mais à bas prix : non seulement il fait beau, mais en plus c'est pas cher. L'histoire de l'Asie du sud-est est à ce titre bien représentative. La Thaïlande, pays stable dans une région secouée par la guerre du Vietnam, a fait une base arrière pour GI parfaite (et non, la prostitution n'est pas le plus vieux métier du monde, une économie a-historique, et les Thaïlandais-es ne sont pas culturellement préparé-e-s à devenir des sacs à foutre). Depuis, chaque pays aspire à devenir une sorte de Thaïlande, à peine sa stabilité retrouvée. C'est que le tourisme, vu les prix du baril, c'est l'avenir. Et c'est comme les cadeaux, ça rend tout le monde heureux, ceusses qui donnent et ceusses qui reçoivent.

On voit donc les mêmes scènes sur les îles Perhentian et à Lacanau, dans les boîtes de nuit de Marseille et de Luang Prabang (3), et la seule différence tient à l'addition. Le tourisme propage aussi bien les virus que les standards globalisés. Les touristes se flattent d'une conversation avec un-e autochtone, sans se rendre compte qu'elle n'est possible que parce qu'il (c'est le plus souvent un homme) a déjà fait un pas hors de sa culture, en parlant anglais ou en fréquentant les lieux globalisés où on le rencontre. C'est parce qu'il leur ressemble déjà beaucoup.


Le temps du voyage

Qu'on ait trois semaines pour voyager, comme les rythmes du travail salarié nous y contraignent, et on « fera » un pays. Qu'on en ait plus, et on en visitera d'autres. Plus on a de temps, plus on étend son voyage dans l'espace. L'idée principale étant qu'en trois jours on a épuisé l'intérêt superficiel de lieux où d'autres vivront toute leur vie. Comme c'est écrit sur un t-shirt, "Thank God, I'm a tourist, I don't have to live here!" Accumulation des kilomètres, accumulation des expériences, tout cela dessine une consommation boulimique de voyage, bien éloignée de la rencontre que nous vendent les voyagistes. Il n'y a pas de mystère, pour connaître un pays il faut y avoir partagé un peu de cette vie quotidienne si ennuyeuse...

Ce temps de la rencontre, nous pourrions le prendre sur notre vie à la maison, en profitant de la présence en France de communautés étrangères organisées pour découvrir d'autres cultures. Mais nous nous en privons, alors que leurs membres parlent notre langue et que nous pourrions établir avec ils et elles des rapports sur la durée bien plus satisfaisants. C'est que nous pouvons nous abriter derrière des prétextes flatteurs, mais quand nous voyageons nous bénéficions avant toute chose de l'immense prestige des kilomètres.


Le prestige des kilomètres

Ne faisons pas la fine bouche : on apprend beaucoup en voyageant. On apprend beaucoup aussi à la bibliothèque, alors pourquoi les deux expériences sont-elles dotées d'un prestige si différent ? Pourquoi la recherche du savoir, qui n'est pas une activité si prestigieuse quand elle a pour moyen l'écrit, se transforme-t-elle d'un coup quand elle s'inscrit dans l'espace ? Je me rappelle un été en Europe centrale passé à boire des coups avec des potes et à lire Trouble dans le genre et Belle du Seigneur pendant mes heures perdues. Deux lectures spécialement laborieuses, et que je n'étais pas peu fière d'avoir achevées, mais quand je suis revenue les commentaires élogieux tenaient plutôt aux pays dans lesquels j'avais passé mon temps en terrasse. Prestige des kilomètres ?

Prestige aussi de l'expérience sensible, celle qui engage le corps. Nicolas Sarkozy ne nous vendait pas autre chose que cet anti-intellectualisme diffus quand il dédaignait la lecture de ses lourds dossiers pour aller « à la rencontre des vrais gens », recueillant un témoignage de trente secondes par ci, serrant trois louches par là. Ça tombait bien, c'était plus distrayant et ça rapportait plus politiquement. Connaît-on mieux un contexte pour y avoir sué, l'avoir vu de ses yeux ? Découvre-t-on mieux le monde en allant le regarder plutôt qu'en acceptant une médiation, journalistique, anthropologique ou autre ? Je suis rentrée de mon premier séjour à l'étranger dans l'ignorance du nom du Premier ministre du pays où j'avais passé six mois, faute d'avoir des ressources à ce sujet dans une langue que je lisais communément. L'expérience immédiate est certes ébouriffante, mais profiter de l'expérience que d'autres accumulent et transmettent me semble à tout prendre plus riche (et si vous retrouvez ici des échos familiers, c'est normal).

Aux USA beaucoup de personnes n'ont pas la possibilité de voyager à l'étranger : peu de congés payés et les distances rendent un séjour au Québec ou au Mexique plus coûteux qu'il n'est attrayant. Les Américain-e-s qui n'ont pas les moyens de voyager compensent en étant extrêmement accueillant-e-s, témoignant presque de l'enthousiasme pour une personne venue d'Europe ("French? Oooh, that's wonderful!"). C'est un peu la même attitude que celle d'un vieux monsieur en Asie qui voyage à peu de frais en offrant un verre de thé à chacun-e des visiteurs/ses du village en leur demandant de lui parler de leur pays. Ces exemples vous font sourire ? C'est de la condescendance, ce sont des exemples de personnes privées de voyage par des obstacles économiques que les touristes n'ont pas.

Le voyage n'est pas qu'une affaire de goût, comme semble le penser cette gentille touriste venue offrir une heure de conversation en français à un lycéen laotien et qui lui demande s'il veut lui aussi voyager, avec les cent euros mensuels sur lesquels vit sa famille. Elle en oublie l'essentiel : le voyage est un bien de consommation qui sert à distinguer la petite bourgeoisie des plus pauvres qu'elle. (Et il est regrettable qu'à n'exporter aucun-e pauvre ou malade, on donne l'impression au monde entier que les pays occidentaux sont heureusement peuplés des personnes qui ont justement les moyens de voyager.)

Prendre l'avion pour des noix de coco

S'il est un impensé des voyages aéroportés, chez les citoyen-ne-s du monde à la découverte des autres cultures qui le peuplent, c'est le bilan environnemental. En voyage, chaque fois que j'ai eu l'occasion de dire que je ne souhaitais pas revenir tous les ans dans la région parce que je répugnais à prendre l'avion, on m'a répondu comme si j'avais la phobie des atterrissages. L'autre raison était systématiquement ignorée, c'est l'usage de ressources énergétiques et le rejet de gaz à effet de serre dans des proportions inéquitables – vite balayé d'un revers de main : « Allons donc, vis un peu pour toi-même ! ». (Ben tiens, moi aussi je vais faire semblant de croire que c'est une remarque altruiste.)

A la maison, il n'y a guère que les écolos fanatiques pour qui c'est une raison suffisante de rester chez soi. Les écolos raisonnables, illes, prennent l'avion parce que vingt heures de train, c'est bien trop long, ou pour faire lors de conférences lointaines des pas décisifs contre le changement climatique. On peut toucher à la voiture (oui !), à la télé (oh oui ! ça tombe bien, il n'y a que les pauvres et les vieux/ieilles qui la regardent encore) mais le voyage c'est sacré, c'est la découverte de l'autre.

Dans Une vérité qui dérange, toujours en voiture ou en avion, Al Gore se dépeint en homme pressé. Ce qui pose problème n'est pas son usage personnel de ces moyens de transport prédateurs, mais l'indifférence avec laquelle ces objets, responsables avec le camion et le porte-container de 25 % de l'effet de serre mondial, sont représentés. Heureusement, cette question est bêtement technique, ce n'est qu'une question de temps avant que les avions fonctionnent à l'huile de noix de coco...

Non vraiment, parfois ce qu'on peut faire de mieux pour le monde, c'est d'accepter de ne pas le visiter.

Singapour-Phnom Penh-Lille

« Dans le futur, nous prendrons des avions bio. » Orchard Road, Singapour

(1) « La tradition, de mon temps, ça n'existait pas », dit une vieille Picarde au sociologue. Et de fait, le rapport que nous avons au patrimoine a considérablement évolué ces dernières décennies en France. Au XIXe siècle on rebâtissait les villes médiévales (Carcassonne), aujourd'hui on interdit les cadres de fenêtre en PVC dans les beaux centres-villes.

(1b) Dans Le Monde diplomatique de juillet 2012, un dossier intéressant sur le tourisme, « industrie de l'évasion », dont un article de Bertrand Réau sur le « grand tour » des classes dominantes, qui aborde la question des bienfaits du voyage en termes de formation intellectuelle et humaine – et de distinction sociale – et un autre de Clotilde Luquiau sur l'écotourisme, sa concurrence avec les us locaux et la protection hétéronome de l'environnement. En visitant un village refait selon les critères des voyagistes occidentaux (c'est à dire « authentiques »), va-t-on à la rencontre des habitant-e-s du pays ou de l'image qu'on souhaite garder d'illes, et qui date de plusieurs décennies (1957, au hasard, pour la Malaisie qui est le sujet de ce texte stimulant) ?

(2) C'est pour ne pas déranger les esprits qui y séjournent, le conseil concerne donc surtout l'attitude à adopter avec les enfants, dont on pourrait sans penser à mal toucher la tête.

(3) Non, à Marseille les client-e-s ne font pas une tête et 40 kg de plus que les personnes moins bien nutries qui les servent, et je ne fréquente pas assez les boîtes de nuit pour confirmer que les Américain-e-s y miment des coïts élégants, debout sur la table, dès qu'illes ont un coup dans le nez.

Commentaires

1. Le vendredi, 17 mai, 2013, 16h14 par Flapounet

Merci pour cet article qui met en lumière les comportements honteux de certains "petits bourgeois" qui ont accédé au libre transport sur la planète !
Mais pour "accepter de ne pas visiter le monde", ne faut-il pas justement avoir déjà épanché sa soif de découverte? La bibliothèque et les bouquins c'est sympa mais il y'a un moment où la plupart d'entre nous ont envie d'aller jeter un oeil!?

2. Le vendredi, 17 mai, 2013, 17h51 par Un voyageureux

Bonjour,

Je trouvais le début de votre article intéressant, mais j'ai complètement abandonné à "voyageureuse". J'ignore si vous avez oublié un slash, ou si c'est volontaire (après tout, vous utilisez plusieurs fois "illes"), mais sérieusement, tou-te-s ces slash(s?)/tirets/contractions entravent la lecture, pour la simple raison qu'il n'est plus possible de lire d'une traite dans sa tête (alors que c'est là le principe même de la lecture, je crois) . A la limite si tout était purement et simplement passé au féminin, ça aurait le mérite de rester lisible. Mais bon j'imagine que vous ne faites que suivre le mouvement, et que c'est comme comme ça qu'"ille" faut faire.

3. Le vendredi, 17 mai, 2013, 18h16 par Loïc

Très juste tout ça. Ca correspond assez bien à mes préoccupations sur le sujet.
J'adore l'idée du "voyage". Pour le moment, j'ai surtout fait un peu de "tourisme" même si j'essayais de le rendre le plus "voyage" possible (1 mois sur place, rencontre avec les personnes dans une langue commune, déplacement ou hébergement le plus possible en phase avec la population locale, tous les 2 ans maxi because CO2 encore trop d'ailleurs mais bon...) mais malgré tout, je ressens de plus en plus un certain décalage voire malaise sur l'idée de tels séjours.

Ce qui me fait d'abord réagir c'est ce que vous dites sur l'hébergement.
J'ai opté très souvent pour le "standard local" mais là aussi, il peut y avoir un décalage car cela pourrait faire aussi "immersion exotique" façon "séquence émotion": je me paie un mois chez les pauvres dans tel pays éloigné comme d'autres bourgeois en manque de sensations peuvent payer cher pour expérimenter une nuit dans une prison (véridique !).
Alors tout dépend dans quel état d'esprit on y va et avec quelle capacité d'ouverture pour la rencontre, l'échange,...mais malgré tout nous sommes estampillés par notre niveau de vie forcément en décalage avec nos hôtes ou les populations locales sur place.

A part aller vivre quelque temps sur place, je ne vois pas trop comment finalement ne pas avoir un regard "consommateur/spectateur" dans ces moments (et encore, cela demanderait certainement pas mal de temps).

Un français parti à 18 ans de France que j'ai croisé il y 3 ans: il avait 53 ans, jamais rentré en France, installé en Bolivie, me disait "avant il y avait des voyageurs, maintenant il n'y a que des touristes. Le voyage c'est quand on sait quand on part mais pas quand on rentre...".
Pas faux certainement mais difficile à concilier sauf à tout plaquer (travail,...): il a en tout cas fait son choix et avais l'air plutôt heureux comme ça. Il tenait un petit hôtel là-bas.

Effectivement les bibliothèques, certains documentaires et les rencontres sur place sont un très bon moment de croiser et mieux connaître d'autres cultures, de se "dépayser", il faudrait avoir cette même curiosité qu'en voyage "en bas de chez nous"...
Et pourtant, des rencontres en chair et en os là-bas peuvent être très marquantes et enrichissantes. Cela pose au final la question du "temps" dans nos mode de vie et l'organisation de nos sociétés. Avec du temps, on pourrait aussi voyager par voie terrestre ou en bateau (comme avant nous les explorateurs, pas tous progressistes en revanche...): le bilan écolo n'en serait que moins mauvais.

Autre point: les vols low cost (possibles car de grosses subventions publiques; de l'argent public bien mal utilisé), outre des conditions de travail déplorables pour les agents, sont à des prix tellement éloignés d'un coût réel des transports (en général le prix d'un transport régional en train et encore, même si les trains deviennent bien trop chers maintenant) qu'on prend maintenant l'avion pour se faire un week-end dans je ne sais quelle capitale...qu'aura t-on eu le temps d'y voir, d'y vivre ?...

Désolé d'avoir fait si long, cet article m'a interpellé.

4. Le vendredi, 17 mai, 2013, 20h26 par Moitutoije

ailleurs le citoyen touriste n'a pas le meme destin que la citoyenne touriste : en histoire visuelle regardez nos belles caressées par des nuées de gamins dans leur mission africaine , imaginez le citoyen dans la meme mise en scene ? pan pan ecpat blanc ! et puis il y a toutes ces plages et demi plages ou l'on voit bien que chez soi , ça ne rigole pas et qu'il faut bien des coins du monde pour une libido souveraine , plus difficile sinon impossible pour le citoyen touriste !

5. Le samedi, 18 mai, 2013, 12h57 par Aude

Merci pour la mention du genre : j'ai présenté des touristes complètement dégenré-e-s, pas soumis-es à leur statut de femme ou d'homme, ou n'en profitant pas. J'ai pas bien regardé, ça m'a fait des vacances. Mais j'ai remarqué que les hommes avaient des compétences innées pour conduire des scooters, et que les gens du coin et les Occidentaux/ales partageaient cette croyance en faisant systématiquement monter les femmes à l'arrière.

Sur les féminisations : si j'enlève le slash je romps la fluidité, si je le mets aussi. Tout au masculin universel ! Les explications de mon refus sur http://blog.ecologie-politique.eu/p...

Pas assez abordé la question de la culture. A Angkor, croisé des guides épaté-e-s par la culture des Français-es d'un certain âge, qui ont tout lu sur la civilisation khmère avant de visiter le pays et dont ce sera peut-être le seul séjour au Cambodge. Alors oui, le voyage est une expérience culturelle qui complète la culture qui se diffuse autrement (écrit, photos, œuvres des musées). Ailleurs, le rapport à la culture, c'est plutôt : "Génial, ce voyage me donne envie de lire sur ce pays (ou pas, il est possible que j'aie mieux à faire en rentrant)". Ou bien : "Je vais loin tant que je suis jeune, j'aurai tout le temps de visiter mon pays quand je serai vieux/vieille." Dans les deux cas, la volonté d'apprendre et de se cultiver justifie socialement un voyage qu'elle ne nourrit pas, et la facilité à voyager met sur les routes des personnes incapables de comprendre la moitié de ce qui leur arrive, qui ignorent la culture des autres et leur histoire (et ignorer la colonisation, ça aide à rejouer l'histoire). Si cette facilité était universelle, passe encore, mais elle est due à une domination sociale, politique et économique qui me permet de dégainer la critique sans avoir l'impression de cumuler les injustices.

Pas abordé la question du temps, indispensable à la rencontre. Après quatre jours, plein de touristes pensent avoir "épuisé" l'intérêt d'un lieu (illes seraient vexé-e-s si on pensait la même chose de leur lieu de vie). Si c'est pour rencontrer des gens qu'on voyage, la temporalité est non seulement incompatible avec le concept de congé payé, mais même avec l'envie de visiter un pays en un mois, une région en trois mois, un continent en un an. Plus on a de temps, plus on étend son voyage dans l'espace !

Dernier commentaire pour l'instant : certains des exemples nuls que je cite sont des choses que j'ai faites moi-même avant de me rendre compte (ou après, par négligence). Je ne donne pas de leçons, ma critique est aussi auto-critique. On n'est pas plongé dans ce système (quelques centaines d'euros devant soi, un passeport qui passe partout) sans en intégrer plein de travers et sans jouir de nombre de ses injustices.

6. Le samedi, 18 mai, 2013, 23h08 par avionnette

Bonjour,
le bilan carbone bien sûr, catastrophique. pour cette raison, nous devons cesser de voyager et si vraiment le besoin de culture et de dépaysement existe, alors les livres et documentaires feront bien l'affaire, avec une richesse bien plus grande, une place laissée à l'imagination, puisque le rêve d'ailleurs est fatalement détruit par la réalisation du voyage. mais le voyage n'est pas une réponse à un besoin de culture ou d'évasion. c'est un objet classant que l'on a possibilité de s'approprier ou pas. Tient une place honorable dans la société celui qui voyage, celui qui peut s'offrir la mobilité moderne.
pour revenir à la question écologique et les émissions de CO2, voyager à l'autre bout du monde, c'est comme pour les banques et leurs désastres, c'est privatiser le plaisir mais socialiser les dégâts. les voyages de loisir sont des actes non-éthiques.
Il y aussi une autre raison de ne pas voyager dans les pays pauvres ou en voie d'impossible et non souhaitable développement. Voyager dans ces pays, c'est apporter dans nos bagages notre maladie contagieuse, notre civilisation occidentale. Nous continuons de coloniser et plus intensément encore qu'au XIXème siècle, car nous acculturons ces populations. D'un côté nous pillons ces pays en leur soustrayant leurs matières premières et en remerciement nous leur imposons notre civilisation du désastre social et écologique. Oui le voyage-consommation est un acte non-éthique

7. Le mardi, 21 mai, 2013, 06h08 par jack

Non vraiment, parfois ce qu'on peut faire de mieux pour le monde, c'est d'accepter de ne pas le visiter.

Tout a fait d'accord!

8. Le mardi, 21 mai, 2013, 12h58 par Marie

Très bon article !!
Je rejoins entièrement l'avis de avionnette.
Je rajouterai ceci : le tourisme, en particulier le tourisme de masse est véritable fléau de nos jours.

9. Le vendredi, 2 août, 2013, 13h25 par Aussenwelt

Tombant sur cet article ... très juste, oui.

Rien à rajouter. Si ce n'est que je suis parti il y a trois semaines en Islande avec ma femme, et que malgré mon approbation totale de tous ces points, j'ai moi aussi pêché.

Sentiment de frustration souvent, malgré la beauté des lieux "traversés". Ou parfois de mélancolie plus diffuse, de déception intime non pas sur le "lieu" en lui même, mais sur l'expérience même du "voyage".

Je n'avais pourtant pas de smartphone, effectivement. Ni de connexion/possibilité de m'en remettre à internet. Peu importe, la question n'est pas là, et même si cela paraît évident, il est bon de le préciser tout de même.

Toutes ce qui a été ressenti durant ce voyage, je les ai retrouvées ici de façon explicitée, j'approuve donc encore une fois. Je l'ai dit à plusieurs personnes : en rentrant, j'étais content de retrouver mon chez-moi, mais surtout, de ne plus être un touriste.

Je crois que ce qui me décide toutefois à laisser un commentaire, c'est plutôt l'envie de partager le dégoût profond que j'ai ressenti à l'aéroport de Paris CDG, en croisant ces multitudes d'affiches/publicités HSBC.

Je crois n'avoir jamais rien vu d'aussi vomitif et imbitable :

un échantillon en image plus haut dans l'article, mais voici ce que j'ai pu lire, quant à moi :

"Dans le futur, tous les marchés auront émergé".

"Dans le futur, chaîne alimentaire et chaîne d'approvisionnement ne feront plus qu'un."

Voilà ...

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://blog.ecologie-politique.eu/trackback/150

Fil des commentaires de ce billet