Quand nous aurons mangé la planète
Par Aude le dimanche, 30 août, 2009, 15h08 - Lectures jeunesse - Lien permanent
Album d'Alain Serres & Silvia Bonanni, Rue du Monde, 2009
Quand nous aurons mangé la planète est une variation sur l'adresse des Indiens Cree aux colons nord-américains: « Quand le dernier arbre aura été abattu et le dernier poisson pêché, alors vous vous rendrez compte que l'argent ne se mange pas ». Les richesses environnementales que nous sommes désormais en mesure de détruire sont illustrées une par une (banquise, forêts, animaux) dans la première partie de l'ouvrage. Viennent ensuite les conséquences de cet usage inconsidéré : les êtres humains sont devenus des Midas, incapables de manger l'argent et l'or qui sont tout ce qui leur reste. La situation – traitée graphiquement de manière moins catastrophiste que dans le texte – est dépassée par la présence possible d'un enfant « aux poches remplies de graines de vie ».
Silvia Bonanni tire parti de l'organisation thématique du propos pour
construire des doubles pages dont chacune a sa couleur et son ambiance
visuelle. Elle travaille avec le collage, qui lui permet de faire entrer dans
l'album des objets bruts, éléments tantôt naturels, tantôt artificiels, sans
logique apparente. Le feuillage d'un arbre peut être figuré avec un tissu ou la
carte routière d'une campagne, tandis que les billes de bois sont faites de
bois. Le résultat consiste en de grands tableaux sans relief et d'apparence
naïve, qui donnent une impression d'étrangeté.
Le propos d'Alain Serres répond-il à l'ambition affichée en quatrième de
couverture, à savoir écrire « une histoire qui donne envie aux enfants
de faire tourner la planète un peu plus rond » ? On a du mal à
comprendre comment cet objet très beau, bâti autour d'un paradoxe exprimé avec
une grande force, peut être aussi œuvre didactique. Ou bien il faudra
l'accompagner, pour expliquer aux plus petits comment l'être humain peut
menacer d'engloutir les dernières glaces de cette banquise où il ne figure pas.
Et qui est ce « nous » mystérieux et culpabilisant qui mange ainsi la
planète…