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jeudi, 13 décembre, 2012

Portland, capitale vélo de l'Amérique du Nord ?

Jeudi 22 novembre 2012, Portland, devant le café coop de la 12e rue. Rendez-vous est pris pour une balade festive dans les rues de la ville, désertées pour cause de Thanksgiving. Une trentaine de cyclistes se sont réuni-e-s pour profiter du calme et « se mettre en appétit » pour le repas de 15 h. L'un des nombreux rendez-vous quotidiens qui animent la communauté des cyclistes de Portland, Oregon. Avec ses 500 000 habitant-e-s (deux millions dans toute l'agglo, qui s'étend jusque dans l'état de Washington), la petite métropole du Nord-Ouest fait figure de capitale vélo de toute l'Amérique du Nord.

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mercredi, 12 décembre, 2012

Québec : cap au Nord !

Paru dans L'An 02, hiver 2012-2013.

Le second pays le plus vaste au monde n'est peuplé que de 34 millions d'habitant·e·s, massé·e·s sur la frontière méridionale. Autant dire que le reste n'est qu'une vaste réserve de richesses qui n'attendent que d'être exploitées. Le Canada s'y emploie déjà, et mines et barrages prospèrent depuis longtemps au Nord. Mais le pic de Hubbert, un phénomène de stagnation mondiale de l'extraction du pétrole, et la demande qui va croissant, ouvrent une course à l'exploitation de toutes les ressources imaginables d'énergie. On connaît en France la brillante idée qui consiste à polluer les nappes phréatiques d'un pays densément peuplé pour en extraire quelques litres de gaz de schiste, imaginons donc les appétits qui s'aiguisent autour des ressources souterraines d'un pays vécu comme un quasi-désert. Jusqu'ici l'exploitation a été modérée par des prix trop faibles, mais aujourd'hui tous s'envolent, et l'affaire devient enfin rentable. Il s'agit de terres rares, délaissées quand la Chine les bradait, mais qui sont devenues bien précieuses, de fer et d'autres métaux dont les prix ont eux aussi explosé, et enfin d'énergie sous toutes ses formes : uranium (les autres fournisseurs de la France sont le Niger et l'Australie), hydroélectricité et énergies fossiles non-conventionnelles (sables bitumineux, gaz de schiste). La folie extractiviste s'est emparée du pays.

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A qui la rue ? A nous la rue ! Retour sur un printemps érable

Paru dans L'An 02, hiver 2012-2013.

22 septembre, dans le métro de Montréal, ligne orange, station Sherbrooke. Je fais des pieds et des mains pour sortir du wagon au milieu des voyageur/ses en chemin pour un samedi de magasinage, et nous sommes peu nombreux/ses sur le quai à arborer le carré rouge pour la grande manif, parc Lafontaine à 14h. L'engouement est un peu passé pour les manifs du 22, qui depuis le 22 mars ont ponctué la vie politique québécoise. Et celle-ci sera peut-être la dernière : mille ou deux mille ultra motivé·e·s, sous la pluie, dispersé·e·s par la police avant d'avoir atteint leur but.

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dimanche, 18 novembre, 2012

Paradis sous terre

paradis.jpgParadis sous terre. Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l’industrie minière mondiale
Alain Deneault et William Sacher
préface de Richard Desjardins
Écosociété (Montréal) et Rue de l’Echiquier (Paris), 2012
192 pages, 15 €

Ceux et celles pour qui la diplomatie canadienne se résume à d’aimables voyageurs/ses aux énormes sac à dos marqués de la feuille d’érable auront de quoi être surpris·es par la description que font ici deux des auteurs de Noir Canada des exactions auxquelles se livrent les entreprises minières du pays. Car le Canada ne se contente pas de faire profiter cette industrie de conditions particulièrement favorables : lois minières sur mesure qui leur accordent la préséance sur toute activité de surface, exemptions fiscales de tout ordre, faiblesse de la collecte des redevances minières, etc. Il s’attache en outre à les exporter dans le monde entier, particulièrement dans les pays les plus vulnérables.

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mercredi, 19 septembre, 2012

#Indignés ! D'Athènes à Wall Street, échos d'une insurrection des consciences

#Indignés ! D'Athènes à Wall Street, échos d'une insurrection des consciences
textes recuellis par la revue Contretemps, Zones/La Découverte
2012, 196 pages, 14,50 €

« Si le seul moyen de s'apercevoir du monde de merde dans lequel on vit est de se faire virer, alors tout le monde à la porte ! », disait l'autre (1). On y est presque : « Toute une génération de diplômés de l'enseignement supérieur est touchée par le plus haut pourcentage de déclassement de toute l'histoire des États-Unis » (2). Ce qui ne doit pas être étranger au surgissement d'Occupy, le plus abondamment commenté dans ce recueil de textes autour de quelques mouvements sociaux apparus en 2011. De la place Tahrir à la place Syntagma, de la Puerta del Sol à Wall Street, on a pu assister à la remise en cause de la gouvernance mondiale et du néo-libéralisme, sous une forme qui a eu l'heur d'intéresser le public, plus que les grèves et les occupations d'usine traditionnelles, lesquelles produisent des discours et des images apparemment moins enthousiasmants (3).

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jeudi, 30 août, 2012

Yucca Mountain

Yucca Mountain, John D'Agata, traduit de l'anglais par Sophie Renaut, Zones sensibles, 2012, 159 pages, 16 euros

Retour au point de départ, ce Sud-Ouest américain où le président Truman a cru bon de faire procéder aux premiers essais nucléaires... et aux suivants, jusque dans les années 1990. Aujourd'hui, la montagne Yucca, dans le Nevada, doit servir de dépotoir à des décennies de production de déchets états-uniens. Pendant des années, une cargaison passera toutes les trois heures par le nœud autoroutier de Las Vegas, et les risques sont bien connus, mais qu'à cela ne tienne. La montagne est poreuse et constituée à 9 % d'eau, une matière très corrosive, mais qu'à cela ne tienne. On n'imagine pas pouvoir signaler pendant ne serait-ce que les 10.000 ans qui servent d'objectif politique la dangerosité de la montagne à des populations dont la langue n'aura plus qu'un rapport lointain avec l'anglais, mais qu'à cela ne tienne. Elles resteront, on l'espère, émues comme nous par le Cri de Munch que l'auteur propose de dessiner sur la montagne, comme il se dessine sur la couverture de ce livre surprenant. Ni essai, ni autobiographie, mais déambulation personnelle et poétique dans une société mortifère. Les digressions nombreuses et très documentées (sur le plus grand building – inutile – de Las Vegas, sur le taux de suicide dans cette ville, sur la sémiologie, etc.) sont des ramifications indispensables pour décrire au plus juste la folie nucléaire.

mercredi, 30 novembre, 2011

Les femmes peuvent-elles écrire de la nature writing ?

David Vann, Désolations, Gallmeister, 2011
Trevanian, La Sanction 1972, Gallmeister, 2007 et 2010
Edward Abbey, Désert solitaire 1971, Gallmeister, 2010

D'un côté on imagine la chick litt, littérature de grande consommation, urbaine, féminine et pressée. Parce que de l'autre il y a une nature writing sous l'égide de Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson, « pour nous les hommes ». D'où vient cette vision stéréotypée du rapport des hommes et des femmes à la nature et à la littérature ? C'est celle qui se dégage de la lecture des bouquins de la collection « Nature Writing » chez l'éditeur français Gallmeister. Et particulièrement des ouvrages de Trevanian ou Edward Abbey.

Chez le premier, pas trace de femme qui ne soit jugée par le protagoniste à travers un critère unique : employées ou non à d'autres desseins, qu'elles l'aient demandé ou non, elles sont avant tout baisables ou pas, soit dans le délicat vocabulaire de ce polar : « utilisables » ou non. Symptôme de la perversion du personnage principal ? Plutôt celle de l'auteur, car jamais Jonathan Hemlock ne blague sur le nom de sa voisine Cherry, jeune femme adulte et avide de se débarrasser de sa virginité. L'élégant jeu de mot (en anglais argotique déflorer se dit « faire sauter la cerise (cherry) ») et la misogynie qui se dégagent du bouquin sont donc certainement à mettre au crédit de cet auteur mystérieux. Charmant.

Le second, hors une silhouette à peine dotée du nom de son mari, ne présente la moitié de l'humanité que sur le mode de la généralité (le ranger devra entre autres compétences savoir « rassurer une jeune femme effrayée par l'orage »), souvent associée au mode de vie industriel (« la routine domestique (même vieille femme tous les soirs) »), au point de reprendre pour le décrire l'expression de « syphilisation » ou civilisation urbaine, autoritaire et violente, aux « délices polyscélérats » et vaguement teintée des péchés de l'éternel féminin. Les écoféministes ont dû apprécier, alors qu'Abbey fait comme elles de la soif du profit et du désir de domination les racines profondes du saccage de la Terre, que son mépris des femmes lui ait laissé ignorer leur rôle plutôt positif de défense du milieu et d'un mode de vie moins prédateur (1). Abbey n'est certainement pas un grand théoricien, si pour lui « la » femme est surtout une belle blonde comme l'héroïne du Gang de la clef à molette (1975, Gallmeister, 2006), dont le rôle serait de l'accompagner en rando et de se laisser transférer docilement d'un amant à l'autre, aussi peu ragoûtants soient-ils tous. Le faute à un mauvais régime ultra-carné et industriel de corned-beef et bacon aux œufs ? Un séjour dans le potager de Barbara Kingsolver (Un jardin dans les Appalaches, Rivages poche, 2009) lui aurait été plus profitable... le rapport à la nature (moins sauvage, certes) n'y est pas qu'esthétique, il passe aussi par la nourriture, dans un geste modeste et vital.

Hélas Abbey, comme Trevanian, nous écrit d'une époque révolue, celle où les écolos radicaux/ales pouvaient se gaver de viande en batterie et de voyages aéroportés, qui est aussi celle de la « libéralisation sexuelle ». Gallmeister fait certainement œuvre utile en rééditant ces bouquins-culte, mais les femmes ont de quoi tirer la gueule, d'autant plus quand elles voient que dans ce catalogue maintenant bien épais figure une seule femme, Kathleen Dean Moore. Annie Proulx n'a plus besoin d'aide pour toucher le lectorat francophone, mais signalons qu'un seul livre de Gretel Ehrlich, La Consolation des grands espaces (10/18, 2006), est disponible pour le public francophone, alors que cette auteure a reçu en 2010 le prix Henry David Thoreau qui récompense les meilleur-e-s auteur-e-s de nature writing. Hommes ou femmes.

Chez le même éditeur, le nouveau roman de David Vann, qui s'était fait remarquer en 2010 avec Sukkwan Island, ne rentre pas dans la catégorie du livre viril dont le héros bourru et décidément peu avenant (celui de Craig Johnson ou de William G. Taply) est pourtant un grand séducteur. A lire Désolations, il semble impossible de deviner le genre de l'auteur-e. Décrivant un couple qui se délite, Vann nous fait partager avec la même précision les frustrations de l'homme et les angoisses de la femme, nous dévoilant les tréfonds de l'âme humaine comme le font les grand-e-s écrivain-e-s. Peut-être moins « nature » que les autres titres de la collection, son livre est l'un des seuls qui touche ainsi d'aussi près à l'universel. La lectrice (pour une fois comme le lecteur) savourera la pépite inattendue qu'est cet ouvrage venu d'Alaska, entre usines de poisson et pick-ups rouillés.

(1) Lire par exemple à ce sujet Janet Biehl.

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