Un silence embarrassé

On a les utopies qu'on mérite : le revenu garanti

L'été dernier j'ai publié deux textes, l'un après l'autre, sur le revenu garanti. Une critique anti-productiviste et anti-étatique, dans laquelle je m'inquiétais entre autres des effets de relégation que pourrait entraîner la possibilité de s'exclure de bon gré du marché du travail. La France tirant sa productivité élevée de l'exclusion des personnes les moins performantes, cette question ne me paraît pas secondaire. Elle me pose d'ailleurs souci à titre personnel, puisque je vais fêter cet automne mes dix ans de chômage. Dix ans de « malgré tout l'intérêt que présente votre candidature », dix ans de découragements, dix ans à ne plus voir le monde autour de moi qu'en considérant qu'il est peuplé de personnes qui exercent des métiers alors que moi-même je n'en ai pas (1). Et plus les années passent, plus le profil devient « atypique », moins il intéresse de potentiel-le-s recruteurs (y compris dans les partis politiques et les associations qui n'ont à la bouche que le mot « diversité »), plus l'image de soi se dégrade et le rapport aux autres parallèlement...

L'engouement pour le revenu garanti, revenu à la mode après ce qui m'a semblé être une mini-traversée du désert, me fait chier me pose donc question.

S'interdire de penser

Dominique Méda, dans un remarquable entretien publié le 1er mai dernier, fait le point sur les dangers que présente le revenu garanti :

« Je n’arrive pas à être convaincue que c’est LA solution. D’abord je pense que notre société n’est pas prête à délier à ce point travail et revenu, et surtout à abandonner à ce point le mythe de l’incitation individuelle au travail. Je crains aussi que cette solution ne soit l’occasion de se donner bonne conscience : on donnerait un tout petit revenu à un ensemble de personnes exclues du système productif, devenu de plus en plus sélectif, et tout serait réglé. »

(C'est moi qui souligne.) Elle rappelle que les outils pour sortir du chômage de masse et améliorer la qualité de vie colonisées par le travail sont à articuler les uns aux autres :

« Je préfère de loin une solution qui me paraît plus exigeante et qui conjuguerait le partage du travail, un revenu maximum empêchant un petit groupe d’accaparer et de privatiser des ressources collectives, et une protection sociale généreuse, qui serait largement déconnectée du travail et détachée du mythe de la productivité individuelle du travail. »

RTT, revenu maximum autorisé et protection sociale (2)... le triptyque est présenté en quelques mots, il n'a rien d'une formule ésotérique, mais pourtant le message ne passe pas. « Revenu garanti » emporte haut la main tous les suffrages militants, c'est la panacée, la solution simple qui permet de ne se poser aucune question sur notre organisation sociale. J'ai déjà dit à quel point cette manière de penser, ce « solutionnisme écolo-alternatif » me semblait mortifère, nous empêchait de regarder le monde dans sa complexité et focalisait nos efforts sur des slogans réducteurs. Ou comment dire « Mais c'est gé-nial » à propos de sa condition sociale à une chômeuse de longue durée sans s'enquérir d'abord de sa qualité de vie, et en faisant abstraction du fait qu'on gagne trois à quatre fois plus qu'elle... l'intelligence politique n'est pas au rendez-vous, pas plus que la sensibilité.

Un dialogue qui n'a pas lieu

Ayant lancé un pavé dans la mare (l'auteure de la brochure « Perdre sa vie à la gagner », qui promeut en 2003 le projet de revenu garanti soutenu par une asso de jeunes écolos, publie dix ans après une critique au vitriol, voilà un retournement), je fais le constat d'un dialogue qui n'a pas eu lieu. Certes je ne suis pas parisienne, et mon absence du territoire national ne m'a pas permis de répondre à la seule sollicitation que j'aie reçu. Mais aucune inquiétude, la mienne ou une autre, n'a eu depuis que je suis le débat l'heur d'y être intégrée. Il n'y a d'ailleurs pas à proprement parler de débat, uniquement une solution, ressassée en boucle sur le web militant écolo-alternatif et dans nombre de rencontres IRL dont je vois passer les annonces. Ces arguments, pas discutés, se perdent dans l'indifférence. On dit « oui, oui, je comprends », et on reprend telle quelle sa revendication. Comme si rien n'avait été dit, ou rien d'important. Je serais vexée si ce n'était pas le sort fait à toutes les critiques anti-productivistes ou de gauche sur le sujet.

De quoi le revenu garanti est-il le rêve ?

Je pense que s'il y a un tel refus d'intégrer les inquiétudes sur le revenu garanti, c'est parce qu'il correspond à des aspirations profondément ancrées dans la petite bourgeoisie (3) qui milite.

Un rêve de déprise du travail

Dans « Habere otium faciendi », l'écosocialiste Corinne Morel-Darleux livre de jolies considérations sur le temps libre et le « repos fertile », qui font selon elle écho aux « débats sur l'allocation citoyenne ou revenu universel ». Impensé du texte : cet otium bénéfique, temps pour se reposer, se ressourcer, penser et imaginer, a du sens en tension avec le temps de la mise en œuvre, celui de l'activité. De quoi se reposer quand on n'a pas de raison d'être fatigué-e ? Comment jouir de vacances quand on n'a que du temps libre ? A quoi bon imaginer faire quand on n'a pas les ressources de l'homo faber ? C'est évidemment la réduction drastique du temps de travail, hebdomadaire et lors de congés sabbatiques, qui permet le mieux le balancement qu'elle décrit, le passage d'un état à l'autre. Mais il n'y sera pas fait allusion.

Un rêve de communauté politique

Les propos admiratifs subis depuis dix ans au sujet de mon chômage et de l'engagement bénévole qui s'en est suivi tiennent à l'idée qu'il est des activités qui, sans créer d'économie autour d'elles, n'en sont pas moins précieuses. Ce à quoi je souscris, sauf que ce n'est pas parce qu'une activité est autonome qu'elle n'a pas besoin de s'asseoir sur une base matérielle, y compris marchande : parlez-en à notre imprimeur ou aidez-nous à payer sa facture en vous abonnant pour dix euros à L'An 02, la revue que j'anime et qui vous est proposée à son juste prix.

Et surtout, notre désir de vivre dans une société où le monde associatif serait florissant grâce au bénéfice de la libération des meilleures volontés (donc a priori pas des hommes avec des emplois bien rémunérés) de l'emprise du travail ne se heurte-t-il pas à certaines constatations ? Un économiste partisan d'une réduction continue du temps de travail, Jean-Yves Boulin, s'interroge sur le temps libre et ce à quoi nous aimons le consacrer. Hélas,

« alors que les démiurges de la société des loisirs voyaient dans l'engagement citoyen, ce fameux secteur quaternaire cher à Roger Sue mais également à Dumazedier, comme l'horizon de la société du temps libre, on observe que l'engagement dans la vie associative et civique se situe en queue de classement des moments agréables » (4).

Comment, dans cette société qui est la nôtre (je rappelle : caractère extrêmement sélectif du marché du travail et monde associatif offrant peu de gratifications), promouvoir le revenu garanti sans même se poser la question de ses possibles effets secondaires ?

Un an après l'interpellation que je faisais, force est de constater que la seule personne qui a pris la peine de m'engueuler était un chômeur de longue durée, engagé dans des collectifs de chômeurs et précaires. Les autres, les inclu-e-s qui rêvent de revenu garanti mais n'abandonneraient peut-être pas leur boulot, n'avaient-ils et elles donc pas le temps de se pencher sur les questions que je posais ?



(1) A y réfléchir, j'ai certes un métier puisque j'assure depuis 2007 le secrétariat de rédaction puis la coordination éditoriale de revues. Mais comment reconnaître soi-même que c'est un métier dans un monde bénévole où j'ai vu tant de monde l'improviser au nom de l'égalité des conditions en régime démocratique ? Un cadre administratif expliquer à un maquettiste où il devait poser un bloc de texte, un ingénieur en informatique décider du prix d'un livre sans connaître le taux de la remise librairie ? Je laisse imaginer combien, dans ce milieu où il importe tant d'être attentive au bien-être de chacun-e, les standards professionnels sont constamment rabaissés. J'ai abordé ces questions dans  « Un militantisme à échelle humaine ou en résonance avec l'individualisme ambiant ? » et « Do-it-yourself : le projet d'autonomie de Castoriadis à Castorama ».

(2) Écolo et critique de l’État, je tiens pour ma part que pour éviter ou surmonter l'effondrement, il nous faut apprendre à faire circuler les richesses, de manière autonome et si possible à l'échelle locale.

(3) Je continue à employer ce terme, auquel on n'attachera pas de caractère insultant puisque je suis moi-même une petite bourgeoise déclassée, mais par lequel je souhaite mettre en avant les capacités qui demeurent, encore un peu, celles de cette classe sociale intermédiaire, dénuée de réel pouvoir politique et économique mais jouissant encore de marges de manœuvre pour le financement d'alternatives (achat de terres et de maisons, épargne solidaire, soutien à des initiatives associatives, etc.).

(4) Lecture de l'enquête INSEE Emploi du temps 2010 dans Jean-Yves Boulin, « De quoi le temps libre est-il le nom ? », 12 juillet 2012.

Commentaires

1. Le mercredi, 13 août, 2014, 16h41 par Un partageux

Mon point de départ est très différent de celui du plus clair des avocats du revenu garanti.

Que fait-on de tous les improductifs qui le resteront quoiqu'il arrive ?
http://partageux.blogspot.fr/2013/0...

Comment on s'y prend pour en finir avec l'affreux sentiment de mendier que ressentent les pauvres, les allocataires, tous les "assistés" qui se sentent humiliés par ce mot ?
http://partageux.blogspot.fr/2013/1...

Faut-il impérativement une contrepartie à un service ?
http://partageux.blogspot.fr/2012/1...

Quand va-t-on affirmer que l'égalité c'est la dignité ?
http://partageux.blogspot.fr/2013/1...

Je ne suis pas certain que cela réponde très bien à tes interrogations. Mais mes propres questions, elles non plus, ne peuvent rester sans réponse. Et je suis convaincu que la conjonction de nos questions peut faire avancer la réflexion.

———
NB. "Petite bourgeoisie" : je préfère parler de la classe intermédiaire ou mieux encore des "petites mains du capitalisme". Parce que cette classe intermédiaire fait fonctionner la machine qui, sans elle, s'arrête immédiatement... ;o)

2. Le jeudi, 14 août, 2014, 05h28 par Vincent

Ce qui est étonnant, c'est que ça fait déjà des décennies que la création monétaire n'est plus liée à une ressource physique (l'or), et que rien, donc ne limite sa création.

D'ailleurs, et alors qu'en temps normal les crédits aux particuliers et aux entreprises représentent 95% de la création monétaire, depuis 2008, les banques centrales ont créé des milliers de milliards pour éviter la faillite des banques et donc de tout le système économique… avec le succès que l'on sait.

Dans ce cas, pourquoi ne crée-t-on pas de la monnaie pour relancer la *consommation* et donc l'investissement et l'emploi, en trouvant un moyen pour que cet argent neuf ne soit pas détourné par les banques pour alimenter les marchés financiers?

I don't get it.

3. Le jeudi, 14 août, 2014, 10h21 par Corinne Morel Darleux

Merci de ce billet stimulant Aude, parfois un peu à la hache toutefois car loin des certitudes évoquées, le débat existe et ces questions, nous sommes en réalité nombreux à nous les poser. Mon Otium était un billet léger à prendre en tant que tel, et non une thèse sur les alternatives au travail ;) Il avait par ailleurs une résonance personnelle, et des raisons d'être fatiguée et de savourer ce temps libre, j'en avais... Mais c'est noté pour de prochains débats et malgré ce très court délai, je vous invite avec plaisir à la projection débat qui aura lieu aux journées d'été du PG à Grenoble vendredi 22 aout à 20h30 avec le réalisateur de "Un revenu pour la vie", Michael le Sauce. Vous pourriez ? Amicalement, Corinne MD

4. Le jeudi, 14 août, 2014, 12h10 par Chabian

Je réfléchis souvent à partir du fonctionnement tribal (décrit par exemple par JP Colleyn, Eléments d'antropologie) : tout le monde au travail, la richesse produite appartient à la collectivité, la sécurité personnelle ('sociale') est assurée collectivement. Je sais bien les dérives possibles dans la redistribution, la protection sociale, et les acquis des luttes que représente la Sécurité Sociale Universelle. Mais il me semble que le salariat représente une perversion de la perception sociale : lien entre un travail 'donné' et 'libre' et un droit à une somme d'argent, devenant une réalité purement individuelle. Le revenu universel devient une caricature de ce lien pervers. Comme vous dites très bien, il ne produit ni une société, ni un développement (progrès humain) personnel. Il excite une jalousie individuelle identique au salariat. Et le tout est lié à la jouissance d'une propriété individuelle sans limite, contre la société...

5. Le jeudi, 14 août, 2014, 13h30 par jean mativa

Membre du revenu de base de lille, je souhaite le défendre non comme le dit dominique méda comme étant la solution unique mais comme elle le dit elle même car le travail devient marginal (un temps plein = 13% du temps de vie actuellement contre 40% il y a 150 ans _ la productivité va rendre enconre plus marginale le besoin d'activité humaine dans la production des biens et même des services), le travail devient désocialisant beaucoup plus concurentiel qu'il n'était coopératif (par besoin !)auparavant. S'il était épanouissant, pourquoi les rentiers ne le pratiqueraient pas et les salariés troqueraient-ils leur peine contre un salaire en pensant que le travail soit, mais le salaire me suffirait !
Pour moi la bourgeoisie se situe du coté moralisateur du travail, ceux qui se lévent tot, qui travaillent plus pour gagner plus qui revendique la méritocracie du rêve américain et qui sont scandalisés par les révélations capitalistiques de Piketty sur les rentiers actuels
Le revenu de base, c'est un droit des femmes et des hommes comme la santé de base, l'éducation de base,...la culture de base. La contre partie ; devoir consisterait à contribuer au vivre ensemble par un service civique obligatoire minimum. Après que tous ait la possibilité de travailler pour s'enrichir matériellement, culturellement, intellectuellement,...dans les limittes que l'enrichissement matériel,...de l'un ne se fasse pas au détriment des droits élémentaires de tous les autres actuellement et pour les générations à venir. D'autres activités, à l'enrichissement matériel prêt me sont personnellement (malgré une intense activité professionnelle) indispensables : le bénévolat, le militantisme, la vie sociale. Je ressens, comme beaucoup je crois, l'insatisfaction du matérialisme et le besoin de construire et même d'idéaliser le vivre ensemble...dans l'humilité la joie et la bonne humeur des rencontres avec les autres

6. Le vendredi, 15 août, 2014, 10h08 par cuckooland

Ton billet a éveillé pas mal d'images. Avant tout, celle d'un pacifiste qui, les balles sifflant de plus en plus au dessus de sa tête, se dit que le pacifisme c'est bien beau, mais c'est surtout l'idée de ceux qui sont loin des fusils. Difficile de répondre à ce genre de reproche... un silence embarrassé... Seulement quelques commentaires, quand le billet de Agnès en a déjà des dizaines... Je me lance alors.

Remarque préliminaire : je ne vois pas en quoi un "revenu maximum" et "une protection sociale généreuse" sont incompatibles avec un revenu de base. Je suppose que tu leur donnes une priorité bien supérieure à celle du revenu de base ?

Ma maman a parfois cumulé deux emplois - ce n'est donc pas exactement une privilégiée. Elle me donnait mon argent de poche, tous les mois, sans condition. Elle aurait pu avoir une autre attitude : "Fais ceci ! Fais cela ! L'argent, ça se gagne !" Je pense que ces deux comportements sont loin d'être neutres, ils ont des effets radicalement opposés.

-- "D’abord je pense que notre société n’est pas prête à délier à ce point travail et revenu..."

Je sens comme une condescendance ici, me rappelant par exemple celle des opposants au droit de vote des femmes. La société d'aujourd'hui dit "nous sommes en guerre économique" et conditionne ses enfants à se battre. Résultat, elle n'est pas prête... Mais ça se mord la queue, cette histoire ! Elle sera prête quand, alors ? Et pourtant, une société instaurant un revenu de base enverrait enfin à ses enfants un message de nature radicalement opposé - bien différent du "c'est ton maitre qui décide la valeur des choses", et du "marche ou crève" (1).

-- "on donnerait un tout petit revenu à un ensemble de personnes exclues du système productif, devenu de plus en plus sélectif, et tout serait réglé"

Un petit nombre de personnes a de plus en plus le pouvoir de dire - et finalement d'imposer - ce qui a de la valeur, et ce qui n'en a pas. Par ailleurs, il parait que le revenu de base est infinançable : si tout le monde a un revenu de base, ça va représenter un montant énorme. Oui, énorme, et c'est bien le but : diluer le pouvoir de ce petit nombre de personnes qui exclut des personnes du système productif.

-- "Mirage de la simplicité ?"

Le système monétaire actuel est basé sur le principe que l'on crée de la monnaie à destination de quelques compétents. Comment alors s'étonner que ce système soit favorable aux régimes totalitaires, aux oligarchies et aux monopoles ? Mettre en place un système monétaire qui respecte l'égalité entre les Hommes, c'est à dire à Dividende Universel par création monétaire (2), ça me semble une priorité. C'est bien plus fondamental que le triptyque "RTT, revenu maximum autorisé et protection sociale".

Je ne sais pas ce qu'il faut craindre le plus : mirage de la simplicité, ou mirage de la complexité ? Car à partir d'une base fausse (ce système monétaire inique), c'est fou ce que l'on peut construire comme usine à gaz dans l'espoir de retomber sur ses pieds.
______
(1) : http://cuckooland.free.fr/EcoleDuMe...
(2) : http://cuckooland.free.fr/ApresLEur... ou http://cuckooland.free.fr/LaTrmEnCo...

7. Le vendredi, 15 août, 2014, 10h23 par Aude

Merci pour vos réactions. Je ne publie que celles qui laissent de quoi continuer la discussion : si je suis joignable, pourquoi pas vous ?

Je cite souvent l'exemple de cette amie embauchée pour des connaissances qu'on ne lui laisse ensuite pas le temps d'entretenir. C'est toujours l'urgence, les dossiers à ramener chez soi, jamais le temps de lire un livre ou de se tenir au courant de ce qui se passe à peine en-dehors des sujets sur lesquels elle travaille. Au final son intelligence du champ dans lequel elle est censée faire référence, au moins pour ses employeurs, s'érode à son grand regret. Trois solutions : on peut la virer pour en prendre une plus fraîche, la garder en poste et se satisfaire d'un travail routinier sur les dossiers. Ou bien elle doit rompre régulièrement avec sa vie salariée pour se ressourcer, et accepter la précarité qui va avec. C'est une situation assez banale, qui tient au peu de prix qu'on donne à l'otium et à l'arbitrage régulier en faveur de l'action, dans le cadre de la guerre économique ou dans le secteur non-marchand (mon exemple est tiré du second). Je n'en rajoute pas, l'article de Corinne Morel-Darleux explique très bien tout ça.

Mais j'ai un autre vécu. Aucune perspective, ni celle d'être le nez dans le guidon du travail, ni celle d'en être à jamais privé-e, ne me satisfait et je souhaitais insister sur le besoin d'alterner les deux approches. Parce que je crois que quand on travaille et quand on a un vie bien pleine on n'a pas les moyens de se rendre compte de à quel point ne rien foutre est douloureux, à force. Ça rend vulnérable aux abus en monde associatif (s'il vous plaît, puis-je m'auto-exploiter à votre profit ?), ça dégrade l'image qu'on a de soi, ça réduit les capacités d'action au strict minimal (mon blog est le strict minimal, à 3-4h par texte et 3-4 textes par mois), ça fait perdre toute possibilité de relation entre égaux/ales avec les 9h-17h.

8. Le vendredi, 15 août, 2014, 18h06 par Aude

J'ai publié le même jour qu'Agnès mais sans se concerter on avait rédigé dans notre coin les jours précédents. Merci de me faire l’aumône d'une réponse, mais pour l'instant la seule que j'aie reçue est celle de Corinne. Les tribunes sur le revenu garanti ne sont pas des réponses : j'ai pas besoin qu'on me réexplique parce que je suis lente de la comprenette, j'ai promu les mêmes arguments de 1999 à 2007 environ, je les connais bien. (Et les engueulades parce que j'ai oublié tel auteur dont on ne prend pas la peine de citer en quoi il apporterait une réponse à ma question, ça va à la poubelle si y'a pas de nom dessus.)

Remarque préliminaire : je ne vois pas en quoi un "revenu maximum" et "une protection sociale généreuse" sont incompatibles avec un revenu de base. Je suppose que tu leur donnes une priorité bien supérieure à celle du revenu de base ?


La protection sociale généreuse, c'est des dispositifs qui sortent de la précarité matérielle, et peut-être que ça peut aller jusqu'au fait de garantir le revenu. Il faudrait demander à Méda. Tu as oublié la réduction du temps de travail : 35h, 32h, 28h, 20h, 16h, voilà qui peut assurer le balancement entre activité et temps libre, ressourcement, sur un rythme hebdo. C'est d'articulation qu'il est question, pas de choisir la panacée, et tu envoies déjà un terme sur trois aux oubliettes...

On peut s'interroger sur le financement (dans ma brochure de 2003 je reprenais un texte produit dans mon asso vers 1999 pour dire que ce n'était pas le souci) ou sur la productivité dans tout ça (nous remplacer par des économies d'échelle et des machines a un coût environnemental et rend les sociétés inhumaines), mais moi mon propos porte sur la relégation et l'absence de passerelles entre chômage et emploi.

9. Le vendredi, 15 août, 2014, 21h44 par Quelconque

Si je comprends bien, ce qu'on reproche ici au revenu universel (auquel je ne suis personnellement pas favorable) est qu'il risque de mener à la déprofessionnalisation de certaines activités. C'est effectivement probable, dans la mesure où toute activité non-pénible ou valorisante, en un mot, désirable (cosmonaute, politicien, comédien, stardelamode), sera probablement exercée par un bénévole.

Est-ce si différent aujourd'hui ? En un point essentiel : l'accès à ces professions est de facto réservé à ceux qui jouissent précocément d'un confort matériel pour se consacrer à l'études des arts, lettres ou us. Bon, s'en plaindrait-on ?

10. Le vendredi, 15 août, 2014, 23h02 par Jean-Marie GRANDJEAN

Il me semble que notre société laisse de coté une partie de l'individu et de ses affinités avec la vie et l'organisation de la vie et ses differentes activités. On crois toujours que mettre ses enfants à l'école les préparer à la vie et leur donner une "bonne direction" va les préserver de ses aléas comme le chômage, la délinquance, la drogue, et pour certains, rares, le fric ! Mais que fais t'on de l'affinité naturelle ?
J'ai toujours été choqué de voir les fils de médecin qui sont dans la santé, les fils d'avocats qui font du droit ou les fils d'ouvriers dans le technique. Je ne crois absolument pas a l'intelligence de classe mais plus a la vertu de l'exemple. Notre pays se prive d’énormément de talents de toutes sortes en privilégiant le seul choix des parents et/ou de leurs possibilités financières au moment du choix des études.
De plus le salaire ne permet de vivre dignement que lorsque le travail est déconnecté des mains, autrement dit, on ne "gagne bien" sa vie que lorsqu'on ne travail pas avec ses mains sauf les "grands" musiciens, mais le travail avec les mains garanti la misère ou en tout cas la survie et guère plus.
Par contre, je suis persuadé d'une chose, c'est que chaque personne a une sensibilité maitresse en accord avec sa personnalité et que ceux qui "réussissent" dans une profession sont souvent ceux qui sont en accord avec cette sensibilité maitresse. Une "âme" de musicien devenu musicien, une "âme" de maçon construisant des maisons. Mais une sensibilité de musicien qui ne réussit, pour ixes raisons sociales ou de hasard, qu'a être un bon manuel sera toute sa vie mal dans sa peau. Je suis aussi persuadé que tous les fils de toubibs ne feront que rarement de bons médecins. Après, je ne sais pas si je me trompe ???

11. Le samedi, 16 août, 2014, 19h39 par Aude

Les dentistes et les chirurgiens travaillent avec leurs mains, elles sont assurées en fonction. Et il y a plein de métiers qui ne sont pas manuels et qui sont déconsidérés (dans les services, la vente notamment). La dichotomie manuel/intellectuel est un peu vieillie depuis l'essor des petites mains des services... Quant à la reproduction sociale, on va demander la panacée à Pierre Bourdieu.

Sur la déprofessionnalisation des métiers, c'est pas du tout mon idée, voir ici : http://blog.ecologie-politique.eu/post/Do-it-yourself. Mais si ça peut régler la question du statut de l'élu-e, ah ah ! Non, parce que je dis justement que les personnes avec les métiers les plus considérés seraient bien attentives à ne pas profiter du revenu garanti, je pense que c'est les pauvres et les femmes qui s'y replieraient. On ne parle pas d'un revenu garanti qui se substitue mais s'ajoute aux autres revenus, renseigne-toi... Je vérifie ton adresse et si elle est fausse j'efface ta contribution.

12. Le samedi, 16 août, 2014, 22h48 par cuckooland

Tu indiques 3-4 heures pour un billet... multiplie par 20 pour moi. Écrire, c'est dur et laborieux. Merci d'avoir publier ma réaction.

-- "j'ai pas besoin qu'on me réexplique"

A titre d'illustration, un petit dialogue :
- Où sont les clefs ? Laisse tomber le tiroir, j'ai déjà regardé ! (un peu agacé)
- Vraiment ? et pourtant, c'est quoi, ça ! (un peu agacé aussi)
Bien sûr, peu importe qui trouve les clefs, l'idée c'est qu'elles sont souvent là où on a déjà cherché.

-- "Tu as oublié la réduction du temps de travail"

J'ai peut-être trouvé d'où vient mon incompréhension. Dans un premier temps, je pourrais la résumer ainsi : de mon point de vue, tout est travail. Activité, temps libre, ressourcement... le simple fait de respirer... tout est travail. Que quelques individus veuillent imposer aux autres "ceci est du travail, ceci n'en est pas", ça me pose un problème. Je veux que chacun puisse dire, dans les mêmes proportions que les autres : "ce travail a de la valeur, ce travail n'en a pas". Par conséquent, parler de RTT, de 35h, 32h, etc. me semble hautement suspect.

Je ne vois pas comment le salariat pourrait survivre (ou alors quelque temps, et de façon marginal) à un Dividende Universel par création monétaire. Je soupçonne que pour des enfants ayant toujours connu le Dividende Universel, parler de temps de travail sera difficilement concevable (hormis en le rapprochant de l'esclavage).

-- "Notre marché du travail est spécialement excluant, séparant le bon grain qu'elle fait surtravailler de l'ivraie à jeter."

Le "marché du travail" est maintenu rachitique par et au profit de quelques individus. C'est ainsi parce que le système monétaire actuel les incitent et les aident à le faire : "si ce n'est pas moi qui profite du système, ce sont d'autres qui le feront".

-- "on est dans un pays qui manque singulièrement de goût pour l'auto-organisation populaire"

Cette phrase m'a rappelé une visite de porcherie de ma classe de CM2. Dès leur plus jeune age, on coupe la queue des cochons pour éviter qu'ils se la mâchouillent les uns les autres. Et d'ici à ce que cela serve de justification à la vie indigne qu'on leur inflige, il n'y a qu'un pas. Pour rappel, on les maintient captif, dans un environnement appauvri. Libérons-les, et on en reparle.

Oui, cette remarque, je l'ai déjà faite hier sous une autre forme. C'est pour insister sur un point important : ça se mord la queue cette histoire.

-- "Nous ne sommes pas outillé-e-s pour accepter ces fameux allers-retours entre périodes d'activité et d'oisiveté, d'emploi et de formation, de travail plus autonome et plus hétéronome, qui font une vie intéressante."

En effet. N'importe quel animal, homme compris, tenu en captivité depuis sa naissance, à toutes les chances d'être inadapté à sa remise en liberté. Ça confirme que la mise en place du Dividende Universel ne peut se faire que progressivement. Les générations suivantes n'auront pas ces difficultés psychologiques. Niveau organisationnel, vu tout ce qui est pondu à destination des managers, je serais étonné que nous soyons sous-outillés.

A noter que - dans la lignée de mon commentaire sur la RTT - je n'accepte pas ces termes "activités" et "oisivetés" : qui a décidé ce qui est activité et ce qui est oisiveté ? Dans ta réponse, tu utilises aussi "chômage" et "emploi", incompréhensible dans ce contexte.

-- "Peu de réponses ont été consacrées à ma critique de la soumission à l’État"

Connais-tu Bitcoin ? C'est une monnaie électronique sans serveur centralisé, de pair à pair, et le logiciel est sous licence libre (on peut lire le code, le modifier, le redistribuer...). Donc sur la forme, niveau soumission, c'est plutôt irréprochable. Mais sur le fond, c'est une monnaie qui n'est pas à Dividende Universel, loin s'en faut (basé sur de l'or virtuel). Bref, c'est de la merde. Mais il y a d'autres projets en cours, comme OpenUDC (1) et uCoin (2), décentralisés, libres, et à Dividende Universel.
______
(1) : https://fr.wikipedia.org/wiki/OpenU...
(2) : http://ucoin.io

13. Le samedi, 16 août, 2014, 22h54 par Quelconque

"Non, parce que je dis justement que les personnes avec les métiers les plus considérés seraient bien attentives à ne pas profiter du revenu garanti, je pense que c'est les pauvres et les femmes qui s'y replieraient."

On peut être certain que le secteur concurrentiel (et associatif) ne ratera pas une occasion de réduire ses coûts (même si les valorisants emplois quasi-fictifs que le patronat propose exclusivement à sa progéniture échapperont à cette rationalisation, j'en conviens, indépendamment de toute politique sociale). Une certaine logique voudrait par ailleurs que de nombreux emplois et fonctions publics deviennent en passant bénévoles, mais comme vous le soulignez très justement, il est probable que l'élan progressiste de nos élus s'arrête au seuil de leur statut.

C'est d'ailleurs bien pour cette raison que le débat sur le revenu garanti est innoffensif : s'il est un moyen commode de remplir des fichiers de sympathisants, il devrait au mieux, en cas d'improbable victoire de la gauche aux élections, s'arrêter à une réformette du RMI/RSA pour ne surtout pas atteindre la question des emplois et fonctions publics si attractifs pour les vieux mâles blancs.

En résumé, tout en reconnaissant le bien-fondé des critiques que vous adressez au projet, je remarque que son hypothétique mise en oeuvre ne se ferait qu'avec la plus petite ambition possible pour ne pas modifier les enviables positions sociales détenues par ses promoteurs. Ainsi pourrait-on voir (ou non ?) se réaliser vos prédictions et quelques autres...

NB : l'honnêteté m'impose de préciser que mon fournisseur de mail, yopmail.com, ne propose pas un service de messagerie classique au sens où n'importe qui peut y lire les messages adressés à n'importe quelle adresse)

14. Le dimanche, 17 août, 2014, 11h40 par Aude

Je ne connaissais pas yopmail, et l'adresse avait l'air un brin chelou, comme Adresse@email.pop d'Anonyme dont l'engueulade parce que je n'ai pas cité Bernard Friot n'a pas eu l'honneur d'être publiée.

Et entendu, il va se dire d'autres choses dans la énième explication, mais je prends mal que la raison réside a priori dans mes faibles capacités de compréhension. Le fait que quelqu'un-e qui a comme moi porté cette revendication, le salariat c'est mal et le revenu garanti va le faire tomber, change d'avis sur le sujet mérite, il me semble, qu'on reconnaisse le parcours de vie qui m'a fait intégrer plus d'inquiétudes que le discours utopiste habituel. On est très inégaux devant la capacité et l'envie de faire œuvre en solo : certain-e-s sont capables, pour d'autres la désocialisation forcée n'aide en aucune manière, elle fout en l'air le peu de capacité qu'on a. Il y a des gens qui ont envie de se socialiser par le travail, je trouve que le discours a leur égard (à mon égard) est assez méprisant.

Il faudrait dire un mot de la contrainte. Moi je tiens que c'est une aide à la création, et que par ailleurs c'est ce qui permet de faire tenir les êtres humains ensemble en-dehors de la pure affinité. C'est ce qui fait du lien pour tou-te-s : contrainte de voisinage, de boulot. Je ne vois pas en quoi coller loin de tout quelqu'un-e qui ne l'a pas demandé serait libérateur. Mais je comprends aussi que ça correspond à d'autres façons d'être.

L'idée, dans le débat, serait de ne pas coller son appréciation très personnelle du travail, du repos, de la création, de la solitude, du lien, etc. pour décider que certains choix de vie sont mieux que d'autres. Et la question c'est : qu'est-ce qu'on fait de l'encouragement à la désocialisation que constitue le revenu garanti dans une société où l'engagement associatif est si peu gratifiant et où le travail et les rythmes qu'il induit restent le principal lien social ?

15. Le dimanche, 17 août, 2014, 12h39 par Quelconque

"qu'est-ce qu'on fait de l'encouragement à la désocialisation que constitue le revenu garanti dans une société où l'engagement associatif est si peu gratifiant et où le travail et les rythmes qu'il induit restent le principal lien social ?"

Tout en restant pour le moins dubitatif devant l'idée d'un revenu universel, il me semble qu'il ne signifie pas la fin des activités coordonnées (concertées ? colocalisées ?) de production, mais uniquement la fin des activités coordonnées de production organisées par les capitalistes et leur plus fidèle allié qu'est la puissance publique.

Il existe effectivement, en cas de mise en oeuvre à minima, un péril certain de voir tous les travers d'un système social comme le nôtre qui organise la désocialisation par une omniprésence intermédiation renforcés par la dépendance de chacun à l'aumône de l'administration, qui veillera bien entendu à s'adresser individuellement à chaque bénéficiaire plutôt que de les inviter à l'organisation. D'ailleurs, le recours à l'instrument monétaire proposé par les intellectuels d'ordinaire si prompts à en signaler les limites n'est pas sans éveiller quelques doutes sur les objectifs poursuivis par les promoteurs du projet. Plus clairement dit, que la grande sympathie dont le projet bénéficie chez les inclus est particulièrement troublante.

Mais d'une certaine manière, peut-on espérer voir les activités coordonnées de production émerger en dehors de l'économie capitaliste sans qu'une fraction très significative de la population en soit préalablement exclus ? Si l'on accepte l'irréformabilité d'un système économique où la quête du profit s'exonère encore de toute réflexion sur les moyens ou les finalités d'une telle poursuite, comment reconstruire une société sans préalablement s'affranchir du joug du système ancien ?

OK, l'eau est un peu froide.... et pire encore, une fois dedans, il faudra nager. Elle est loin, l'Amérique... : et de toute façon, le soutien institutionnel important dont bénéficie le projet de revenu universel fait que tous autant que nous sommes, nous subirons son hypothétique mise en oeuvre (déjà faite sous Mitterrand avec le RMI avec quelques hypocrisies) ou son plus probable échec. Il convient donc plutôt que d'imaginer pouvoir infléchir l'action de l'institution se préparer à toutes les éventualités, dont celle-ci.

16. Le dimanche, 17 août, 2014, 13h14 par Aude

C'est fou la capacité d'abstraction qu'on est capable de mettre en œuvre pour ne pas entendre des choses simples. Pour moi ce n'est pas un hasard si personne d'autre qu'une femme n'a entendu ce que je disais pas désocialisation, pendant que les beaux esprits masculins se complaisent dans la théorie... Ça ne vous gêne pas, ce quasi-monopole masculin (et je suppose que si on avait des données sur le milieu social on n'aurait pas non plus trop de surprises) sur les débats en ligne ? Les seuls femmes qui osent intervenir sont celles qui ont pris la peine d'écrire des billets. Ça m'interroge.

17. Le lundi, 18 août, 2014, 15h02 par Gerard Leblond

Intéressant contrepoint/complément à l'article du Monolecte. Je partage les inquiétudes de l'auteure et reste très prudent bien qu'enthousiaste sur cette idée du revenu de base. NB : Supprimez les gros-mots entre parenthèses.

Par réflexe (stupide ?) d'autodéfense intellectuelle, j'ai l'habitude de reconsidérer d'abord fortement une idée quand elle devient partagée par mon adversaire. Voir des partisans du revenu de base chez des sociaux-libéraux / centristes / (anti)socio-capitalistes comme c'est le cas, ça hérisse le poil, non ?

Je crois néanmoins que la discussion a cours et qu'elle est importante. Je me rappelle le débat entre Bernard Friot (salaire universel), Baptiste Mylodon (revenu de base) et Michel Husson (gauche altermondialiste), sur arret sur images (http://www.arretsurimages.net/emiss...), et je crois que les questions étaient posées.

Notamment celle de la place de la lutte sociale dans cette histoire. Personnellement, je pense que gagner un revenu de base peut poser un jalon pour une remise en cause plus globale de la société (capitaliste) basée sur l'exploitation (marxisme traditionnel) mais aussi de la course effrénée à la croissance (et au productivisme).

Pour autant, ça ne règle pas tout. Ca ne règle rien de la finance, des multinationales, de la création d'une couche sociale (un néo-prolétariat) avec un revenu de base là où la moitié de la population survit déjà avec des allocations toujours plus maigres et que cela ne suffit pas.

A noter dans tout ça que les promoteurs visibles du "revenu de base" (c'est presque une incantation religieuse à entendre parfois) sont souvent ... des hommes. Il serait intéressant d'aller voir les conséquences du revenu de base sur l'égalité des sexes (et le patriarcat).

bref, c'est une simple idée qui comme toute doit être critiquée, comme le fait l'auteure, qui est d'autant plus légitime qu'elle était de celles/ceux qui portaient cette idée il y a encore quelques temps. Et ça fait du bien à tout le monde.

18. Le mercredi, 20 août, 2014, 09h34 par Aude

PGL, ma patience a des limites et mes derniers commentaires laissaient supposer qu'on en était proche... Imaginez un inconnu qui arrive dans votre salon et vous explique d'emblée que ce que vous dites est simpliste, sans un "merci de lancer le débat" ou autre forme de reconnaissance préalable. Je n'ai pas à héberger votre billet de blog en dix points, trouvez-vous un blog, promouvez-le dans les bons réseaux, portez une parole pertinente, originale, qui donne à penser et peut-être qu'un jour vous aurez 3000 visites. En attendant, je ne vous permets pas de venir parasiter mon audience, parce qu'il existe ce truc qu'on appelle la politesse et qui n'est pas qu'une suite de conventions bourgeoises mais une qualité de relation à autrui. Donnant, donnant, si vous traitez ma parole de simpliste, avant même de lire les deux autres billets que j'ai produits l'an dernier qui plus est, je n'ai même pas à vous lire, j'ai de bons livres sous le coude qui valent bien mieux. (En ce moment je relis La Liberté dans le coma et lis A Clash of Kings et une histoire populaire de la Malaisie, alors ayant édité une brochure sur la question et participé à l'élaboration d'un numéro de revue, vous n'avez rien de plus intéressant à m'apporter que ces trois ouvrages.)

Il y a une semaine je me décidais à partager la douleur que c'est, d'être privée d'emploi, pas seulement une question de pognon mais aussi de concordance avec les temps sociaux de mon entourage. C'était la première fois que je parlais de moi dans des termes aussi personnels, et j'ai reçu deux réponses qui prenaient acte de mon propos, qui remarquaient derrière l'autorité du billet la présence d'une personne, d'un être humain, d'un organisme anthropoïde (une femme, un homme, et on se connaissait déjà). Les autres étaient des mecs plein d'assurance et décidés à m'expliquer la vie (il faut se lever tôt, je rappelle que je n'ai pas découvert le sujet l'an dernier mais à la fin du millénaire précédent), ne témoignant aucune empathie, aucun début d'indice que mon témoignage douloureux avait été entendu.

En une semaine, moi qui signalais le désamour pour le monde associatif et bousculais un peu les illusions selon lesquelles le RG contribuerait à le rendre pléthorique, j'ai eu le déplaisir de remarquer que l'initiative associative que je présentais ne suscitait pas le moindre intérêt, en tout cas pas la revue à laquelle j'ai consacré 3000 h de travail bénévole depuis trois ans et demie : un seul nouvel abonnement en ligne depuis le 26 juillet. Voilà qui répond à la demande de reconnaissance que je proposais de m'offrir en un petit effort matériel. Pour moi le constat est clair concernant la circulation de solidarité et de reconnaissance : "c'est à l’État d'assurer, moi j'ai les traite de la bagnole à payer". Eh bien exigez de l’État l'hébergement de votre prose ou la visibilité de votre page chez Mark Zuckerberg.

Je me dégage de toute obligation de publication des commentaires laissés ici. Dorénavant ce forum est mixte et je mets en œuvre une parité des contributions. Les mots dépréciatifs ne sont pas les bienvenus, était-il besoin de le dire ?

19. Le jeudi, 21 août, 2014, 04h34 par B.Bec

Travailler, moi ? Jamais ! (Extrait)
Bob Black - 1985 | cip-idf.org - 15 août 2014
« Le travail est la source de toute misère, ou presque, dans ce monde. Tous les maux qui se peuvent nommer proviennent de ce que l’on travaille – ou de ce que l’on vit dans un monde voué au travail. Si nous voulons cesser de souffrir, il nous faut arrêter de travailler.
Cela ne signifie nullement que nous devrions arrêter de nous activer. Cela implique surtout d’avoir à créer un nouveau mode de vie fondé sur le jeu ; en d’autres mots, une révolution ludique. Par « jeu », j’entends aussi bien la fête que la créativité, la rencontre que la communauté, et peut-être même l’art. On ne saurait réduire la sphère du jeu aux jeux des enfants, aussi enrichissants que puissent être ces premiers amusements. J’en appelle à une aventure collective dans l’allégresse généralisée ainsi qu’à l’exubérance mutuelle et consentie librement. Le jeu n’est pas passivité. Il ne fait aucun doute que nous avons tous besoin de consacrer au pur délassement et à l’indolence infiniment plus de temps que cette époque ne le permet, quels que soient notre métier ou nos revenus. Pourtant, une fois que nous nous sommes reposés des fatigues du salariat, nous désirons presque tous agir encore. Oblomovisme et Stakhanovisme (1) ne sont que les deux faces de la même monnaie de singe »...
la suite : http://www.cip-idf.org/article.php3...

20. Le jeudi, 21 août, 2014, 08h58 par Aude

L’alternative au travail n’est pas seulement l’oisiveté. Être ludique ne veut pas dire être endormi. Autant je chéris les plaisirs de l’indolence, autant celle-ci n’est jamais si gratifiante que lorsqu’elle ponctue d’autres plaisirs et passe-temps.

Même les paysans exploités de l’Ancien Régime parvenaient à arracher à leurs seigneurs une bonne part du temps censé appartenir au service de ces derniers. D’après Lafargue, un quart du calendrier des paysans français était constitué de dimanches et de jours de fêtes. Tchayanov, étudiant les villages de la Russie tsariste – qu’on ne peut guère qualifier de société progressiste – montre de même que les paysans consacraient entre un cinquième et un quart des jours de l’année au repos. Obnubilés par la productivité, nos contemporains sont à l’évidence très en retard, en matière de réduction du temps de travail, sur ces sociétés archaïques. S’ils nous voyaient, les moujiks surexploités se demanderaient pour quelle étrange raison nous continuons à travailler. Nous devrions sans répit nous poser la même question.

21. Le jeudi, 21 août, 2014, 19h15 par Aude

Adrien, vous ne répondez pas à mon billet mais tentez de me faire héberger le vôtre. Un lien et un mot de reconnaissance auraient suffi. Et je fatigue un peu des paroles masculines qui se vautrent dans l'abstraction et la macro-économie, j'ai décidé d'appliquer la parité sur ce forum. Peut-être que j'aurai plus de chance qu'on me propose ses arguments dans le cadre d'une conversation ou on prend acte des propos de l'autre...

22. Le jeudi, 15 janvier, 2015, 14h52 par Frederic Janssens

Très sympathique cet article. "S'interdire de penser", comment pourrait-on alors que c'est bien ce que nous faisons même en se posant la question?

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi, 12 août, 2014, 13h42 par Le Monolecte

De l’absolue nécessité d’un revenu universel

Comme dirait Coluche : il parait qu’il y a cinq-millions de personnes qui veulent du travail. C’est pas vrai, de l’argent leur suffirait! Je crois bien, mais je ne suis pas sure, que nous n’avons jamais été aussi riches qu…...

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