Covid et punaises de lit

Un ménage sur dix aurait été confronté à la question des punaises de lit depuis 2017. Je n’en fais heureusement pas partie mais j’en ai fait la déplaisante expérience en voyage. Les morsures sont très douloureuses, bien que la douleur s’efface dans l’heure, et elles perturbent fortement le sommeil puisque ces bêtes trouvent refuge dans la literie (mais pas seulement) et préfèrent sortir dans l’obscurité. Un logement infesté, c’est un véritable cauchemar. Impossible de dormir sereinement, d’inviter chez soi des ami·es, à dormir évidemment mais aussi à prendre l’apéro sur un canapé (1). Ou alors à leurs risques et périls, ce qui accroît le risque pour les ami·es d’ami·es et ainsi de suite. Par certains aspects, cette question des punaises de lit me rappelle le Covid. Et j’ai longtemps été tentée d’y consacrer un billet, ce que je fais aujourd’hui, rattrapée par l’actualité.

Pour des éléments factuels sur les punaises de lit, je vous renvoie à cet article de vulgarisation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a pris le problème au sérieux dans un récent rapport, chiffrant le coût de la lutte contre les punaises de lit consentis par les ménages (230 millions d’euros par an en moyenne) et le coût sanitaire pour la collectivité (83 millions d’euros en 2019, dont 79 millions d’euros associés à une baisse de la qualité de vie, aux troubles du sommeil et aux impacts sur la santé mentale, 1 million d’euros lié aux arrêts de travail et 3 millions d’euros environ au titre des soins physiques).

Les punaises de lit s’attaquent à tout le monde sans distinction mais il existe certains déterminants sociaux-économiques. Les personnes qui voyagent plus, a priori plus aisées, et descendent souvent dans des hôtels ont plus de chances de faire l’expérience des punaises de lit et de les ramener chez elles. Les locataires qui ont des propriétaires indélicats ou les propriétaires-habitant·es moins aisé·es ont plus de chances de ne pas pouvoir s’en débarrasser car la lutte est complexe et coûteuse. Doit-on laisser chacun·e se démerder avec ses problèmes de punaises, au risque qu’elles continuent à se répandre en raison de mauvaises pratiques et de foyers abandonnés à leur sort ? Même le macroniste Benjamin Griveaux, car il fait l’expérience d’une infestation de punaises, propose une politique publique en la matière.

Savoir, c’est pouvoir, pour ne pas ramener chez soi de punaises ou les traiter efficacement. Au niveau des ménages, il y a encore beaucoup de connaissances à apprendre et à diffuser. La congélation ou le lavage à 60° de vêtements et autres objets propices à l'abri des punaises réduit les chances d’en ramener après un voyage malheureux ou un achat de vêtements de seconde main. Et une fois que les punaises sont là, il y a des bonnes pratiques et des mauvaises (par exemple, la lutte chimique est déconseillée pour les particuliers). Sur cette page, une communication gouvernementale donne une série de conseils, se vantant de nous « accompagner ». Ce savoir, la diffusion de connaissances concernant les punaises, est éminemment nécessaire.

Mais il n’y a pas que le savoir qui compte dans la vie, il y a aussi des mesures bien concrètes. Par exemple pour aider les locataires et les propriétaires-habitant·es les moins aisé·es. Les premier·es peuvent avoir besoin de plus que d’une information juridique pour contraindre leurs propriétaires récalcitrants (ici l’exemple d’un bâilleur social à Martigues) à prendre en charge la lutte contre les punaises. Un bâilleur parisien, par exemple, refuse de faire traiter les punaises de ses locataires au motif que c’est la conséquence de leur mode de vie. Mais les punaises se diffusent aussi d’un appartement à l’autre et jusqu’à preuve du contraire descendre dans un hôtel n’est pas un délit, il faut donc refuser de juger les victimes de punaises de lit et aider tout le monde de la même manière. Si le bâilleur en question refuse, je pense que l’action de l’État pourrait aller jusqu’à assurer une aide juridique gratuite pour porter plainte sans coût. Les propriétaires-habitant·es moins aisé·es et les bâilleurs en difficulté financière devraient bénéficier de budgets dédiés pour payer une lutte efficace contre les punaises. Et de même les mauvaises pratiques de la profession hôtelière doivent cesser. En Norvège par exemple, comme dans de nombreuses auberges de jeunesse en Europe, les draps sont payants et les gens peuvent venir avec leur linge, ce qui accroît la propagation. Cette pratique (faire payer les draps) devrait en toute logique être interdite et la profession être mieux accompagnée pour lutter contre les punaises, y compris avec quelques recettes simples mais mal connues détaillées dans l’article précédent.

Devant une question pareille, même si celles et ceux qui n’en ont pas fait l’expérience la trouvent anodine, c’est collectivement qu’on doit réagir, sans quoi le tort grandira pour tous les membres de la collectivité. Laisser les pauvres dans la merde, c’est s’assurer tôt ou tard que même les plus aisé·es seront éclaboussé·es et c’est ce que je rappelais à propos de l’accès dénié aux soins de santé pour les personnes migrantes. Malgré tout ce qu’on sait sur le besoin que des politiques de santé ne laissent personne de côté pour le bien de tou·tes, une future loi immigration s’apprête à porter de nouvelles atteintes à notre santé collective en ciblant l’accès au soin des exilé·es, ce qui est expliqué dans cette tribune de soignant·es.

Mais heureusement, on peut aussi se rassurer, se dire que tout va bien et se dire que la mise en lumière récente du problème des punaises de lit n’est qu’une « psychose » passagère. Rassuristes contre tenant·es d’une politique de santé globale, oui, les punaises font bien penser à la crise sanitaire due au Covid.

(1) C’est le témoignage d’un ami qui a dû vivre plus d’un an avec des punaises de lit. Comme le note l’Anses, cela peut avoir des répercutions sur la santé mentale.

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