La Terre des hommes

terredeshommes.jpg, août 2021Naël Marandin, La Terre des hommes (2020), avec Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert et Olivier Gourmet
Sortie le 25 août 2021

Il est question de viol dans cette chronique.

Constance est fille d’éleveur dans le Charolais et voudrait reprendre, avec son fiancé, la ferme de son père. Mais quand son père fait faillite et n’est plus en mesure de transmettre l’exploitation, le projet d’installation de la jeune femme est mis en difficulté. Les Safer, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, sont des structures co-gérées par la profession et l’État pour réguler le foncier agricole. C’est devant une commission de la Safer locale que Constance devra montrer la solidité de son dossier et sa capacité à reprendre la ferme familiale – sur laquelle lorgne le voisin agriculteur, qui vient déjà visiter les lieux comme s’ils lui appartenaient. Jeune femme (heureusement en couple avec un homme (1)), désireuse de pratiquer un élevage plus respectueux des bêtes et de l’environnement, mais aussi plus rémunérateur, elle a un projet « atypique ». Aussi, quand un membre de la commission, un quadragénaire influent dans le milieu agricole et connaissance de longue date, lui propose de l’aide, elle l’accepte.

Avant de voir La Terre des hommes, j’avais du mal à considérer comme des viols les affaires dans lesquelles le ministre de l’intérieur, toujours en place à l’heure actuelle, a extorqué à des femmes des relations sexuelles non-désirées. J’y voyais avant tout du trafic d’influence (lui aussi interdit par la loi, en théorie) mais des viols… Je m’imaginais peut-être bêtement qu’il avait fait à ces femmes une proposition par lettre recommandée et qu’elles avaient pesé le pour et le contre avant de lui céder. Un viol est en France un acte sexuel commis par violence, contrainte, menace ou surprise. Exiger du sexe dans cette situation entre dans la case « contrainte », déjà. Mais quand, dans la même situation qui apparaît dans le film, cet homme qui se prévaut de son influence à la Safer essaie de forcer la jeune femme, la violence (la contrainte physique) et la menace s’invitent également dans la relation. Et tout se complique quand Constance, toujours contrainte par la promesse d’un soutien et la menace d’une trahison, retourne voir son agresseur.

La Terre de hommes ressemble un peu à un film à dossier : #MeToo et sexisme dans l’agriculture, agrandissement des fermes et obstacles à l’installation des jeunes et moins jeunes paysan·nes, difficultés économiques et faillite des agriculteurs, c’est au choix. Il est aussi très réaliste (ici Naël Marandin revient sur cette dimension du film) et a une grande force documentaire, comme beaucoup de films français désormais. Petit paysan de Hubert Charuel (2017), Au nom de la terre d’Édouard Bergeon (2019, pas vu) et j’en oublie se sont aussi intéressés à des « dossiers » (les fermes en difficulté, le contrôle vétérinaire), témoignant de l’intérêt de la société française pour l’agriculture. Le cinéma de Marandin est un peu moins poétique que celui de Charuel et il filme le sexe entre les deux fiancé·s d’une manière assez déplaisante pour un film qui par ailleurs parle aussi bien de violences sexuelles. L’intrigue est par ailleurs bien menée, le décor original et les sujets importants. Voilà largement de quoi en faire la fiction d’agriculture de l’année.

(1) Les premières pages d’Il est où le patron ?, une bande dessinée qui réunit sous forme de fiction des témoignages de paysannes, voient une jeune femme célibataire se confronter à l’administration lors de son parcours d’installation. On lui suggère aimablement de faire plutôt de la transformation de produits agricoles, s’inquiétant qu’elle ne puisse porter de lourdes charges comme l’exige le métier (ou pas, d’ailleurs).
Paysannes en polaire (scénario) et Maud Bénézit (dessin), Il est où le patron ? Chroniques paysannes, Marabulles, 2021. Ici une interview radio de deux des autrices et là une interview écrite.

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