PMA, écologie radicale et féminisme : passé les bornes…
Par Aude le jeudi, 3 juillet, 2014, 04h01 - Textes - Lien permanent
Hiver 2012-2013 : le débat politique se sclérose sur la question des droits des personnes LGBT et les écolos radicaux n'y font pas toujours bonne figure. Le projet de loi sur le mariage pour toutes et tous propose-t-il dans un premier temps l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (ou PMA) aux couples lesbiens ? Les critiques que l'on peut faire à ces techniques étaient jusqu'alors plutôt discrètes, mais elles fleurissent, en ce sombre hiver comme au printemps, accompagnées des rumeurs les plus incongrues sur notre modernité devenue folle (1) ou de supputations sans pudeur sur la sexualité des lesbiennes ou des gays (2).
Dans une passionnante enquête sur « la reproduction artificielle de l’humain » publiée par les mêmes (5), Alexis Escudero trace à propos de la question égalitaire la même fracture entre les bonnes féministes (universalistes des années 1970) et les mauvaises qui n’en sont que de « prétendues » : « Réduisant la réalité sociale à l’opposition binaire entre dominants et dominés, hantées par l’idée que toute différence est nécessairement inégalité, elles en déduisent qu’on ne peut lutter contre la seconde sans abolir la première. L’égalité, c’est l’identité. »
L’égalité dans la différence ?
Voilà une question qui n’a pas été traitée à la légère par les féministes : est-ce que la différence est compatible avec l’égalité ? On pourrait mobiliser des outils abstraits pour y répondre et dessiner les plans d’un monde parfait où ce serait le cas, mais il est peut-être plus fructueux de regarder autour de soi et de considérer les usages qui ont été faits du concept d’inégalité naturelle. Pas celle entre individus, qu’Escudero nous rappelle en citant Albert Jacquard : « Les hommes ne naissent pas égaux. […] Chacun des procréés est […] unique. » Mais l’inégalité naturelle entre classes d’êtres humains, une fiction politico-scientifique bien aventureuse qui nie justement la variabilité interindividuelle, celle observée et mise en avant à longueur d’intervention par le même Jacquard.
Au XIXe siècle, ce n’était pas par curiosité qu’on mesurait le cerveau des femmes et celui des NoirEs, c’était dans l’idée de trouver une justification scientifique, naturelle, aux inégalités sociales que NoirEs et femmes subissaient. Ou, comme l’explique impeccablement Christine Delphy : « La hiérarchie ne vient pas après la division, elle vient avec – ou même un quart de seconde avant – comme intention. Les groupes sont créés dans le même moment et distincts et ordonnés hiérarchiquement » (6). C’est la même logique qui est à l’œuvre dans des « manifs pour tous » qui se donnent pour slogan « Touche pas à mes stéréotypes de genre ! », quand on assène que les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus ou qu’on met à la poubelle les programmes scolaires de sensibilisation aux inégalités de genre (7). La montée en épingle de différences essentielles entre groupes humains est utilisée, dans les faits, pour créer de la hiérarchie.
Aujourd’hui ce n’est pas une coïncidence que 80 % des actives et actifs travaillent dans des environnements relativement non-mixtes et que les rémunérations des femmes soient de 28 % inférieures, en raison de leur plus faible rémunération horaire (18 % de moins) (8) et de leur plus faible temps de travail rémunéré (9).
Les féministes (les vraies et les « prétendues ») sont certes friandes d’égalité formelle mais elles savent que c’est déjà compliqué de faire payer des amendes aux partis qui ne respectent pas la parité, alors de là à faire intervenir la police républicaine de l’égalité de genre lors des entretiens d’embauche, des négociations de couple ou dans le cadre des relations de séduction… À moins qu’il ne faille attendre le délitement de l’État et du capitalisme ? On ne sait quels outils émancipateurs cette écologie radicale et cet anti-industrialisme proposeront aux femmes après avoir renvoyé continument à la différence naturelle et refusé l’idée même de genre, en compagnie des groupes les plus réactionnaires.
Au nom de quelle nature ?
L’inégalité entre femmes et hommes tient à d’autres choses qu’à un arsenal juridique hérité d’âges farouches et qu’il faudrait finir de rendre égalitaire ou qu’à l’exploitation, par le capitalisme et ses acteurs, d’individus dont le corps est en mesure de porter des enfants et de les allaiter ensuite (si elles veulent). Elle se nourrit de symboles. Au-delà d’un substrat naturel, quelle que soit l’importance qu’on lui donne, se construisent des représentations qu’on appelle le genre et qui, présentes en chacunE d’entre nous, nous engagent à traiter de manière différenciée femmes et hommes. Différenciée et inégale, car les représentations anodines de l’enfance ont vite fait de se scléroser pour assurer les inégalités que nous connaissons : les camions miniatures deviennent un taux plus élevé de décès sur la route pour les hommes, et les poupées le cantonnement des femmes à des activités de soin moins gratifiantes et rémunératrices – et plus coûteuses pour elles, puisque la semaine des femmes fait dix heures de plus, toutes activités contraintes confondues.
Étudier cette construction, c’est le travail qu’assurent, non pas depuis les années 70 mais depuis plus de 70 ans, les féministes et leurs alliéEs, militantEs et universitaires. Sans qu'il soit question d'hubris technicienne ou d’un « cyber-féminisme » articulé à des fantasmes de recréation du corps et de disparition de toute différence, l'histoire et l'anthropologie ont bien renseigné l'inventivité des sociétés humaines en matière d'identité de genre, de sexualité et de filiation. Sans être « post-op » (sans subir ni opération chirurgicale ni traitement hormonal), les benjamines des familles rurales albanaises dotées uniquement de filles endossent une identité masculine qui tient au vêtement et au comportement social. Plus près de nous, l'image des femmes comme des êtres frêles entraîne la sous-alimentation systématique des bébés de sexe féminin, faisant des enfants… plus frêles. Selon la doxa du moment, les hommes seraient des êtres à la libido débordante et irrépressible qui, sans le justifier, explique à elle seule le viol. Ils se vivaient pourtant au XVIIIe siècle comme des êtres de mesure face aux déchaînements de la libido féminine. Foin de fantasmes anhistoriques : chaque société invente son système binaire de répartition des rôles sociaux, qu’elle justifie sur des bases naturelles. À l’exception des sociétés qui inventent des systèmes ternaires (11).
Nous construisons le genre, au-delà de la différence sexuelle avec laquelle nous naissons et jusqu’à travailler les corps. Inutile de multiplier les exemples, dont la littérature féministe fourmille, de Simone de Beauvoir à Françoise Héritier, bien avant Judith Butler ou des théories « post-féministes ». Ces dernières ne constituent pas une rupture si radicale qu’elles doivent nous faire oublier le fameux « On ne naît pas femme, on le devient » de 1949. L’usage qui peut en être fait pour relativiser les questions de genre est cependant une possible bifurcation : surestimation de la liberté individuelle ou choix arbitraire des bénéficiaires de l’ « intersectionnalité », y compris par les classes dominantes (10), y compris à l’encontre des intentions premières des auteurEs. C’est ce que je comprends du mot de Butler, qui se souvient de sa surprise d’être proclamée théoricienne queer : « Il y a dans la théorie queer un certain anti-féminisme » (12).
À la recherche, malgré tout, du temps béni où les hommes étaient des hommes et les femmes… leurs obligées, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, le front de défense de l’essentialisme pourrait bien, au lieu de voir ses intuitions naturalisantes confirmées par des voyages dans l’espace et le temps, voir ses certitudes bousculées. Plutôt que de convoquer la nature à tort et à travers, jusqu’à commettre de regrettables raccourcis (13), et plutôt que de parler à la place des féministes, il faudrait retourner aux fondamentaux de notre critique de la technique. Et retourner à ce qu’est la PMA…
PMA et effet de seuil
« La PMA, c’est l’ensemble des techniques médicales permettant la procréation "en dehors du processus naturel". L’intervention la plus courante, la fécondation in vitro, implique un traitement hormonal par injections pendant environ un mois, accompagné d’un suivi gynécologique pour suivre la taille et la quantité d’ovocytes produits. Lorsque ces paramètres sont jugés satisfaisants, les ovocytes sont prélevés chirurgicalement, et la FIV en tant que telle a lieu dans un tube à essai. Elle est suivie, si elle a fonctionné, par le transfert d’embryons dans l’utérus de la femme. D’embryons au pluriel, afin d’avoir plus de chance qu’au moins un se développe… de toute façon, on ne gardera pas tous les embryons et, avec les diagnostics préimplantatoires, on peut choisir ceux qu’on implantera dans l’utérus de la femme traitée sur des critères de "santé" » (14). Encore aujourd’hui, même si les appétits eugéniques semblent bien aiguisés, c’est sur la rapidité de multiplication des cellules qu’on effectue ce choix.
L’insémination artificielle, elle, est une « technique médicale ou "artisanale" au cours de laquelle le sperme d’un homme est prélevé et déposé dans l’utérus ou le vagin d’une femme ». C’est une fécondation in vivo. C’est une technique plus simple, qui ménage le corps des femmes et ne permet pas d’autre eugénisme que le choix du donneur. On peut considérer qu’elle est plus sociale (choix et anonymat du donneur) que médicale, moins propice à la dépossession des usagèrEs, et qu’elle impactera moins la société que des techniques plus complexes. Elle est « interdite par la loi hors du cadre médical (art. 511-12 du code pénal et article L. 673-3 du code de la santé publique) » et refusée aux lesbiennes, au même titre que l’adoption n’est ouverte qu’aux seulEs hétérosexuelLEs, quand bien même ils et elles seraient célibataires.
On peut à juste titre chercher où se situe le seuil entre un outil appropriable et une technique qui nous dépasse, se demander à qui elle profite et quelles enclosures elle dresse. On peut à juste titre s’inquiéter du meilleur des mondes que nous promettent la marchandisation et la médicalisation de la reproduction, et refuser la fécondation in vitro ou des techniques qui lui sont associées. On peut à juste titre s’irriter quand des militantEs écolos rejoignent le grand concert libéral pour l’extension de droits individuels, en-dehors de toute perspective collective et dans l’idée bienheureuse que la technique est neutre (15). Mais est-ce que le droit à l’adoption pour les personnes LGBT et à la fécondation in vivo pour les lesbiennes reculerait les limites que nous devrions nous fixer pour refuser les vies indécentes qu’on nous invente ? Cette grande cause dans laquelle se sont engagéEs des militantEs pour qui les inégalités de genre étaient ou demeurent terra incognita me semble illégitime et assise sur des privilèges de sexe et d’orientation sexuelle. On peut, on doit lutter contre le système technicien et la société industrielle autrement qu’en refusant une pipette à une lesbienne. On peut, on doit lutter contre le libéralisme économique et les réformes « sociétales » du PS, chargées de nous faire oublier son manque de volontarisme devant l’effondrement économique, social et écologique en cours, autrement qu’en faisant passer les LGBT, du haut fonctionnaire gay à la précaire lesbienne dans un centre d’appels, pour une classe sociale privilégiée et méprisante du peuple – le vrai.
À l’heure où les débats politiques se sclérosent dans des identités, la manière dont le refus de la PMA est posé semble faite exprès pour creuser des fossés, faire pencher les bonnes volontés du côté d’un libéralisme dont l’abjection est bien déguisée en générosité, et les éloigner d’un anti-industrialisme et d’un écologisme qui se complaisent dans la discrimination et le « c’était mieux avant ». On sera mieux entre nous.
Alors, réaction ou modernité ? Serre-tête ou godemiché ? Fromage ou dessert ? Décidément, voici qui nous éloignerait presque, anti-libéraux/ales et critiques de la technique, de la recherche d'une organisation sociale qui nous permettrait de mener toutes et tous une vie digne, qui articulerait liberté individuelle et autonomie collective, égalité des conditions et respect du milieu.
(1) Aux USA des lesbiennes nourriraient leur enfant mâle d'hormones pour en faire une femme. Dans Michel Sourrouille, « La PMA pour tous ? Illimitation de la technique, donc problème écologique », 10 janvier 2013 sur reporterre.net.
(2) « Un homme joue le rôle "passif", celui de la femme, offrant son anus faute de vagin ». Dans « Sexe et enfant, l’homosexualité en lutte contre la nature », 27 décembre 2012, article non signé sur le blog biosphere.blog.lemonde.fr. On appréciera au passage la pauvreté de la représentation de la sexualité hétéro, limitée au coït vaginal.
(4) La Décroissance, mars 2014.
(5) Alexis Escudero, La Reproduction artificielle de l’humain, Le Monde à l’envers, 2014 et sur le site de PMO, http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=495 et pages suivantes, pour la publication en chapitres. Abstraction faite de son instrumentalisation du féminisme et de ses coquetteries politiquement incorrectes, c'est un texte que je recommande chaudement, notamment pour les liens qu'il tresse avec les questions de la reproduction animale industrielle.
(6) Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les autres ?, La Fabrique, 2008, citée dans le texte précédent.
(7) Voir les mésaventures de l’ABCD de l’égalité.
(8) INSEE, chiffres 2010.
(9) Prenez la différence horaire et multipliez par deux ou trois, vous obtiendrez grossièrement la différence de temps de travail domestique entre les mêmes : 7 h hebdomadaires de travail rémunéré en moins, et 17 h de travail gratuit domestique en plus à l’échelle européenne (ministère des Droits des femmes, juin 2011).
(11) Articule-t-on les dominations (genre, identité sexuelle, « race », classe sociale) ou les met-on en compétition quand, lors du débat sur la prostitution, de nombreux hommes de la classe moyenne prennent le parti de la classe des prostituées contre l’intérêt de la classe des femmes, et réduit la classe des femmes migrantes aux seules femmes prostituées ? Les autres galèrent ou font des ménages sans susciter leur sympathie. Politique de la vulnérabilité, éthique de la compassion parfois perçues comme subversives mais qui accompagnent à merveille l’abjection libérale et l’exploitation des bonnes volontés par les mauvaises, des plus fragiles par les plus forts.
(10) Pierre Clastres, par exemple, décrit dans une société amazonienne une troisième classe, en-dehors du système hétérosexuel, et qui fait à l’envers tous les gestes de la vie quotidienne. Pierre Clastres, La Société contre l’État, éditions de Minuit, 1974.
(12) Judith Butler, Humain, inhumain, éditions Amsterdam, 2005.
(13) José Bové oppose avec maladresse, lors d’une intervention orale visiblement mal préparée, Nature et artificialité, en appelant à combattre toute « manipulation sur le vivant ». La coévolution multimillénaire des plantes et des sociétés, souvent résumée sous le concept d’« agriculture », est bien une manipulation sur le vivant, avec dans le cas des OGM des effets de seuil qu’il s’agit de questionner (1er mai 2014 sur la chaîne KTO).
(14) Cette citation et les suivantes sont extraites de l’excellent article d’Anita, « PMA = Produire de la Maternité Automatique…? », Offensive n°37, mars 2013.
(15) Noël Mamère sur la commission LGBT d’EELV, « PMA et GPA : pas vraiment écologistes », 15 mai 2014 sur reporterre.net.
À lire également : Stéphane Lavignotte et Aude Vidal, « PMA et critique de la technique, au nom de quelle nature ? », 18 janvier 2013 sur reporterre.net.
Commentaires
Merci beaucoup pour ce texte qui expose les éléments critiques pertinents au texte de Escudero. Je l'attendais !
(Il y a un soucis au niveau des notes : on passe de la 2 à la 4, de la 13 à la 15, la 10 est après la 11, et il manque la note 16.)
Bonjour Aude,
J'ai lu attentivement ta critique du livre d'Alexis Escudero.
J'ai eu le sentiment qu'elle n'atteignait pas le coeur du sujet.
La critique de la PMA par PMO n'est pas dirigée contre le don de sperme in vivo mais clairement contre la prise en mains par les médecins (FIV) et les marchands (banques de sperme par exemple) de la reproduction humaine.
Actuellement, même si ce n'est pas autorisé par la loi, on peut très bien s'arranger pour se faire donner du sperme par un gars et se l'injecter si on veut un enfant, je vois pas comment ça peut être contrôlé et surveillé.
Le texte d'Escudero critique donc bien la question de l'eugénisme ainsi que la prise en main marchande et techno-scientifique de la reproduction humaine.
Nulle part il ne dit qu'il est contre le droit à l'adoption pour les couples homos.
Je ne vais pas écrire quelque chose de plus long maintenant car mon repas est sur le feu.
Mais je souhaiterais vraiment parvenir à discuter de ce qui me semble le fond de la critique de PMO envers une large frange de groupes et militant-es se revendiquant de "gauche".
Critique qui me semble nécessaire et fertile.
A bientôt pour une suite.
Non, ceci n'est pas une critique du bouquin d'Escudero. J'ai une rubrique "lectures" sur ce blog, et ce billet figure plutôt dans la rubrique "textes". Je rends compte d'une tendance de l'écologie radicale et/ou critique de la technique qui existe (PMO publie Escudero, Reporterre a publié plein de tribunes sur la question dont une que j'ai co-écrite) qui critique la PMA (pour de bonnes raisons), puis le désir d'enfant des lesbiennes et enfin les demandes d'égalité, pour finir par produire des discours homophobes ou anti-féministes. C'est un problème en soi, c'est mon sujet ici.
Escudero ne referme pas son bouquin sur l'IA low tech, ce qui aurait été une recherche de compromis et aurait rendu sa contribution irréprochable. Son bouquin est passionnant et bien documenté, mais les questions de genre y sont abordées d'une manière que j'estime aussi réac et coupable que PMO et Sourouille, que je cite plus que lui me semble-t-il. En fait, il instrumentalise le féminisme et c'est comme à PMO un reproche grave que je fais : parler au neutre en utilisant des analyses féministes qui n'ont plus lieu d'être (le mariage n'est pas la même institution avec ou sans droit de cuissage) ou caricaturées (Delphy n'est pas une post-féministe cyber queer qui s'est fait greffer une bite, c'est la féministe qui jouit du plus de prestige aujourd'hui dans toutes les tendances féministes pour la radicalité de ses analyses et sa prise en compte impeccable des questions raciales et socio-éco), c'est appuyer sa position dominante sur les faiblesses (si penser dans la divergence peut être une faiblesse) des groupes dominés. Classe...
Et dommage, parce que son bouquin est passé près du truc dont on a besoin : un texte qui montre les dessous de la PMA sans faire horreur aux femelles et aux autres groupes dominés, qui se sentiront plus jugés qu'autre chose par des mâles hétéros donneurs de leçons. Sur ce sujet, mes bornes ont été franchies il y a longtemps : http://blog.ecologie-politique.eu/post/Feminisme-pourquoi-tant-d-interet. Oui, je suis une féministe hystérique qui ne fait plus aucun cadeau, suite à la violence symbolique et verbale subie ici et ailleurs depuis des plombes. Aaucun copain ne va me faire la leçon en échange d'une tape dans le dos et de la preuve qu’il sait se faire à manger (ça aussi, je connais).
Le féminisme, ce n’est pas le truc qui doit s’effacer derrière LA grande histoire des maîtres du monde qui nous dépossèdent de tout. Parce que les maîtres du monde, c’est aussi chaque mec devant sa mère, sa copine ou ses amies complaisantes, toutes bien rééduquées à s’oublier pour lui faire plaise. Le féminisme N’est PAS un front secondaire.
Et j’oubliais de répondre à la remarque sur la fécondation in vivo sans zizi. Oui, rien n’empêche (à part la loi, un détail) de mettre du sperme dans un vagin avec une pipette. Sauf que… la procédure du donneur anonyme, elle a besoin d’exister socialement pour aller plus loin que ces arrangements entre potes. Et tu ne vois pas le problème mais je le vois : un couple de lesbiennes n’a pas à subir les intrusions d’un donneur dans sa vie, c’est ÇA la demande (sinon chaque femme sait se faire inséminer gratuitement, je raconterai un jour comment). La demande porte sur le droit de ne pas être à la merci d’un bon copain qui décidera peut-être un jour, quand le gosse sera propre ou qu’il sera devenu intéressant, de faire valoir ses droits de donneur, pardon de père. Pourquoi pas un mot sur les usages masculinistes de la paternité ? Et il faut imaginer (Escudero le fait bien sur la maternité artificielle tardive, mais pas sur la paternité naturelle tardive, tiens, en disant que les enfants ont le droit de ne pas passer leur adolescence à l’hospice à accompagner leurs parents et je suis d’accord avec lui) un enfant qui suppute la paternité chez chaque pote de ses mères. L’anonymat a des raisons d’exister qu’il faut savoir respecter.
Merci pour les corrections sur les notes, je vais essayer de changer ça !
Les notes sont en vrac car je les fais à la main, et cet article a été largement modifié depuis sa première rédaction en avril (soit avant la publication du bouquin d’Escudero). Il en manque et elles sont dans le désordre, mais tout concorde. Merci pour les remarques !
Il y a une Interview d'Escudero dans le dernier numéro de la Décroissance, paru hier. Il dit à ce sujet :
"Le récent débat sur la PMA en France a été mal posé. Au nom d'une conception biaisée de l'égalité, la gauche a réduit tout débat sur la PMA - considérée unanimement comme un progrès social et humain - à la seule question de son ouverture aux homosexuels. La droite s'est engouffrée sur ce terrain là. Elle qui ne trouve rien à redire à la PMA depuis 30 ans, s'insurge aujourd'hui contre son extension aux homosexuels, comme si les couples homos n'avaient pas les mêmes capacités que les hétéros à aimer, éduquer et prendre soin d'un enfant. Le vrai débat sur la PMA et la GPA ne porte pas là-dessus. Ces techniques doivent être critiquées et combattues en tant que telles, indifféremment pour les homos et pour les hétéros. [...]
Dans cette optique, la revendication d'un « droit à la PMA » pour les couples de lesbiennes doit être combattue pour ce qu'elle est avant tout : l'ouverture de la PMA à tous les individus fertiles, homos ou hétéros. Cette revendication rend légitime pour qui le souhaite, la possibilité de recourir à la fécondation in vitro et donc à la sélection génétique des embryons. C'est le passage d'une technique palliative, déjà condamnable en tant que telle dans un monde surpeuplé, à une technique de convenance. Voilà qui permettra comme aux Etats Unis, à des couples de bourgeois fertiles de recourir à la fécondation in vitro afin de sélectionner sur des critères génétiques (diagnostic pré-implantatoire) l'embryon qu'ils veulent implanter dans l'utérus – celui de maman, ou celui d'une Indienne, si maman ne veut pas prendre du ventre. Evidemment, l'opération devra être financée et prise en charge par l’État et la société : c'est la signification du « droit à la PMA » revendiqué par les libéraux de gauche, un droit opposable, qui oblige l'Etat à fournir à chacun les moyens de l'exercer, par opposition au « droit de », simple absence d’interdiction."
C'est plutôt clair il me semble.
Bonjour,
1- Le procès en antiféminisme intenté à la _Reproduction Artificielle de l'Humain_ est injuste. Je me suis amusé à rechercher les occurrences du mot « féministe » dans les quatre chapitres du bouquin.
Chapitre 1 : 0 fois
Chapitre 2 : 0 fois
Chapitre 3 : 1 fois :
Dans un passage sur la manière dont l'eugénisme renforce le pouvoir des parents sur les enfants, appropriables, appropriés et considérés comme de simples objets :
❝« Liberté des consommateurs libres sur un marché libre et concurrentiel. Totale servitude de l’objet de consommation sélectionné, manipulé, produit sur mesure et acheté. Cet objet, c’est un enfant. Le droit de propriété comprend l’abusus, la possibilité de disposer d’un objet, en le vendant, en le modifiant, voire en le détruisant. Si l’objet est livré mal à propos, la liberté du consommateur est donc de pouvoir le supprimer. Ainsi de prétendues féministes – en fait des consommatrices extrémistes – écrivent à propos de l’infanticide :
« Un enfant n’existe que quand il y a projet d’enfant, que quand la femme qui le porte le fait exister comme tel, donc dès les premières minutes si on le désire. [...] Quand on ne veut pas d’un enfant, quand on ne l’attend pas, c’est un problème, une galère, une catastrophe mais pas un enfant. La femme n’est alors pas mère, elle ne tue pas un enfant, elle règle un problème. »❞
Il n'y a pas de critique du féminisme ici, mais d'une dérive libertarienne et consumériste, défendue sous couvert de féminisme, et qui n'a rien d'émancipateur.
*Chapitre 4 : * l'occurence féministe apparaît une dizaine de fois.
Une première fois :
❝« Inégaux par nature, les hommes et les femmes sont en revanche égaux par volonté politique. Une volonté qui hante les sociétés depuis des millénaires. C’est cette volonté qui a sous-tendu la Révolution Française, l’abolition des privilèges et de la monarchie. C’est elle encore qui – sous une forme radicalisée et étendue à l’économie – a guidé le mouvement ouvrier. C’est en son nom que furent menés les combats anticolonialistes, féministes et pour les droits civiques. Cette égalité qui a formé jusqu’ici la matrice idéologique de la gauche, est une égalité sociale, économique et politique. [...] L’égalité ne vise pas à abolir les différences biologiques entre les individus, elle en fait abstraction. C’est là que réside toute la beauté de l’idée, et des combats qui furent menés en son nom. »❞
Là, il y a une reconnaissance des combats féministes, de leur justesse et de leur valeur.
❝"C’est cette conception de l’égalité que les avant-gardes de la gauche libérale – cyber-féministes, transhumanistes, philosophes post-modernes et autres avatars de la French Theory – falsifient de jour en jour, au bénéfice des biologistes, médecins et industriels spécialisés dans la reproduction artificielle. Réduisant la réalité sociale à l’opposition binaire entre dominants et dominés, hantées par l’idée que toute différence est nécessairement inégalité[2], elles en déduisent qu’on ne peut lutter contre la seconde sans abolir la première.
[2] « La hiérarchie ne vient pas après la division, elle vient avec – ou même un quart de seconde avant – comme intention. Les groupes sont créés dans le même moment et distincts et ordonnés hiérarchiquement. » Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les autres ?, La fabrique, 2008. »❞
Ce qui est critiqué ici, ce sont « les avant-gardes de la gauche libérale », en particulier « les cyber-féministes », pas « les féministes » en général. Et si Delphy est citée (en note de bas de page, et non pas en plein texte), c'est parce que : 1- c'est elle qui formule avec le plus de clarté cette idée que toute différence est inégalité. 2- que cette idée est reconnue et acceptée dans la plupart des milieux féministes, en particulier chez les cyberféministes et dans les milieux qui se battent pour la PMA. Il n'est pas dit en revanche que Delphy est cyberféministe. (Peut-être aurait-il fallu le préciser?)
De la même manière, les passages suivants ne s'attaquent jamais au féminisme, mais au cyberféminisme, et plus largement aux tendances les plus stupides du féminisme technophile.
❝« Le dévoiement du *féminisme* en *post-féminisme* , et notamment en *cyber-féminisme* , illustre ce déni des différences biologiques. Combattre les inégalités homme/femme est désormais has been. Les inégalités de salaire, la répartition des tâches ménagères, l’affirmation des femmes dans la sphère publique, c’était bien bon pour les féministes horriblement universalistes des années 1970. Apparu aux États-Unis au début des années 1990 sous l’influence de Donna Haraway, nourri à Foucault, à Derrida et à la science-fiction, le *cyber-féminisme* se veut bien plus radical. Ce sont les différences biologiques entre hommes et femmes qu’il entend abolir. »❞
❝« Lorsque BioTexCom, le plus gros centre de procréation artificielle d’Ukraine adresse en première page de son site « ses plus chaleureuses félicitations à sa patiente, originaire de Suisse qui a accouché de jumeaux à l’âge de 66 ans2 ! », le slogan *féministe* « un enfant si je veux, quand je veux ! », qui avait accompagné le combat pour la liberté de l’avortement, recouvre désormais une réalité sordide »❞
❝« Le corps est vécu comme une prison dont il convient de s’affranchir grâce à la technologie. Dans ce rêve convolent *post-féministes* et transhumanistes, bientôt suivis par tout le troupeau progressiste. »❞
❝« Du pain béni pour les transhumanistes, comme Georges Dvorsky, fondateur et président de la Toronto Transhumanist Association, directeur du « programme pour le droit des personnes non humaines » à l’IEET (Institute for Ethics and Emerging Technologies) et régulièrement interviewé dans les médias anglophones. Inspiré des délires *post-féministes* , il se targue d’avoir inventé le « post-genderism », qu’il explique dans un article cosigné par James Hughes »❞
❝« En fait, l’utérus artificiel participe des délires *post-féministes* depuis le début. Ainsi Shulamith Firestone, féministe canadienne écrivait en 1979 : « Contrairement à ce que pensait le premier mouvement féministe, le but final de la révolution féministe doit être, non seulement l’élimination du privilège masculin, mais l’abolition de la distinction entre les sexes elle-même »❞
❝« Sous couvert de liberté et d’émancipation, *post-féministes* et transhumanistes vouent une haine sans bornes à la nature ; haine de l’inné, de ce qui est donné à l’être humain à la naissance ; de ce qui n’est pas produit, manufacturé, normé, réglé, rationnel ; haine de ce qui frotte, qui dysfonctionne, qui tombe malade, de ce qui n’est pas efficace et productif 24 heures sur 24 ; haine de ce qui échappe, et que l’on ne maîtrise pas. »❞
❝« Le cyborg, débarrassé de toute contrainte sociale, culturelle, historique et bien sûr biologique. Donna Haraway, biologiste et prêtresse du *féminisme* cyborg »❞
❝« L’acte sexuel devrait cesser d’être le moyen employé par la société pour renouveler la population » proclamait la *féministe* américaine Ti-Grace Atkinson en 1979. Quarante ans plus tard, la fécondation in vitro, le diagnostic pré-implantatoire et la génétique permettent de fabriquer des bébés sur mesure »❞
❝« Le fantasme du téléchargement de l’esprit – mind uploading – sous-tend toutes les recherches au croisement de la robotique, de l’intelligence artificielle et des biotechnologies. Il trouve son origine chez Norbert Wiener, théoricien de la cybernétique, qui annonçait en 1948 la possibilité future de « télégraphier un homme ». Pour les cybernéticiens, l’homme n’est qu’un ensemble d’informations. Son cerveau : un ordinateur. Son corps : une machine. Ce « paradigme informationnel » est la matrice commune du transhumanisme et de la philosophie post-moderne4 – Lyotard, Derrida, Foucault, Deleuze, Guattari – et donc du *post-féminisme* . »❞
Lorsque ce n'est pas le cyber féminisme, mais le post-féminisme qui est critiqué (lequel englobe le cyber-féminisme), ce n'est pas sans raison : Dvorsky et Hughes citent et s'inspirent explicitement de Butler et cie. Les post-féministes, qu'elles soient queer ou cyber sont issues de Lyotard, Derrida, Foucault et du paradigme informationnel dont parle Céline Lafontaine… etc...
Bref, je ne vois pas ce qui accrédite la thèse d'un antiféminisme dans ce bouquin. Et je ne crois pas qu'il témoigne d'une méconnaissance des théories critiquées.
2- Ce qui vous pose problème en fait, ce ne sont pas des positions « anti-féministes » fantasmées, mais c'est qu'un certain féminisme soit critiqué par un « homme blanc hétéro a priori ». A cela, il faut répondre deux choses :
→ La justesse d'un énoncé ou d'une théorie politique ne dépend pas à la position de celui qui l'énonce. (Même si effectivement dans la pratique ensuite, nous ne sommes jamais égaux selon le rôle, le statut, ou le capital culturel/économique... que la société nous attribue, et que cette chose mérite d'être pensée). Marx est sans doute le bourgeois qui a critiqué le Capital avec le plus de finesse. Les indigents de la république font étalage de leur bêtise tout en brandissant leur position de dominés...
Ajoutons que l'auteur, en tant que mec n'était peut-être pas le mieux placé pour développer tout un tas d'arguments liés à la médicalisation du corps des femmes, ou à l'autonomie des femmes vis à vis de l'industrie dans la procréation.
→Justement, parmi les féministes et autres personnes autorisées à s'exprimer sur le sujet – et y compris chez celles qui disposaient de toutes les armes théoriques pour le faire – bien peu de personnes ont pris la parole pour dénoncer la PMA et ses conséquences. Personne surtout ne s'est résolu à nommer et à critiquer ceux et celles qui promeuvent marchandisation, eugénisme, et transhumanisme au nom de l'émancipation. En cela, le livre ne fait que combler un vide que personne n'a voulu combler depuis deux ans.
je vous livre là des notes, elles aussi prises en vrac, pendant une conférence,sur la procréation pour tous, suivie à l'université de brest, organisée par un laboratoire de Droit, donc juriste, et faisant participer une de mes profs de psychosociologie avec qui je discute souvent "idéologie", et une de ses consoeurs de discipline, ainsi qu'une avocate, une médecine, et d'affreux représentants de l'ordre social, sans compter quelques éléments du publique, pas tous étudiants.
notes à la suite de la conférence sur la procréation pour tous.
mon propos est de pointer ce que cela révèle des constructions sociales et identitaires.
Deux intervenantes m'ont particulièrement touché, toutes deux sociologues et psychosociologues.
Elles ont relevé le mensonge des réponses faites par les tenants conservateurs de l'ordre social et culturel.
Ce qui les intéresse dans leurs études concernant la "procréation pour tous", c'est précisément ce que révèlent les discours, les débats sur ce thèmes, par les différentes parties, juristes (qui organisaient la conférence), médicales, et politiques.
le mensonge : la médicalisation de la question de la procréation
contradiction inhérente à la prétention de répondre médicalement à quelque chose qui serait de l'ordre de la maladie chez des sujets que l'on reconnait comme sains
le mensonge : la catégorisation de sujets en ayant droit et n'ayant pas droit à la procréation artificielle.
le mensonge : la femme est toujours la cible médicalisée, l'homme même reconnu stéril est éludé, mais tout passe par son sperme "sacré"
et puis, c'est entre couple hétéro, solidarité masculine échangeant du sperme... euh... nan rien...
personne n'envisage la parténogénèse artificielle qui pourtant existe depuis et à partir des travaux de jean rostand (c'est là-dessus que j'ai construit mes personnages d'éthnofiction et d'extraterrestres... finbon...)
le mensonge : la menace de la virilité
selon deux sens, deux faces
la virilité menacée par la féminité
la féminité menacée par la virilité
donc deux constructions d'univers construits et définis comme antinomiques, rivalitaires, jaloux, envieux, en recherche de volonté de pouvoir.
la définition essentialiste des sexes culturels, des genres, les divisions des rôles et des prérogatives des sujets en fonction unique de leur déterminant sexuel
la centration de la problématique de définition de la procréation dans le stricte cadre d'une conception du couple hétérosexuée
la décentration réformiste sur l'engendrement de l'enfant
le mensonge de l'intérêt de l'enfant : capital de chair du parent, fondation de la respectabilité sociale de tout sujet et de sa place hyérachisée dans la société.
le rapport à la toute puissance, la procréation, faire biologiquement, par le corps, un autre corps, est fondateur du rapport phallique à l'autre. fondateur de la rivalité et de l'identification du je en terme d'identité sexuelle et sociale
rien à propos des mécanismes de liens affectifs, de la sensibilité, à soi, à l'autre, au monde.
la question de la paternité : angoisse fondamentale chez tout sujet ayant intégré une identité masculine sociabilisée et les schémes de la virilité.
que sont ces schèmes de virilité ?
intuition personnelle :
la virilité est fondée sur le pouvoir de domination
le pouvoir de violence... donc de viol
par crainte d'une faiblesse essentialiste à l'égard d'une interprétation du monde
le garçon est d'abord fabriqué comme insensible à son propre corps, sa douceur à lui-même
(peut-être pas pour rien qu'il est régulièrement observé que les garçons mettent plus de temps dans leur prime enfance à intégrer la différence des sexes... faut dire que de prendre tout le temps des baffes et des coups de ceinture... ça aide !) (et j'vais pas faire la liste des discours montrant qu'on leur apprend avant tout à "ne pas être une fille")
son seul pouvoir est la production de capital matériel et d'accumulation de capital.
il ne peut pas signer, saigner de part son corps, cycliquement, comme "la nature"
symboliquement, il n'est pas intégré au monde
fondation d'une jalousie à l'égard du corps capable de gestation
il lui faut accumuler ce capital de l'autre monde intégré au monde
il lui faut dominer/nier/refouler ses affectes pour dominer ceux de l'autre
il sublime dans la production créatrice ou guerrière ou vivrière, selon trois principaux modèles d'identité masculines : guerrier, chasseur, agriculteur et selon des pouvoirs directeurs différents qui vont lui faire s'octroyer des caractéristiques parfois contradictoires entre modèles.
le guerrier est un destructeur, cherche la mort, voué à la pulsion de mort
le chasseur est manipulateur, calculateur et faussement empathe, voué à la distance du désir
l'agriculteur est dominateur, démiurge qui recrée le monde et la nature, voué à la cupidité, l'angoisse de l'imprédictibilité
il y a évidemment plus à dire sur chacun des modèles, je note quelque traits rapides.
le modèle de l'artiste, dévolue à l'homme et très difficilement à la femme, comme celui du prêtre, sont des sacralisations, des mises à distance de réalisation d'interdits aux "communs"... donc des soupapes permettant de réifier les fantasmes collectivement partagés.
chez les intervenants, la question de la filiation est importante
elle recoupe, le foncier et le sexué car les deux, en tant que capital symbolique, sont étroitement liés
qui va posséder quoi ? qui va bénéficier du capital de qui ? qui va pouvoir accaparer un pouvoir symbolique lui donnant une place dans la hiérarchie sociale ?
l'homophobie révèle déjà la crainte, l’effroi, face à l'étrangeté à la fois au modèle dominant, qui se prétend universel, non seulement de l'hétérosexualité, mais de la construction des divisions de rôles socio-sexués, mais aussi parce qu'elle attaque l'essentialisme, la légitimation mensongère des constructions sociales, prétendument éthique, des identités sexuées, sur le pouvoir symbolique de la science, de la biologie et de la médecine, enracinée dans le pouvoir de la magie sorcière, mais bénéficiant d'un cartésianisme réducteur.
la procréation et l'engendrement "pour tous", poursuit cette "agression" (perçue comme telle) du modèle central de valeur, la virilité, fondé sur le capital symbolique de la gestation qui seul importe puisque réalise le matériel. or la virilité, modèle unique de référence, est mensonge puisque justement fondée sur le manque de ce pouvoir de gestation.
engendrer : c'est participer à la construction d'une psishé
mais le viril ne construit pas de psishé
parce que dans sa construction, il y a le principe de désensibilisation du corps et la négation des affectes, autres que "devoir sociaux".
il rationnalise, pour dominer, pour manipuler, pour quantifier, comptabiliser sa cupidité
la filiation : autre angoisse du viril
il faut être le fils d'un homme, bien plus que d'une femme !
la théorie du nom du père, même présentée sous l'angle de la triangulation des relations de désir... je préfère dire que je n'ai pas compris lacan ... mais j'ai un gros doute...
s'il "faut", c'est que "c'est pas naturel". juste une intuition là encore.
et ça angoisse.
alors, il "faut" être père : et l'on est jugé en tant que père potentiel ou pas
symétrique pour les femmes évidemment. (selon ce modèle)
autre observation : l'avocate, par ailleurs intéressante dans la description de sa pratique, comme la médecine, rapportant autant que s’abritant systématiquement derrière "la demande" des clients, donc se rapportant systématiquement à un rapport quasi-marchand, pose la question "est-ce que cela ne va pas ""encore plus"" féminiser la filiation ?"
je ne suis pas sûr d'avoir compris dans quel sens, dans quel jugement, à l'égard de quelle valeur, elle posait la question.
il faut que la filiation "reste" masculine ?... euh...
ce qui m'a semblé , c'est que là encore, "les gens" ont peur de la déconstruction des mécanismes de constructions de leurs rapports à soi et aux autres, obsédés par le pouvoir de gestation, bien plus que par le principe proposé depuis l'antiquité, de la philia, de la connaissance de son désir, de l'économie de son désir, de la régulation des pulsions, et donc de la connaissance de l'autre, ce que j'ai compris comme sens proposé par jésus dans son "aimez-vous les uns les autres"... ou l'appel à la coopération fondatrice de toute société relancée par les marxistes... finbon...
là
on s'angoisse, parce que des gens veulent vivre avec d'autres gens, indépendamment de leur pouvoir de procréation et en reconnaissance consciente de leur potentiel d'engendrement, c'est à dire de construction de psishé et d'affecte.
ce qui m'a fait plaisir, c'est d'entendre des gens ayant un pouvoir symbolique et social important, même si très relatif, aller dans le sens de l'inspiration des mentalités à se transformer.
tenter d'influencer, par leur regard sur le monde, ceux (les juristes) dont le contrat social est celui de la régulation des légitimations des cultures en place, donc dominantes... qui ne m'ont pas donné envie ni d'y engendrer, ni d'y procréer.
Ici pour la suite de la discussion, avec l'intervention de @pacoo : http://seenthis.net/messages/272640.
Bonjour,
Je suis très intéressée par vos articles et suis en train de dévorer votre blog.
J'ai trouvé à plusieurs (bon 2 d'accord) reprises l'affirmation comme quoi les bébés filles seraient moins nourries. Malgré de rapides recherches je n'ai pas retrouvé la référence, l'auriez-vous sous la main ?
merci pour vos articles, je vais poursuivre ma lecture.
Merci ! Je ne retrouve pas cette référence non plus, mais j'en ai trouvé d'autres ici sur les attentes vis-à-vis des bébés et qui les modèlent en retour : http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=101&Itemid=44&limit=1&limitstart=1. Les ouvriers il y a cent ans faisaient aussi dix centimètres de moins que les bourgeois, et ça, je devrais le retrouver dans FRANCHE Dominique, Rwanda. Généalogie d’un génocide, Fayard, 1997.
Voici !
http://penserclasser.fr/2014/01/22/pourquoi-les-femmes-sont-elles-plus-petites-que-les-hommes-lefilm/
Hommes grands, femmes petites : une évolution coûteuse