Un solutionnisme écolo-alternatif ?
Par Aude le jeudi, 16 janvier, 2014, 09h30 - Textes - Lien permanent
DIY, agroforesterie, revenu garanti, agriculture urbaine, tirage au sort des mandats politiques, BRF, végétarisme, etc. Les écolos-alternatifs/ves ont une multitude de propositions pour faire du monde un endroit plus vivable. Le BRF (bois raméal fragmenté) réduit les besoins en eau de l'agriculture, le végétarisme s'adresse aux impacts désastreux de l'industrie animale, le tirage au sort nous fait retourner aux fondamentaux de la démocratie, le revenu garanti met à l'abri de la misère qui touche de plus en plus de personnes, particulièrement des femmes et particulièrement des enfants, le DIY (do-it-yourself) fait baisser la fièvre acheteuse.
Mieux, chacun de ces outils porte en lui des pistes précieuses qui vont encore au-delà : le revenu garanti, en offrant la possibilité de vivre décemment sans être rémunéré-e pour sa peine, ouvre la possibilité de faire baisser le travail dans l'échelle des valeurs et de se déprendre du productivisme dans lequel notre société s'est engagée ; l'agriculture urbaine ne se contente pas de relocaliser certaines productions agricoles, elle dessine en outre des villes plus agréables à vivre, dont on n'a plus envie de s'échapper le vendredi soir au milieu des bouchons. Comme des « révolutions douces », dans lesquelles on peut s'engager sans témérité mais qui sont porteuses de grandes possibilités de changement social. Toutes ces excellentes idées, que j'ai moi-même abondamment promues, je ne voudrais pas les critiquer pour ce qu'elles sont mais pour ce qu'elles représentent. Parce que oui, je vais un peu les malmener... âmes sensibles s'abstenir.
Simplification à outrance ?
L'usage de ces outils m'inquiète quand l'appréhension de notre monde naturel et social en sort trop simplifiée. Quand on est écolo, on apprend qu'on ne comprendra jamais vraiment notre environnement. Il n'est pas complexe dans le sens où on peut le mettre en chiffres, le modéliser et en sortir des résultats que le commun des mortel-le-s ne peut pas comprendre, comme dans le projet techno-politique du même nom – qui a ses adeptes chez les écologistes (1). Mais il n'est pas si simple que l'image qu'en donnent beaucoup de discours militants.
Le végétarisme, par exemple, semble ignorer qu'il faut faire naître et tuer des chevreaux (après engraissement au substitut de lait pour les manger, ou directement à l'équarrissage) pour se régaler de fromage de chèvre. Le véganisme, qui pousse l'exigence plus loin en refusant tout produit issu de l'exploitation animale, refuse de considérer la différence entre l'élevage concentrationnaire (qui transforme de la prédation d'eau et de ressources agricoles en produits animaux et en pollution) et les 0,2 % qu'il reste d'élevage à taille humaine – lequel ne se contente pas de nous nourrir ou de nous vêtir mais amende les terres et entretient les paysages. Comment entretenait-on les sous-bois méditerranéens, sans machines et sans pétrole, pour éviter les feux de forêt ? Avec des animaux (exploités, évidemment).
De la même manière, j'étonne parfois les promoteurs/rices du revenu garanti en mettant un peu de lumière sur les effets secondaires de cette mesure : comme le salaire maternel promu par l'extrême-droite, le revenu garanti permet à des catégories de la population de s'éloigner de l'emploi... et ma crainte, dans un contexte français marqué par la discrimination et les préjugés, est qu'elles ne puissent plus y revenir (2). Le revenu garanti marque d'autre part un abandon supplémentaire de souveraineté des travailleurs/ses, au profit de l’État, sur la redistribution des richesses qu'illes produisent, et permet la désertion du travail sans régler autrement la question du temps de travail et du surtravail qu'en accroissant les capacités de négociation des salarié-e-s. Bref, c'est un outil mais peut-être pas une solution, certainement pas une panacée (ou remède à tout) comme il est souvent présenté. Mirage de la simplicité ?
Je voudrais donner un troisième exemple avec le tirage au sort. Je présente une conférence qui promeut la démocratie directe (en abrégé : la démocratie), décrit des outils comme le tirage au sort ou le mandat impératif, pose des questions comme celle de la compétence politique, des potentialités de la délibération, de l'échelle des territoires où il est possible de faire vivre des communautés politiques... et je n'entends autour de moi qu'une chose : tirage au sort. Ça fait partie de la palette, mais c'est dommage d'y réduire la question.
Je comprends bien l'impression que peut donner mon propos : la fatigue de la semi-intellectuelle écolo (3) devant le menu peuple qui n'a rien compris ou si peu. Il serait injuste de s'arrêter là : j'aime transmettre ce que je sais, je m'inquiète beaucoup de la forme et des conditions humaines de cette transmission pour rendre puissant-e-s les personnes qui pourraient avoir besoin de mes éclairages. Dans ma conférence j'explique que l'opinion, si décriée par les non-démocrates, n'est qu'un stade de la pensée, et que derrière il est possible à chacun-e (pas seulement à une élite d'élu-e-s ou de journalistes) d'élaborer une pensée politique de qualité. « Tou-te-s capables ! », comme le dit une asso d'éducation populaire... à condition de s'en donner les moyens.
Et ce que je vois autour de moi, c'est une abdication de cette exigence. Pas chez les nouveaux/elles militant-e-s, qui découvrent et à qui l'on ne peut rien reprocher, mais chez les militant-e-s aguerri-e-s, qui semblent dire comme Christine Lagarde : « Assez pensé, assez parlé, retroussons nos manches ! » Quand ces militant-e-s sont médecins, cadres supérieurs ou ingénieurs, leur paresse intellectuelle me devient insupportable, et j'y devine parfois un certain mépris.
Un mépris militant ?
A Notre-Dame-des-Landes l'été dernier, un débat opposait ces salaud-e-s de paysan-ne-s pas bio en polyculture-élevage à des militant-e-s venu-e-s les aider à tenir le siège de la ZAD. La plupart des ces dernier-e-s étant végan, la discussion aurait pu être plus houleuse... A un moment, l'un d'illes, qui remettait en question les pratiques culturales de quinquagénaires expulsables (pas le meilleur moment dans une vie pour remettre en question sa culture professionnelle), leur a conseillé l'agroforesterie. L'agroforesterie, c'est un de ces outils agro-écologiques qui sont abondamment promus parce qu'en échange d'une emprise plutôt légère sur un champ, on reçoit des bénéfices très élevés de la présence d'arbres, notamment la possibilité de « réaliser » une réserve économique en les coupant au bout de trente ans. Passons sur les temporalités très différentes d'un arbre qui croît et d'un quinquagénaire expulsable... L'un des quinquagénaires a répondu, au lieu de sortir son fusil comme j'en aurais eu la tentation : « Regarde autour de toi, petit scarabée... ces arbres que tu as devant les yeux depuis deux jours, deux mois ou deux ans, c'est le bocage, c'est une forme particulière d'agroforesterie » (je me suis permis quelques altérations de la citation).
Voilà ce que j'entends par mépris, quand les outils écolo-alternatifs et la volonté qu'on a de les promouvoir empêchent de simplement regarder et suffisent à des militant-e-s pour expliquer à d'autres ce que devrait être leur vie (4). C'est le même mépris que j'ai abondamment commenté dans mes textes sur le DIY, qui tient à improviser des métiers avec toute l'assurance que donne une idéologie politique ou l'appartenance à des classes dotées d'un sérieux capital social et culturel. Les usages modestes que je constate en milieu rural, où chacun-e pratique en particulier ce qu'ille sait bien faire dans l'intention de l'échanger, me semblent beaucoup plus riches.
Quand on va à l'écoute des paysan-ne-s (5), une idée extraordinaire apparaît : le monde est varié. Les pratiques agricoles ne peuvent pas être les mêmes sur 15 ha et sur 45, en haut d'une colline et en bas dans la vallée, à proximité d'une ville et loin de tout débouché, pour ne rien dire du terroir et de la culture (dans tous les sens du terme) qui y a cours. Sur certaines terres on ne peut ni cultiver ni laisser croître une forêt, elles ne peuvent être que praires : c'est le cas dans la steppe ou en moyenne montagne, où l'alternative est réduite à l'élevage ou à l'abandon de toute présence humaine (6).
Pourtant les militant-e-s restent gourmand-e-s de solutions qui seraient les mêmes partout : j'ai entendu un jour dans une réunion de la Transition des gens se mettre en quatre pour imaginer la reconversion de leur quartier à l'agriculture urbaine... sachant que le quartier en question est une ancienne zone industrielle du XIXe siècle largement polluée. Cultiver trois légumes en bas de chez soi ferait partie du paquet « transition », surtout pas l'entretien de ceintures urbaines maraîchères qui à 5 ou 15 km (à une heure de vélo) seraient bien trop éloignées.
On est ici face à un choix : l'écologie est-elle une suite de recettes vues dans les films alternatifs, à calquer ici et là, ou une façon d'essayer de comprendre le monde avant de commencer à agir dessus ? En regardant certaines « boîtes à outils » comme celle de ma copine Florence dans L'An 02 ou comme la permaculture, je découvre que l'important n'est pas la recette mais la démarche, la manière de penser qui mène du constat à l'action... mais que là encore, la tentation est régulière de reproduire partout indifféremment des « trucs qui marchent ».
Des questions humaines et sociales
Mon dernier reproche à ces enthousiasmes écolo-alternatifs, c'est la manière dont ils abandonnent les questions humaines. On a le choix dans le prisme politique entre les panacées écolo-alternatives et une autre encore plus simple : la fin du capitalisme. Les deux soignent tous les maux et lavent plus blanc – en plus d'assurer le retour de l'être aimé ?
Ces panacées écolo sont particulièrement sensibles à la récupération : votre mairie distribue des composteurs et met du BRF partout sans pour autant réussir à réduire son empreinte écologique mais en se donnant bonne conscience ; des « territoires en transition » se créent sur des bases politiques d'extrême-droite ; de même que les multinationales de l'environnement se précipitent sur des solutions « développement durable » plus ou moins hasardeuses. Soit carrément technophiles pour les « sorciers du climat », soit impossibles à mettre en œuvre à grande échelle sans entraîner des graves désordres socio-économiques (les agrocarburants). C'est ce qu'on appelle le « solutionnisme » (7).
Il me semble important d'avertir le milieu politique dont je viens des dangers d'un solutionnisme écolo-alternatif, qui se développerait contre le local et sans souci pour les communautés humaines, qui mettrait l'objet avant la personne. Comme l'écrit si bien François Flahaut : « Croire au postulat qu'on a affaire aux choses avant d'avoir affaire aux autres constitue, dans le monde occidental, la forme la plus répandue de cuirassement masculin et la manière habituelle de cultiver une idée avantageuse de soi » (8). Et les personnes dont c'est le métier, de proposer des solutions écologiques, abonderaient dans mon sens en expliquant qu'une solution ne vaut rien si elle n'est pas adaptée à et acceptée par le milieu humain à laquelle on la propose.
Non seulement ce n'est pas efficace, mais en plus ça nous fait perdre de vue
un projet politique plus important. Ce qui m'est apparu ces dernières années,
c'est à quel point le milieu écolo a beau répéter « Moins de biens, plus de
liens » et être peuplé d'emblématiques personnes d'une grand qualité
humaine, il n'en construit pas pour autant de véritables communautés
politiques, où circuleraient les richesses et les dons, immatériels comme
matériels. Même si les affinités personnelles le pallient, nous ne faisons pas
communauté, c'est tout mon propos dans des textes comme « La Cause ne dit pas merci ».
Et comment garder ce souci dans des sociétés industrielles, dont la technique
fait exploser les échelles ? dans des villes tentaculaires, des
environnements socio-économiques sur lesquels plus personne, pas même nos
élites, semble n'avoir de prise ? dans des sociétés travaillées bien plus
profondément qu'elles ne le pensent par l'individualisme et le
libéralisme ?
Nous devons redécouvrir ce que signifie « être interdépendant-e-s »
(oui, un peu comme dans un écosystème) dans des communautés politiques qui,
même locales, seraient inclusives, auto-régulées et attentives au bien-être de
chacun-e, c'est à dire soucieuses de ne pas reproduire ces violences qu'on
observe partout ailleurs. Ça ne veut pas dire retourner à avant qui était
beaucoup mieux, avec ses patriarches et son contrôle social. Et c'est encore un
peu plus compliqué que d'aller chier dans la paille.
Merci à Nicolas le permaculteur pour les éclairages et les exemples (pas mentionnés ici, mais stimulants).
(1) Pour une porte d'entrée écologiste à la systémique ou théorie de la
complexité, « Introduction à la systémique », Gérard Pirotton,
Etopia, analyse n°18, novembre 2005.
(2) Et je sais de quoi je parle, puisqu'après 22 mois de chômage « volontaire » (disons faute de mieux), cela ne fait pas moins de six ans que j'échoue à valoriser professionnellement mon parcours bénévole.
(3) Je ne suis pas experte : après des années d'animation de revues écolos je commence un tout petit peu à faire rémunérer non pas ma connaissance de ces questions, mais la capacité que j'ai à la transmettre.
(4) Là aussi, je peux en témoigner, moi à qui des gens avec de très bons boulots expliquent que je devrais rester au chômage, voyager... sans prendre la peine de me demander préalablement ce qui me plairait. C'est ce que les militant-e-s font tous les jours aux paysan-ne-s, dans une violence sociale qui s'exprime de la même manière que depuis 150 ans qu'on organise scientifiquement l'agriculture. Coïncidence.
(5) Et je dois ici un sacré coup de chapeau à Xavier Noulhianne, éleveur d'ovins et de caprins dans le Sud-Ouest, qui connaît bien lui aussi ce milieu politique et m'a permis de mieux comprendre ce dont il était question.
(6) Ce qui se dessine dans tous les discours végans qui prennent la peine d'être cohérents, c'est l'abandon de toute présence humaine sur une part importante des territoires que nous avons anthropisés, faits comme les animaux à nos pratiques agricoles. C'est une position avec laquelle je suis en désaccord, et plus encore avec le fait qu'elle ne soit pas mieux assumée, cachée derrière un discours plus acceptable de refus de l'élevage industriel.
(7) Lire à ce sujet « La croissance rend-elle fou ? » d'Aurélien Boutaud, L'An 02 n°4.
(8) François Flahaut, Le Paradoxe de Robinson, Fayard, 2005.
Commentaires
"De la même manière, j'étonne parfois les promoteurs/rices du revenu garanti en mettant un peu de lumière sur les effets secondaires de cette mesure : comme le salaire maternel promu par l'extrême-droite, le revenu garanti permet à des catégories de la population de s'éloigner de l'emploi... et ma crainte, dans un contexte français marqué par la discrimination et les préjugés, est qu'elles ne puissent plus y revenir (2). Le revenu garanti marque d'autre part un abandon supplémentaire de souveraineté des travailleurs/ses, au profit de l’État, sur la redistribution des richesses qu'illes produisent, et permet la désertion du travail sans régler autrement la question du temps de travail et du surtravail qu'en accroissant les capacités de négociation des salarié-e-s. "
Je ne crois pas que le revenu garanti soit simplement une "solution" (même si nombre de ses tenants le présentent comme tel), un but, c'est aussi un moyen. Le moyen par exemple de mettre en crise l'idéologie du travail, ce qui peut évidemment être considéré comme plus "téméraire" que de "chier dans la paille" puisque l'adage de saint Paul "qui ne travaille pas ne mange pas" a été celui du socialisme réel et qu'il est aujourd'hui le principe affiché par tous les oligarques et pas seulement par ces gens là, pris que nous sommes par l'injonction à nous faire "entrepreneurs de nous mêmes" (voir le texte classique de Gorz à ce sujet http://www.cip-idf.org/article.php3...)
Dire que des formes de revenu garanti éloignent de l'emploi c'est faire écho à toutes les dénonciations des allocations chômage, du RSA qui désinciteraient à effectuer des emplois… de merde, c'est à dire les emplois réellement existants. De fait, nombre de chômeurs, officiels ou non, sont DEJA éloignés de l'emploi, et lorsqu'ils y passent, c'est pour des durées limitées, on a vu que désormais la majorité relative des chômeurs sont des "chômeurs en activité à temps réduit" qui exercent un ou plusieurs emplois. Aucune mutuelle locale ne suffira à vivre dans cette insécurité sociale les masses de salariés qui y sont confrontés. Il serait peut-être utile - à condition d'admettre que plus que les "solutions" les luttes sont nécessaires (la guerre est mère de toute chose disait l'autre), qu'il n'y a pas de "solution" mais des façons de poser pratiquement et collectivement des problèmes- de partir du présent plutôt que là aussi de faire écho à la crainte, de redoubler l'inquiétude quant à tout devenir possible là où ce serait la confiance dans des solidarités, un autre devenir qui devrait à mn sens être cultivée. La thématique des "effets secondaires" semble ici bien proche des discours ultra libéraux sur les "effets pervers" de toute socialisation
Et puis, à se centrer sur l'emploi on oublie que le travail excédé tout à fait sa mesure industrielle (emploi = discipline, un lieu, une activité, un patron), on oublie que bien des travaux, bien des activités y compris parmi les plus capitalistes, se déroulent hors de l'entreprise en tant que lieu physique, dans la société, que de telles activités, si ln veut quelles contribuent à une transformation égalitaire, voire au moins en partie à la fin de ce monde, exigent de se libérer peu ou prou de l'emploi, exigent que des moyens soient disponibles pour qu'ils puissent être mis en oeuvre. Sans le misérable RSA, les faibles retraites, les pauvres bourses, divers scieurs de la population disposeraient de bien moins de ressources pour fabriquer, coopérer, et pas seulement survivre dans la dépendance, comme le dise tous les travaillistes, eux aussi méprisants (leur mérite, on s'en balance).
Quant à la question de l'état, celui-ci existe, et il existe pas seulement dans la distribution mais aussi en particulier dans l'organisation de la rareté, de la concurrence. Plutôt que de croire pouvoir abstraitement réduire son rôle, il s'agirait donc de lutter pied à pied contre sa domination, son pouvoir en tant que représentant du capital collectif. Et certainement pas, comme tout une gauche fatiguée et fatigante le propose, de le réhabiliter, et avec lui le plein emploi et toutes ces saloperies.
Quoi répondre ? Tu ne me lis pas et me réduis à des discours politiques droitiers.
Eh bien le fait que tu parles de "communautés politiques" sans qu'il ne soit jamais question de lutte dans tes papiers (tu préfères le débat d'idées semble-til…mais quand et comment des idées, et lesquelles ? deviennent-elles des forces matérielles ?), que tu puisses de façon parfaitement fallacieuse parler d'"abandon supplémentaire de souveraineté des travailleurs/ses, au profit de l’État", comme si les travailleurs disposaient d'une quelconque "souveraineté", alors même que le travailleur, et mieux encore la travailleuse, et mieux encore le/la sans papier, se définit précisément de n'être ni citoyen, et encore moins "souverain", le fait que tu te situes sur le marché des conférences sur la démocratie, tout cela rend effectivement la lecture… difficile.
Par delà tel ou tel point qui fait malheureusement écho aux tropes de la domination (attention votre espérance va déboucher sur une autre domination, je veux le bien des "exclus de l'emploi", etc.,), ce qui est droitier c'est le refus de la politique. Pour faire bref, voici un texte qui, selon moi, dit quelque chose de ce qu'est la politique, et donc de ce qui peut faire communauté sur ce terrain : Fabrique du sensible, http://www.cip-idf.org/article.php3...
Oui, en effet, L., je parle plus de liens que de luttes. Parce que les liens, j'en entends parler à tort et à travers, et je ne vois que ceux de l'amitié, toujours pas de liens politiques. Tu parles plus que moi de ce qu'on appelle les questions sociales, je te l'accorde, mais déjà il faudrait définir ce que c'est :
Sandrine RousseauAborder le social comme tu le fais et comme moi je ne le fais pas ou peu (inégalités économiques, redistribution des richesses, luttes de travailleurs/ses) ne te permet pas de juger que mon propos est dépolitisé : l'insulte de base en politique. Je commence à être habituée avec toi, mais il faudrait arrêter de m'exclure à tour de bras de la gauche, de la politique, de que sais-je.
Et si le social c'était aussi ce qui ne ressort pas de la lutte pour l'accaparement des gratifications matérielles de la société industrielle ? Et si ta définition du social était étriquée ? Je ne me permettrais pas de te le dire, je pense qu'on a chacun-e son angle et sa stratégie, et qu'il ne nous appartient pas de dénigrer celle des autres d'un revers de main. Ce que je te vois promouvoir depuis bientôt quinze ans que nous nous croisons, c'est sûrement très bien mais permets-moi d'aller chercher d'autres pistes sur chaque point où j'y vois des impasses. Quant à ta hiérarchie selon laquelle on a mieux passé sa journée à faire le pied de grue chez Pôle qu'à écrire un texte politique, ou à lutter qu'à créer, je la désavoue aussi, aucune n'est supérieure. J'ai fait les deux, je pense être plus utile en faisant la seconde.
Je m'aperçois que j'ai oublié de mettre des liens vers mes textes sur le revenu garanti. Enthousiaste, puis critique (après des années à en faire l'expérience).
Tiens ça me fait plaisir de lire tout ça, y compris les commentaires opposés...
parce que oui, moi aussi je pense que fondamentalement, il faut revenir non pas aux luttes, donc aux rivalités, aux oppositions, aux affrontements, mais aux liens, et pas simplement aux liens d'amitiés, mais à tous les liens, affectifs à l'égard d'autrui autant qu'à l'égard des savoir faire de chacun, par lesquels on est dépendants les uns des autres.
Et ça, effectivement, il faut le repenser, avec son prochain, partout où l'on vit, en s'observant mutuellement, pour se comprendre, comprendre comment autrui donne du sens à sa vie à travers ses pratiques.
Agir, tout le monde le fait de diverses façons.
et c'est sur ces diverses façons qu'il faut réfléchir, échanger...
donc oui, il faut discuter, montrer, s'expliquer les uns les autres...
à partir de ce que l'on fait : donc regarder d'abord ce que l'on fait pour le dire à l'autre en espérant que l'autre aussi fera de même...
le gros problème
c'est que
la plus part des gens sont effectivement imbibés d'une culture, d'une idéologie qui prône l'orgueil de la compétence, de l'objet pouvoir, du pouvoir symbolique, de l'égoïsme... qui fait tendre chacun à s'identifier à des modèles... qui n'ont rien à voir avec ce que chacun est dans son intimité autant que dans sa vie relationnelle.
et les gens ont terriblement peur de se voir rejetés s'ils ne reproduisent pas tout ça...
sauf
quand ils ont beaucoup perdu et que la vie est vraiment dure matériellement...
là
quand on ne vient pas avec des solutions, mais avec la curiosité de savoir comment ils font des choses, on se met à parler de liens...
Désobéir à la voiture pour sauver la planète : http://www.la-boutique-militante.co...
Vendue comme un formidable outil de liberté, la voiture est devenue un fléau responsable de plus de quinze millions de morts et de blessés chaque année dans le monde, de la disparition accélérée des terres agricoles, de la fragmentation des espaces naturels, de la dégradation de notre environnement, de la multiplication de maladies respiratoires et de cancers, du déclenchement de guerres meurtrières pour l’accès au pétrole et de la plus grande menace actuelle pour l’espèce humaine, le réchauffement climatique.
La Boutique militante finance les luttes des Désobéissants pour l’écologie (desobeir.net)
Pour faire court, un autre exemple "l'allocation single mum" tandis que le RU est l'un des premiers, si ce n'est pas le premier, à avoir le taux de "filles mères" le plus élevé d'Europe - je pense que cet exemple apporte de l'eau à ton moulin, Aude ;)
Des reflexions interessantes, qui agitent probablement pas mal d'entre nous.
Les ecologistes ont beaucoup evolue. De Dumont, scientifique curieux au pull rouge, dont la premiere urgence se devait d'etre la demographie, a Canfin en veste et chemise qui avec ces camarades ne parlent plus que de PMA.
Quels que soient les mouvements consideres, il y manquent cruellement une honnete et une curiosite intellectuelle. Personne ne parle reellement d'ecologie, mais d'une recuperation de celle ci a des fins purement politiques, c'est a dire d'influence (que ce soit les vegans ou eelv).
Je developpe cela, certes maladroitement dans certaines de mes videos sur Youtube, esperant que cela lancera certains debats....
Je pense parcontre que, si il n'y a pas de solution facile, il est important de tenter concretement de vivre autrement. C'est la seule facon de sentir dans sa chair les implications de ce qu'est l'ecologie. On comprend en pratique par exemple la puissance des pesticides dans les cultures intensives, de l'extreme puissance du petrole dont peu d'ecologistes se passent effectivement, y compris les agriculteurs bio qui sont rares a travailler et livrer a cheval. il y'a aussi la notion de temps, ce que le cerveau humain a du mal a percevoir abstraitement, les notions de fatigues mentales face a certaines taches repetitives (ce qui est aussi vrai dans l'industrie, mais que des petits malins pensent pouvoir eviter par les etudes).
On finit par saisir la puissance de l'economie industrielle et comprendre a quelle point beaucoup de discours politiques sont creux. Quelqu'un qui n'a pas de connaissance concrete simplifira necesseraiment la problematique et restera dans l'incantation et le mensonge, le travestissment des realites a des fins politiques (voir ci dessus).
Je finis sur ta phrase de conclusion, qui est un grand classique
"Ça ne veut pas dire retourner à avant qui était beaucoup mieux, avec ses patriarches et son contrôle social. Et c'est encore un peu plus compliqué que d'aller chier dans la paille."
Ca se discute. Le patriarcat est surtout la marque des societes agraires issu du moyen orient, c'est a dire historiquement, la notre (les peuplades du neolithiques europeenes viennent d'anatolie). De meme pour le controle social. Mais les realites ethnologique ne sont pas aussi tranchee et les peuples "primitifs" ne sont pas necessairement marque par un patricarcat ou un controle social si strict. D'apres mes lectures, le pouvoir d'un chef est toujours tres limite car il ya possibililte de faire secession si il reste des territoires adjacent libre (sinon il y'a des guerres). Il y'a aussi dans beaucoup de bandes et meme de tribus agricoles des conseils ou tous les habitants ou une large fraction participent. Concernant le patriarcat, je pense que meme si on ne peut pas nier son existence dans beaucoup de societe, il ne presente pas sous la forme carricatural du 19 eme et n'est meme pas universel.
Nous ne reviendrons pas a ce type de societe, dont nous avons de toutes facon perdu la memoire, parce que de toute facon les ecosysteme ont ete endommage (ont "evolue"), avec une ominipresence de l'homme qui modifie la donne, c'est une situation de non retour, Mais cela ne veut pas dire que nous ne reviendront pas par la force des choses (et une pente naturelle) a des groupes ou une facon de nous associer qui auront des caracteristiques approchantes.
Je ne parlais pas de retourner si en amont que ça, vers des modèles de société décrits par Sahlins ou Clastres, où en effet le big man est un type qui donne beaucoup et n'a de gratifications que symboliques (patriarche sans pouvoir) mais à ces sociétés qu'on connaît très bien, du XIXe, du XXe, qui fonctionnaient beaucoup moins que les sociétés primitives sur le consentement de ses membres...