jeudi, 27 juillet, 2023

Cartes participatives en Malaisie

Cet été deux sites publient mes billets sur des initiatives malaisiennes très différentes mais qui toutes deux passent par la cartographie participative.

Cartographie participative du vélo potentiel à Kuala Lumpur
Sur le tout nouveau site Imago Mundi, dédié à nos usages de l’espace et à ses représentations, un reportage datant de 2016 sur la cartographie de la cyclabilité de la capitale malaisienne Kuala Lumpur. Au-delà du caractère socialement marqué de l'usage du vélo par des classes jeunes et aisées, une initiative tente d’intégrer tou·tes les usager·es du basikal.

Mapping as a Tool in Indigenous Peoples’ Struggle
Retrouvez sur Visionscarto la version anglaise d'un reportage paru en 2019 sur l’usage des cartes par les communautés rurales autochtones cherchant à faire valoir leurs droits sur leurs terres ancestrales.

Comment critiquer l’homophobie d’État en Malaisie

Il y a quelques jours, un groupe de rock, The 1975, a défrayé la chronique dans le monde entier après que son chanteur Matty Healy a tenu un discours critique de l’homophobie d’État en Malaisie puis donné à voir un baiser entre hommes, le tout sur la scène d’un grand festival. D’un côté, un trentenaire blanc hétéro britannique défend les droits des personnes LGBT et devant les réactions officielles outragées le groupe annule sa fin de tournée asiatique. De l’autre un ministre musulman justifie l’interdiction de ce concert et de ceux qui devaient lui succéder sur la même scène au nom du respect pour la culture et les usages qui ont cours en Malaisie. Des deux côtés, tout le monde est très fâché et c’est le public qui trinque en étant privé de musique.

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vendredi, 30 avril, 2021

Déferlement de déchets plastiques en Asie du Sud-Est

Aux premières heures du jour, des tas de feuilles mortes et d’emballages plastiques brûlent devant les maisons de Kalianyar, un village de Java-Est où vit M. Slamet Riyadi. Ce dernier travaille dans le tourisme après avoir appris l’anglais en autodidacte. Il sait que la combustion ne fait pas tout disparaître. « Comme ils ne voient plus rien, les villageois croient qu’il n’y a plus rien. Or le plastique reste ! » Il aimerait monter une association pour trier les déchets, vendre ce qui peut être recyclé, composter les matières organiques, et pour le reste… il verra.

Il est bien le seul à s’inquiéter des fumées pleines de dioxines. Les plastiques ne font l’objet d’aucune collecte dans les campagnes indonésiennes. Pourtant, ils abondent dans la vie quotidienne. Au marché du bourg voisin, Tamanan, deux stands vendent des emballages à usage unique, sachets et boîtes en polystyrène, dont les autres marchands et marchandes font grand usage. Les doses individuelles sont légion : non seulement elles sont pratiques, mais surtout elles permettent aux ménages pauvres d’effectuer leurs dépenses au jour le jour. Quand ces déchets ne sont pas brûlés, ils s’accumulent au bord des routes et dans les cours d’eau.

La suite dans le Monde diplomatique de mai 2021, en kiosques actuellement.

English version translated by Charles Goulden
Aluvión de residuos plásticos en el sudeste asiático
Unser Müll in Java. Südostasien versinkt im Plastik

samedi, 23 janvier, 2021

Homo domesticus

domesticus.jpg, janv. 2021James C. Scott, Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États, traduit de l’anglais par Marc Saint-Upéry, La Découverte, 2021, 324 pages, 13 €

C’est un récit classique, celui d’une humanité qui se dirige de manière continue vers son accomplissement. Jadis sans État ni agriculture, nos ancêtres découvrirent enfin comment planter des céréales puis comment s’organiser dans des formes politiques de plus en plus complexes. James C. Scott va à rebrousse-poil (against the grain en anglais, c’est aussi le titre original du livre) de cette histoire en présentant un tableau beaucoup plus critique des premiers États et de l’hésitation entre sociétés avec ou sans État. Car il ne s’agit déjà pas d’une histoire linéaire. Les individus qui vivent sous un État peuvent s’en libérer et les États eux-mêmes s’effondrer – sans que les individus qui y vivaient ne s’en trouvent plus mal.

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dimanche, 4 octobre, 2020

Friction

9782359251791.jpg, oct. 2020Friction. Délires et faux-semblants de la globalité, Anna Lowenhaupt Tsing, La Découverte, 2020, 460 pages, 24 €

En 1998, le leader autoritaire indonésien Suharto doit abandonner le pouvoir. Les années qui suivent sont celles de la Reformasi, mouvement de démocratisation qui est aussi une période de grande insécurité : la déforestation s'accélère et l'armée empoche les dessous de table. Anna Tsing écrit dans les années suivantes, depuis l'île de Bornéo, cet ouvrage, Friction, où il est question d'un aventureux entrepreneur canadien, d'étudiant·es amateurs de nature, d'une femme qui cite une millier d'espèces animales et végétales présentes autour d'elle, de chef·fes de village capables de parler la langue des écologistes comme celle des développeurs. Entre autres. L'autrice, connue du lectorat français pour son livre Le Champignon de la fin du monde (La Découverte, 2017), est anthropologue et travaille depuis les années 1980 à Bornéo (ou Kalimantan), dans la partie indonésienne de cette île, la plus grande de l'archipel, jadis couverte de forêts équatoriales.

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dimanche, 16 août, 2020

La cartographie, outil de lutte des peuples autochtones

P1050276.JPG, août 2020Au bout d’une heure de piste entre les plantations de palmiers à huile, nous voilà enfin sur une route goudronnée, au milieu de la forêt. Les panneaux avertissent de possibles passages d’éléphants et leurs excréments encore frais au milieu de la chaussée confirment cette présence. L’entrée du parc naturel national d’Endau-Rompin, le deuxième plus grand de Malaisie occidentale derrière l’emblématique Taman Negara, est au bout de la route, à côté d’un village autochtone jakun, population autochtone du sud de la péninsule Malaise. Les maisons sont modestes, les environs plantés d’arbres et les habitant·es sillonnent le village sur leurs scooters. Nous sommes à Kampung Peta, le village le plus en amont de la rivière Endau qui se jette dans la mer de Chine méridionale, au sud de la péninsule.

La suite sur le site de Visions carto.

jeudi, 2 avril, 2020

État d'urgence ridicule

Savez-vous comment remplir l'attestation qui vous permet de mettre un pied dehors ? La question se pose car les verbalisations fusent. L'attestation en question peut être recopiée à la main (à l'encre indélébile) car nul·le n'est censé·e avoir une imprimante à la maison. (Rappelons que recopier est une gageure pour les illettré·es, les dyslexiques ou les migrant·es qui ne sont pas alphabétisé·es en français mais dans d'autres systèmes d'écriture.) Il n'y a pas d'obligation à recopier chacun des motifs de sortie, seulement celui qui vous concerne. Texte complet, avec vos données personnelles, daté, horodaté et signé. Basta. Mais être en règle ne suffit pas et certain·es sont verbalisé·es (déjà 55 millions d'euros d'amendes !), pour la raison que l'attestation a été rédigé à la main ou que les cinq motifs n'ont pas été tous recopiés… justifications qui ne tiennent pas en droit. Il faudra rendre des comptes quand ce sera fini, gardez vos procès verbaux. #OnOublieraPas

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lundi, 16 mars, 2020

La Tropicalisation du monde

Xavier Ricard Lanata, La Tropicalisation du monde, PUF, 2019, 128 pages, 12 €

Et si le monde occidental, celui des pays riches et peuplés de Blanc·hes, faisait aujourd'hui l'objet d'un processus de « tropicalisation » ? Lanata, anthropologue et économiste du développement, fait l'hypothèse que nous sommes à un point où le monstre capitaliste, créé et nourri dans les pays du nord, est devenu tellement avide que le Sud ne lui suffit plus. Jusqu'alors, l'économie capitaliste a connu des pratiques différentes dans les pays colonisés et les pays colonisateurs. Là-bas il était violemment prédateur, utilisant les territoires comme puits de ressources et les populations locales comme bras pour les exploiter. Et quand les locaux n'étaient pas assez nombreux, d'autres peuples étaient déportés pour servir de main d’œuvre (1). La vision toxique que nous avons de l'environnement comme d'un milieu à exploiter ne s'est jamais mieux déployée que pendant l'histoire coloniale à son apogée, du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe. C'est alors qu'on a assisté à « la décorrélation entre les lieux de consommation et les lieux de production, par l'extension considérable des réseaux d'échange et des chaînes de valeur » (p. 61). Nous vivons encore dans ces structures et ces représentations, avec plus ou moins d'inquiétude sur le fait de toucher un jour le fond et d'arriver à épuisement du modèle.

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dimanche, 1 mars, 2020

Chemins de fer et colonisation

S'il est une chose bien matérielle que les pays occidentaux pensent avoir apportée aux pays qu'ils ont colonisés, c'est les chemins de fer. « Rendez-vous compte, grâce à nous ! » nous disent celles et ceux qui malgré des années passées sur les bancs des écoles, collèges et lycées, ignorent tout un pan de l'histoire de leur pays, celui qui concerne sa relation avec une partie du monde qu'il a tenue sous sa dépendance coloniale. Rien que ça. Cette histoire compte pour comprendre le monde d'aujourd'hui mais notre ignorance à ce sujet est assez crasseuse. Alors si vous ne la connaissez pas bien, plongez-vous dedans, d'autant qu'il est d'autres manières de s'instruire, plus agréables que des cours magistraux. Dans Terre d'ébène, son livre de reportages en Afrique de l'Ouest constamment réédité depuis 1928, Albert Londres rappelle que le chemin de fer Congo-Océan n'a pas été construit par la métropole mais par le travail forcé des locaux dont 17 000 moururent dans les travaux (ce pour quoi la République française et Spie Batignolles ont été poursuivies). Comme beaucoup de personnes éduquées en France, je ne connais pas mieux cette histoire mais j'ai la chance d'avoir suivi quelques cours sans complaisance sur une autre partie du monde.

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dimanche, 23 juin, 2019

Crise des déchets plastiques en Asie du Sud-Est

Une série de trois reportages publiés sur Asialyst.com

En août 2018, les biologistes militant·es de l'association Ecoton à Java me font visiter une décharge sauvage à quelques kilomètres de leur siège. Des déchets plastiques triés par des travailleurs pauvres, une partie brûlée comme combustible, sans filtre, dans l'usine de tofu voisine… Je prends quelques photos pendant que les chiffonniers m'exhibent l'une de leurs trouvailles, un drapeau états-unien. Deux ans plus tôt, j'avais visité une usine de recyclage de papier qui s'était engagée sous l'influence d'Ecoton pour augmenter la qualité de ses rejets dans la rivière. Ces décharges constituent un gros recul écologique, dans une région où les déchets ménagers ne sont pas même collectés.

C'est que l'année 2018 a été celle d'une crise mondiale des déchets plastiques, suite au choix de la Chine de ne plus assurer leur recyclage. Les industriels cherchent alors d'autres débouchés et lorgnent sur les pays voisins. La Malaisie et l'Indonésie en font les frais, hésitant à refuser elles aussi l'importation de ces déchets, au centre d'une activité économique émergente. Mais à la fin de l'année, il faut se rendre à l'évidence : beaucoup d'acteurs véreux ne font pas du recyclage mais une gestion à moindre coût pour profiter de l'aubaine. Stockage de déchets dans des usines qui sont abandonnées une fois pleines, décharges sauvages dans la nature, combustion sans filtre qui libère des fumées toxiques, etc.

Pendant des mois, les riverain·es, qui commencent à souffrir des pollutions, découvrent ces sites autour de leurs villages. Les associations écologistes sont sur le terrain. Greenpeace produit à l'automne 2018 un premier rapport qui concerne l'ensemble de l'Asie du Sud-Est. Les Amis de la Terre Malaisie interpellent le gouvernement sur l'interdiction des importations et travaillent main dans la main avec GAIA (Global Alliance for Incinerator Alternatives). C'est Mageswari Sangaralingam, une Malaisienne que j'ai déjà rencontrée sur d'autres luttes, qui fait le lien entre les deux. En avril 2019, la question est largement traitée par les médias malaisiens et arrive sur le devant de la scène. Le gouvernement est convaincu et le contexte international s'éclaircit : une conférence à Genève propose d'intégrer les déchets plastiques non-recyclables à la convention de Bâle sur les déchets dangereux – ce qu'ils sont – pour en interdire le trafic international. Prigi, de l'association Ecoton, et Mageswari, tou·tes deux à Genève, ont eu gain de cause.

Chapitre 3 : Quand l'Asie du Sud-Est nous renvoie nos déchets plastiques

Aujourd'hui les déchets plastiques sont toujours là, en particulier en Malaisie qui a reçu le plus gros contingent. Et d'autres arrivent encore, que les autorités portuaires découvrent sur les docks de Port Klang et de Butterworth, les deux plus gros ports du pays, sur le détroit de Malacca. Ils sont cachés dans les conteneurs sous des déchets légaux recyclables ou bien sous de fausses déclaration. Le 17 juin, il y a à Butterworth pas moins de 400 conteneurs en attente de renvoi à leur envoyeur… aux frais des autorités malaisiennes qui doivent en outre faire la chasse aux contrebandiers et nettoyer les sites pollués. Il est temps que les pays développés, qui envoient en Europe de l'Est ou en Asie une (petite) partie de leurs déchets, les retraitent tous à la maison.

Plein de liens à suivre sur le site d'Asialyst mais des bonus ici :

Les pauvres ne comprennent rien à l'écologie mais les riches, si ? Chronique rigolote de Guillaume Meurice.

En France aussi on sait jeter du plastique à la flotte.

Excellente histoire politique de l'emballage perdu et du recyclage par Grégoire Chamayou.

mercredi, 8 mai, 2019

« Women’s march » à Kuala Lumpur

Femmes, LGBT : malaise en Malaisie

À Kuala Lumpur, la marche des femmes du 9 mars a été interdite par les autorités. Ça n’a pas empêché une joyeuse troupe d’activistes féministes et LGBT de manifester, secouant un peu les mœurs d’un pays bigrement conservateur. Reportage paru dans le journal CQFD d'avril 2019.

Illustration Caroline Sury.

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mercredi, 1 mai, 2019

Recyclés ? Non, nos déchets plastiques inondent l'Asie du Sud-Est

Les touristes occidentaux qui arpentent les routes du Sud-Est asiatique sont toujours choqués par l’omniprésence de déchets plastiques dans l’environnement de la péninsule et de l’archipel. Le plastique abonde dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse d’usage unique ou d’objets. Dans les supermarchés et les épiceries, les contenants en verre ou en carton sont plus rares qu’en Europe et les doses individuelles plus répandues. Dans les marchés, les emballages en feuilles de bananier ont laissé place au plastique et parmi les stands, il en est souvent un qui vend aux commerçants les sacs en plastique et boîtes en polystyrène dont ils font un usage abondant. Le traitement des déchets pose problème : les infrastructures sont mauvaises ou inexistantes et dans les zones rurales les déchets ne sont pas collectés, chaque famille brûlant dans son jardin ses emballages de snacks, sacs ou bouteilles en plastique. À ces difficultés s’ajoutent désormais celles que connaît la région depuis qu’elle suscite les convoitises des acteurs du marché mondial du recyclage des déchets. Car le problème des déchets domestiques est aggravé par l’importation de ceux des pays riches, des États-Unis au Japon, en passant par l’Europe.

La suite sur Asialyst.com.

samedi, 27 avril, 2019

Le privilège végétarien

Vu d'ailleurs, la propension des Européen·nes éduqué·es à manger végétarien ou végan ressemble à un caprice de riches. Cela fait longtemps que le végétarisme et ses avatars sont un critère de distinction sociale : les moines bouddhistes prétendent ne pas manger de viande (beaucoup, dans la péninsule sud-est asiatique, se contentent de ne pas manger d'animal tué à leur intention précise), tandis que les brahmanes, aussi pauvres seraient-ils (1), restent la caste supérieure, trop pure pour manger avec les personnes du commun, celles qu'aujourd'hui on appelle les « carnistes ». Aujourd'hui, chez nous, le véganisme évoque désormais les restaus à burgers végans du 11e arrondissement parisien, un truc à la mode qui en plus se paie le luxe d'être riche en valeurs : droit des animaux, protection de l'environnement… Rien à redire sur le plan moral (encore que) mais pour l'écologie, on repassera : l'agriculture biologique est la seule qui fasse la preuve de sa capacité à nous nourrir sans dégrader les sols et le climat, et elle repose sur les apports des animaux (2). Dans On achève bien les éleveurs, l'éleveur (et donc aussi cultivateur) Xavier Noulhianne rappelle l'idée en quelques phrases :

« Dans la conception initiale de la bio il y a un lien entre la surface agricole et la quantité d'animaux qu'elle est capable de nourrir. On ne doit pas s'en écarter, ni dans un sens (trop d'animaux), ni dans l'autre (plus d'animaux). Ce n'est d'ailleurs pas un principe uniquement bio, c'est un principe qui court le long de l'histoire agricole et qui agit comme un antidote à l'industrialisation. Des engrais verts de temps en temps, oui, mais on ne peut pas faire sans les animaux. »

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mardi, 5 mars, 2019

Le hijab, la ministre et le marche-pied

La scène avait choqué le monde entier : trois hommes et une femme forcçaient une femme à se déshabiller en public. Elle était venue profiter des plaisirs de la plage mais son habillement ne correspondait pas aux valeurs de la France – le bikini ? La semaine dernière, des ministres libérales de La République en marche ont repris le flambeau en accusant la firme Décathlon de vendre des hijabs sportifs incompatibles avec leurs valeurs féministes. C'est bientôt la Saint Patrick et il y aura dans les rues plein de mecs bourrés avec des chapeaux verts démesurés. Je n'aime pas ces chapeaux mais dans mes valeurs figure le droit de mettre ce qu'on veut sur la tête, quand bien même ça piquerait les yeux des autres. Si l'activisme des ministres ne mérite qu'une moquerie, il faut dire un mot sur la réception globalement favorable qui lui a été réservé.

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vendredi, 18 janvier, 2019

Bienvenue en France

À la rentrée prochaine, le gouvernement prévoit de multiplier par dix environ les frais d’inscription des étudiant·es étrangèr·es non-communautaires. La raison officielle : rendre les études supérieures en France plus prestigieuses (plus c’est cher, plus c’est classe, d’ailleurs hier j’ai payé trois euros ma baguette et vous savez quoi ? elle était bien meilleure). Les esprits chagrins y voient surtout un ballon d’essai pour augmenter les frais d’inscription pour tout le monde, établir un marché de l’éducation et des prêts étudiants tout en réduisant l’accès à l’université des classes moins solvables. Les étudiant·es non-européen·nes qui ne changent pas de cycle (licence, master, doctorat) seront épargné·es par la mesure et après quelques semaines de remous l’exception a été étendue à ceux et celles qui changent de cycle. Plus aucun·e étudiant·e en France n’est concerné·e, ce qui réduit la mobilisation : ceux et celles que cela touche sont loin des yeux, loin du cœur.

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mercredi, 7 novembre, 2018

Le tourisme, une marchandise comme une autre

Paru dans CQFD de juillet-août 2018

Comme tout le monde, je méprise les touristes. Les touristes qui viennent chez moi marcher le nez en l’air sur les pistes cyclables et faire grimper le prix des loyers à coups d’Airbnb ou de résidences secondaires. Les touristes comme moi quand je voyage. Nous sommes nombreuses et nombreux sur la piste sud-est asiatique, une des régions les plus « faciles à voyager » au monde : prix bas, équipements et aménagements corrects, splendeurs naturelles (la baie de Krabi) ou historiques (Angkor, Bagan), criminalité contenue, populations souriantes, climat tropical, plages et cocotiers. Remontant la péninsule Malaise depuis Singapour, en route pour l’ancien royaume Lan Na ou glissant sur le Mekong, beaucoup de jeunes (ou jeunes dans leur tête) débrouillard·es hésitent entre joie de vivre et mesquinerie petite bourgeoise dès que le service n’est pas irréprochable. Nous avons choisi un voyage indépendant, sac au dos, sans préparer plus d’une étape à la fois. Nous avons l’impression de vivre une grande aventure humaine et parlons souvent de « sortir de notre zone de confort ».

Mais le fait est que nous nous inscrivons dans une économie bien réelle, le premier secteur productif au monde (1). Et dans des rapports économiques marqués par l’iniquité et un passé colonial. Mais de cela, il n’est jamais question quand nous nous engageons dans des relations avec les locaux. Une infirmière française à un jeune Hmong au Laos : « Toi aussi, tu veux voyager ? Et pourquoi pas ? » Alors qu’il vient de nous dire que sa famille vit avec 100 € par mois... Un ami me racontait aussi avoir commencé son tour du monde en marchandant auprès d’un pousse-pousse indien, faisant valoir sa « pauvreté » relative d’étudiant-ingénieur : la tête du gars devant cet argument lui avait fait honte pour le restant du voyage. Rétrospectivement, il avait trouvé cette expérience-là plus riche que toutes celles qui sont censées faire de ce geste de consommation une activité enrichissante humainement (2).

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dimanche, 18 mars, 2018

Timika

Nicolas Rouillé, Timika, Anacharsis, Toulouse, 2018, 492 pages, 22 euros.

« Western papou », prévient la couverture. Timika, cette ville de Papouasie occidentale située dans les environs de la plus grande mine d'or du monde, a en effet des airs de ville-frontière pourrie par la corruption, le fric de l'or qui ruisselle tant bien que mal, pourrie enfin par cette guerre méconnue que l'Indonésie mène contre les Papous. Si aujourd'hui ce grand archipel épouse parfaitement les frontières des Indes néerlandaises, une création coloniale, cela n'a rien d'une évidence car la Nouvelle Guinée est une île peuplée de Papous, peuple mélanésien et chrétien. Sa partie occidentale a été rattachée de force à l'Indonésie dans les années 1960, suite à une annexion forcée et à un référendum sous contrôle, avec la complaisance de la communauté internationale. Jakarta mène depuis lors une guerre pour garder le territoire dans son giron. Car, qu'il s'agisse de bois ou de métaux, l'île est aussi riche en matières premières que ses habitant·es sont pauvres.

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jeudi, 18 janvier, 2018

Élections en Malaisie : l'alternance est-elle encore possible ?

Les prochaines élections législatives en Malaisie devraient se tenir en février ou mars prochains. La date n’est pas encore connue, elle est laissée à la discrétion de Najib Razak. Le Premier ministre a l’obligation de convoquer ces élections avant août 2018 et de les annoncer avec onze jours d’avance, durée minimale de la campagne. Cette latitude compte parmi les nombreuses cartes que le parti au pouvoir a en main pour garder son hégémonie à l’assemblée, comme c’est le cas depuis 1957, date de l’indépendance du pays. Début décembre, le public malaisien prenait connaissance d’un article académique dans lequel un chercheur basé au Canada, Kai Ostwald, fait le point sur les caractères autoritaires du régime, caractères qui donnent à la Malaisie une place parmi les pays où « l’intégrité électorale » est la plus faible. L’annonce a choqué, même si ces critiques rejoignent celles de l’opposition politique malaisienne depuis des années. Car la Malaisie est le seul pays à son niveau de développement dans le groupe des régimes très autoritaires. Qu’est-ce qui fait donc du régime parlementaire malaisien l’un des moins démocratiques au monde ?

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samedi, 21 octobre, 2017

En Malaisie, la société civile au chevet des réfugiés rohingyas

En mai 2015, des charniers sont découverts dans la jungle thaïlandaise à la frontière malaisienne. Les victimes étaient des Rohingyas (peuple musulman de Birmanie) réfugiés ayant fui la Malaisie et les violentes persécutions de ses militaires. Bien que majoritairement musulman, la Malaisie leur refuse l’asile et les considère comme des migrants économiques clandestins. Entre les initiatives de la société civile pour les accueillir et l’instrumentalisation de leur cause par les autorités, la présence des Rohingyas est devenue un enjeu majeur de politique intérieure.

Un reportage à lire sur Visionscarto.net et sur Asialyst.com. Photos de Marine Vial.

mercredi, 11 octobre, 2017

Malaisie : Tian Chua, un leader de Bersih en prison avant les élections de décembre

Tian Chua est en prison depuis le jeudi 29 septembre. Le leader malaisien, député et vice-président du principal parti d’opposition, le PKR, est familier de ce genre de traitement. Nous l’avions rencontré en novembre 2016, à l’issue de deux jours passés en prison. Il avait été inquiété pour sa participation à la manifestation Bersih 5, pourtant pacifique et que le gouvernement avait choisi de ne pas réprimer. Tian Chua est l’un des acteurs de ce mouvement qui réunit l’opposition politique et la société civile autour d’un slogan, « Bersih ! » (« clean »), qui appelle à la lutte contre la corruption et pour des élections propres et équitables. Les prochaines élections générales, prévues pour décembre 2017, pourraient être l’occasion de la première alternance dans le pays. Mais la coalition au pouvoir qui tient la Malaise sans partage depuis 1957, date de l’indépendance du pays, resserre son étau sur cette démocratie fragile.

Tian Chua à Kuala Lumpur, novembre 2016. Photo Aude V.

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