Sens de la décroissance

Édito d'un dossier coordonné au printemps 2007 pour la revue EcoRev'

Conviviale, sélective, durable, la décroissance se décline selon les goûts. Et les dégoûts ? L’apparition du mot en 2002, dans les revues lyonnaises S!lence et Casseurs de pub, a suscité depuis les plus grands enthousiasmes et les réprobations les plus sévères, aussi bien en dehors qu’au sein de la mouvance écologiste/altermondialiste. Le terme même de décroissance fait question. Décliné sur une vaste palette de thèmes et de mots d’ordre, son usage suscite les débats les plus vifs. Il en va de la question sociale, quand la simplicité volontaire souvent mise en avant paraît reléguer au second plan la question de la répartition des richesses ; mais aussi de nos modes de vie, quand la spiritualité ou les valeurs de solidarité sont érigées comme les principes cardinaux de pratiques, de styles ou d’univers de vie alternatifs dans une société dominée par le marché. Ou encore de la question du développement, fustigé comme un outil de domination néo-colonial qui ne dit pas son nom. Enfin, la notion de décroissance brouille le sens même de l’action politique, que certain-e-s militant-e-s de la décroissance sont tenté-e-s de limiter aux relations proches et à une action individuelle alors que d’autres préconiseraient des aménagements du système existant ou que d’autres encore demanderaient d’en passer par une action collective empreinte d’utopies ou d’idéaux révolutionnaires.

Notre première ambition a été d’offrir un panorama des mouvements se réclamant de la décroissance. Et, au-delà des ambitions contradictoires, des malentendus sémantiques, de dégager les problèmes théoriques qui sous-tendent certains conflits entre la vision de l’écologie politique, du développement durable et de la décroissance. Pour un numéro à la fois dedans et dehors, qui donne la parole à des figures du paysage "décroissant" mais aussi à des exégètes ou des critiques.

Dedans, pour Serge Latouche, référence incontournable, Jean Aubin, Jean-Pierre Tertrais, Paul Ariès, Vincent Cheynet, qui par leurs textes et leurs conférences proposent une société qui place la décroissance au cœur de l’organisation politique. Dedans encore, pour des militant-e-s politiques ou du quotidien qui nous présentent leurs interrogations, leurs actions ou leurs références. Dehors, pour Luc Semal et les membres de la rédaction d’EcoRev’ qui ont tenté de décrire, comprendre ou dépasser les théories et le vocabulaire "décroissants". Contre, pour Jean-Marie Harribey, farouche opposant, qui nous livre ici ses arguments.

Le dossier se prolonge par une piste et un kit militant qui présentent les enjeux et la pratique de ce qui est devenu le symbole, attractif ou répulsif, de la décroissance : les toilettes sèches ! Mais aussi par nos les lectures où nous recensons quelques-uns des derniers ouvrages sur le sujet, qu’ils s’en réclament, la condamnent ou en partagent simplement les préoccupations.

Dans l’actualité éditoriale pléthorique de la décroissance, nous espérons ne pas avoir ajouté une référence supplémentaire, mais donné, dans une configuration pas si fréquente, l’occasion d’une réflexion plus sereine.

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