Le privilège végétarien
Par Aude le samedi, 27 avril, 2019, 14h15 - On a les utopies qu'on mérite - Lien permanent
Vu d'ailleurs, la propension des Européen·nes éduqué·es à manger végétarien ou végan ressemble à un caprice de riches. Cela fait longtemps que le végétarisme et ses avatars sont un critère de distinction sociale : les moines bouddhistes prétendent ne pas manger de viande (beaucoup, dans la péninsule sud-est asiatique, se contentent de ne pas manger d'animal tué à leur intention précise), tandis que les brahmanes, aussi pauvres seraient-ils (1), restent la caste supérieure, trop pure pour manger avec les personnes du commun, celles qu'aujourd'hui on appelle les « carnistes ». Aujourd'hui, chez nous, le véganisme évoque désormais les restaus à burgers végans du 11e arrondissement parisien, un truc à la mode qui en plus se paie le luxe d'être riche en valeurs : droit des animaux, protection de l'environnement… Rien à redire sur le plan moral (encore que) mais pour l'écologie, on repassera : l'agriculture biologique est la seule qui fasse la preuve de sa capacité à nous nourrir sans dégrader les sols et le climat, et elle repose sur les apports des animaux (2). Dans On achève bien les éleveurs, l'éleveur (et donc aussi cultivateur) Xavier Noulhianne rappelle l'idée en quelques phrases :
« Dans la conception initiale de la bio il y a un lien entre la surface agricole et la quantité d'animaux qu'elle est capable de nourrir. On ne doit pas s'en écarter, ni dans un sens (trop d'animaux), ni dans l'autre (plus d'animaux). Ce n'est d'ailleurs pas un principe uniquement bio, c'est un principe qui court le long de l'histoire agricole et qui agit comme un antidote à l'industrialisation. Des engrais verts de temps en temps, oui, mais on ne peut pas faire sans les animaux. »
J'invite donc les végans à être un peu conséquents et à refuser cette agriculture-là, qui correspond si peu à leurs valeurs. Et je referme cette parenthèse pour revenir aux rapports de classe qui se jouent dans le véganisme avec la mode actuelle pour les produits végans. L'écologie est massivement investie par les classes aisées. Renouvelant le mépris de classe, comme j'en partageais l'intuition dans Égologie et comme le montre Matthieu Adam dans une excellente enquête (3), elles rendent cette valeur peu accessible, voire assez répugnante aux classes populaires pour qui c'est devenu un truc de bourges arrogant·es. Et cela malgré tout le potentiel de l'écologie sociale, celle qui a bien compris que la réduction des inégalités faisait partie de la solution pour baisser l'impact environnemental de toute une société. Le véganisme fonctionne un peu de la même manière, à convaincre des classes fières de leur rôle d'avant-garde éclairée, des militant·es aux hipsters et à ceux et celles qui les imitent, suscitant les sarcasmes et l'incompréhension des autres. Et cela bien qu'un régime végétarien bien composé soit le meilleur choix économique pour des familles pauvres, bien qu'un repas végan soit la meilleure option pour produire des repas collectifs bon marché et accessible à tou·tes, bien que tout le monde ait besoin d'une culture alimentaire (beaucoup) moins carnée et lactée.
C'est un paradoxe assez énervant, de voir que les végans sont assez conscient·es que manger c'est politique pour pouvoir acheter des produits animaux d'origine bio et paysanne mais préfèrent les produits les plus répugnants de la boutique bio, ceux qui sont le plus transformés ou produits le plus loin possible (tahin du Mali, lait de coco des Philippines, quinoa des Andes, baies de goji de l'Himalaya, noix de cajou d'Inde ou du Vietnam, etc.) et parfois tout simplement les plus dégueulasses (spéciale dédicace à l'une des marques de faux gras qui utilise comme ingrédient principal la levure – d'où le goût de… levure – tandis qu'une autre a la décence d'utiliser de la pâte de noix de cajou et de revenir ainsi au cas précédent). Ce mode de vie n'est-il pas celui d'enfants gâtés ? La viande industrielle, les trucs à deux balles gras et sucrés, tout cela qui est le produit d'une agriculture basée sur la concentration animale et la monoculture végétale, avec tous les problèmes sanitaires et écologiques qu'on sait, a produit un monde d'abondance alimentaire. Mais le mode de vie végan qui domine le paysage est celui d'un monde de post-abondance repu de trop-plein et qui, deux générations après avoir connu le rationnement, se permet de refuser un tas d'ingrédients, un peu comme les enfants de vos potes qui font les difficiles. La plupart des végans, ceux et celles qui profitent d'un choix en matière alimentaire jamais vu auparavant, pratiquent moins la sobriété qu'une hyper-sélection permise par une hyper-abondance. (Les omnivores en profitent autant, sauf que leur hyper-sélection peut porter sur le choix exclusif de filets ou de volaille à l'exception des autres viandes ou morceaux. C'est une abondance qui concerne tous les rayons.)
Il m'est arrivé de faire valoir que beaucoup de peuples sur terre avaient une dépendance vitale aux apports des animaux et j'ai déjà entendu des réponses à la « qu'ils mangent de la brioche », c'est à dire des invitations à changer d'endroit, de manière de produire et de vivre… C'est déjà peu charitable pour les gens qui vivent en France dans des vallées de haute montagne, qui dépendent de l'élevage et dont le mode de vie contribue au peu de diversité régionale qu'il nous reste. Ça devient carrément indécent quand il s'agit d'Inuits, de Mongols ou de plein de monde sur terre qui peut mettre entre une heure et un jour pour gagner de quoi se payer un litre d'essence (« qu'ils mangent leur bicyclette ! »). Par exemple, dans un petit village jakun au milieu de la jungle malaise, tout le monde pratique l'élevage en ayant des poules, des chiens, des chats. Les chiens avertissent quand il y a des éléphants ou des sangliers pas loin, les poules mangent les surplus alimentaires qui sont perdus en l'absence de réfrigérateur, quant aux chats… les gens du coin ne caressent jamais leurs chats mais ont un besoin vital de se débarrasser des rongeurs qui sans cela attireraient les cobras.
Loin de l'idée que nous avons d'être des superprédateurs – ce qui est vrai en tant qu'espèce ! – ces villageois·es, à une heure et demie de route de la première supérette, vivent des vies beaucoup plus précaires. Leurs relations avec les animaux sont plus variées et la puissance n'est pas toujours du même côté. Il y a vingt ans, l'arrière-grand-mère a été tuée par un tigre (on en voit encore à l'occasion) et une voisine a été piétinée par un éléphant. La tante est encore là pour raconter comment sa famille s'est jetée à coups de machette sur un ours qui les attaquait mais d'autres n'ont pas eu cette chance. Plus communément, les serpents mordent les paysan·nes qui dégagent des clairières, les sangliers viennent déterrer les racines de tapioca, les singes prennent la meilleur part des fruits et les éléphants saccagent les plantations quand les arbres sont encore jeunes : « Habiskan », ils n'ont plus rien laissé. Chaque nuit porte avec elle cette crainte. Les êtres humains sont aussi prédateurs : l'art de la sarbacane est encore maîtrisé même s'il est désormais interdit de tuer les singes, les villageois·es mangent des tortues et des grenouilles, tirent les faisans à la fronde, la saison des pluies intensifie leur chasse aux cervidés et aux sangliers, au piège ou à la lance, et toute l'année la rivière permet de se procurer du poisson. Ce sont de drôles de relations avec les animaux, bien plus riches que celles qui ont cours dans les pays où l'agriculture ne représente plus que 3 % des actifs et où nous ne sommes plus en contact qu'avec des chats et des chiens qui eux-mêmes ont peu de contacts avec leurs congénères.
Il n'est pas question d'utiliser ces exemples pour justifier la simple et bête prédation que les sociétés industrielles opèrent sur le monde animal – et végétal, et minéral ! – mais de montrer que les relations entre humains et autres animaux sont plus complexes que l'alternative simple entre prédation et protection que déploient de manière un peu paternaliste les militant·es de la cause animale. Les villageois·es vont aussi tous les mois faire leurs courses au supermarché, ramènent du poulet et des œufs qui sortent de l'usine ou se contentent d'anchois séchées quand leurs finances sont à sec. Comme nous, ils et elles deviennent alors les consommateurs et consommatrices de produits hors-sol et peut-être un jour seront-ils et elles tellement « avancé·es » qu'il pousseront un chariot végan ? Ce serait une sacrée perte qui viendrait consacrer la déforestation de la péninsule et l'administration du désastre.
Je voudrais pour finir rappeler deux choses : beaucoup de personnes dans le monde se procurent des protéines comme elles peuvent et n'ont pas besoin des bons conseils de citadin·es incapables de faire pousser autre chose qu'un basilic. Et puisque notre impact environnemental suit de manière assez mécanique notre revenu, devinez qui pourrit le plus la planète, du couple de paysan·nes qui gagne un Smic pour deux dans la vallée ou de l'amateur de faux gras à 5 euros les 200 g de levure ? De la foodie qui court les restaus végans ou de la famille d'autochtones malaisien·nes qui est la première génération à profiter d'une relative abondance alimentaire ? C'est une des raisons pour lesquelles, avec mon revenu et mon statut, j'aurais honte de refuser les anchois séchées dans le plat de riz du matin.
(1) Voir comment l'anthropologue omnivore et impur se voit privé de commensaux chez les brahmanes népalais dans Le Chemin des humbles, Rémi Bordes, « Terre humaine », Plon, 2017.
(2) D'autres agricultures sont possibles, sans domestication animale, comme la forêt-jardin équatoriale qui n'a pas grand-chose de commun avec les contraintes (densité démographique, sols, climat) de nos agricultures. Les Achuar d'Amazonie (Ph. Descola), comme les Batek de Malaisie (K. et K. Endicott, Lye T.P.) font ce qu'on pourrait appeler de l'agroforesterie végane mais pratiquent la chasse notamment aux abords de leurs « jardins » qui servent également d'appât à gibier.
(3) Mathieu Adam, « L’injonction aux comportements "durables", nouveau motif de production d’indésirabilité », Géographie et cultures, 98, 2016.
Commentaires
Je vous suis complètement dans votre critique des bobos végétariens/véganes, de leur utilisation du végétarisme comme outil de distinction sociale et de l'inconsistance de leurs postures politico-morales, mais je ne peux cependant m'empêcher de partager quelques observations avec vous: tout d'abord, comme vous l'affirmez vous même, "un régime végétarien bien composé [est] le meilleur choix économique pour des familles pauvres, [...] un repas végan [est] la meilleure option pour produire des repas collectifs bon marché et accessible à tou·tes". Il me semble donc que parler de "privilège végétarien" est totalement contradictoire de cette réalité économique tangible. Végétarien depuis une vingtaine d'année (végane depuis une quinzaine) je vis aujourd'hui avec 900 euros par mois... Je ne goûte donc que très moyennement le fait d'être qualifié de "privilégié"... Je comprends que votre propos traite d'une autre *classe* de végétarien-nes et véganes, mais une précaution oratoire aurait été appréciée. De même, l'alimentation végétarienne ne se réduit pas à la consommation de la dernière camelote transformée préférée des blogueurs véganes à la mode: on peut même s'en passer sans aucun mal, figurez-vous, et privilégier les produits locaux, écologiques et de saison. Merci de ne pas "jeter le bébé avec l'eau du bain" ! Bien cordialement
Merci pour votre intervention ! Oui, je pensais beaucoup au consumérisme végan mais j'ai quand même pris un peu de précautions en parlant d'alimentation végétale et sobre.
Un copain me signale cette anecdote : dans un endroit de moyenne montagne, les gens du coin ne connaissent pas de végan mais les voient à la télé ou les entendent à la radio. Évidemment que cette médiatisation, ce n'est pas pour dire que c'est très bon, une soupe au potiron ou des lentilles aux carottes cuisinées chez soi, mais pour promouvoir une alimentation basée sur des produits exotiques ou transformés, par des chefs créatifs/ves, une alimentation qui fait rêver ou se sentir coupable, une marchandise de plus qui contribue à la gabegie ambiante.
Bah évidemment, si vous prenez comme exemple les vidéos de Kardinal concernant le choix de Dock Marteens vegan fabriquées au Vietnam par des ouvriers qui gagnent 150 $/mois (le prix d'une paire de pompes, donc), les restaus du 11ème arrondissement (???? apparemment on est tous censés connaître ou quoi ??), ou encore les familles vivant en "moyenne montagne" qui n'ont jamais vu de végétaliens ailleurs que sur leur smart-tv de 52 pouces... Votre copain a sans doute revu "Les Bronzés font du ski" avec un coup dans le nez...
En basant une réflexion sur ce genre d'exemples, vous me rappelez les sociologues qui s'étaient jetés comme un seul homme sur l'étude du "Loft" et des pseudos nouvelles relations à la sélection et au travail qui étaient supposées en naître (vu que l'expulsion du Loft signifiait la richesse et la gloire dans la "vraie vie").
Bref, c'est pas sérieux.
Votre réflexion caricaturale porte sur l'industrialisation d'une alimentation et toutes les critiques que vous portez s'appliquent bien plus au régime carné (je vous signale qu'à Auchan, Carrefour, etc, donc pas dans des boutiques hipsters du 11ème, hein, on vous vend de la viande de kangourou, par exemple), les omnivores ne crachant pas sur les plats préparés bourrés l'huile de palme, mangeant des noix de cajou à l'apéro, etc.
S'en prendre aux végétaliens parce qu'ils consomment des produits transformés, c'est le comble de la mauvaise foi : parce que les carnistes préparent eux-mêmes leur sauciflard ? Parce que les omnivores meulent eux-mêmes leur blé et raffinent leur farine avant de faire des crêpes ? Nawak.
Je ne sais pas combien de végétaliens vous ont sorti que les Inuits n'avaient qu'à manger leur moto-neige pour que vous vous permettiez d'en tirer de telles généralités. Car tout pareil qu'en "moyenne montagne", les Inuits ont accès à tout le confort moderne, et donc aussi aux céréales, fruits et légumes. Et au coca-cola. Et oui, bienvenue au XXIe siècle !
Par ailleurs, il faudrait aussi distinguer un régime carné du "tiers-monde" de celui des Français ou des Américains consistant à bouffer viande + charcuterie + produits laitiers + oeufs TOUS LES JOURS. Aucun rapport avec 3 morceaux de poulet ou de poisson dans un bol de riz ou dans une tortilla chez moi au Mexique.
Paul Ariès, sortez de ce corps !
Je ne m'arrête pas sur les observations qui relèvent du relativisme culturel, ça nous emmènerait bien trop loin.
Bonjour,
Que le veganisme serve d'instrument de distinction au service de la bourgeoisie est indéniable. On peut en dire de même de la littérature, de la philosophie, de la lecture du Capital et de Lundi Matin, de la défense d'une petite paysannerie réifiée, de la critique du 20h de TF1 ou de la dénonciation du FN.
Je trouve que votre rhétorique est un peu la même que celle qui consiste à dire que s'opposer à la répression des migrants est un privilège de star de cinéma.
Pour finir, en évoquant certaines formes de distinction liées au veganisme, vous laissez de côté toutes celles qui portent sur la consommation de viande. Comme si la consommation de certaines viandes, et certaines manière de la consommer, ne servaient pas aussi de faire valoir à la bourgeoisie, de prétexte au racisme de classe ou au sexisme.
Les questions écologiques que vous posez me semblent toutefois légitimes et votre prise de position m'a intéressé.
Cordialement
Bonjour,
Que le veganisme serve d'instrument de distinction au service de la bourgeoisie est indéniable. On peut en dire de même de la littérature, de la philosophie, de la lecture du Capital et de Lundi Matin, de la défense d'une petite paysannerie réifiée, de la critique du 20h de TF1 ou de la dénonciation du FN.
Je trouve que votre rhétorique est un peu la même que celle qui consiste à dire que s'opposer à la répression des migrants est un privilège de star de cinéma.
Pour finir, en évoquant certaines formes de distinction liées au veganisme, vous laissez de côté toutes celles qui portent sur la consommation de viande. Comme si la consommation de certaines viandes, et certaines manière de la consommer, ne servaient pas aussi de faire valoir à la bourgeoisie, de prétexte au racisme de classe ou au sexisme.
Les questions écologiques que vous posez me semblent toutefois légitimes et votre prise de position m'a intéressé.
Cordialement
@J, je m'attache dans d'autres écrits à débusquer les stratégies de distinction des militant·es (et je m'inclus parfois dedans). C'était le cas dans Égologie, sur les alternatives écolo, et le prochain aborde les questions de féminisme.
Bonjour Aude, et merci pour ce texte intéressant qui a le mérite de lancer un débat que je crois vraiment important aujourd’hui.
Bien sûr, j'ai aussi quelques points de désaccord avec vous... Car si on essaie pas de faire un peu dans les nuances, on en arrive à faire des amalgames qui n’aident pas à penser ni les questions d’écologie, ni les questions sociales, ni rien du tout.
Déjà, je crois que vous soulignez très bien que parler des « carnistes » ne veut rien dire. C’est tout aussi vrai des « végans ». Tous les végans ne sont pas des bobos du 11e qui boivent par litres des conserves de lait de coco venus de Thaïlande et qui partent aux Canaries tous les étés. Il y en a d’autre qui sont au RSA, au SMIC, ou autre, qui vivent à la campagne ou en tout cas hors d’Ile-de-France mais qui font le choix du véganisme pour des raisons morales et environnementales. Le véganisme en soi est de toute façon un non-sens biologique et écologique (ce n’est pas viable sans complément alimentaire de synthèse, donc sans pétrole). Mais à l’heure actuelle, un véganisme raisonné est peut-être le meilleur choix à faire si on ne veut pas tous finir rôtis à un horizon plus ou moins proche suivant les scientifiques (et c'est une vraie question, je n'ai pas la réponse). Après, si jamais la société change, peut-être que le véganisme pur et dur deviendra inutile, mais pour l'instant je peux comprendre celles et ceux qui font ce choix-là tant pour des raisons morales qu'écologiques.
Je ne suis pas végan, mais je fais le choix de consommer peu de produits laitiers parce que dans notre société actuelle, ces produits aussi constituent un problème pour l’environnement. J’en prends donc de façon raisonnée, ce qui n’induit pas que je dise à qui que ce soit de manger de la brioche et/ou son vélo. Chacun.e doit faire ses choix en fonction de ce qu’on lui propose et de ses possibilités. Pour le végétarisme, c’est pareil : je ne suis pas végétarien dans l’absolu, je le suis car les conditions de vie et de mort des animaux dans nos sociétés sont désastreuses. Si je vivais dans un village reculé d’une contrée encore plus reculée, je mangerai bien entendu de la viande plutôt que de crever de faim. Mais j’essaierai de le faire suivant des principes moraux et environnementaux que j’estime les meilleurs. En somme, que l’agriculture bio demande des fertilisants animaux ne pose pas de problèmes à tous les végans pas seulement par ignorance, mais aussi parce que, comme le dit ma compagne, « si c’est fait dans le respect de l’animal, ça me convient ». Et quitte à parler des conditions de vie des un.e.s et des autres, et bien parlons aussi des végans parisien.ne.s : quand on vit en ville on ne peut pas forcément vérifier d'où viennent les produits y compris les bio, et donc du bio peut logiquement sembler être un meilleur choix pour un.e végan que des trucs industriels hyper- polluants et pollués.
Bref, qu’il y ait des idiots végans, on est tous d’accord là-dessus je crois, mais mathématiquement il y en aussi beaucoup parmi les « carnistes » ; donc c’est pas en grossissant la loupe qu’on arrivera à juste équilibre.
En partant du postulat que les vegans sont des privilégiés raffinés qui mangent exotiques évidemment que l'on arrive à cette conclusion ! Comparer a fortiori le "pire" vegan au "meilleur" carniste biaise le débat sur le végata r/l isme, et néanmoins, écologiquement je persiste à croire que l'impact environnemental liée à l'alimentation est plus faible chez un vegan privilégié que chez un éleveur "vertueux". Et en tout état de cause, entre un Malaisien et un Français, y a pas photo, à quoi vise cette comparaison ? En s'adressant aux Français la question est polluons-nous plus en mangeant ou non de la viande ? et la réponse relève de l'évidence la plus criante, inutile de la cacher sous le prétexte que le végéta r/l isme se voit instrumentalisé -et non confisqué- par une mode "vegan"... Vous le savez bien, quel est au final l'enjeu et l'intention de cet article ?
Bonjour, je voulais rejoindre B. (le premier commentaire) c’est extrêmement agaçant de se voir taxée de bobo (néologisme fourre-tout n’ayant pour sens que celui que lui donne la personne qui l’attribue au-dit bobo) parisien.ne. Provinciale, Végétarienne depuis 9ans, vegane depuis 5 ans, connaissant un certain nombre de végés, je peux affirmer que parmi les 3/4 des personnes concernées sont très loin de ce vous décrivez. Après, je ne peux parler que de ce que je connais : mon département... recouvert à 80 % de terres en monoculture intensive servant à nourrir le bétail
Merci pour cet article éclairant, je voulais par contre revenir sur deux petits points :
Dans les monastères bouddhistes de Chine/Corée/Japon/Vietnam on mange vraiment végétalien, et des restaurants y sont parfois ouverts aux visiteurs (dont les omnivores à tendance végétalienne comme moi). et ce ne sont selon les cas des plats de base très simples mais très bon, très abordables et fait de produits locaux, d'autrefois plus touristiques avec des faux poissons/saucisse/poulet à base de tofu, et alors plus onéreux. Mais c'est surtout une tradition du taoïsme qui à commencé il y a au moins 2500 ans que le bouddhisme chan/son/zen/thien (branche du mahayana) a intégré à sa culture par syncrétisme. Ça n'est par contre pas une contrainte des bouddhisme vajrayana (Tibet, Mongolie, complètement dépendant des animaux pour s'alimenter en raison du climat et de la végétation liée), et je ne sais pas pour le theravada (Asie du Sud-Est moins Vietnam et Sri Lanka). Les moines du mahayana et du taoïsme sont réellement vegan, par contre, pas d'interdiction de l'alcool, parfois même au contraire.
Les baies de goji ne sont pas de l’Himalaya mais du désert de Gobi, plus précisément dans la région autonome Hui du Ningxia, au Nord de la Chine.
L'agroforesterie, liée au techniques de permaculture, semble être une des seules voies viables pour lutter contre les déforestations et l'effet de serre tout en permettant à l'humanité de se nourrir et sans que cela ne coûte trop cher aux humains. Elle est forcément indépendante des animaux, en raison des échanges indispensables pour les animaux comme les plantes qui y vivent. Des champs de plus petite taille avec d'avantage de buissons et arbre ou arbrisseaux autour en permaculture (plantes fixatrices d'azote, échanges entre plantes avec les champignons, etc..), comme avant les lois du remembrement, serait déjà un grand progrès.
Quelques pistes sur les raisons historiques du remembrement :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Remem...
@Avril, je parle de gens normaux en milieu rural et vous me répondez qu'ils ont une télé de 52 pouces, ce genre d'objet-repoussoir pour personnes politisées/cultivées. Et vous me reprochez mon manque de sérieux, alors que vous fantasmez sur eux d'une manière assez peu charitable ?
Sur les Inuits : oui, les Inuits ont certainement accès aujourd'hui à une alimentation industrielle et hors-sol, qu'ils doivent se payer en dollars, abandonnant une économie de subsistance. De même que les Mongols. Je prenais cet exemple (je connais un peu mieux les Maasai) de peuples très dépendants de la chasse ou de l'élevage et des produits d'origine animale dans leur alimentation. J'ai vraiment entendu répondre à cet exemple par des militant·es végan·es que ces gens-là devaient abandonner leur mode de vie traditionnel (et leur territoire) pour pouvoir changer de régime.
C'est ce qui se passe en ce moment, je m'en doute bien et c'est le cas dans une moindre mesure pour les Jakun de Malaisie péninsulaire que je décrivais. Et c'est un problème, que le mode de vie industriel, son agriculture (centralisée et polluante), son alimentation et le reste, soient en train de s'imposer au monde. Et la conséquence va des difficultés auxquelles sont confrontés les éleveurs artisanaux à la disponibilité des haricots verts sous serre de l'Ontario jusque dans les supermarchés du Nunavut.
Et visiblement ça ne vous titille pas, cette disparition de variété humaine, ce mode d'alimentation hors-sol. Il suffirait juste qu'il devienne végan ? Je pense exactement le contraire : c'est moins le type de production (végétale ou animale) que le mode de production (artisanale et autonome ou industrielle, hors-sol et fortement émettrice de gaz à effet de serre, à la production comme au transport) qui devrait faire l'objet des préoccupations des militant·es qui disent se soucier de l'environnement. Je l'exprime peut-être mieux dans la présentation du livre On achève bien les éleveurs.
"Paul Ariès, sors de ce corps", je le prends un peu comme le truc sur la grosse télé au début pour laisser entendre qu'on parle de gros beaufs. C'est insultant, à quoi bon si vous voulez qu'on échange respectueusement ?
Quant au 11e arrondissement parisien... Personne n'est censé connaître super bien la géographie de Paris. Mais vous savez que c'est la capitale d'un pays centralisé, qu'elle fait donc l'objet d'une concentration de richesses. Je parle de burgers végans, le burger étant un plat très à la mode en France (et ailleurs, autant que je sache) depuis plus de cinq ans (il n'est peut-être déjà plus à la mode, d'ailleurs) et de l'effet de mode de l'alimentation végane, avec ses injonctions et ses followers. Vous pouvez donc en déduire que le 11e est un quartier à la mode (il n'est peut-être plus à la mode, d'ailleurs) sans savoir s'il est rive droite ou rive gauche ni si je parle de Bastille ou de Ledru-Rollin. Vous vous en fichez, je m'en fous et tout le monde s'en fout, où les hipsters parisiens vont manger leurs plats végans à 15 euros (16 dollars US au cours d'aujourd'hui).
@Arnaud, je pense aussi qu'une alimentation plus sobre en produits animaux est une nécessité vitale. Mais les végans qui en font un truc identitaire ou de distinction ou moralisateur ou intransigeant font-ils avancer cette prise de conscience ?
J'ai l'impression, à entendre des gens de L214, que les questions écologiques leur servent de pied dans la porte et qu'ils se foutent des questions agricoles. Je pense au contraire que c'est les questions agricoles dans son ensemble qui doivent être prises en considération car l'agriculture productiviste dans son ensemble est super émettrice de gaz à effet de serre, pas les productions animales en général.
Je promeus ce qu'il reste d'agriculture paysanne et chaque fois que j'entends de la part d'omnivores qui ont les moyens l'argument selon lequel c'est trop cher, je les invite à consommer des produits moins transformés et plus végétaux.
J'espère ne pas trop contribuer au clivage qui me désole parce que du coup il reste peu de monde pour promouvoir réduction de l'alimentation d'origine animale et orientation vers l'alimentation d'origine paysanne.
@C., l'enjeu de cet article, c'est de sortir de cette imposture selon laquelle le véganisme est une solution à la crise environnementale et de poser la question du mode de production. Car l'alimentation végane que je stigmatise ici, sans souci pour les questions agricoles, moralisatrice et bouffeuse de monde (comme l'alimentation omnivore mainstream !) n'est pas une réponse appropriée. (Ce n'est pas la seule alimentation végane et j'en profite donc pour tresser des lauriers à toutes les personnes qui cuisinent avec des ingrédients simples, locaux et végétaux et font des soupes de légumes sans lait de coco !)
Loin de moi l'idée de promouvoir la barbaque à tous les repas et je vais plus souvent à des cantines véganes que dans des restaurants de grillades. Parce que je pense bien qu'en adoptant une alimentation plus végétale on peut réduire son empreinte environnementale mais il faut se poser en même temps les questions du commerce mondial de produits agricoles et du mode de production industriel. Et ne pas faire de son mode de vie un truc identitaire, supérieur aux autres et qui empêche de promouvoir sérieusement la réduction de la consommation de produits d'origine animale.
C'est pour ça que je mets en avant le fait que des populations pauvres et rurales, encore un peu marquées par une économie de subsistance, ont une alimentation omnivore, pour montrer que cette importance de l'animal dans les sociétés humaines, elle est compatible avec un mode de vie sobre.
Et d'ailleurs, dans la consommation de viande qui est aujourd'hui dominante, ce lien avec l'animal disparaît : les usines sont cachées, les animaux ne sont plus discernables dans la forme sous laquelle ils sont proposés (le filet déréalise l'animal quand ailleurs on mange les pattes des poulets). J'ai l'impression que cette consommation hors-sol et que le véganisme ont des points communs, ils se rejoignent d'ailleurs dans la promotion de la viande de culture cellulaire, la viande in vitro. (Et non, je ne dis pas que tous les végans sont pour la viande en vitro mais de fait, des assos véganes le font.)
@Paprika, je voudrais alerter mes ami·es qui trouvent le véganisme séduisant du fait qu'il y a plein de choses très intéressantes à faire pour lutter contre la monoculture d'aliment du bétail et que le véganisme, c'est aussi un big business dans lequel s'engagent les GAFA (Facebook and co), des modes pour classes aisées (voir ici un super article sur le business végan au Royaume-Uni : https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2018/apr/01/vegans-are-coming-millennials-health-climate-change-animal-welfare) et qu'il faut se poser autrement la question de comment on va vivre sur cette planète que par le clivage animal/végétal.
L'enjeu, c'est de réduire la consommation de produits d'origine animale et l'emprise de l'agriculture productiviste, pas de se scléroser sur des modes d'alimentation "purs" à haute valeur identitaire et distinctive. Les végans que je connais sont aussi pas très riches et assez radicaux politiquement mais leur question est mal posée. C'est le premier truc que vous me dites : je suis végane plutôt que je refuse les produits animaux/je mange bio/je mange local alors qu'il s'agit bien de manger et non d'être.
D'autre part vous ne trouverez pas trop le mot bobo dans mon blog, sauf quand il est question de faire des classes créatives des centres-villes un objet repoussoir. Je pense d'ailleurs faire partie des gens qu'on peut qualifier de bobos parce que je fréquente des gens qui ont cette sociologie même si je suis par ailleurs chômeuse de longue durée et bénéficiaire des minima sociaux (donc : un cas soc' bobo).
@Toto, ce sont de sacrées précisions ! Mon exemple est celui de bonzes theravada. Comme en Asie orientale la consommation de lait n'est pas importante traditionnellement, l'alimentation végétarienne est souvent végétale.
Sur l'agroforesterie, je ne sais pas mais gardons en tête que tous les écosystèmes sont différents et que partout l'être humain a appris à vivre, avec les animaux ou sans eux. Et les végans (à L214 pour ceux et celles auxquel·les j'ai eu affaire) qui disent que l'être humain a colonisé la Terre bien en-dehors de sa niche écologique, ils refusent la diversité de l'humanité et n'ont pas grand chose à proposer en matière d'agriculture adaptée aux sols, aux climats, aux cultures et aux techniques...
Une dernière précision : si je dis "les végans, qui font de leur cause une caractéristique identitaire, bla bla", la proposition relative est une incise qui ne change pas le sens de la phrase. Mais "les végans qui font de leur cause", c'est une relative qui change la nature du nom et précise de quoi on parle : pas de tou·tes les végan·es mais de ceux et celles qui...
Salut,
j'ai lu l'article et survolé les commentaires. Il me semble que globalement ces commentaires pointent la caricature que tu fais du véganisme. Et tu n'as pas l'air de vouloir l'entendre.
Tu pointes des pratiques et des discours sans intérêt qui ont peu de chose à voir avec le véganisme en tant que problématique. Tu t'en sors en disant que c'est à la mode, que c'est capitaliste, et que tu ne connais rien d'autre que cet aspect superficiel... c'est un peu court pour qui dit vouloir traiter du sujet.
Le véganisme est intéressant dans la mesure où il pose la question du rapport à l'animal. C'est-à-dire qu'il invite à problématiser ce rapport - y compris dans les sociétés "traditionnelles", y compris dans les formes d'élevage écologiquement acceptables - telles que peuvent les pratiquer certains de nos camarades dans les campagnes aujourd'hui par exemple.
Cette problématique du rapport à l'animal n'est pas réductible aux discours et pratiques du monde agricole, loin s'en faut - quand bien même on parle de sociétés tribales ou d'agro-écologie nec plus ultra. C'est un problème philosophique, politique, éthique, technique aussi évidemment.
Vis-à-vis de la question "animale" - je pense à un radical changement de paradigme qui pourrait mobiliser toutes les composantes des sociétés contemporaines. Des questionnements qui viendraient bousculer nos habitudes en la matière, nos représentations. Quand bien même cela va l'encontre de traditions millénaires ou d'évidences partagées. C'est un peu la même chose quand on a posé la question de "la femme", c'est-à-dire à remettre en question des évidences qu'aucune société, à aucune autre époque, n'avait envisagées de remettre en question.
Dans ce registre, il s'agit non pas de pointer la bêtise d'andouilles convaincus de sauver le monde en achetant du lait de soja, se trouvant un ennemi de circonstance ; non plus en critiquant le fait que le capitalisme a fait de cette problématique un marché, comme il le faut pour toute chose. Il s'agit de chercher là où cette problématique peut nous mettre en défaut, dans des endroits tenus encore secrets, dans les replis de nos habitudes et de nos préjugés. Les éleveurs auraient sans doute beaucoup à apprendre à partir de ce genre de questionnements.
Et ils auraient aussi sans doute beaucoup à dire - sur cette fragilité là. Et s'il évident que des attaques frontales et imbéciles sur leurs pratiques ne permettront jamais à cette parole d'éclore, il est tout aussi vrai que ce n'est pas avec ta critique superficielle de la bêtise ambiante que cette parole là pourrait surgir.
Allez encore un petit effort...
@Bob, je ne fais pas de caricature du véganisme, je montre ce qu'il est aujourd'hui et maintenant (il est en effet caricatural) dans ses manifestations les plus significatives sur le plan matériel et idéologique, celles sur lesquelles tout un chacun se trouve confronté s'il n'est pas en contact avec des cercles plus confidentiels. Parce que dans notre petit monde on se pose plein de questions passionnantes : je connais des végans féministes, d'autres anarchistes et même des anti-indus. Et c'est ces derniers qui m'intéressent le plus parce que je vois bien que le véganisme tel qu'il s'impose aujourd'hui est une évolution de la société industrielle vers une "administration du désastre", une gestion de ressources menacées par le changement climatique et autres alors comment en faire autre chose, une critique radicale de l'élevage mais aussi de la société post-élevage que préparent les GAFA et d'autres gros acteurs capitalistes ?
Le véganisme ne devient pas mainstream parce que les milieux radicaux emportent une bataille culturelle, non, il devient mainstream parce que ça correspond à ce mouvement de fond, cette transition qu'on pourrait aussi présenter comme la préparation au pire (voir la collapsologie et Macron qui prépare la "fin du monde"). Et accessoirement parce que les productions animales sont un secteur qui rapporte trop peu et trop lentement au regard des standards capitalistes.
Moi en tant qu'écolo, je me foutais en rogne en voyant la récup, le greenwashing et le refus d'adapter nos sociétés aux contraintes environnementales. C'était tout le contraire de ce qu'était pour moi l'écologie politique et je prenais soin d'expliquer la différence entre les deux rapports à la nature et à la société. Mais quand je parle à des végans, c'est front commun ! De L214 aux cantines véganes autogérées, ça se mélange sur des bases idéologiques faiblardes, comme un avatar de la société industrielle. Et les réactions à ce billet me désolent à ce titre parce que j'aimerais mieux lire : Oui, vous avez raison, il y a en effet un consumérisme végan déconnecté de tout regard politique sur les questions d'agriculture, de ruralité et de lutte des classes mais pour moi c'est autre chose.
Ce serait bien si on pouvait échanger sur des bases idéologiques solides (dans lesquelles figurerait la critique de l'industrialisation de l'agriculture et de l'habitat) mais à part te foutre de la gueule des andouilles avec leur lait de soja, et de t'en distancier pour suggérer la valeur de ta réflexion à toi, tu ne me donnes aucune matière.
Ah si, "la femme"... Ben non ! La différence entre les luttes des humain·es exploité·es et opprimé·es et celles des animaux, c'est que les humain·es parlent et que les luttes animalistes sont menées par des humains. Un peu comme si le féminisme, c'était les travaux de la Société des hommes pour l'avancement des femmes. C'est gentil mais non !
Et oui, les éleveurs ont beaucoup à apprendre aux végans qui sont trop nombreux à les caricaturer (y compris chez les camarades) en ploucs et en imbéciles. La première caricature étant de mettre le même mot pour une usine à cochons de mille têtes et pour une vingtaine d'animaux élevés en plein air dans leur habitat préféré. Mais comme c'est de leur relation avec les animaux qu'on parle, je pense que c'est d'abord les végans qui doivent comprendre comment elle se vit de leur côté (y compris pour partager leurs observations de ces animaux qui ne parlent pas mais communiquent beaucoup). Après, il y a des éleveurs qui se posent des questions sur le fait d'administrer la vie et la mort d'animaux avec lesquels se nouent des relations complexes et parfois contradictoires. Ils sont ouverts à la discussion mais pas à se faire expliquer la vie par des personnes qui n'ont pas cette expérience très concrète de vivre avec des animaux, des moments sympa et des moments pénibles pour les deux parties.
tu veux poser le débat suivant des bases solides ? c'est exactement ce que la plupart des commentaires t'invitent à faire à propos du véganisme, à juste titre.
bonne continuation
Mais Aude, je voudrais bien vous dire que votre approche de ce qu’est le mouvement végane est juste. Que nous sommes des privilégiés parce qu’effectivement quand on crêve de faim on a autre chose à faire que de s’intéresser au sort des autres et encore moins au sort des autres espèces animales. Clairement sur ce dernier point, c’est juste.
Mais je suis désolé le : vous ne connaissez rien aux animaux, les éleveurs aiment leurs animaux, vous faites importer des produits exotiques etc : c’est faux. Certains le font, d’autres pas du tout. Je connais des veganes qui sont vétérinaires ( j’en connais qui sont au RSA aussi). Les véganes ne sont pas une entité ayant une doxa qu’elle voudrait imposer au monde. Pas plus que les écologistes ne le sont ou les féministes ( je me compte dans les 3 d’ailleurs) C’est l’ecologie qui m’a amené au végétarisme, c’est le féminisme et l’intersectionnalité des luttes qui m’ont amenée au veganisme.
C’est cette généralisation faite par les médias en général que je vous reproche. Pourquoi tout de suite tomber dans cette caricature du citadin aisé qui n’a jamais d’animaux de ferme qu’au Salon de l’agriculture ?
La plupart des gens ne savent même pas ce qu’est le véganisme, ni même ce qui compose leur propre nourriture : « mais tu manges du pain , il y a du lait ou des œufs dans le pain ! Et crevettes ? Et tu ne mets pas d’huile ? Je peux mettre du beurre, tu en manges ? Tu manges pas de bonbons à la gélatine, mais ce ne vient pas des animaux ! »
Personnellement et ce n’engage que moi, je ne veux simplement générer le moins de souffrance possible que ce soit envers mes congénères ou envers d’autres espèces. Et j’habite à la campagne. L’élevage paysan n’existe que très peu en France, je ne vois jamais de prés avec des cochons, des moutons, d’élevages de poules en plein air... quelques vaches seulement. Les autres se contentent de survivre en box. Tout en générant une pollution incroyable (coucou les plages de Bretagne toutes de vert alguées)
@Paprika et @Bob, merci d'être resté·es pour suivre la discussion.
Non, je ne pense pas qu'il y ait un seul type de végan mais que l'engouement actuel qui rend le véganisme visible et à terme majoritaire (je suis convaincue que Soleil vert, ce film d'anticipation où les gens sont parqués en ville et alimentés au "soja", est l'avenir de l'humanité dans l'état actuel de notre fuite en avant et le business de la post-viande prépare ça activement) n'est pas le fait d'activistes écologistes et féministes et anarchistes mais d'une évolution du capitalisme.
Il m'est aussi arrivé de commander à manger pour deux végans lors d'un camp d'été écolo que j'organisais et la serveuse était incapable de réfléchir aux aliments qui étaient d'origine animale et à ceux qui ne l'étaient pas. Pareil : euh du maïs en boîte ? euh des œufs durs ? euh des tomates ? (Oui, c'était pas génial, cette salade.) On est dans une société industrielle et hors-sol où la question alimentaire mérite d'être jugée plus importante, notamment parce qu'elle a un gros impact écologique, et où les militant·es de la cause animale pourraient contribuer à ces prises de conscience en promouvant une alimentation moins dépendante des produits animaux et en en investissant les endroits où on s'inquiète des dérèglements de l'agriculture et de ses alternatives bio et paysanne. (Ce qui empêche peut-être aussi les pratiques agricoles véganes de s'améliorer et de ses diffuser, parce qu'il y en a quelques-unes.)
Au lieu de ça, il faut entendre que l'agriculture paysanne n'existe plus ou plus trop alors autant la jeter à la poubelle (non, @Paprika ! puisqu'elle est en danger, autant la défendre ! d'autant qu'elle correspond aux aspirations d'une majorité de la population). Et au lieu d'aider les gens à transitionner et à réapprendre à cuisiner avec moins de produits d'origine animale, la plupart des végan·es sont dans une posture plutôt identitaire ("je suis ça parce que je mange ça" et non "je mange ça parce que je pense que") où manger (beaucoup) moins de viande ou de produits laitiers, manger local et de saison, manger des produits de l'agriculture paysanne, on s'en fout, l'important c'est d'être végan·e et on ne va nouer aucune alliance avec des omnivores. C'est bien. La plupart des gens que je connais, qui sont conscientisé·es et assez écolo, se sentent comme des merdes parce qu'ils et elles ne sont pas végan·es et font le projet à long terme de l'être ou bien ne changent rien à leur alimentation parce que de c'est trop difficile.
Si c'est d'écologie qu'il est question, c'est toujours mieux de manger moins de produits animaux. Si c'est de pureté, il faut être végan·e. Mais l'écologie n'est pas une affaire d'identité.
Je n'apporte rien au débat, @Bob ? J'ai publié un livre d'entretiens avec des éleveurs et des allié·es qui sont assez opposé·es au véganisme et pour qui ce qui compte, c'est le mode de production industriel. Je pose donc cette question en préface du bouquin qui est en ligne ici (texte dont je signalais l'existence plus tôt dans la conversation). Est-ce qu'on peut faire alliance contre Justin Bridou et Herta ou est-ce vous allez faire faux bond quand il n'y aura plus que du soja texturé dans leurs gammes ? Est-ce que vous êtes aussi attentifs/ves à l'évolution du capitalisme vers des productions véganes que vous l'êtes à me répéter que je fais fausse route et qu'il n'y a pas comme je le dirais dans mon texte qu'un seul profil de végan·es (ce que je n'ignore pas puisque je fréquente les milieux anars et féministes et les cantines véganes) ? Est-ce que les questions agricoles vous intéressent dans toutes leurs dimensions ?
Pour moi, la vraie morale, ce n'est pas de se dire qu'il ne faut pas contraindre ou tuer les animaux (lesquels ? les insectes font-ils partie de votre communauté dont les frontières spécistes ont disparu ? les éponges ? les vers de terre que l'agriculture conventionnelle extermine en tuant leur habitat ?), c'est de contribuer à un monde plus vivable pour les humain·es, les autres animaux et les végétaux.
Mais bien sûr que je suis pour l’agriculture paysanne : quand je vois le paysage chez moi, de champs de céréales à perte de vue, ça me déprime. Même pas de haies de blocages, l’eau du robinet est déconseillée aux personnes immuni déficiente, aux jeunes enfants, aux femmes enceintes et aux personnes âgées ! Je ne vois pas comment je pourrais être pour l’agriculture intensive. Avec cette réserve que toutefois, on ne peut pas nourrir une population aussi nombreuse que celle actuelle sans intrants chimiques. Le rendement en bio n’est pas assez important.
Je reviens par ailleurs sur l’idée que se font les gens des véganes, je pense que vous oubliez le côté animaliste qui anime la plupart des veganes ( un vegane qui ne le serait que pour sa santé et pour l’environnement ne le resterait pas longtemps). La souffrance animale est vraiment au cœur du mouvement ( d’où certaines réactions épidermiques). Il faut bien comprendre qu’à partir du moment où on a conscientisé, si je puis dire, le fait que les animaux non humains sont conscients, sont sensibles, ont des envies, des amis, des congénères qu’ils apprécient , d’autres qu’ils n’aiment pas et, pour beaucoup, une promo culture, il est très très compliqué de se dire ; « ah tiens, je n’ai pas besoin de manger d’animaux ni d’exploiter d’animaux pour vivre, mais c’est pas grave j’aime ça alors je vais continuer à les manger ( même si j’ai vu des images d’abattoir) et à les exploiter ( parce que c’est bon le fromage) »
Je ne comprends absolument pas comment on peut prétendre aimer des animaux et les envoyer à la mort. J’appelle ça « aimer s’occuper des animaux », ce qui me semble complètement différent pour le coup. On ne peut pas tuer quelqu’un avec amour en vue de se servir de son cadavre pour le manger.
Il y a également une composante du veganisme à laquelle beaucoup de gens ne pensent pas et qui réside dans l’idée de pureté dont vous parlez: aucun vegane ne peut prétendre ne faire aucun mal à des animaux pour la bonne et simple raison que c’est impossible. On marche, on écrase des insectes, on vit dans des maisons, on est sur le territoire de plusieurs animaux, on prend parfois des médicaments qui contiennent du lait ou de la gélatine, qui ont certainement été testés sur des animaux... c’est moins une question de perfection que de « je fais de mon mieux pour limiter mon impact sur la vie des autres ».
Je ne saurais que trop vous recommander d’aller faire un petit tour sur le forum vegeweb où vous trouverez certainement matière à approfondissement. J’apprécie beaucoup cette conversation ( même si je déteste écrire sur tablette)
@Paprika, je ne rencontre pour ma part pas assez de végan·es que les questions agricoles intéressent, alors je suis contente quand c'est le cas.
Sur l'amour des éleveurs pour les animaux, plein de gens aiment leur chat·te ou leur chien·ne et les castrent ou les stérilisent. C'est un geste d'élevage, qui est douloureux et difficile à assumer, mais qui correspond à des contraintes (pas incontournables mais assez prégnantes pour que des gens fassent ce choix qui leur permet d'éviter une surpopulation ou des comportements agressifs qui peuvent valoir des blessures à leurs animaux de compagnie). Empêcher des animaux de se reproduire ou les réformer/faire abattre, c'est un peu la même logique violente et pourtant, il y a aussi de l'amour et du soin.
Sur la capacité de l'agriculture biologique à nourrir tout le monde, je vous renvoie au livre de Jacques Caplat, L'Agriculture biologique pour nourrir l'humanité. L'agriculture conventionnelle met en danger la vie des sols (et des vers de terre), des insectes pollinisateurs et en plus elle a des rendements décroissants puisqu'elle détruit peu à peu le sol sur lequel elle produit, comme un capital, un legs des pratiques agricoles non-chimiques (je ne dis pas bio, bio c'est plus technique et de meilleur rendement que l'agriculture "traditionnelle) lui ont laissé... D'autant qu'en arrêtant les cultures de l'aliment du bétail pour les productions animales hors-sol, il y a une sacrée marge de manœuvre !
Salut Aude,
j'ai lu ton texte dans l'Ire des chênaies. Ce n'est selon moi pas ton meilleur puisque tes précautions oratoires sont somme toute limitées et que tu n'as pas tenu pour si important que ça la distinction entre le véganisme consumériste et le véganisme anti-indus décroissant (tu n'as en effet pas insister sur la chose, et t'es contentée d'une discrète proposition relative... - celle-ci me rappelle d'ailleurs le texte de PMO, Ceci n'est pas une femme, avec les mêmes conséquences en terme de réception chez les alliéës potentièles...).
Quoi qu'il en soit, j'ai une question de fond pour toi en terme d'agronomie. Vu que mon approche en terme de cycle de la matière organique est très simple et basée sur l'agriculture familiale pour l'autoconsommation (tu cultives, tu manges, tu chies, tu compostes, tu épands, tu cultives, etc.), j'aurais besoin que tu étaies ton assertion :
« l'agriculture biologique est la seule qui fasse la preuve de sa capacité à nous nourrir sans dégrader les sols et le climat, et elle repose sur les apports des animaux (!)»
Exportations --> apports, ok. Animaux (non humains, je comprends) par contre à part ton éleveur qui dit "en bio on a un principe, apportas animaux non humains, on fait comme ça et ça marche"... Il me manque le "on a essayé sans et ça ne marche pas PARCE QUE..." De mon côté, je n'ai jamais rien trouvé.
Tu parles dans les commentaires (je ne retrouve plus) "d'essais" végans. Aurais-tu de quoi m'éclairer? C'est possible l'agriculture végane ou bien ça bugge à un moment, ce serait quand même l'argument massue, non (dans un sens plus que dans l'autre)?
Ensuite, je trouve un peu trop rapide ton rejet de l'argument de la sortie de l'humain (par surpopulation? par aventure?)de son biotope d'origine, de son Eden, qui pose pourtant plein de questions politiques autant que philosophiques sur l'humanité, sa nature, ses choix passés et potentiels. Alors, non les Inuits, ou les Haut·tes-alpin·nes ne DOIVENT pas à quitter leur lieu de vie mais iels le POURRAIENT pour peu que 1)plein de conditions soient réunies et 2) qu'iels en aient envie. Vivre en un certain lieu permet certaines choses et en empêchent d'autres, offre certains avantages et des inconvénients. Il ne faudrait pas qu'aux contraintes déjà existantes viennent se rajouter le conservatisme culturel, le culte de la diversité culturelle pour la diversité. Si un peuple décidait d'abandonner telle ou telle pratique, tel ou tel lieu pour des raisons indépendantes du capitalisme (exercice de penser) ou de la surpopulation ne serait-ce pas une chose merveilleuse? D'ailleurs ne l'avons-nous pas déjà fait?
J'espère que tu feras (comme Tomjo et d'autres) vite un autre texte dans lequel on comprendra sans avoir besoin de lire les commentaires que le véganisme n'est pas un ennemi EN SOI ni A PRIORI de l'anticapitalisme, de l'anti-industrialisme, de la décroissance, de la paysannerie, de la sobriété.
Bien à toi.
Salut Davy.
Sur les expériences d'agronomie végane, j'ai eu quelques discussions ici https://seenthis.net/people/koldobika et je vois le tag https://seenthis.net/tag/biointensive. J'ai juste noté que ça existait et que les plus connues n'étaient pas à la hauteur des espérances qu'elles suscitent. Le bouquin Meat est pas mal sur ces questions, ici une revue par un végan qui a adoré ! Il y a des pistes pour répondre aux questions que tu te poses.
Sur mon ton... Ça devient insupportable, le nombre de donneurs de leçons végans qui ne s'intéressent pas aux questions agricoles et refont tourner en boucle des chiffres qui valent pour les animaux en usine sans lien au sol. Le business végan a largement dépassé les petits milieux anars féministes qui parfois ont la condescendance de s'intéresser aux questions d'agriculture et d'industrialisme. Pourtant j'entends peu de critiques véganes de cette transition qui est industrielle et capitaliste, comme s'il fallait se serrer les coudes entre végans. Porcher, elle n'a aucune complaisance envers les productions animales sous prétexte de défendre l'élevage, justement. Il serait temps que les camarades se réveillent !
D’un côté, de pseudo déclarations d’amitié envers les animalistes – « camarades » ! « Allions nous ! », « je mange à votre cantine », toujours accompagnées de reproches et de dénigrement. (Si la relation ne marche pas, c'est de la faute des véganes!)
De l’autre, le mépris à priori, l’amalgame, la condescendance, la déconsidération, le discrédit, les reproches humiliants, le paternalisme et la dépolitisation systématique d’une question animale niée et dénigrée.
Et puis, après l’avalanche de mépris, le remords affiché : « j’espère ne pas contribuer au clivage ».
Aussitôt suivi par un retour du mépris.
Et puis encore, l’affichage explicite d’actes et de projets politiques aux antipodes de ceux des véganes - «on achève bien les éleveurs », « la vraie morale », etc.
Par-dessus le marché, l’amitié politique fièrement revendiquée avec une personne comme J. Porcher, triste fanatique de l’appropriation animale, qui traite depuis quinze ans les animalistes en ennemis terrifiants et méprisables, en croquemitaines capitalistes bons à discréditer par n’importe quel moyen, à commencer par les plus échevelés – révélons au public le projet industriel végane de Grand Remplacement des vaches et des moutons par des robots !
En psychologie, on appelle ça une relation toxique.
Face à un tel double discours, une seule chose à faire : prendre ses distances. S’en aller lutter et penser loin, très loin – mais ne surtout pas demeurer en pareille compagnie.