« Nous sommes en guerre »

Rien de tel qu’une bonne guerre pour faire taire toute contestation. On se souvient du maréchal Macron, recevant dès 2018 des réponses cinglantes à son mépris, mis en difficulté sur sa réforme des retraites, se saisissant de la crise sanitaire pour se faire une image de chef de guerre là où on avait plutôt besoin de soignant·es. Plus tard il a su également profiter des guerres des autres pour se mettre en scène viril et hétérosexuel, en sweat à capuche et mal rasé pour mimer maladroitement le président ukrainien. La guerre fait les chefs, la guerre fait l’unité. Quand c’est la guerre, il faut abdiquer toute réflexion, faire front commun contre l’ennemi. Les conflits sur la production des richesses, serait-ce par la destruction de nos milieux de vie, et sur leur répartition n’importent plus quand on a un ennemi, extérieur idéalement et à défaut intérieur.

La guerre est le joker des gouvernements à la faible légitimité. Le régime théocratique iranien, par exemple, s’est bien vite engagé dans une guerre de dix ans particulièrement meurtrière et inutile pour ne pas tanguer aux premières déceptions qu’il occasionnait (1). Israël s’engage sur la même voie. Alors que les derniers mois ont vu un renouveau démocratique dans le pays, avec un mouvement social d’une force inédite contre les velléités de destruction de l’État de droit par un gouvernement d’extrême droite, les attaques féroces du Hamas réconcilient le pays derrière un chef de guerre qui n’a de cesse de souffler sur les braises du conflit. Il n’y a plus aucune contestation possible, dans le pays et à l’international. Si le Hamas n’avait pas existé, les va-t-en guerre d’Israël auraient dû l’inventer. Ils l’ont a minima soutenu, comme le rappelait en 2009 un journal états-unien et comme le dénonce aujourd’hui le journaliste franco-israélien Charles Enderlin, longtemps correspondant à Tel-Aviv. Celui-ci livre dans les pages du Monde diplomatique d’octobre le récit au présent d’un mouvement politique majeur qui quelques jours après la parution serait effacé par la guerre. Sur les charniers de mort·es de différentes religions et nationalités qui s’accumulent, le cadavre de ce mouvement est celui dont la perte m’est la plus douloureuse car elle porte en elle les autres.

De la construction d’un ennemi de l’intérieur dans une France en déclin à un conflit armé qui depuis 1967 n’a connu que des accalmies, ces guerres, minuscules ou graves, mettent à mal les caractères démocratiques des sociétés qui s’y engagent. Ce sont au final des guerres contre leur propres peuples que mènent tous ces maréchaux, ceux de pacotille comme ceux qui font froid dans le dos.

(1) Merci pour le rappel dans cette émission sur les mouvements d’opposition au régime en Iran.

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