Ma bite est vivante

Par Alain Gomasio

La bride tendue sur mon cou, la ceinture de chasteté sur ma bite, tout ce qui m’empêche de humer l’air des sous-bois et de profiter du vivant… Voilà deux ans que le capital et ses complices appauvrissent ma vie et confinent mon vit. Le troupeau des peine-à-jouir applaudit les autorités pour leur gestion inhumaine de nos corps, salue l’efficacité et la constance de mesures qui devraient faire horreur à n’importe quel être véritablement vivant. « Gestes-barrière », « confinement », « comorbidités », « immunité », « épidémiologie », « ARN messager », leur lexique est envahi par une novlangue aussi laide que commune.

Tout occupées à ce que pas un de ces fantômes (personnes périmées, immuno-déprimées, grosses ou en mauvaise santé) ne manque à l’appel, les dites autorités ont tenté de socialiser chaque parcelle de mon humanité. Pourtant je résiste. Réfugié échappé de l’enfer libyen, féministe criant que mon corps m’appartient, personne non-binaire défiant les catégories étriquées en un geste anarchiste, chien faisant sa crotte où il le désire, je refuse toute assignation, toute contrainte, toute limite. Je suis vivant, je suis moi, be myself, ne crains-je pas de dire.

Je me fonds dans l’autre, je l’accueille, je me mêle, nous nous métissons. Nul masque entre nous, nos visages se penchent les uns sur les autres, je t’embrasse et te caresse les fesses, nous partageons ce qui fait de nous des êtres vivants, mon foutre ruisselle. Ni patrie ni frontière, rien ne m’arrête, l’intégrité de ton corps vaut bien ma vibrante liberté.

Moi qui ne lis jamais et me flatte de voir surgir en moi spontanément les idées, je citerai néanmoins pour finir Paek Susilo Bambang qui s’écriait courageusement devant les tenants de l’ordre : « J’assume, j’fais c’que je veux. »

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