Fin de partie ?

Si la crise sanitaire due au Covid-19 était un marathon, on peut tenter d’imaginer comment les autorités françaises l’auraient couru. D’abord un énorme sprint, à s’en faire péter la rate. Confinement strict, avec deux poids-deux mesures selon le statut social des personnes, et un coût énorme – pas seulement économique mais aussi social et sanitaire (les malades, actuel·les et à venir, d’autres pathologies ont été sérieusement impacté·es (1), sans compter la dégradation globale de la santé physiologique et psychologique), démocratique également car l’arbitraire des règles et de leur mise en œuvre attente aux quelques caractères démocratiques de nos sociétés. Le tout avec le petit caillou dans la chaussure que constituent le discours sur l’inutilité des masques et leur absence dans les stocks.

Ensuite, c’est comme si le coureur avait pris tout l’été pour se remettre, en se payant un long arrêt sur le bord de la route. Rappelez-vous, il a fallu attendre fin juillet, malgré les tribunes de médecins, pour prendre une mesure contraignant au port du masque dans les lieux publics. Et puis le type repart en marchant tranquillou, sans avoir profité de ce temps pour apprendre à poser sa foulée (qui penche très à droite) ou mieux s’équiper de bonnes chaussures FFP2. C’est dommage car en juin 2020 tous les savoirs sur la transmission du virus étaient fixés et en juillet le grand public en avait connaissance : non ça ne se transmet pas par contact avec les surfaces (ou de manière anecdotique), non ça ne se transmet pas seulement par les gouttelettes à moins de deux mètres, ça se transmet par les aérosols qui sont aussi volatils que la fumée de cigarette. Presque deux ans après cette stabilisation des savoirs, la majorité du public reste sur des idées fausses, qui courent toujours et empêchent les gens de se protéger et de protéger les autres.

Et puis à l’automne 2020, nouveau coup de sang, le coureur se remet à courir, un peu en zig-zag, piquant des sprints quand ça lui chante. On peut dire que « qui peut le plus peut le moins » et décréter le port du masque obligatoire en plein air dans la plupart des départements, mais le bénéfice est faible (et carrément nul quand il s’agit d’entasser les gens en écourtant l’heure de pointe avec un couvre-feu à 18 h) et la fatigue grandit. Il faudrait pourtant tenir sur la longueur et ménager ses efforts. Et pendant qu’on dit qu’il faut « vivre avec le virus », on n’apprend pas à le faire. Le gel hydro-alcoolique, très utile contre la propagation de la gastro-entérite (2), est moins cher que l’adaptation des systèmes de ventilation des bâtiments. Et les restaurants, dans lesquels les mesures sanitaires sont quasiment impossibles à mettre en place, restent fermés comme les salles de spectacle où l’on peut porter le masque. On ne court pas très bien, donc, mais on court parfois très vite et on se crève.

Vient ensuite le deuxième été Covid, sous le signe d’un coup de boost chimique homologué pour tous les coureurs mais dont sont privés les plus pauvres (le problème étant que la course ne sera finie que quand le dernier coureur sera arrivé). Notre marathonien est convaincu que c’est la seule et unique manière de gagner la course alors il a bien envie de donner des coups de pied au cul des imbéciles qui ne l’ont pas encore compris et en même temps sa foulée se fait toujours plus paresseuse et désordonnée, avec quelques sprints maladroits comme un retour anecdotique de l’obligation du masque en extérieur avant Noël.

Et depuis quelques semaines, comme il croit la ligne d’arrivée proche, il s’est arrêté pour payer des coups à tout le monde (votez pour lui, c’est bien lui le plus sympa) sauf celles et ceux qui ont le Covid et qui doivent, ce sont sur elles seul·es que tout repose et c’est aussi injuste qu’idiot (3), réduire le risque au maximum en se confinant. C’est elles et eux qui sont bien sympa, je ne sais pas comment je me comporterais à leur place. Et bien malin qui sait dire si notre coureur agrégé de course à pieds (si si, ça existe) se trouve au kilomètre 39 ou au kilomètre 23, c’est la suite qui nous le dira.

Le résultat de cette foulée maladroite, de ces gestes incohérents et de cette vitesse inégale (qui a pour seul indicateur l’engorgement de l’hôpital), c’est une grande lassitude. La même que j’observe autour de moi quand des gens qui se disent pas dupes du cadeau électoral apprécient quand même de mettre le nez à l’air dans des lieux clos au milieu de cent personnes qui font de même, même quand le nombre de cas approche le million comme on l’a appris jeudi dernier. Et puis à quoi bon protéger les autres s’ils ne vous rendent pas votre bon procédé ? Pour éviter cette lassitude, il fallait surtout ajuster nos efforts aux bénéfices qu’on en tire. Car oui, « Omicro est sympa » mais il cause toujours des morts en nombre (700 par semaine), il épuise toujours un système de santé par ailleurs dégradé par les politiques d’austérité, il entraîne toujours des Covid longs sur lesquels on n’a aucun recul, en particulier chez les enfants. Et derrière Omicron, c’est la grande inconnue car la dangerosité des variants ne va pas automatiquement décroissant.

Aujourd’hui enfin le gouvernement s’est réconcilié avec les anti-vax, anti-masques et anti-réduction des risques dans une belle communion sous le signe de la liberté individuelle, contre le concept même de santé publique et en méprisant ces quelques connaissances pourtant bien établies sur le virus. On en reparle ici.

PS : Positive au Covid depuis le 20 mai, je fais désormais partie de celles et ceux sur lesquel·les repose le seul dispositif restant de réduction des risques et qui sont donc tenté·es de ne pas faire connaître leur situation. J’ai dans un premier temps hésité à signaler mon cas mais le refus de contribuer à casser le thermomètre aussi bien que la nécessité d’obtenir un arrêt de travail m’ont finalement poussée à renouveler en pharmacie un premier test déjà positif. J’ai prévenu mes cas contact sur une période plus large que celle que me demandait l’Assurance maladie et à celle-ci je me suis contentée de signaler les lignes de transports en commun que j’emprunte régulièrement. C’est une blague de mauvais goût puisque je suis restée et resterai masquée dans les transports, malgré la fin de l’obligation du port du masque, effective le premier jour où l’on me demande de signaler mes contacts, blague autrement plus grinçante. La question du respect de mon obligation de confinement ne se pose pas encore puisque je suis très fatiguée mais j’ai profité de ma sortie en pharmacie pour faire des courses. Je sais suffisamment bien me protéger et protéger les autres pour ne pas accepter les leçons à ce sujet d’autorités qui ont à mon avis failli par désinformation sur les modes de transmission du virus, par la mise en place trop tardive du port du masque dans les lieux publics fermés (juillet puis août 2020) et par sa levée trop précoce (mars puis mai 2022). À mes cas contact qui ne m’ont pas répondu avec diligence, j’ai envoyé un deuxième message les enjoignant à prendre au sérieux la possibilité qu’ils et elles en contaminent d’autres mais je ne les signalerai en aucun cas. Ce n’est pas aux personnes touchées par le virus de prendre seul·es la charge des mesures de protection de la population. Et la désinvolture cultivée en population générale par les autorités en période électorale ne peut être compensée par la sévérité des injonctions sur le comportement de quelques un·es.

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