Vaches, cochons, poulets et TAFTA
Par Aude le mercredi, 11 juin, 2014, 00h20 - Reportages - Lien permanent
C’est la course aux aliments les plus efficaces pour permettre aux bêtes de grossir vite et à moindre frais. Mon premier contient « 25 à 50 % de protéines brutes et de 55 à 60 % de substances nutritives digestives, le tout sur matière sèche, et est riche en minéraux essentiels ». Il s’agit de l’excrément de poulet, défendu dans une étude pour la Food and Drugs Administration américaine en 2001 par deux chercheurs de l’université de Virginie (voir « Utilisation of Poultry Litter as Feed for Beef Cattle »). Vache folle oblige, et car les poulets eux-mêmes sont nourris aux restes de bovins, en 2003 la FDA interdit la pratique pour l'alimentation bovine… pour l’autoriser de nouveau sous la pression de l’industrie. Seule précaution, puisque « les excréments de poulet sont une source potentielle de micro-organismes pathogènes » (rappel : on parle toujours de caca, bien que de caca alimentaire), « les excréments devraient être traités avant d’être donnés à manger ».
Mon second est riche en kératine, une autre protéine : la farine de plumes. Encore une fois, l’industrie de production animale recycle ses déchets, comment lui en vouloir ? Seule ombre au tableau, sans compter votre grimace : à force de recycler, on obtient une accumulation de matières toxiques. Vous n’en aviez pas mangé la première fois ? Une étude de 2012 coordonnée par un chercheur de la John Hopkins University parle de « réentrée de produits pharmaceutiques […] dans la chaîne alimentaire » (« Feather Meal: A Previously Unrecognized Route for Reentry into the Food Supply of Multiple Pharmaceuticals and Personal Care Products ») et dresse une liste inquiétante d’antibiotiques, hormones et autres substances chimiques de synthèse.
Et mon troisième, pour aider la digestion des bestiaux, se présente sous forme de fibres. Mais on a trouvé mieux que les végétaux pour l’« optimisation de la rumination » (sic). Les brevets se sont multipliés sur les fibres artificielles, des polymères. Ici encore, aucune révélation, la pratique a des années et la consultation de brevets d’artificial roughage comme celui-ci est possible sur la toile.
En 2009, des associations de consommateurs et de défense du bien-être animal montent une pétition auprès de la FDA contre l’utilisation des excréments de poulet dans l’alimentation bovine et arguent de son interdiction au Canada, en Australie, en Nouvelle Zélande et dans l’Union européenne (« We Feed Cows Chicken Poop », Mother Jones, décembre 2013). Sans succès.
Si vous vivez dans ces derniers pays, mon tout n’est pas encore dans votre assiette. Mais les traités de libre échange que Barack Obama promeut au-delà des deux océans, Atlantique et Pacifique, avec chez nous le soutien de Karel De Gucht et de la commission européenne, mettront ces plats au menu, au nom de la concurrence libre et non faussée. Notre industrie de production animale n’était déjà pas un modèle en matière sanitaire et environnementale, mais voici qu'elle sera bientôt dépassée sur les linéaires des supermarchés par plus rentable qu'elle. Bon appétit !
Le point ici, daté de mai 2013, sur des pratiques autorisées aux USA et interdites dans l'UE.
Et ici pourquoi je ne vais pas pour autant promouvoir le végétarisme, une solution sommaire.
Commentaires
charmant!