Paradis sous terre

paradis.jpgParadis sous terre. Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l’industrie minière mondiale
Alain Deneault et William Sacher
préface de Richard Desjardins
Écosociété (Montréal) et Rue de l’Echiquier (Paris), 2012
192 pages, 15 €

Ceux et celles pour qui la diplomatie canadienne se résume à d’aimables voyageurs/ses aux énormes sac à dos marqués de la feuille d’érable auront de quoi être surpris·es par la description que font ici deux des auteurs de Noir Canada des exactions auxquelles se livrent les entreprises minières du pays. Car le Canada ne se contente pas de faire profiter cette industrie de conditions particulièrement favorables : lois minières sur mesure qui leur accordent la préséance sur toute activité de surface, exemptions fiscales de tout ordre, faiblesse de la collecte des redevances minières, etc. Il s’attache en outre à les exporter dans le monde entier, particulièrement dans les pays les plus vulnérables.

Aux largesses de l’État fédéral canadien, on pourra même ajouter la prise en compte de ces « investissements » au titre de l’aide au développement (si, si), alors que l’activité minière consiste surtout en l’exercice d’une véritable prédation des ressources souterraines, aux dépens de la protection de l’environnement ou des équilibres socio-économiques locaux, en échange de maigres redevances. Les auteurs développent l’exemple de la République démocratique du Congo, où de grandes compagnies canadiennes, secondées par les diplomates d’Ottawa, tentent d’échapper à la remise en cause de contrats de cession établis en temps de guerre par des factions armées ne bénéficiant d’aucune légitimité. Le résultat est là : les compagnies minières canadiennes sont parmi les plus importantes au niveau mondial, et elles offrent leurs dividendes aux épargnant·e·s canadien·ne·s, alpha et oméga des politiques publiques du pays.

Un pays qui s’est construit sur l’exploitation des ressources naturelles, des fourrures de la baie d’Hudson aux mines d’or, de diamant ou d’uranium. Un petit détour historique nous rappellera ces sources du capitalisme canadien, et les frasques de la bourse de Toronto. L’activité minière était au XIXe siècle une activité des plus hasardeuses, et tel filon qui semblait généreux pouvait se révéler aride : ces incertitudes firent de la spéculation sur les valeurs minières le jeu à la mode des élites canadiennes, sur un marché qui ne punissait ni les délits d’initié·e·s ni la divulgation de fausses informations. On imagine le carnage. Aujourd’hui les majors de l’industrie minière recourent à d’autres procédés pour socialiser les pertes et privatiser les profits : imbrication très forte des milieux d’affaires avec le personnel politique (les anciens Premiers ministres Brian Mulroney, Jean Chrétien et Joe Clark travaillent pour l’industrie minière) et partenariats public-privé, propagande jusque dans les écoles pour promouvoir l’excellence canadienne (ça nous rappelle EDF) et intimidation des acteurs et des actrices, y compris universitaires, susceptibles de lever le voile pudique tissé par Ottawa. Noir Canada avait ainsi été retiré des rayons des librairies sous l’influence de Barrick Gold à sa publication en 2008. On espère une vie moins tragique pour ce nouvel ouvrage, très documenté et magnifiquement ouvert par l’auteur-compositeur et cinéaste Richard Desjardins

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