Mon blog sur l'écologie politique - Malaisie et Indonésie2024-03-29T08:31:36+01:00Audeurn:md5:78a731c5da243981157a40ec0da23d7cDotclearCartes participatives en Malaisieurn:md5:5f7a5d0c83dd5499ced14d781fb407f42023-07-27T16:17:00+02:002023-12-06T11:57:48+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieDémocratieEnvironnementVélo <p>Cet été deux sites publient mes billets sur des initiatives malaisiennes très différentes mais qui toutes deux passent par la cartographie participative.</p>
<p><a href="https://www.imagomundi.fr/article13.html">Cartographie participative du vélo potentiel à Kuala Lumpur</a><br />
Sur le tout nouveau site Imago Mundi, dédié à nos usages de l’espace et à ses représentations, un reportage datant de 2016 sur la cartographie de la cyclabilité de la capitale malaisienne Kuala Lumpur. Au-delà du caractère socialement marqué de l'usage du vélo par des classes jeunes et aisées, une initiative tente d’intégrer tou·tes les usager·es du <em>basikal</em>.</p>
<p><a href="https://visionscarto.net/malaysia-counter-mapping">Mapping as a Tool in Indigenous Peoples’ Struggle</a><br />
Retrouvez sur Visionscarto la version anglaise d'un reportage paru en 2019 sur l’usage des cartes par les communautés rurales autochtones cherchant à faire valoir leurs droits sur leurs terres ancestrales.</p>Déferlement de déchets plastiques en Asie du Sud-Esturn:md5:aed45ac5dc7421dc0355eabd95570d682021-04-30T08:24:00+02:002023-12-06T11:58:50+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement <p>Aux premières heures du jour, des tas de feuilles mortes et d’emballages plastiques brûlent devant les maisons de Kalianyar, un village de Java-Est où vit M. Slamet Riyadi. Ce dernier travaille dans le tourisme après avoir appris l’anglais en autodidacte. Il sait que la combustion ne fait pas tout disparaître. « Comme ils ne voient plus rien, les villageois croient qu’il n’y a plus rien. Or le plastique reste ! » Il aimerait monter une association pour trier les déchets, vendre ce qui peut être recyclé, composter les matières organiques, et pour le reste… il verra.</p>
<p>Il est bien le seul à s’inquiéter des fumées pleines de dioxines. Les plastiques ne font l’objet d’aucune collecte dans les campagnes indonésiennes. Pourtant, ils abondent dans la vie quotidienne. Au marché du bourg voisin, Tamanan, deux stands vendent des emballages à usage unique, sachets et boîtes en polystyrène, dont les autres marchands et marchandes font grand usage. Les doses individuelles sont légion : non seulement elles sont pratiques, mais surtout elles permettent aux ménages pauvres d’effectuer leurs dépenses au jour le jour. Quand ces déchets ne sont pas brûlés, ils s’accumulent au bord des routes et dans les cours d’eau.</p>
<p>La suite dans le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/VIDAL/63040"><em>Monde diplomatique</em> de mai 2021</a>, en kiosques actuellement.</p>
<p><a href="https://mondediplo.com/2021/05/10plastics">English version</a> translated by Charles Goulden<br />
<a href="https://mondiplo.com/aluvion-de-residuos-plasticos-en-el-sudeste">Aluvión de residuos plásticos en el sudeste asiático</a><br />
<a href="https://monde-diplomatique.de/artikel/!5758816">Unser Müll in Java. Südostasien versinkt im Plastik</a></p>La cartographie, outil de lutte des peuples autochtonesurn:md5:477735a2b5c93b33993ca69a2993110a2020-08-16T17:21:00+02:002020-08-16T17:21:00+02:00AudeMalaisie et IndonésieAgricultureAsieEnvironnement <p><img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/2020/.P1050276_m.jpg" alt="P1050276.JPG, août 2020" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="P1050276.JPG, août 2020" />Au bout d’une heure de piste entre les plantations de palmiers à huile, nous voilà enfin sur une route goudronnée, au milieu de la forêt. Les panneaux avertissent de possibles passages d’éléphants et leurs excréments encore frais au milieu de la chaussée confirment cette présence. L’entrée du parc naturel national d’Endau-Rompin, le deuxième plus grand de Malaisie occidentale derrière l’emblématique Taman Negara, est au bout de la route, à côté d’un village autochtone jakun, population autochtone du sud de la péninsule Malaise. Les maisons sont modestes, les environs plantés d’arbres et les habitant·es sillonnent le village sur leurs scooters. Nous sommes à Kampung Peta, le village le plus en amont de la rivière Endau qui se jette dans la mer de Chine méridionale, au sud de la péninsule.</p>
<p>La suite sur le site de <a href="https://visionscarto.net/cartographie-lutte-autochtones-malaisie">Visions carto</a>.</p>Crise des déchets plastiques en Asie du Sud-Esturn:md5:07b3fe0c27b031fc18ee46dd0d5421432019-06-23T16:22:00+02:002019-07-30T09:05:46+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement <div>
<p><img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/P1040326.JPG" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title="P1040326.JPG, mai 2019" width="525" height="348" /><strong>Une série de trois reportages publiés sur
Asialyst.com</strong></p>
</div>
<div>
<p>En août 2018, les <a href="https://www.lagedefaire-lejournal.fr/voyage-a-source-ecologistes-de-java/">biologistes
militant·es de l'association Ecoton à Java</a> me font visiter une
<strong>décharge sauvage</strong> à quelques kilomètres de leur siège. Des
déchets plastiques triés par des travailleurs pauvres, une partie brûlée comme
combustible, sans filtre, dans l'usine de tofu voisine… Je prends quelques
photos pendant que les chiffonniers m'exhibent l'une de leurs trouvailles, un
drapeau états-unien. Deux ans plus tôt, j'avais visité une usine de recyclage
de papier qui s'était engagée sous l'influence d'Ecoton pour augmenter la
qualité de ses rejets dans la rivière. Ces décharges constituent un gros recul
écologique, dans une région où les déchets ménagers ne sont pas même
collectés.</p>
</div>
<div><a href="https://asialyst.com/fr/2019/04/27/recycles-non-dechets-plastiques-inondent-asie-sud-et/">
<strong>Chapitre 1 : Recyclés ? Non, nos déchets plastiques inondent l'Asie du
Sud-Est</strong></a></div>
<div>
<p>C'est que l'année 2018 a été celle d'une <strong>crise mondiale des déchets
plastiques</strong>, suite au choix de la Chine de ne plus assurer leur
recyclage. Les industriels cherchent alors d'autres débouchés et lorgnent sur
les pays voisins. La Malaisie et l'Indonésie en font les frais, hésitant à
refuser elles aussi l'importation de ces déchets, au centre d'une activité
économique émergente. Mais à la fin de l'année, il faut se rendre à
l'évidence : beaucoup d'acteurs véreux ne font pas du recyclage mais une
gestion à moindre coût pour profiter de l'aubaine. Stockage de déchets dans des
usines qui sont abandonnées une fois pleines, décharges sauvages dans la
nature, combustion sans filtre qui libère des fumées toxiques, etc.</p>
<div>
<p><strong><a href="https://asialyst.com/fr/2019/05/16/nos-dechets-plastiques-inonder-asie-du-sud-est-convention-bale/">
Chapitre 2 : Nos déchets plastiques ne pourront plus inonder l'Asie du Sud-Est,
selon la convention de Bâle (si elle est respectée)</a></strong></p>
</div>
<p>Pendant des mois, les riverain·es, qui commencent à souffrir des pollutions,
découvrent ces sites autour de leurs villages. Les associations écologistes
sont sur le terrain. Greenpeace produit à l'automne 2018 un premier rapport qui
concerne l'ensemble de l'Asie du Sud-Est. Les Amis de la Terre Malaisie
interpellent le gouvernement sur l'<strong>interdiction des
importations</strong> et travaillent main dans la main avec GAIA (Global
Alliance for Incinerator Alternatives). C'est Mageswari Sangaralingam, une
Malaisienne que j'ai déjà rencontrée sur d'autres luttes, qui fait le lien
entre les deux. En avril 2019, la question est largement traitée par les médias
malaisiens et arrive sur le devant de la scène. Le gouvernement est convaincu
et le contexte international s'éclaircit : une conférence à Genève propose
d'intégrer les déchets plastiques non-recyclables à la convention de Bâle sur
les déchets dangereux – ce qu'ils sont – pour en interdire le trafic
international. Prigi, de l'association Ecoton, et Mageswari, tou·tes deux à
Genève, ont eu gain de cause.</p>
<p><strong><a href="https://asialyst.com/fr/2019/06/17/quand-asie-du-sud-est-nos-renvoie-nos-dechets-plastiques/">
Chapitre 3 : Quand l'Asie du Sud-Est nous renvoie nos déchets
plastiques</a></strong></p>
<p>Aujourd'hui les déchets plastiques sont toujours là, en particulier en
Malaisie qui a reçu le plus gros contingent. Et d'autres arrivent encore, que
les autorités portuaires découvrent sur les docks de Port Klang et de
Butterworth, les deux plus gros ports du pays, sur le détroit de Malacca. Ils
sont cachés dans les conteneurs sous des déchets légaux recyclables ou bien
sous de fausses déclaration. Le 17 juin, il y a à Butterworth pas moins de
<strong>400 conteneurs en attente de renvoi à leur envoyeur</strong>… aux frais
des autorités malaisiennes qui doivent en outre faire la chasse aux
contrebandiers et nettoyer les sites pollués. Il est temps que les pays
développés, qui envoient en <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_la-roumanie-nouvel-eldorado-de-l-incineration-de-dechets?id=10236367">
Europe de l'Est</a> ou en Asie une (petite) partie de leurs déchets, les
retraitent tous à la maison.</p>
<p><strong>Plein de liens à suivre sur le site d'Asialyst mais des bonus ici
:</strong></p>
<p>Les pauvres ne comprennent rien à l'écologie mais les riches, si ? <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nmi9Lpt15lE">Chronique rigolote de Guillaume
Meurice</a>.</p>
<p><a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/chaque-annee-600-000-tonnes-de-plastique-sont-rejetees-dans-la-mer-mediterranee">
En France aussi</a> on sait jeter du plastique à la flotte.</p>
<p>Excellente <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/02/CHAMAYOU/59563">histoire politique
de l'emballage perdu et du recyclage</a> par Grégoire Chamayou.</p>
</div>« Women’s march » à Kuala Lumpururn:md5:125418dd316794d6209bdf3d097a44db2019-05-08T02:34:00+02:002019-05-08T07:33:50+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieFéminisme<div>
<p>Femmes, LGBT : malaise en Malaisie</p>
</div>
<div>
<p>À Kuala Lumpur, la marche des femmes du 9 mars a été interdite par les
autorités. Ça n’a pas empêché une joyeuse troupe d’activistes féministes et
LGBT de manifester, secouant un peu les mœurs d’un pays bigrement conservateur.
<a href="http://cqfd-journal.org/Au-sommaire-du-no175-en-kiosque">Reportage
paru dans le journal <em>CQFD</em> d'avril 2019</a>.</p>
</div>
<div><img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/-1114-fd0d7.jpg" alt="" title="-1114-fd0d7.jpg, avr. 2019" /></div>
<div><em>Illustration Caroline Sury.</em></div> Ce matin du 9 mars à Kuala Lumpur, la manif pour les droits des femmes a des
airs de marche des fiertés LGBT, largement colorée en pourpre et arc-en-ciel.
« J'existe », « Homme gay malaisien » : les slogans
ont l'air de rien mais sont une réponse directe au ministère du tourisme
Mohamaddin Ketapi qui, quelques jours plus tôt, déclarait à la presse allemande
qu'il <a href="https://www.newsweek.com/malaysia-gay-people-lgbt-tourism-travel-jews-mohamaddin-ketapi-1353684">
« ne pens[ait] pas qu'il y a[vait] ça dans [s]on pays »</a>. Il est
vrai que les LGBT sont peu visibles en Malaisie. Peu de personnes dans les
médias le sont ouvertement, les assos se cachent derrière des noms de code
comme <em>pink</em> ou <em>rainbow</em> ; l’annonce de la soirée
<em>queer</em> du jour circule avec beaucoup de précautions sur les réseaux
sociaux, avec prière de ne pas la rendre publique et de ne pas prendre de
photos sur place.
<div>
<p>En mai 2018, pour la première fois depuis l'indépendance de la Malaisie en
1957, les élections ont porté au pouvoir un gouvernement d'alternance – dirigé
par Mahathir Mohamad, déjà Premier ministre de 1981 à 2003 et aujourd’hui âgé
de 93 ans : un changement dans la continuité. Mais le (léger) vent frais
qui souffle sur le pays n'a pas concerné les personnes LGBT et l'été dernier a
vu nombre de polémiques se déployer à ce sujet – autant de mauvaises nouvelles
pour la communauté locale. L'activiste LGBT Numan Afifi Saadan, qui devait être
recruté dans le cabinet du tout nouveau et tout jeune ministre de la jeunesse
Syed Saddiq Abdul Rahman, <a href="https://www.thestar.com.my/news/nation/2018/07/09/lgbt-activist-numan-afifi-quits-as-syed-saddiq-press-officer/">
a été lâché en juin dernier à la suite d'une campagne de presse homophobe</a>.
Quelques semaines plus tard, parmi les portraits de la société civile
malaisienne affichés dans une expo du Georgetown Festival, ceux de la femme
trans Nisha Ayub et de l'homme gay Pang Khee Teik (le second arborant drapeau
malaisien et <em>rainbow flag</em>) sont <a href="https://www.nst.com.my/news/nation/2018/08/399446/mujahid-orders-potraits-removed-lgbt-activist-asks-what-about-our">
censurés à la demande du cabinet du Premier ministre</a>. En guise de
protestation, Marina Mahathir, essayiste bien connue, fait enlever le sien.
Elle est la fille du Premier ministre, lequel remet les pendules à l'heure à la
rentrée en expliquant que <a href="https://www.reuters.com/article/us-malaysia-lgbt/malaysia-cannot-accept-same-sex-marriage-says-mahathir-idUSKCN1M10VA">
l'homosexualité est un droit humain en Occident, pas en Asie</a>, alors que ce
sont les Britanniques qui les premiers ont criminalisé des pratiques sexuelles
tolérées sur la péninsule… L'homosexualité est toujours interdite par le droit
civil comme religieux et réprimée, d'autant plus sévèrement dans les États de
l'est du pays qui lorgnent sur la charia et infligent des châtiments corporels.
En août dernier, deux jeunes femmes ont été <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/03/women-caned-in-malaysia-for-attempting-to-have-lesbian-sex">
jugées et frappées à coups de canne devant une centaine de personnes</a> pour
avoir « essayé d'avoir des relations sexuelles » dans une voiture, ce
qui a jeté un coup de froid auprès des lesbiennes et des gays du pays.</p>
</div>
<div>
<p><strong>Islamiques injonctions</strong></p>
</div>
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<p>La marche de fiertés est (évidemment) interdite ? Qu'à cela ne tienne,
c'est ce 9 mars qu'elle a lieu ! Sont présentes des personnalités de la scène
LGBT, une musicienne de Shh… Diam!, <a href="https://www.vice.com/en_asia/article/d3banw/shh-diam-is-a-queer-band-fighting-to-silence-the-lgbtq-hate-in-malaysia">
le groupe de rock dont le nom signifie justement
« Tais-toi ! »</a>, une artiste trans, <a href="https://www.scmp.com/culture/music/article/2177991/how-malaysian-transgender-musician-found-her-voice-through-metal-music">
Shika Corona</a>, et tant d'autres qui participent à des groupes de soutien ou
à des initiatives culturelles ou politiques diverses. Est-ce que la nouvelle
Malaisie (Malaysia Baru), celle qui a surgi de l'alternance, traite bien les
personnes LGBT ? Pour Shika, c'est pareil, rien n'a changé. La même chose
est vraie pour les droits des femmes, qui ne sont pas oubliés dans cette marche
joyeuse sous un soleil de plomb mais peinent à être pris en compte dans cette
Malaisie un peu plus moderne. Ce qui préoccupe le plus les femmes
malaisiennes ? En premier lieu, le mariage des petites filles. Pour
Shamila*, une Malaise en couple avec une femme croyante et voilée, les deux
animant un groupe de discussion pour femmes <em>queer</em>, le nœud du
problème, celui dont découlent tous les autres, c'est la place de l'islam dans
la société. Entre l'argent coulant à flots des pétro-monarchies arabes et la
persistance des élites malaises à racialiser (1) les questions sociales et
économiques dans un pays de large minorité chinoise (25 % environ), les
électeurs et électrices malais·es musulman·es sont honteusement dragué·es par
les politiques – ceux des États de l'Est, ruraux et conservateurs, comme ceux
qui ont reçu à Oxford ou Cambridge une éducation élitiste parfaitement
occidentale.</p>
<p>De cet islamisme découlent de pesantes injonctions sur l'habillement des
femmes et particulièrement le hijab, qui font que les Malaises sont
habituellement voilées, quelle que soit leur adhésion à cette pratique. La
prostitution fait également l'objet d'une répression sévère, quand bien même
les prostituées, femmes trans ou cis, feraient état de leur fréquentation
assidue par de sévères ustaz et autres sages musulmans portant manches longues,
barbe éparse et morale en bandoulière. À la manif, pas de polémique sur la
reconnaissance sociale de la prostitution et tout le monde crie :
« Sex work is work ». La situation est trop grave pour faire des
chichis.</p>
<p><strong>« Girls wanna have fun… damental rights »</strong></p>
<p>« Girls wanna have fun… damental rights », les filles veulent des
droits fondamentaux, c'est le slogan qui s'affiche partout. Sur ce sujet aussi,
le nouveau gouvernement démérite en se cachant derrière le fédéralisme pour
refuser d'interdire le mariage des mineures. En Malaisie la polygamie est
autorisée, ainsi que les mariage des toutes jeunes filles. En juin dernier,
l'histoire sur la côte est d'<a href="https://www.nytimes.com/2018/07/29/world/asia/malaysia-child-marriage.html">une
fille de 11 ans mariée à un quadragénaire</a>, déjà marié à deux épouses et
père de petites filles ayant l'âge de sa troisième, a suscité la colère dans le
pays. Il n'y a pas de prohibition légale du mariage pour les mineures, c'est
une institution islamique qui est censée encadrer la pratique : considérer
l'âge de la mariée ou sa contrainte économique, par exemple, puisqu'en
l'occurrence celle-ci était issue d'une famille malaise pauvre réfugiée de
Thaïlande. Malgré cela, les autorités de Kuala Lumpur prennent avec des
pincettes les affaires de l'Est, moins peuplé mais très remuant, dont les États
sont souvent gouvernés par un parti malais d'opposition que la majorité Umno
(le parti au pouvoir de 1957 à 2018) courtise quand elle a besoin de lui.</p>
<p>L'islam, enjeu politique plus que spirituel, est-il la seule raison de
l'état assez mauvais des droits des femmes en Malaisie ? Shamila répond
que non et les récits que font les lesbiennes chinoises dans le groupe de
discussion ne témoignent pas de moins d'homophobie. Dans la manif, les
marxistes sont aussi présents et expliquent consciencieusement la
responsabilité du capitalisme dans tout ça. Ce ne sont pas les seuls hommes du
cortège et beaucoup portent des calicots plutôt sympathiques : « Un
homme de qualité, ça soutient l'égalité », « Je suis avec elle »
(avec des flèches qui pointent vers toutes les manifestantes), « Je suis
Malais et homme, je jouis de ces deux privilèges et à ce titre je dois
témoigner ma solidarité avec les femmes, avec les minorités… et avec les autres
en règle générale ». Étudiant·es contre le harcèlement sexuel à
l'université, femmes handicapées, femmes malades mal prises en charge pour
leurs maladies sexuées, femmes en mini-jupe ou en hijab (plus féministes que
notre ministre de la Santé (2), tout ce monde est là pour ringardiser les
machos du pays. Pourvu que ça marche !</p>
</div>
<div>
<p>*Plusieurs prénoms ont été changés</p>
<p>(1) En Malaisie, être malais·e et musulman·e vont ensemble, comme la
religion, l'identité ethnique et le droit qui sont pour ce groupe-là
étroitement mêlés. Les personnes d'autres groupes n'obéissent qu'au droit
commun.</p>
<p>(2) Agnès Buzyn, le 26 février 2019, à propos du hijab de sport : « C'est
une vision de la femme que je ne partage pas. En tant que femme c’est comme ça
que je le vis. Tout ce qui peut amener à une différenciation me gêne [les
jambes nues et épilées des ministres femmes sur la photo de groupe du
gouvernement alors que celles de leurs collègues sont poilues et couvertes, par
exemple ? NdA]. J'aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le
voile. »</p>
</div>Recyclés ? Non, nos déchets plastiques inondent l'Asie du Sud-Esturn:md5:64b6b404d2390be295e09ab16a1d09732019-05-01T03:44:00+02:002019-06-25T07:35:30+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement <div>
<p><img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.P1040318_m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title="P1040318.JPG, juin 2019" width="384" height="255" />Les touristes occidentaux qui arpentent les routes du Sud-Est
asiatique sont toujours choqués par l’omniprésence de déchets plastiques dans
l’environnement de la péninsule et de l’archipel. Le plastique abonde dans la
vie quotidienne, qu’il s’agisse d’usage unique ou d’objets. Dans les
supermarchés et les épiceries, les contenants en verre ou en carton sont plus
rares qu’en Europe et les doses individuelles plus répandues. Dans les marchés,
les emballages en feuilles de bananier ont laissé place au plastique et parmi
les stands, il en est souvent un qui vend aux commerçants les sacs en plastique
et boîtes en polystyrène dont ils font un usage abondant. Le traitement des
déchets pose problème : les infrastructures sont mauvaises ou inexistantes et
dans les zones rurales les déchets ne sont pas collectés, chaque famille
brûlant dans son jardin ses emballages de snacks, sacs ou bouteilles en
plastique. À ces difficultés s’ajoutent désormais celles que connaît la région
depuis qu’elle suscite les convoitises des acteurs du marché mondial du
recyclage des déchets. Car le problème des déchets domestiques est aggravé par
l’importation de ceux des pays riches, des États-Unis au Japon, en passant par
l’Europe.</p>
</div>
<div>
<p>La suite sur <a href="https://asialyst.com/fr/2019/04/27/recycles-non-dechets-plastiques-inondent-asie-sud-et/">
Asialyst.com</a>.</p>
</div>Élections en Malaisie : l'alternance est-elle encore possible ?urn:md5:d09a7381b008d697c117ce31b7921fd02018-01-18T10:03:00+01:002018-01-18T10:04:25+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieDémocratie <p>Les prochaines élections législatives en Malaisie devraient se tenir en
février ou mars prochains. La date n’est pas encore connue, elle est laissée à
la discrétion de Najib Razak. Le Premier ministre a l’obligation de convoquer
ces élections avant août 2018 et de les annoncer avec onze jours d’avance,
durée minimale de la campagne. Cette latitude compte parmi les nombreuses
cartes que le parti au pouvoir a en main pour garder son hégémonie à
l’assemblée, comme c’est le cas depuis 1957, date de l’indépendance du pays.
Début décembre, le public malaisien prenait connaissance d’un article
académique dans lequel un chercheur basé au Canada, Kai Ostwald, fait le point
sur les caractères autoritaires du régime, caractères qui donnent à la Malaisie
une place parmi les pays où « l’intégrité électorale » est la plus faible.
L’annonce a choqué, même si ces critiques rejoignent celles de l’opposition
politique malaisienne depuis des années. Car la Malaisie est le seul pays à son
niveau de développement dans le groupe des régimes très autoritaires. Qu’est-ce
qui fait donc du régime parlementaire malaisien l’un des moins démocratiques au
monde ?<br />
<br />
La suite sur <a href="https://asialyst.com/fr/2017/12/20/elections-malaisie-alternance-encore-possible/">
Asialyst</a>.</p>En Malaisie, la société civile au chevet des réfugiés rohingyasurn:md5:e8e9233e6d039404880dd9e47fbf31352017-10-21T11:29:00+02:002017-10-21T11:29:00+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsie <img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.marine-humanaid_m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title="marine-humanaid.jpg, oct. 2017" width="349" height="232" />En mai 2015, des charniers sont découverts dans la
jungle thaïlandaise à la frontière malaisienne. Les victimes étaient des
Rohingyas (peuple musulman de Birmanie) réfugiés ayant fui la Malaisie et les
violentes persécutions de ses militaires. Bien que majoritairement musulman, la
Malaisie leur refuse l’asile et les considère comme des migrants économiques
clandestins. Entre les initiatives de la société civile pour les accueillir et
l’instrumentalisation de leur cause par les autorités, la présence des
Rohingyas est devenue un enjeu majeur de politique intérieure.<br />
<br />
Un reportage à lire sur <a href="https://visionscarto.net/rohingyas-malaisie">Visionscarto.net</a> et sur
<a href="https://asialyst.com/fr/2017/10/20/malaisie-societe-civile-chevet-refugies-rohingyas/">
Asialyst.com</a>. Photos de Marine Vial.Malaisie : Tian Chua, un leader de Bersih en prison avant les élections de décembreurn:md5:68b374a4c143f7ea67f9d9ae82df5bfa2017-10-11T09:05:00+02:002017-10-27T06:23:36+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsie <p><img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.DSC04048_m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title=" , oct. 2017" width="214" height="285" />Tian Chua est en prison depuis le jeudi 29 septembre. Le leader
malaisien, député et vice-président du principal parti d’opposition, le PKR,
est familier de ce genre de traitement. Nous l’avions <a href="https://asialyst.com/fr/2016/12/13/malaisie-people-power-elections-propres-selon-tian-chua/" rel="noopener" target="_blank">rencontré en novembre 2016, à l’issue de deux
jours passés en prison</a>. Il avait été inquiété pour sa participation à la
manifestation Bersih 5, pourtant pacifique et que le gouvernement avait choisi
de ne pas réprimer. Tian Chua est l’un des acteurs de ce mouvement qui réunit
l’opposition politique et la société civile autour d’un slogan,
« Bersih ! » (« clean »), qui appelle à la lutte
contre la corruption et pour des élections propres et équitables. Les
prochaines élections générales, prévues pour décembre 2017, pourraient être
l’occasion de la première alternance dans le pays. Mais la coalition au pouvoir
qui tient la Malaise sans partage depuis 1957, date de l’indépendance du pays,
resserre son étau sur cette démocratie fragile.</p>
<p><em>Tian Chua à Kuala Lumpur, novembre 2016. Photo Aude V.</em></p>
<p>La suite sur <a href="https://asialyst.com/fr/2017/10/11/malaisie-tian-chua-leader-bersih-prison-avant-elections-decembre/">
Asialyst</a>.</p>Indonésie : quand Bali dit non au tourisme de masseurn:md5:b0796a79b6a2a9d58f79ea213538dcce2017-06-28T11:27:00+02:002017-06-28T11:27:00+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement <img src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.DSC01337_m.jpg" alt="" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title=" , juin 2017" height="348" width="262" />Chaque année, la moitié des touristes qui viennent découvrir l’immense
archipel indonésien se retrouvent à Bali, une île grande comme un ou deux
départements français. Ses temples hindous, ses frangipaniers aux fleurs
odorantes, ses rizières en terrasse dont le système d’irrigation est classé au
patrimoine mondial de l’Unesco… mais aussi ses embouteillages, ses plages
bondées et ses millions de visiteurs aux épaules rougies par le soleil. La
destination culturelle jadis prisée par les hippies est devenue usine à
touristes. Alors, quand un magnat prévoit de poldériser 700 hectares de zone
humide en pleine ville, c’est toute l’île qui se lève pour refuser le projet.
Environnementalistes, employés du secteur touristique ou artistes, ils sont
tous très tolak, du nom du mouvement « Bali Tolak Reklamasi Teluk Benoa » («
Non à la poldérisation de la baie de Benoa »).<br />
<br />
La suite sur <a href="https://asialyst.com/fr/2017/06/27/indonesie-quand-bali-dit-non-tourisme-de-masse/">
Asialyst.com</a><br />En Malaisie, la société civile au chevet des réfugiés rohingyasurn:md5:ae49a89ddc10f6b11222a821227f7bae2017-02-28T11:48:00+01:002017-02-28T11:48:55+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsie <p>Une myriade d’acteurs de la société civile tentent, dans un certain
désordre, de compenser l’incurie du gouvernement de Malaisie et de porter
assistance aux dizaines de milliers de réfugiés rohingyas auxquels le pays
refuse l’asile et le droit de travailler.</p>
<p>La suite sur le site <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/270217/en-malaisie-la-societe-civile-au-chevet-des-refugies-rohingyas">
Mediapart</a>.</p>Luttes environnementales en Malaisie et Indonésieurn:md5:d645152c15673d98f0a8b84fe86b5d3a2017-01-23T22:35:00+01:002017-01-23T22:43:51+01:00AudeMalaisie et Indonésie<p>Ce vendredi "La voix sans maître" sur Radio Campus Lille s'intéresse aux
luttes environnementales en Malaisie et Indonésie avec la présentation de trois
de ses reportages dans la région. Cette émission est écoutable en cliquant
<a href="http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/2017-01-20/Voix_sans_maitre_20-01-2017_20h00.mp3">
ICI</a>. Le morceau de Superman Is Dead débute à 10'17 et la discussion à
14'25.</p> <p><strong>Denpasar (Bali, Indonésie)</strong><br />
Sur l'île de Bali, déjà engorgée par le tourisme, un promoteur prévoit
d'artificialiser 700 ha de zones humides dans la baie de Benoa, au cœur de la
capitale. Les Balinais-es se mobilisent en masse pour rejeter le projet.<br />
(Reportage inédit)<br />
<strong><br />
Lakardowo (Java, Indonésie)</strong><br />
Le village de Lakardowo résiste en cartes contre une usine de traitement des
déchets toxiques.<br />
<a href="https://visionscarto.net/lakarwodo-resiste-en-cartes">https://visionscarto.net/lakarwodo-resiste-en-cartes</a><br />
<br />
<strong>Kuantan (Pahang, Malaisie)</strong><br />
Des nouvelles du mouvement contre l'usine australienne Lynas qui traite en
Malaisie ses terres rares sans s'occuper des nuisances et des déchets
radioactifs qu'elle produit.<br />
<a href="http://blog.ecologie-malaisie.eu/post/Terres-rares-de-Lynas">http://blog.ecologie-malaisie.eu/post/Terres-rares-de-Lynas</a><br />
<br />
<strong>Musiques</strong><br />
Superman Is Dead, un groupe indonésien au cœur du mouvement Bali tolak
reklamasi, dans "Kuta Rock City" et "Punk Hari Ini".<br />
"Fuck Lynas" par Namewee, un rap malaisien en anglais contre l'usine
australienne de terres rares Lynas.</p>Voyage à la source des écologistes de Javaurn:md5:7d2cad8b907cf615dcaafe91c4d02ec12017-01-22T17:48:00+01:002019-05-21T09:38:08+02:00AudeMalaisie et Indonésie<p><strong><img title="IMG_7136.JPG, janv. 2017" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="http://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.IMG_7136_m.jpg" width="357" height="237" />Reportage paru dans le numéro 116 de <a href="http://www.lagedefaire-lejournal.fr/voyage-a-source-ecologistes-de-java/"><em>L’Âge
de faire</em></a> en février 2017.</strong></p>
<p><br />
C’est dans un pick-up que nous quittons Wringinanom, où se trouvent les locaux
de l’association écologiste Ecoton, pour rejoindre les hautes terres de
Wonosalam, à l’Est de Java, en Indonésie. À moitié biologiste de terrain et à
moitié organisateur communautaire, Amir est au volant. C’est lui qui coordonne
depuis 2010 un programme de réhabilitation de la forêt mené avec les
habitant<span style="font-family: 'Liberation Serif', serif;">·</span>es du
district. Il a vécu sur place pendant deux ans lors de la mise en place du
programme et aujourd’hui il est accompagné par Riska, biologiste elle aussi,
par Afrianto, un bénévole de l’association, et par Heri, dont les photos
illustrent ce reportage. Tout le monde a hâte de rejoindre la fraîcheur des
hautes terres. Pour les biologiste<span style="color: #000000;">s, il s’agit
d’améliorer la qualité des eaux des cinq rivières qui dévalent de ces
montagnes. Les habitant</span><span style="color: #000000; font-family: 'Liberation Serif', serif">·</span><span style="color: #000000;">es, pour leur part, cherchent des activités durables pour
faire vivre leur district.</span></p> À la chute du dictateur Suharto en 1998, les élites du nouveau pouvoir sont
plus corrompues que jamais. Les employé-es de la compagnie forestière d'État
qui opère à Java Est, Perhutani, organisent en 2000, pour leur propre compte et
avec l'aide d'officiers de l'armée, une opération de déforestation illégale qui
laisse presque la moitié des montagnes de Wonosalam à nu. Quatre ans plus tard,
le district connaît des effondrements de terrain et des inondations qui
emportent êtres humains et bétail. L'environnement est fortement dégradé, la
sécheresse menace. Les 124 sources sont taries ou coulent à flot réduit et les
conflits autour de l'accès à l'eau sont nombreux dans les neuf villages du
district. Perhutani continue à exploiter les pentes des montagnes, plantant
teck et pin, des essences à haut rendement mais gourmandes en eau. Malgré les
contrôles du ministère, la compagnie forestière est en terrain conquis à
Wonosalam. C'est dans ce contexte que les biologistes de l'association Ecoton
proposent aux habitant-es d'inventer un autre modèle de développement. Les
redevances versées par Perhutani sont maigres et la compagnie exige d'être
rétribuée quand les habitant-es plantent leurs récoltes dans des sous-bois ou
des parcelles inoccupées. Wonosalam n'a rien à perdre et tout à gagner en
s'opposant aux forestiers et en réclamant à la compagnie l'usage des
terres.<br />
<br />
Depuis 2010, grâce notamment à des financements extérieurs à la communauté
villageoise, les opérations de plantation d'arbres vont bon train,
principalement d'essences fruitières dont les récoltes pourront augmenter le
revenu des villageois-es. Wagisan, un homme d'une cinquantaine d'années,
s'occupe d'une pépinière. Sous serre comme autour de sa maison, des centaines
de pousses grandissent dans des pots avant de pouvoir être replantés :
caféiers, girofliers, durians, mangoustans, noyers des Moluques, bananiers, ce
sont des arbres et des palmiers de diverses essences qui mettront cinq à quinze
ans pour pousser dans cet écosystème tropical. Pour mener ce projet de
réhabilitation, les écolièr-es de la madrasah Faser, une école privée qu'il
dirige, reçoivent l'aide d'une école catholique en aval de la rivière dont les
élèves viennent participer à des chantiers. Ce matin, une sortie est organisée
avec les élèves aux « sept fontaines », mBeji, dans le village de
Panglungan. Aujourd'hui « laboratoire de la forêt », c'est aussi un
lieu sacré depuis les temps où l'on pratiquait à Java un culte
hindou-bouddhiste. Les habitant-es musulman-es continuent à laisser des
offrandes dans une clairière au milieu de 8,5 hectares de forêt préservée. Une
écolière explique : <em>« On vient ici parfois pour remercier Dieu.
Ce sont probablement les singes qui mangent nos offrandes ! »</em>
Perhutani n'a pas osé déforester mBeji et les élèves identifient dans ce lieu
préservé 38 essences d'arbres dont se nourrit la faune locale.<br />
<br />
Beaucoup d'enfants et d'adolescent-es participent aux efforts de la communauté
pour réhabiliter l'écosystème du district. Ils et elles sont nombreuses à
s'être engagées comme « détective des eaux », <em>detektiv air</em>
en indonésien. Le lendemain, un samedi matin, nous les attendons au fond d'une
vallée, dans la cabane construite par les bénévoles d'Ecoton. Les nuits y sont
fraîches et un petit feu fume pour réchauffer ceux et celles qui ont campé sur
place. Quatre élèves d'un lycée professionnel viennent pour une séance de
<em>biomonitoring</em> (observation et recueil de données) avec Riska. Il
s'agit de prélever des échantillons dans la rivière et d'inventorier les
espèces d'insectes que l'on y trouve. Après des prélèvements dans un ruisseau
très agité, les adolescent-es mettent les insectes dans des bacs à glaçons et
tentent d'identifier chaque espèce. L'exercice n'est pas facile et propice aux
erreurs. Malgré le livret qui montre un spécimen de chaque espèce, certains
insectes se ressemblent trop pour pouvoir être identifiés sans l'aide de Riska.
L'identification de l'insecte offre alors une information puisque dans le
livret chaque espèce est associée à un environnement. Certaines espèces
apprécient une eau polluée, d'autres ne vivent que dans des eaux pures.
Capturer des espèces très sensibles permet alors de constater à moindres frais
que la qualité de l'eau est bonne. C'est la méthode d'Ecoton pour à la fois
intéresser les plus jeunes à l'état de l'environnement et produire des
connaissances à moindre coût, un facteur important dans un pays pauvre comme
l'Indonésie. « <em>Avant</em>, explique Amir, <em>les gens trouvaient la
biologie compliquée, pas pour eux. Ici on arrive à produire avec des jeunes des
observations très satisfaisantes.</em> »<br />
<br />
Amir se souvient de sa rencontre avec les habitant-es : <em>« C'est
nous qui sommes venus les voir parce que nous souhaitions travailler à la
préservation de la rivière jusqu'en amont. »</em> Ils ont alors cherché
ensemble des manières de se passer des redevances de Perhutani et de valoriser
un environnement géré de manière durable. Outre les productions agricoles, leur
objectif est de faire venir des visiteurs pour un tourisme orienté vers la
nature. Amir rappelle que l'un des premiers visiteurs occidentaux de passage à
Wonosalam n'était autre qu'Alfred Russell Wallace, le naturaliste anglais
auteur au milieu en 1869 de <em>L'Archipel malais</em>, une somme sur la faune
et la flore de ce qui est maintenant l'Indonésie et la Malaisie. Au regard des
merveilles que décrivait Wallace, le milieu naturel du district apparaît
aujourd'hui fortement dégradé mais Amir compte bien intéresser les amateurs
d'oiseaux grâce à la présence du calao rhinocéros, un oiseau majestueux très
présent à Bornéo mais rare à Java. Les villageois-es ont construit un poste
d'observation qui donne sur la montagne Arjuna et son piémont. Il est inauguré
sans cérémonie lors d'une après-midi passée à scruter le paysage. Jumelles et
téléobjectifs passent de main en main, deux militants écologistes nous ont
rejoints. Au bout de quelques heures, un calao se montre enfin, de l'autre côté
de la vallée. Une expédition le lendemain matin permet de l'identifier, il est
d'une autre espèce moins emblématique et plus commune. Amir explique
l'enjeu : <em>« Si nous arrivons à montrer que Wonosalam est
l'habitat du calao rhinocéros, nous aurons un argument de poids pour faire
reconnaître l'intérêt écologique du district. »</em> Les habitant-es et
Ecoton ont déjà fait imprimer des t-shirts qui promeuvent le calao local.
Quelques semaines plus tard, Amir annonce la nouvelle : il a réuni assez
de preuves de la présence du calao rhinocéros à Wonosalam pour le faire
officiellement répertorier. Le conflit avec Perhutani n'est pas réglé pour
autant, la compagnie réclame toujours des droits sur les terres. Mais si
celles-ci acquièrent le statut de réserve naturelle, les efforts des
villageois-es seront couronnés de succès et leur forêt pourra retrouver sa
splendeur.<br />
<br />
<h2>Des biologistes engagé-es</h2>
Les membres d'Ecoton le répètent souvent : <em>« Il faut sortir de
classe et aller voir sur le terrain, pour toucher et ressentir. »</em> Ils ont
ainsi délaissé peu à peu leurs études de biologie, au début des années 1990,
pour étudier la mangrove, une forêt côtière aux environs de Surabaya à Java
Est. Ayant identifié que les pollutions dont souffrait la mangrove venaient de
l'amont, les biologistes ont reporté leurs efforts sur la rivière Surabaya.
Aujourd'hui ils sont également présent-es à Wonosalam, les hautes terres où la
rivière prend sa source. Dans une grande maison sur les bords de la rivière,
les quatre biologistes, Prigi, Daru, Andreas et Amir, reçoivent tantôt des
classes pour les initier à l'écologie, tantôt des ONG ou des habitant-es
concerné-es par des problèmes de pollution des eaux. Ils ont été rejoint-es par
Riska, 32 ans, elle aussi biologiste et qui s'intéresse aux inquiétantes
mutations génétiques des poissons de la rivière. « <em>Mes camarades
d'études</em>, regrette-t-elle, sont parti-es travailler dans la banque.
<em>Notre savoir se perd.</em> » À Ecoton, ce savoir est plus utile que
jamais. Entre deux sessions avec des lycéen-nes sur les rives de la Surabaya,
Riska prépare des analyses biologiques ou rédige un rapport pour une ONG
environnementale. L'action d'Ecoton a valu à Prigi de recevoir en 2011 le prix
Goldman pour l'environnement des mains de Barack Obama. Avec ce prix, ses
collègues retournent à l'université faire valoir leurs recherches de terrain
dans des doctorats.Kuala Lumpur, 19 novembre : Bersih !urn:md5:19f065b662ab549cf52e82e9fb6db3492016-12-13T15:54:00+01:002017-01-23T22:46:24+01:00AudeMalaisie et Indonésie<p><img title="DSC03906.JPG, janv. 2017" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.DSC03906_m.jpg" height="348" width="467" />Pas de violence
policière dans les rues, mais une répression en amont. Pour sa cinquième
marche, le mouvement de la société civile malaisienne Bersih a rassemblé
environ 40 000 de ses supporters dans les rues de Kuala Lumpur. En huit heures
de manifestation, aucune émeute alors que 7000 policiers avaient été déployés.
Pour rendre le mouvement aphone, le gouvernement de Najib Razak a fait arrêter
la secrétaire générale de Bersih : depuis la veille de la manifestation,
vendredi 18 novembre, Maria Chin Abdullah est en cellule de confinement pour 28
jours sans autre forme de procès. Ses avocats viennent de déposer une plainte
en justice. Après la manifestation de samedi, Najib Razak paraît loin d’être
affaibli, malgré l’immense scandale de corruption 1MDB, qui ternit son image.
Comment expliquer le rapport de force actuel entre le Premier ministre et la
société civile qui demande sa démission ? Qui était à la manifestation de
samedi ? Quels sont les espoirs de ceux qui se sont mobilisés ? Un reportage à
Kuala Lumpur publié le 23 novembre par <a href="https://asialyst.com/fr/2016/11/23/malaisie-najib-razak-tente-decapiter-mouvement-bersih-societe-civile/">
Asialyst</a>. <em>(Le chapô et les intertitres sont de la rédaction.)</em></p> Si les habitants de Kuala Lumpur étaient majoritaires dans le rassemblement de
la péninsule (ou Malaisie occidentale), les manifestants sont venus de partout
pour soutenir la cinquième marche de Bersih, dans des bus affrétés par le
mouvement ou en voiture particulière. Ils ont souvent roulé toute la nuit et
pris leur petit-déjeuner en ville. Ismaël, la soixantaine, arrive de Penang, le
deuxième centre urbain du pays, avec un groupe d’hommes malais. Il ne craint
pas tant la répression d’État – « Après Bersih 4, ils sont devenus plus
diplomatiques », confie-t-il – que les chemises rouges qui font parler d’elles
depuis quelques mois. Arrifin, lui, vient du Terengganu, cet État de l’est de
la péninsule, une région dominée par le parti islamiste. Il n’y avait aucune
femme dans son bus car on s’attendait au pire : « C’est dangereux pour elles,
la situation peut être chaotique à cause des chemises rouges. » Plus loin, un
quinquagénaire sino-malaisien, M. Teoh, est venu d’une banlieue de Kuala Lumpur
avec ses enfants adultes, « en famille », et pour l’instant, tout va bien. En
ce début de matinée, les manifestants, vêtus de t-shirts jaunes, marchent en
petits groupes dans une capitale fédérale vidée de ses voitures. Les axes les
plus importants ont été bouclés et il est possible de prendre l’autoroute à
pied pour rejoindre le quartier étudiant de Bangsar ou la mosquée nationale,
soit les deux points de convergence de la manifestation qui a annoncé vouloir
rejoindre la place de l’Indépendance.<br />
<br />
<strong>Pas de violence entre les « chemises jaunes » de Bersih et les «
chemises rouges » pro-Najib</strong><br />
Le gouvernement ne voulait pas de cette manifestation et l’a fait savoir. La
ville de Kuala Lumpur a refusé la demande déposée dans les temps par
l’association Bersih 2.0 et le secrétaire du gouvernement a demandé aux
fonctionnaires de ne pas descendre dans la rue sous peine de suspension.
L’autre menace qui pèse sur les participants, ce sont les chemises rouges dont
le lien avec l’UMNO, le parti ethnique malais qui domine la coalition au
pouvoir (BN, Barisan nasional), n’est plus douteux. Leur leader Jamal Yunos
préside une petite section de l’UMNO et les moyens humains mis à la disposition
par le parti sont apparus dans la presse quelques jours avant. La direction
continue à nier alors que les officiels, chef de police comme membres du
gouvernement, adressent des menaces équitablement réparties entre les deux
mouvements : les chemises jaunes n’ont pas plus que les chemises rouges le
droit de manifester ce samedi et la menace qu’elles constituent pour l’ordre
public est du même ordre. Les chemises rouges ont pourtant annoncé leur
présence comme une contre-manifestation pour nuire à Bersih. Jamal Yunos s’est
distingué par la violence de ses menaces contre le mouvement anti-corruption,
dont les dirigeants ont également reçu des menaces de mort anonymes. Le jour du
rassemblement, une fois les manifestants réunis dans deux cortèges jaunes, la
crainte des chemises rouges n’a plus été qu’un mauvais souvenir. Celles-ci ont
défilé tranquillement, à l’écart, et un seul acte de violence a été répertorié
– des coups portés par une chemise rouge contre un participant à Bersih. Les
forces de police, très nombreuses mais pour la plupart désarmées et cordiales,
n’ont mené aucune répression. Elles ont interdit l’accès à la place de
l’Indépendance, fermé autoroutes et rues à la circulation et contrôlé les rares
incidents dont la presse s’est fait l’écho le lendemain. Il était même question
ce dimanche 20 novembre dans le quotidien <em>The Star</em> d’un exercice au
canon à eau qui a mal tourné, les policiers finissant par s’asperger
eux-mêmes.<br />
<br />
<strong>Le gouvernement choisit la répression avant la
manifestation</strong><br />
Plutôt que de s’attaquer aux manifestants comme ce fut le cas lors de
précédentes éditions, quand les canons à eau étaient dirigés contre la foule,
les autorités ont choisi de réprimer le mouvement en s’attaquant à sa tête.
Vendredi, la présidente de Bersih 2.0, Maria Chin Abdullah, a été arrêtée suite
à la perquisition des locaux de l’association qui anime le mouvement. Elle est
détenue au titre du Security Offenses Special Mesures Act ou SOSMA, un
dispositif anti-terroriste qui, promettait le gouvernement lors des débats au
parlement en 2012, ne devait jamais être utilisé contre des mouvements comme
Bersih… Ce lundi, on a appris de son avocat qu’elle avait été placée en
isolement, lumières allumées 24h sur 24, des conditions selon lui « proches de
la torture ». En parallèle, le secrétaire de Bersih Mandeep Singh et d’autres
militants ont été accusés d’avoir organisé des émeutes, tandis que des
dirigeants de partis membres de la plate-forme ont été arrêtés pour sédition.
Largement utilisé en 2015 contre des parlementaires d’opposition, des
universitaires ou des journalistes, le Sedition Act date de l’époque coloniale
et a été critiqué avec vigueur par l’opposition malaisienne et ses alliés,
associations de défense des droits humains notamment. Samedi, d’autres
arrestations ont eu lieu : celle de Steven Gan, le rédacteur en chef du site
d’information indépendant Malaysiakini, et de deux dirigeants du parti
d’opposition PKR, dont le parlementaire Tian Chua à son retour de la
manifestation. Human Rights Watch, qui a envoyé une délégation à Kuala Lumpur,
a condamné la répression en cours à l’instar de plusieurs associations
régionales. Mais certaines amitiés internationales coûtent cher : c’est au nom
d’un soutien financier de la part de la fondation Open Society que sont en
partie dirigées les poursuites contre Bersih et Malaysiakini. George Soros, qui
finance la fondation, n’est guère apprécié depuis son comportement prédateur
lors de la crise économique de 1998 qui a secoué durement la Malaisie.
Malaysiakini reconnaît avoir touché une petite subvention de la fondation sans
que cela influence le contenu du site ni n’en fasse « un agent au service des
forces étrangères », comme le prétend un dirigeant UMNO.<br />
<br />
<strong>Pourquoi Bersih veut la démission de Najib Razak ?</strong><br />
Avec l’arrestation de Jamal Yusof et de quelques militants UMNO jeunes, le
gouvernement met en avant l’« équité » de la répression, au service du maintien
de l’ordre et du respect du choix des électeurs de conserver BN au pouvoir.
Mais au-delà de ses cinq revendications, Bersih est-il un mouvement partisan
visant à déstabiliser le Premier ministre Najib Razak ? Parmi les manifestants,
parfois encartés ou organisés mais souvent venus en famille ou entre amis, la
liberté de ton est assez grande pour le dire : ils et elles souhaitent sa
démission, elle leur semble aujourd’hui inséparable de leur lutte contre la
corruption. L’« officiel malaisien n°1 » (MO1), comme l’appelle à mots couverts
le département américain de la justice dans ses rapports, est mis en cause dans
le scandale 1MDB, du nom d’un fonds de développement pour les régions
défavorisées du pays. Accusé d’avoir détourné 700 millions de dollars à des
fins personnelles alors qu’au total, quelque 3,5 milliards manquent au fonds,
les dénégations de Najib peinent à convaincre : cette somme est bien apparue
sur son compte mais il s’agirait selon lui d’un don sans rapport avec sa
fonction officielle. Alors que le pays traverse une crise économique larvée –
le ringgit malaisien a perdu 5 % de sa valeur en quatre mois –, sa politique
est remise en cause, notamment l’établissement en 2015 d’une taxe de 6 % sur
les biens et les services (GST) qui a durement touché les entreprises les plus
fragiles. La réponse la plus fréquente du gouvernement aux mises en cause de
plus en plus audibles de l’opposition est de faire apparaître toute
contestation comme un comportement propre à la minorité chinoise, laquelle
constitue un quart environ de la population.<br />
<br />
<strong>Qui a manifesté dans les cortèges de Bersih ?</strong><br />
À cela, les manifestants de Bersih répondent par leur seule présence. Alors que
les chemises rouges sont des hommes malais jeunes (et souvent masqués), les
cortèges jaunes sont bien « campur », mélangés. Il y a moins de femmes que
d’hommes mais elles sont bien présentes, surtout parmi les manifestants de la
capitale. Les Sino-Malaisiens sont toujours majoritaires dans le cortège.
Rosman, un Malais de l’État de Johor, explique les raisons sociologiques de
cette réalité : les campagnes sont trop peu éduquées pour développer un esprit
critique et les Chinois sont pour la plupart urbains, donc assez instruits pour
défendre leurs droits. Personne dans la manifestation ne souhaite s’étendre sur
la question raciale : « On est tous ensemble », comme dit Ismaël. Au point que
les peuples autochtones ne sont pas évoqués, seulement les États de Bornéo où
ils sont très présents. Coiffés de couronnes tressées, un groupe d’Orang asli
(les trois peuples autochtones ultra-minoritaires dans la péninsule) a fait le
voyage depuis les hautes terres de l’État du Pahang ou du Kelantan, où des
communautés autochtones bloquent des routes de montagne depuis quelques
semaines pour lutter contre l’abattage de la forêt. Des militants LGBT sont
aussi présents, malgré le risque pour ceux d’entre eux qui sont musulmans
d’être poursuivis en justice. Des trentenaires indiens venus de Batu Caves, au
nord de la métropole, ont un seul mot pour expliquer leur présence :
corruption. Les Malais que nous avons croisés pendant cette semaine où il a été
beaucoup question de Bersih mettent plus souvent en avant des raisons
économiques, la GST et leur appauvrissement, dû à la mauvaise santé du pays.
Melissa, jeune femme trentenaire, raconte combien la société malaisienne est en
crise et les visages d’habitude renfrognés. Ce samedi, « on sent une ambiance
très joyeuse ». En début d’après-midi, après que les cortèges ont été arrêtés
par les barrages de police et la pause-déjeuner décrétée par chacun, l’appel se
diffuse à se retrouver devant les tours Petronas, dans un quartier un peu
excentré. Peu à peu, des groupes arrivent, la circulation est bloquée et des
leaders prennent la parole les uns après les autres. L’énergie de la matinée
disparaît à mesure que le ciel se couvre.<br />
<br />
<strong>La contestation contre Najib a-t-elle un avenir ?</strong><br />
Mahathir Mohamad, l’ancien Premier ministre des années 1980 et 90, le premier à
dénigrer les rassemblements de rue et leur volonté d’intimider le gouvernement
quand il était au pouvoir, est venu en t-shirt jaune. La caution est de taille
car sa défection fait flageller l’UMNO. « Dr M. », comme on l’appelle en
Malaisie, vient de créer un nouveau parti en rupture avec le gouvernement, mais
qui représente aussi l’ethnie malaise. Ce qui lui vaut à la fois des critiques
de toutes parts et autant d’enthousiasme. Le paysage politique, qui mettait
face à face trois partis ethniques conservateurs dans le Barisan nasional et
trois partis plus progressistes et différemment marqués ethniquement, explose
et se recompose. Le PAS, parti islamiste de gauche, a récemment pris acte de sa
droitisation lors d’une scission. Le nouveau parti de Mahathir Mohamad n’est
encore qu’une annonce. L’offre politique sera-t-elle structurée à temps pour
les prochaines élections qui se tiendront entre l’année prochaine et la
suivante, selon le calendrier choisi par Najib Razak ? Parmi les manifestants,
aucun ne s’enthousiasme à l’idée de la prochaine échéance électorale. La
dernière fois (en 2013), rappelle Melissa, « il y a eu des coupures de courant
pendant le dépouillement de certains bureaux, des travailleurs migrants
étonnamment dotés de cartes d’électeurs, tout qui laissait imaginer une fraude
massive ». Personne ne semble compter sur les prochaines élections pour changer
la donne. M. Teoh explique le paradoxe : « Il faut se bouger pour que les
choses changent avant les élections, sinon on aura encore les mêmes. » Les «
émeutes » et les actes « séditieux » ne sont pour l’instant une réalité que sur
les actes d’accusation des opposants. Bersih se veut pacifique, joyeux et
ramasse bien les papiers derrière son passage. Joyeux mais sans trop d’espoir :
les manifestants de Bersih paraissent sans perspective politique puisque selon
eux, ni les élections ni la rue ne peuvent rien à la dégradation continue de
leur vie publique. Qu’est-ce qui arrivera à déboulonner un Premier ministre
d’autant plus dangereux qu’il est aux abois ?<br />
<br />
D'autres articles sur la Malaisie sur Asialyst :<br />
<a href="https://asialyst.com/fr/2016/11/29/malaisie-nouvelle-aura-maria-chin-leader-bersih/">
La nouvelle aura de Maria Chin, leader de Bersih</a>, reportage<br />
<a href="https://asialyst.com/fr/2016/12/13/malaisie-people-power-elections-propres-selon-tian-chua/">
Le people power et les élections propres selon Tian Chua</a>, entretien<br />Malaisie : le "people power" et les élections "propres" selon Tian Chuaurn:md5:dff8a43ee097dbe70b9bee780f847c682016-12-13T12:05:00+01:002017-02-28T12:15:59+01:00AudeMalaisie et Indonésie<p>C’est l’une des grandes figures de l’opposition en Malaisie. Arrêté après la
5e manifestation de Bersih le 19 novembre dernier, Tian Chua est vice-président
du PKR, le Parti de la justice du peuple. Son organisation politique fait
partie de ce vaste mouvement de la société civile malaisienne qui réclame la
démission du Premier ministre Najib Razak et qui rythme la vie publique pays
depuis 2007. Tian Chua a été relâché au bout de quelques jours, peu avant que
Maria Chin, leader du mouvement Bersih arrêtée la veille du grand
rassemblement, ne soit libérée à son tour. Le député d’opposition inscrit le
mouvement Bersih contre la corruption et pour des élections équitables dans
l’histoire de son pays mais également dans celle du « people power » d’Asie du
Sud-Est, dont on célèbre ce mois-ci les trente ans.</p> <p>À la suite du mouvement Reformasi à la fin des années 1990, Chua Tian Chang,
alias Tian Chua, a passé deux ans en détention et est régulièrement inquiété
depuis pour ses prises de position. Né en 1963 à Malacca dans une famille
sino-malaisienne, ce militant formé en Australie puis en Europe, engagé dans
les mouvements syndicaux et de droits humains, est aujourd’hui député pour le
parti d’opposition People’s Justice Party (Parti Keadilan Rakyat, PKR) dont il
assure également la vice-présidence.<br />
<br />
<strong>Que vous est-il arrivé le samedi 19 novembre après la manifestation
?</strong><br />
<br />
Tian Chua : La police est venue chez moi pour m’arrêter. Je venais de rentrer
de la manifestation. Je suis resté deux nuits dans un centre de détention de la
police. En Malaisie, les magistrats n’interviennent pas avant que l’affaire
soit portée devant une cour de justice. Avant cela, c’est l’affaire de la
police. J’ai été détenu pendant deux nuits, accusé d’avoir tenté de causer des
émeutes. C’est assez ridicule puisque les émeutes n’ont pas eu lieu et que la
manifestation était finie à l’heure où j’ai été arrêté ! On ne m’a toujours pas
signifié mon acte d’accusation. C’est ce qui est arrivé à Maria Chin, [la
présidente de Bersih 2.0]. Le gouvernement prétend que l’arrestation de Maria
Chin n’était pas un acte politique… Bien sûr que c’était politique, la police a
reçu des instructions. Maria a été arrêtée au titre du Sosma [Security Offences
(Special Measures) Act, une loi anti-terroriste datant de 2012]. C’est
particulièrement inapproprié. Pendant les débats au parlement, le ministre nous
répétait que cette loi ne serait jamais utilisée pour des affaires politiques.
Nous savions que cela finirait ainsi, c’est pour cela que nous nous sommes
opposés à cette loi. Maria était dans un centre de détention de la police à
Batu, ma circonscription. J’y ai été détenu au titre de l’ISA, l’Internal
Security Act, en 2001. Nous étions à l’isolement, dans une cellule avec une
plate-forme en ciment et des toilettes encastrées. L’espace est plutôt étroit
[4,5m sur 2.4m pour la cellule de Maria Chin et les lumières 24 heures par jour
selon <em>The Guardian</em>, 24 novembre 2016]. Elle a dû être interrogée jour
et nuit, au moins toute la journée. Cette loi autorise le gouvernement à faire
détenir une personne suspectée d’avoir des activités « attentatoires à la
démocratie parlementaire », une formulation vague et propice aux abus. C’est
cela, le Sosma. Une mesure pareille est anti-constitutionnelle et s’oppose aux
droits humains, ce sont des méthodes terroristes. Ce genre de torture vise à
intimider les personnes qui portent des critiques légitimes contre le
gouvernement. D’un point de vue philosophique, il n’est pas souhaitable
d’utiliser ce genre de moyens, serait-ce contre des terroristes, car cela ne
nous rend pas différents d’eux. Nous justifions l’action des terroristes quand
nous utilisons des mesures anti-démocratiques.<br />
<br />
<strong>Pourtant la manifestation du samedi 19 novembre a été calme et même
joyeuse…</strong><br />
<br />
Bersih, après cinq manifestations, a réussi à convaincre une majorité de
Malaisiens qu’il était légitime de manifester pacifiquement. La répression dans
ce pays est subtile et préventive. Pendant des décennies, nous n’étions pas
autorisés à manifester et nous n’osions pas le faire. La propagande nous
expliquait que les manifestations mènent à la violence et à l’anarchie et elle
montrait pour nous convaincre les exemples des pays voisins. Bersih a montré
que nous pouvions mener des rassemblements massifs sans violence ni conflit. La
police était très tranquille cette fois, elle savait que nous étions pacifiques
et qu’une grande majorité de participants étaient disciplinés. C’est quelque
chose dont nous sommes fiers. La violence attirerait l’attention sur la
Malaisie… Je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une stratégie consciente de la
part du gouvernement. Les officines de maintien de l’ordre ne voient pas la
nécessité d’un conflit violent, elles savent que nous ne présentons pas une
menace pour l’ordre public. Et elles ne veulent pas faire les chiens de garde
de Najib [Razak, le Premier ministre]. La police a été forcée par le
gouvernement à faire des choses comme des arrestations préventives, mais la
manifestation elle-même n’a pas pu être interdite. La police a trouvé plus sage
de ne pas la prolonger en provoquant des affrontements. Après la manifestation,
le moral est au plus haut. Je pense que c’est le gouvernement qui est abattu.
Une autre bonne nouvelle, c’est que l’Umno [United Malay National Organisation,
le parti malais ethnique qui mène la coalition nationale, Barisan nasional, au
pouvoir depuis 1957] a dans un premier temps soutenu la mobilisation des
chemises rouges [un mouvement d’opposition à Bersih]. Mais quelques jours avant
la manifestation, le secrétaire général du parti leur a refusé leur agrément
car des leaders n’assumaient pas ce soutien. Il semble que l’Umno soit en train
de se diviser et qu’ils soient incapables de relever le défi que représente
Bersih. Il y a beaucoup de désaccords au sein du parti. Ce n’est pas que
j’espère que l’Umno explose un jour, c’est en train d’arriver !<br />
<br />
Il y a eu différentes vagues de démocratisation en Asie. Lors de la
décolonisation, nous sommes l’un des rares pays qui n’a pas fait de révolution
pour conquérir son indépendance. Dans les années 1970, beaucoup de pays ont
connu une certaine agitation politique et progressé dans leur démocratisation
avec les mouvements étudiants ou d’opposition à la guerre du Vietnam. Mais là
encore, la Malaisie n’a pas été touchée. À la fin des années 1990, après la
crise financière asiatique, on a vu une vague de démocratisation de la Corée du
Sud à l’Indonésie mais là encore, nous l’avons manquée. Les modèles de
démocratisation en Asie partagent certaines caractéristiques : une
insatisfaction du peuple et une division dans le parti au pouvoir. Ces deux
conditions étaient réunies pendant la crise financière. En Asie, la légitimité
d’un gouvernement tient à son armée ou à sa capacité à maintenir une bonne
santé économique, à fournir des emplois. Les droits humains et la démocratie
peuvent être sacrifiés pour cela, mais si le pays s’appauvrit, le contrat est
rompu entre le peuple et ses dirigeants. Et enfin, il faut une figure
d’opposition conservatrice, issue des rangs dirigeants. C’est une règle : Aung
San Suu Kyi est la fille d’un leader politique, Megawati [Sukarnoputri,
présidente de l’Indonésie de 2001 à 2004] est la fille de Sukarno – c’est une
histoire de filles et de veuves en Asie du Sud-Est. Même dans le cas d’un
mouvement de masse, les gens se rassemblent derrière une figure relativement
conservatrice. [En Malaisie le limogeage du vice-Premier ministre Anwar Ibrahim
en 1998 et aujourd’hui la fronde de l’ancien Premier ministre Mahathir Mohamad
offrent deux figures d’opposants venus des cercles dirigeants, NDLR] Pour faire
tomber un régime, toutes ces conditions doivent être réunies. Elles le sont en
Malaisie mais nos dirigeants ont réussi à utiliser la division ethnique pour
retarder sa chute.<br />
<br />
Nous sommes une nation divisée, c’est pour cela que la peur est toujours plus
forte que le besoin de changement. Les Malais diraient : « Je ne veux pas de
Najib, mais je ne veux pas non plus que les Chinois prennent le pouvoir. » Les
Chinois diraient : « Je veux que ça change mais je ne veux pas perdre des
droits en matière de laïcité si le PAS [le parti islamique] arrive au pouvoir.
» Il y a toujours une répugnance qui tient à notre désunion. Bien que les trois
conditions soient déjà réunies, il nous faut également surmonter la division
ethnique si nous voulons arriver quelque part. L’Umno étant divisée, quelles
sont les perspectives ? L’Umno est bien divisée mais elle crée des divisions au
sein de l’opposition. Nous avons dans [la coalition d’opposition] deux partis
qui s’emportent vite. L’un [le Democratic Action Party, DAP] insiste sur la
laïcité, l’autre [le PAS] sur une sorte de satisfaction de la demande
islamique. Le gouvernement a réussi à leur imposer une position inconciliable
et cela a créé une division dans l’opposition dont elle n’a pas pu se remettre
pour rester unie. Si le parti au pouvoir se divise mais que l’opposition aussi,
on a un statu quo. Nous ne l’emporterons que si nous sommes unis et qu’eux se
divisent. L’Umno ne cesse de se diviser parce que le favoritisme qu’ils
pratiquent crée de l’insatisfaction : « Untel a eu plus que moi parce qu’il est
ami avec Najib alors que c’est moi qui mérite le plus. » C’est de là que
viennent leurs querelles internes incessantes. Nous diviser est vital pour
eux.<br />
<br />
<strong>Qu’est-il arrivé au PAS ? A-t-il quitté la coalition ?</strong><br />
<br />
Le PAS est un parti idéologique. Les gens suivent la ligne du parti quoi qu’il
arrive. Cela n’attire pas les intellectuels mais les partisans de la ligne dure
sont toujours là, personne ne les change. Nous devons reconstruire la
coalition.<br />
<br />
<strong>Vous êtes un vrai politicien : vous me dites qu’elle n’est pas détruite
mais qu’il va falloir la reconstruire…</strong><br />
<br />
Non, non. La question est : il y a des gens qui soutiennent le PAS et d’autres
qui soutiennent le PKR, et le défi est de les réunir. Notre système électoral
n’est pas proportionnel : pour gagner chaque circonscription il faut partir
unis. Pour unir l’opposition, nous devons faire des compromis. Le DAP ne peut
pas arriver en demandant au PAS d’abandonner la charia ni le PAS l’imposer à
ses partenaires. Dans une coalition, certaines choses sont mises en commun,
d’autres pas. Cela demande une certaine sagesse à un potentiel leader – le PKR
ou Mahathir qui vient de rejoindre la coalition. PKR est le seul parti
multi-racial en Malaisie, cela fait de nous un pont entre le PAS, les
socialistes, les laïcs et les autres. Nous pouvons parler à tout le monde.
C’est très facile et confortable de dire à des Chinois ou à des Malais : «
Votez pour nous et nous nous battrons sans compromis pour vos intérêts. » Comme
Donald Trump (<em>rires</em>). Mais les deux partis ne pourront jamais
s’entendre si nous ne faisons pas de compromis. DAP et PAS ne peuvent pas
gouverner à deux, ils ne peuvent arriver à s’entendre que si le PKR les aide à
trouver un compromis. Le nouveau parti de Mahathir est malais. Comment peut-il
contribuer à l’opposition ? Je pense que c’est un phénomène peu durable. Après
les élections, ils devront décider s’ils veulent retourner au sein de l’Umno
pour la réformer ou bien faire un pas de plus et rejoindre l’opposition, voire
fusionner avec le PKR. Ils vont rejoindre une large coalition que nous
construisons pour les prochaines élections [qui auront lieu en 2017 ou 2018]
parce que nous devons faire en sorte qu’en face du parti au pouvoir, il y ait
un seul candidat. C’est la seule manière de l’emporter, sinon dans ce système
électoral nous perdons notre temps.<br />
<br />
<strong>Pouvez-vous nous parler du système électoral en Malaisie et du
gerrymandering – qui consiste à accorder un avantage politique à un groupe ou
un parti en manipulant les circonscriptions électorales ?</strong><br />
<br />
Nous avons un système électoral qui rend possible de gagner le vote populaire
et de perdre l’assemblée. [Ce n’est pas rare dans les systèmes majoritaires
mais il faut ajouter à cela que] dans ma circonscription, il y a 80 000
électeurs alors que celles du parti au pouvoir en font parfois 25 000. Avec le
même nombre d’électeurs, ils créent trois sièges pour eux et un seul pour nous.
Certaines circonscriptions sont encore plus grosses, 120 000, parfois 160 000.
Dans ce système, il faut calculer la valeur de chaque siège et dépenser plus
d’énergie dans les petites circonscriptions, qui sont des faiseuses de rois. Le
parti au pouvoir continue à créer des sièges à son usage. Nous irons donc dans
les zones rurales où les sièges sont plus petits et où il gagne facilement.
Mettre tous les Chinois dans des circonscriptions qu’on leur abandonne, comme
c’est le cas actuellement, mène à créer un nouveau Liban parce que dans ce cas,
pour être élu, il suffit de représenter son groupe au parlement : seulement les
chrétiens maronites ou les coptes ou les musulmans chiites, etc. C’est un jeu
dangereux.<br />
<br />
Le PKR a un avantage parce que nous avons des représentants de tous les groupes
ethniques : Chinois, Malais, Indiens, [les peuples autochtones] Orang Ulu, Iban
ou Kadazan. Quand nous siégeons, nous ne parlons pas pour nos communautés, nous
nous emparons des questions politiques. Nous soutenons des politiques qui sont
acceptables pour toutes les communautés parce qu’elles n’en perdent de vue
aucune. Les autres partis ne fonctionnent pas comme ça. Pendant longtemps, la
Malaisie n’a pas eu de parti comme le PKR. Espérons que le pays continuera à
évoluer vers une situation, un peu comme en Europe, où les partis sont
multiculturels et se différencient par leurs sympathies de gauche ou de droite.
Alors seulement, il est possible de discuter rationnellement. Je ne voudrais
pas parler de lutte des classes, mais dans la situation actuelle, nous
supposons que les ouvriers chinois ont les mêmes intérêts que leurs patrons
chinois, ce qui n’est pas vrai ! Leur voix n’est pas entendue et ils sont
séparés de groupes qui ont des intérêts similaires… Nous tendons à faire comme
si des politiques en faveur des millionnaires malais allait aider tous les
Malais. Au contraire, elles peuvent bénéficier aux millionnaires chinois. La
société malaisienne est aveugle à cela : c’est une société en M avec trois
piliers en bas très séparés et au-dessus, des élites économiques très unies et
qui savent collaborer entre elles.<br />
<br />
<strong>Comment êtes-vous entré en politique ?</strong><br />
<br />
Je suis de Malacca, je suis né en 1963 dans une famille qui parle mandarin, ce
qui n’est pas très commun. [NDLR : Les Sino-Malaisiens parlent très
majoritairement des langues chinoises comme le cantonais ou le hokkien.] Mes
deux parents étaient des intellectuels de gauche. Je suis parti étudier en
Australie dans les années 1980 et j’y ai rejoint des groupes de gauche,
marxistes, « <em>new left</em> », anarchistes, écolos… Les années 80 étaient
une période plus réflexive ; les mouvements de masse des années 70 étaient
finis ; l’heure était davantage aux discussions. Le vrai mouvement est revenu à
la fin de la décennie avec les insurrections en Asie du Sud-Est [le «
<em>people power</em> » aux Philippines, les insurrections étudiantes et
populaires en Thaïlande et en Birmanie] et Tian’anmen en 1989. Je suis rentré
dans les années 1990 alors que l’Asie du Sud-Est était au bord du changement.
Les dictatures militaires et les régimes autoritaires étaient en train de se
fissurer et la crise financière asiatique leur a donné un coup fatal. Je suis
parti à Hong Kong travailler pour l’Asian Monitor Resource Centre, une
organisation syndicale qui documentait l’unionisme en Asie. La Chine vivait
alors une période d’industrialisation massive tandis que le FMI et la Banque
mondiale imposaient dans nombre de pays asiatiques des programmes d’ajustement
structurel qui menaient à la destruction des syndicats. Nous documentions tout
cela. Avant mon master, j’étudiais la philosophie du XXe siècle,
l’existentialisme, la sémiotique… J’étais très moderne ! Je me suis ensuite
dirigé vers des études plus pratiques, les ressources humaines et le travail à
l’Institute of Social Studies à La Haye aux Pays-Bas. À mon retour en Malaisie
en 1995, j’ai rejoint le mouvement Reformasi. J’ai toujours été engagé dans les
mouvements syndicaux et pour les droits humains. J’ai été un des directeurs de
Suaram [la principale ONG malaisienne de défense des droits humains].<br />
<br />
<strong>Qu’est-ce que la Reformasi, plus précisément ?</strong><br />
<br />
La Reformasi est un processus constant qui a été inclus notamment dans des
partis comme le PKR. Au début, nous subissions une forte répression. Nous
sommes allés en prison pour qu’enfin il soit possible de manifester dans la
rue. Avant cela, nous devions couvrir nos visages et trouver des hébergements
sûrs où nous cacher après les manifestations. La Reformasi a réussi cela mais
il lui reste encore à se traduire dans un changement de politique. Cela
n’arrivera que quand les régimes tomberont, sans quoi aucune réforme
institutionnelle n’aura lieu. Les dirigeants ne vont pas abandonner leur
pouvoir. Nous ne pouvons pas compter sur des élections dont les règles sont
établies par le pouvoir. Seul un mouvement de masse du type « <em>people
powe</em>r » et des manifestations de rue peuvent casser ces règles. Je fais
souvent cette blague : changeons le gouvernement avant les élections, pas le
contraire ! Il n’y aurait pas eu d’élections propres et équitables à Jakarta,
en Corée du Sud, aux Philippines si le « <em>people power</em> » n’avait
d’abord renversé le régime militaire.<br />
<br />
La Malaisie [ne connaît pas ces insurrections] parce que les politiques
ethniques ici sont accomplies. Les colons britanniques étaient obsédés par
l’identité ethnique et la classification des êtres humains. « Indien » ne
suffisait pas, il leur fallait préciser encore la caste. Quand vous commencez à
préciser l’ethnicité sur un document d’identité, c’est sans fin. L’identité
malaise est une histoire de culture, pas de gênes. Mais au début du XIXe siècle
des anthropologues ont cru avoir découvert quelque chose avec l’ethnicité et
les Britanniques se sont mis à classer en conséquence les sujets coloniaux. Ils
sont très conscients de la race. Les Espagnols, eux, n’ont jamais partagé ces
idées : dans leurs colonies, il y a toujours eu de la mixité et un moindre sens
de l’appartenance à un groupe ou à l’autre. Le catholicisme homogénéise le
peuple. Les Britanniques, en fixant l’identité ethnique et en créant l’«
<em>equal power</em> », par exemple pour protéger les musulmans des hindous ou
le contraire, ont fini par créer des communautés très séparées et à trouver
cela juste. [Après l’indépendance de la Malaisie], notre classe dirigeante a
voulu se montrer équitable et protéger certains groupes, ce qui a fini par
créer un équilibre instable. Il y a désormais une perpétuelle tension entre les
groupes. [En 1957], la population consistait en une moitié de Malais et une
moitié d’autres. Mais l’immigration menaçait l’équilibre. Ainsi, en écartant
Singapour [en 1965] et ses 70 % de Chinois, les Malais avaient une majorité en
Malaisie. Si les Chinois n’apprécient pas, ils n’ont qu’à partir à Singapour
!<br />
<br />
<strong>Quel serait le rôle de la communauté internationale face à la situation
actuelle en Malaisie ?</strong><br />
<br />
La Malaisie est mal comprise de la communauté internationale. Tout le monde
nous croit très modernes : nous avons une économie quasiment du premier monde,
toute une façade démocratique qui fait illusion. Dans les années 1990, quand
nous allions sur la scène internationale, à Genève ou ailleurs, pour partager
de nos inquiétudes sur le respect des droits humains, on nous demandait combien
le gouvernement avait fait tuer de personnes. Personne [n’avait été assassiné],
mais vingt militants étaient derrière les barreaux. Leurs autres dossiers
faisaient état du Nigeria où 300 personnes avaient été tuées, où il y avait
1000 prisonniers politiques. La Malaisie n’était pas un cas très important. Le
gouvernement est assez fort pour maintenir cette situation de répression
subtile pendant qu’ils continuent à exercer un contrôle très fort des
institutions. Les investisseurs étrangers pensent que c’est un pays libre et
qui promeut le marché libre. Alors de quoi se plaint-on ? !</p>Malaisie : la nouvelle aura de Maria Chin, leader du mouvement Bersihurn:md5:23689bfd2cd9d3f9fd82bae102dd7e372016-11-29T12:11:00+01:002017-02-28T12:15:59+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieDémocratie<p>Chaque soir depuis dix jours, sur la place de l’Indépendance à Kuala Lumpur,
les supporters du mouvement anti-corruption Bersih se sont réunis en soutien à
Maria Chin Abdullah, incarcérée depuis la veille du rassemblement, le 18
novembre, au titre du <em>Security Offences Special Measures Act</em> (Sosma).
Hier lundi 28 novembre dans la soirée, les slogans sont repris plus joyeusement
: la présidente de Bersih 2.0 a été libérée dans l’après-midi.</p> Les discours politiques, parfois teintés de religiosité musulmane, succèdent
aux chansons chinoises dans l’attente de Maria Chin. Isaiah Jacob, un militant
qui a jeûné toute la semaine précédent le rassemblement Bersih, était prêt à
poursuivre son action jusqu’à la libération de l’opposante : « J’ai eu Maria au
téléphone, elle m’a demandé si j’allais manger. Je lui ai dit : non, pas avant
de te voir ! » D’autres personnes incarcérées après le 18 novembre sont
présentes : Tian Chua, le numéro 2 du grand parti d’opposition PKR, libéré le
21, ainsi que le dessinateur Zunar, qui est sorti de détention la veille,
dimanche 27 novembre. Malgré la pluie qui tombe en fines gouttes, le public est
de plus en plus nombreux, pour atteindre 300 personnes à l’arrivée de Maria
Chin.<br />
<br />
Cette dernière semble à peine éprouvée par ces dix jours de captivité qu’elle
décrit à la foule. Accusée lors d’interrogatoires quotidiens d’avoir reçu pour
Bersih 2.0 des financements importants de la part de la Fondation Open Society
du milliardaire George Soros, Maria China nie toujours. Mais elle inscrit la
situation malaisienne dans la communauté internationale : « <em>[Mon
incarcération] ranime l’Internal Security Act [le dispositif policier d’après
l’indépendance, NDLR] dans ce pays, très loin des standards
internationaux.</em> » Elle alterne malais et anglais pour remercier le public
: « <em>Sans votre soutien je n’aurais pas été libérée.</em> » Cette
incarcération, dans des conditions proches de la torture (isolement et lumière
24h sur 24), était sévèrement critiquée dans le pays et au-delà. Pourquoi cette
libération ? D’après Tian Chua, « <em>le gouvernement aurait été
embarrassé</em> ». Et de fait, ces dix jours ont fait grandir l’aura de Maria
Chin auprès des supporters de Bersih et attiré l’attention de la communauté
internationale. La Haute Cour doit également examiner ce mardi 29 novembre sa
demande d’<em>habeas corpus</em>, ce qui pourrait faire apparaître la vacuité
des accusations contre elle. L’investigation de la police continue néanmoins et
le siège d’Empower, une association de soutien aux droits des femmes fondée par
Maria Chin, a été perquisitionné hier lundi.<br />
<br />
Le rassemblement du 19 novembre et cette vigie de dix jours ont fait grandir la
résolution des opposants au Premier ministre Najib Razak. Le slogan « <em>Bebas
Maria</em> » (« Libérez Maria ») est décliné : « <em>Bebas rakyat</em> » («
Libérez le peuple ») et finalement « <em>Bebas Anwar</em> », le vice-Premier
ministre accusé de sodomie en 1998, en pleine crise financière asiatique, et de
nouveau incarcéré depuis février 2015. Isaiah Jacob, quand il aura récupéré de
ses deux semaines de jeûne, promet de se mettre en grève de la faim pour la
libération d’Anwar Ibrahim. Nous avions rencontré ce militant de cinquante ans,
né avec une seule jambe, à la suite d’une marche pour protester contre l’usine
de terres rares Lynas, située sur la côte est du pays à 300 km de Kuala Lumpur.
Cette marche-ci sera plus longue encore, mais la résolution ne devrait pas lui
manquer.<br />
<br />
<em>Un billet publié sur <a href="https://asialyst.com/fr/2016/11/29/malaisie-nouvelle-aura-maria-chin-leader-bersih/">
Asialyst</a>.</em><br />Le village de Lakarwodo résiste en cartesurn:md5:861d5ff392e007253968a2705139b9ee2016-11-23T13:24:00+01:002017-05-15T07:06:18+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement <img alt="" src="https://visionscarto.net/local/cache-vignettes/L500xH251/30388874414_f189-ff149.jpg" />C’est
en secret que les villageois de Lakardowo, à Java Est, se rendaient à dix
kilomètres de là dans les locaux de l’ONG Ecoton, une association de défense de
l’environnement. « <em>Les femmes, lors de leurs premières formations sur les
déchets toxiques ou sur les régulations environnementales, mentaient à leur
famille et à leur voisins quand elles venaient ici. Les hommes attendaient 22 h
pour que personne ne les voie.</em> » Riska se souvient de leurs premiers
contacts avec l’équipe de biologistes militants dont elle est la benjamine.
Depuis quelques mois, elle a le plaisir de voir les villageois venir de jour et
toujours plus nombreux, entassés sur le plateau d’un pick-up, pour élaborer
avec l’ONG des réponses à ce que vit le village depuis six ans.<br />
<br />
En 2010 une usine de traitement de déchets toxiques, PT PRIA (Putra Restu Ibu
Abadi), s’installe sur la commune, se présentant aux autorités du village comme
une usine de briques et de papier recyclé. Il faut du temps, des lanceurs
d’alerte et des malades pour comprendre que les briques en question ne sont que
l’une des formes sous lesquelles l’usine se débarrasse de déchets
toxiques..<br />
<br />
La suite sur le site <a href="http://visionscarto.net/lakarwodo-resiste-en-cartes">visionscarto.net</a>.<br />Cartographie participative du vélo potentiel à Kuala Lumpururn:md5:050f5ad9f40ac55c44cf08149d7622912016-09-29T09:49:00+02:002017-01-23T22:45:52+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieVélo <p><img title="DSC01148.JPG, janv. 2017" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="" src="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Malaisie/.DSC01148_m.jpg" height="331" width="442" />Kuala Lumpur a,
vu du ciel, des airs de plats de spaghetti où s’emmêlent les autoroutes à deux
fois trois ou quatre voies. Dans les quartiers, les automobiles garées sur les
trottoirs, les embouteillages où les pare-chocs se touchent presque et la
priorité donnée aux voitures sur les piétons rendent improbable l’idée de faire
du vélo dans la capitale malaisienne. C’est pourtant le cas, même si les
cyclistes sont assez rares pour qu’on puisse passer une journée sans en voir
un… Mais cela ne s’improvise pas, il est déconseillé de partir à l’aventure
sans une idée précise de son itinéraire. Pour cela, l’apprenti·e cycliste peut
désormais compter sur une carte qui l’aidera à circuler dans la jungle urbaine
: Cycling KL Bicycle Map.</p>
<p>La suite sur le site <a href="http://visionscarto.net/kuala-lumpur-cartographie-participative-velo">Visions
carto</a>.</p>Extractivisme et développement : écologie de la Malaisie (1)urn:md5:0021aa176bd54cb95478deb39c15818c2014-11-18T14:13:00+01:002015-10-14T11:18:42+02:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement<h3>Là où les moussons se rencontrent</h3>
C'est le 11e pays le plus visité au monde, juste derrière la Thaïlande. Comme
la France, carrefour de l'Europe occidentale à la rencontre des mondes latins
et germaniques, la Malaisie bénéficie d'une position géographique privilégiée,
entre mer de Chine et océan Indien. Les moussons ont permis pendant des siècles
aux marins et aux marchands chinois de descendre jusqu'au sud de la péninsule
malaise et d'y rencontrer ceux des mondes indiens et arabes, poussés par
d'autres vents. Le caractère multiculturel de la société malaisienne
aujourd'hui est aussi l'héritage de la colonisation du pays et de
l'exploitation de ses ressources naturelles par les Britanniques. Fortement
stigmatisée dans les années 1980 et 1990, pendant lesquelles elle fut le
deuxième exportateur mondial de bois tropicaux (pour une surface équivalent à
une moitié de France !), la Malaisie ne s'est jamais remise de l'usage qui a
été fait d'elle sous l'ère coloniale : un réservoir de richesses naturelles à
piller. Le caoutchouc et l'étain ont été remplacés par le palmier à huile et le
pétrole, mais les structures extractivistes (1) ne changent pas, dans les
effets de la rente qu'elle produit et dans sa redistribution, dans le rapport à
la Nature et au temps long. <h3>La colonisation britannique, une entreprise extractiviste</h3>
« <em>Les richesses de la péninsule ne doivent, ne peuvent pas rester
sous-développées, on doit les faire contribuer à la prospérité mondiale...
Disons-le clairement : ces états doivent passer sous contrôle européen.</em> »
La campagne date de 1871 et s'exprime ainsi le 12 juillet dans un éditorial de
la <em>Penang Gazette</em> (2). L'empire britannique tient alors les colonies
des détroits : Singapour, Penang et Malacca sont trois enclaves sur le détroit
du même nom (3) depuis lesquelles citoyens britanniques et Chinois des détroits
administrent plantations et mines situées dans les états malais. Sultanats ou
royaumes, ces états ne sont pas assez entreprenants et favorables aux activités
extractives. Planteurs et propriétaires de mines en appellent donc à une
conquête politique de l'ensemble de la péninsule.<br />
<br />
En 1886, c'est la crise en Europe. Surproduction d'un côté, pauvreté de
travailleurs à qui l'on ne permet pas de constituer un marché de l'autre, le
système cherche désespérément des débouchés. L'impérialisme s'impose comme
solution au problème, sans toucher à la question sociale autrement qu'en
surface. « <em>L'idée que je chéris [l'impérialisme] est une solution au
problème social : pour éviter aux quarante millions d'habitants du Royaume-Uni
le bain de sang d'une guerre civile, nous les hommes d'états coloniaux devons
acquérir de nouvelles terres pour y installer le surplus de population et
ouvrir de nouveaux marchés pour les produits des usines et des mines.</em> »
Ainsi s'exprime alors Cecil Rhodes, le fameux colon africain. (Les recettes
n'ont pas beaucoup changé, remplacez les nouveaux territoires géographiques par
de nouveaux territoires technologiques.) L'environnement technique, justement,
est à la fin du XIXe favorable à la colonisation de l'Asie : le canal de Suez
et les bateaux à vapeur raccourcissent le voyage, le télégraphe permet de
communiquer facilement. L'Espagne colonise alors les Philippines, la France
l'Indochine, les Pays-Bas l'Indonésie, le Royaume-Uni la péninsule
malaise.<br />
<br />
C'est l'âge d'or des mines d'étain et des plantations d'hévéa. Étain pour les
boîtes de conserve qui viennent d'être inventées et hévéa pour les pneumatiques
d'automobile... et surtout de vélo. A chaque production il convient d'assigner
un peuple. Les colons font appel aux Chinois pour travailler dans les mines et
aux Indiens dans les plantations. Les Malais sont requis pour la production de
riz. L'administration coloniale, qui crée l’État multiculturel que nous
connaissons aujourd'hui, assigne à chacun sa place, créant des catégories «
raciales » qu'elle modifie à chaque recensement (4). En 1957, quand est acquise
l'indépendance de la péninsule malaise, rien ne change. La lutte contre la
première guérilla maoïste du continent tire sur sa fin (1948-1960 pour l'« état
d'urgence » (5)) et le pays est cédé à des mains sûres, anti-communistes et
droitières : celles de l'UMNO (United Malay National Organisation), qui partage
le pouvoir jusqu'à aujourd'hui avec un parti chinois et un autre indien –
chaque peuple a son parti dans la coalition <em>Barisan nasional</em>. Un
multiculturalisme autoritaire et des politiques économiques fondées sur
l'extractivisme, voilà le cocktail malaisien.<br />
<br />
<h3>Quel partage des richesses ?</h3>
<p>KLCC (Kuala Lumpur Commercial Centre) prospère à l'ombre des tours jumelles
Petronas. Shampoing français bio, dernières parutions en anglais, vêtements
d'une marque japonaise mondialisée... on y trouve tout ce dont la classe
moyenne a besoin. Les food courts ne désemplissent pas le midi, à peine pendant
le Ramadan. On y prend rendez-vous avec des diplômés d'universités locales,
parfois australiennes ou anglaises, qui jonglent avec les langues : malais et
anglais, à quoi il faut souvent ajouter une ou deux langues chinoises. La
classe moyenne possède deux voitures par ménage et un revenu qui lui permet de
passer s fins de semaine ou ses vacances sur les mêmes plages que les touristes
occidentaux (6). La Malaisie donne une impression de prospérité et c'est de
fait l'un des pays les plus riches de la région, le seul qui soit en mesure de
produire des voitures de la conception à la fabrication – même si la classe
moyenne préfère les japonaises. Il est possible que dans les prochains mois
soit adopté un salaire minimum entre 1000 et 1500 ringgits (7), mais le salaire
d’un-e jeune diplômé-e atteint facilement les 3000 RM. Depuis les années 1970,
la classe moyenne s'est considérablement étendue mais appauvrie (8). C'est
ainsi que, malgré l’heure de travail peu qualifié qui reste peu coûteuse pour
elle, elle fait preuve de mécontentement pour son niveau de vie qui baisse peu
à peu, mais aussi pour la corruption qui complique les affaires, les politiques
racialistes et l’alternance qui ne vient pas.</p>
<p>Plus loin dans les barres d'immeubles des grandes villes ou dans les
<em>kampung</em> (villages) le tableau est tout autre et l'impression de
prospérité disparaît, il reste celle d'un partage très inéquitable des
richesses. Les ressources éducatives mises à la disposition des plus pauvres
peinent à éradiquer l'analphabétisme (9). Pauvres parmi les pauvres, les
autochtones, parfois trop loin d’une école ou d’un dispensaire, voient leur
mode de vie perturbé par l’industrialisation du pays et les dommages qui sont
faits à la forêt (voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Orang-Asli-Women-and-the-Forest">« Orang
Asli Women and the Forest »</a>).</p>
<p>Riche en ressources naturelles (la forêt pour les bois tropicaux, devenue
monoculture du palmier à huile, et le pétrole extrait par Shell et Petronas
(10)), la Malaisie les partage mal. La « malédiction des ressources naturelles
», dont on parle quand les ressources importantes de la rente naturelle tombent
dans des pays mal structurés pour les partager et les investir dans le
développement d'autres secteurs, explique en partie la situation dans laquelle
se trouve le pays aujourd'hui. La rente n'est pas utilisée pour garantir des
conditions de vie correctes à tout le peuple (<em>rakyat</em>) mais elle a
toutefois été en partie réinvestie et la Malaisie jouit aujourd'hui d'une bonne
santé économique. Elle est depuis peu exclue des programmes d’aide au
développement, étant considérée comme un pays développé. Mais certaines
populations continuent à faire face à des problématiques de grande pauvreté et
de déni de l’état de droit (voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Borneo-NCR">« À Bornéo, les
droits communautaires autochtones au secours d’un bien commun mondial »</a>).
Les associations qui travaillent avec elles ne peuvent plus compter sur l’aide
internationale, et s’inquiètent de leur financement. Comment continuer à se
battre contre la mise en coupe de la forêt tropicale par le gouvernement local
ou fédéral sans accès à des budgets internationaux ? L’accès aux ressources de
la forêt est une question tant écologique qu’économique, et témoigne de la
faillite des élites politiques. Celles-ci tentent de faire diversion en
imposant dans l’agenda, au dépens de ces questions socio-économiques, les
questions « raciales ».</p>
<p>(1) L'extractivisme se réfère « aux activités d'extraction, sans
transformation (ou de façon très limitée), de grands volumes de ressources
naturelles essentiellement destinées à l'exportation. L'extractivisme ne se
réduit pas aux minerais ou au pétrole. Il existe un extractivisme agraire,
forestier et même halieutique. » Alberto Acosta, « Extractivisme et
néo-extractivisme. Deux faces d'une même malédiction » dans <em>Au-delà du
développement. Critiques et alternatives latino-américaines</em>, dir. Miriam
Lang et Dunia Mokrani, éditions Amsterdam, 2014.</p>
<p>(2) <em>Where Monsoons Meet. A People's History of Malaysia</em> (1979),
collectif Musimgrafik, réédition Strategic Iinformation and Research
Development Centre, Petaling Jaya, 2007.</p>
<p>(3) Le détroit de Malacca relie l'Océan indien et la mer de Chine et sépare
le continent asiatique de Sumatra et de l'archipel indonésien. C'est le plus
fréquenté au monde avec la Manche.</p>
<p>(4) Les classifications pointilleuses adoptées par l’administration
coloniale et qui changent à chaque recensement sont d’une absurdité presque
comique. Farish A. Noor, <em>What Your Teacher Didn’t Tell You</em>, Matahari
Books, Kuala Lumpur, 2009.</p>
<p>(5) L’« état d’urgence » aura duré de 1948 à 1960, mais le cessez-le-feu
n’est signé qu’en 1989.</p>
<p>(6) Lesquels pestent parfois : la Malaisie est bien trop riche, les vols
<em>low-cost</em> d’Air Asia sont complets les week-ends et les repas pris dans
des restaurants climatisés dépassent vite les deux euros.</p>
<p>(7) Soit entre 250 et 350 €, selon le cours des monnaies, mais gardons en
tête le prix d’un verre de thé dans la rue, entre 1 et 1,2 RM. Un repas simple
avec boisson coûte environ 8 RM.</p>
<p>(8) Une Honda Civic coûtait en 1978 12 mois de salaire pour un jeune
diplômé, contre 52 en 2012, pour donner une idée de l'érosion du pouvoir
d'achat. « Malaysia: High Income Nation, Low Income Rakyat » dans Anas Alam
Faizli, <em>Rich Malaysia, Poor Malaysians. Essays on Energy, Economy and
Education</em>, Gerakbudaya, Petaling Jaya, 2014.</p>
<p>(9) Le UN Education Index classe la Malaisie 98e sur 181 pour l'éducation de
ses habitants. « TIMSS 2011: An Analysis of Malaysia's Achievement » dans
<em>Rich Malaysia, Poor Malaysians. Essays on Energy, Economy and
Education</em>, op. cit.</p>
<p>(10) Les redevances de Petronas dans le budget de l’État oscillent selon les
années entre 38 et 44 %. « Is Petronas and Ungrateful Child of Malaysia? » dans
<em>Rich Malaysia, Poor Malaysians. Essays on Energy, Economy and
Education</em>, op. cit.</p>Extractivisme et développement : écologie de la Malaisie (2)urn:md5:dca949f1c9aeacdc02927cb9325fce6d2014-11-17T14:31:00+01:002014-11-17T15:35:17+01:00AudeMalaisie et IndonésieAsieEnvironnement<h3>Le <em>rojak</em> malaisien</h3>
<p>La Malaisie, l’état des Malais ? Ou à partir de quand est-on
<em>bumiputera</em>, fils de la Terre ? L’appellation englobe les
communautés autochtones, Orang Asli de la péninsule et Orang Asal de Bornéo,
les deux expressions ne rendant pas compte de la variété des peuples qui vivent
de et dans la forêt. Mais avant tout les Malais, synonyme ici de musulmans : le
peuple de marins islamisé après le XIIe siècle, dont la langue a des racines
communes avec le malgache ou le tagalog philippin, mais encore les populations
indiennes, thaï ou philippines à condition qu’elles soient musulmanes (1). Et
enfin les Peranakan, métis chinois (les Baba Nyonya ou Chinois des détroits qui
sont bouddhistes ou chrétiens), indiens ou arabes. Et les Eurasiens, qui font
état plus souvent d’ascendances portugaises que néerlandaises ou britanniques,
les trois puissances coloniales qui se sont succédées depuis le XVIe siècle.
Même si l’État n’admet pas de différence entre ses sujets, toutes ces
communautés reconnues comme autochtones bénéficient d’un ensemble de lois qui
doivent assurer leur non-discrimination économique (2).</p> À leurs côtés, les « allochtones » donc, des Tamouls et des Chinois
installés dans la colonie britannique pour y travailler et à qui les grandes
villes malaisiennes doivent tant. Il faut ajouter au tableau des résidents d’un
type particulier : les migrants et les migrantes birmans, népalais,
indonésiens ou philippins, qui font marcher les segments les moins reluisants
de l’économie malaisienne, agriculture de plantation et maraîchage insoutenable
(voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Cameron-Highlands">« Cameron Highlands, la course à
l’or vert »</a>), emplois domestiques et prostitution. Les dispositifs
législatifs, plus prompts à poursuivre les migrants que leurs employeurs, les
réduisent à des situations d’esclavage qui émeuvent la communauté
internationale et doivent désormais au pays un statut de plaque tournante du
trafic d’êtres humains (voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Singapour-domestiques">« À
Singapour, achète-t-on bien les domestiques ? »</a>). La Malaisie,
c’est un vrai <em>rojak</em>, une salade de fruits salée à la sauce soja, selon
l’image habituellement convoquée.<br />
<h3>Un paysage politique qui se structure pour l’alternance</h3>
L’opposition tient selon les élections locales jusqu’à cinq états sur treize,
dont le Selangor en bonne santé économique et le remuant Sabah à Bornéo. Mais
aussi le Kelatan ou le Terengganu très musulmans, où l’on écrit volontiers le
malais en <em>jawi</em>, l’alphabet arabe. Le Kelantan est gouverné par le PAS,
parti islamiste qui au printemps 2014 a voté l’application du <em>hudud</em>
(les châtiments corporels prévus par la loi islamique) et s’est fait débouter
par l’état fédéral. L’état de Penang, composé de l’île du même nom et de la
bande de terre qui lui fait face, l’ancienne province de Wellesley, est
gouverné par le DAP, parti chinois et indien globalement assez progressiste.
Singapour la chinoise, trop remuante, s’étant fait exclure de la fédération en
1965 pour refus des premières dispositions pro-malaises, le monty-pythonesque
(et jusqu’ici imaginaire) Front de libération de Penang rêve parfois du même
sort.<br />
<br />
Les deux opposants à la coalition au pouvoir, PAS et DAP, arrivent à s’entendre
dans le cadre de l’alliance emmenée par le Parti de la justice, le seul parti
qui réussisse le défi du multiculturalisme. Créé par Anwar Ibrahim,
vice-Premier ministre UMNO, suite à son limogeage sulfureux en 1998, le Parti
de la justice (PKR) a fait entrer en politique une génération de jeunes ou
moins jeunes personnalités dévouées à leur communauté : Baru Bian, membre
autochtone (il est Lun Bawang) de l’assemblée du Sarawak, défend les droits
communautaires sur les terres des autochtones (voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Borneo-NCR">« À Bornéo, les droits communautaires autochtones au
secours d’un bien commun mondial »</a>) ; Lee Chean Chung, membre
chinois de l’assemblée du Pahang, a fait ses armes dans la lutte contre l’usine
de terres rares de Lynas, un grand dossier environnemental et néocolonial (voir
<a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Lynas-terres-rares">« La Malaisie continue à manifester
contre l’usine de terres rares de Lynas »</a>). La classe moyenne piaffe
en attendant l’alternance mais ces deux élus qui représentent leurs espoirs
sont plus pessimistes : les vieux politiciens issus de l’UMNO et
reconvertis dans le PKR pourraient bien voler aux Malaisiens leur désir de
changement, si le pays passait « à gauche » (disons plutôt au
centre).<br />
<h3>Le multiculturalisme en danger ?</h3>
Le gouvernement insiste pour appeler chacune de ses défaites une
« victoire chinoise ». Avec un peu de chance, les Malais pauvres
trouveront dans les entreprenants Chinois des villes, propriétaires de petites
ou moyennes entreprises, des boucs émissaires comme ce fut le cas en 1969 lors
d’émeutes anti-chinoises (les mêmes ont eu lieu en 1998 en Indonésie et au
printemps 2014 au Vietnam). La crispation actuelle est aussi politique que
culturelle, avec l’instrumentalisation dans la surenchère PAS-UMNO d’un Islam
qui jusqu’alors était étranger aux us malais (port du <em>hijab</em> et
alimentation halal, le vocabulaire arabe mordant sur le lexique malais). Les
Malaisiens ne mangent déjà plus ensemble, et chacun se retrouve désormais dans
sa cuisine ethnique.<br />
<br />
Une tradition contraire à l’histoire de ce petit bout d’Asie du sud-est, répète
l’historien Farish A. Noor, animateur du projet « The Other
Malaysia » (3). Spécialiste de l’histoire du PAS et de la gauche
islamique, depuis presque quinze ans il s’est mis en tête de faire redécouvrir
la Malaisie aux Malaisiens et d’aller à l’encontre des idées reçues. La
démarche rappelle furieusement les initiatives historiennes contre les
réécritures Sarkozy-Guaino. Non, le kris (emblème de l'UMNO) n’est pas un
poignard spécifiquement malais, il a été utilisé dans toute la région et la
mystique qui l’entoure est incompatible avec la foi musulmane. Non, le PAS n’a
pas de racines politiques réactionnaires, il a été fondé par des socialistes
musulmans. La culture de l’Asie du sud-est a mêlé traditions hindoues,
bouddhistes et musulmanes qui n’ont aucune raison de s’affronter
aujourd’hui : les politiques racialistes ne sont pas un retour à la
tradition, mais une méthode de gouvernement héritée des colons britanniques et
poursuivie depuis.<br />
<br />
Entre début 2012 et août 2014, le régime s'était en apparence libéralisé :
en vrai, une sorte de « cause toujours » qui en cessant de réprimer
les mouvements sociaux pariait sur leur lassitude... et la nôtre, puisque
quelques poursuites judiciaires à la suite d'une manifestation ne sont pas une
information sur la scène internationale (voir <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Lynas-terres-rares">« La Malaisie continue à manifester contre
l’usine de terres rares de Lynas »</a>). Il ne cesse désormais de se
durcir. Depuis août dernier, les accusations au nom du <em>Sedition Act</em> de
1948 pleuvent, pour des propos datant parfois de plusieurs années. Tout
discours critique envers le gouvernement est susceptible de tomber sous le coup
d'une accusation de sédition, ou appel à la révolte (4). Derniers coups de
griffe d'un régime qui sent venir sa fin ? Ou retour à des années 1980 où
la répression des opposants était l'ordre naturel des choses ? Les sujets
d'ordre économique ou écologique qui en appellent à la démocratisation du
régime sont nombreux et se structurent autour de plaintes visant le respect du
droit. Les droits communautaires autochtones ou le droit environnemental sont
souvent en première ligne.<br />
<h3>Logiques mondialisées</h3>
En cela les dénis de droit que les militants malaisiens observent et condamnent
nous rappellent les dispositions prises dans des pays comme le nôtre, quand
bien même ils connaîtraient l'alternance politique. Études d'impact
environnemental bâclées, complaisance envers les indélicatesses des grosses
entreprises, partenariats public-privé conclus aux dépens du bien commun (voir
<a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/Baram">« En Malaisie, un barrage inutile menace la survie
des peuples indigènes »</a>)... là-bas comme ici s'expriment les mêmes
logiques. Jusqu'aux arguments des militants contre le traité Pacifique, qui
rappellent ceux que nous opposons au TAFTA (5). Pas de tremblements de terre,
de meurtres d'opposants politiques, ni de guerres, mais un sort semblable au
nôtre, qui a de quoi nous tirer des commentaires de notre vie politique locale
pour nous faire mieux considérer les logiques qui meuvent le monde
d'aujourd'hui. Au-delà des sujets emblématiques et très exotiques que
constituent la disparition de la forêt tropicale malaisienne et de ses
<em>orang utan</em> ainsi que la couverture du pays par les plantations de
palmier à huile, les deux sujets que j’avais en tête en partant, la Malaisie a
de quoi nous intéresser à de nombreux autres titres que celui de réservoir
mondial de biodiversité.<br />
<br />
(1) Article 160(2) de la constitution. Les jeunes Malais étudiés par Dahlia
Martin n’assument pas d’identité ethnique, vécue comme mixte et labile, mais se
définissent comme musulmans, pratiquants ou non. « Redefining “Malayness”:
Expectations of Young-Adult Malaysian Muslims », <em>in Thinking Through
Malaysia: Culture and Identity in the 21st Century</em>, éd. Julian Hopkins et
Julian C.H. Lee, Strategic Information and Research Development Centre,
Petaling Jaya, 2012.<br />
<br />
(2) Après l’introduction officielle du terme en 1965, des lois dans le cadre de
la <em>New Economic Policy assurent</em> aux <em>bumiputera</em> une
discrimination positive depuis les années 1970. 30 % du capital de certaines
entreprises doit leur appartenir, les projets immobiliers doivent leur accorder
des quotas et une réduction de 7 % et ils sont surreprésentés dans
l’administration (dont la police).<br />
<br />
(3) Farish A. Noor, <em>What Your Teacher Didn’t Tell You</em>, Matahari Books,
Kuala Lumpur, 2009. Le site de <a href="http://www.othermalaysia.org/"><em>The
Other Malaysia</em></a>, désormais inactif.<br />
<br />
(4) Les accusations touchent des membres PKP, DAP ou PAS des assemblées des
états d'opposition (Penang, Sabah, Selangor) ou de l'assemblée fédérale, des
militants, des journalistes ou des universitaires qui relaient leurs propos
critiques du gouvernement ou de la coalition au pouvoir. « Malaysia:
Sedition Act Wielded to Silence Opposition » , Human Rights Watch, 14
septembre 2014. Meena Raman, membre de Friends of the Earth Malaisie et du
bureau de FoE international, rappelle ses 47 jours d'arrestation arbitraire en
1987 et alerte sur la situation actuelle dans theecologist.org, 26 septembre
2014. Le 16 octobre 2014, le Barreau malaisien manifeste pour la quatrième fois
de son histoire contre le Sedition Act (« Sedition Act promotes ignorance,
claims Malaysian Bar chief », Malay Mail on line, 13 octobre 2014).<br />
<br />
(5) Le <em>Trans Pacific Partnership Agreement</em> (TPPA) suscite une
opposition qui s'est vivement exprimée à sa découverte en 2013, à travers des
ONG, des voix politiques isolées (comme celle de l'ancien Premier ministre
Mahathir) et de coalitions comme Bantah TPPA. « A Guide to the TPPA. Why
Bantah? » dans Anas Alam Faizli, <em>Rich Malaysia, Poor Malaysians.
Essays on Energy, Economy and Education</em>, Gerakbudaya, Petaling Jaya,
2014.<br />
<br />
La conviction que j’ai que la reconnaissance doit circuler dans le monde
militant, y compris sous forme monétaire, m’enjoignent à vous proposer une
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Dix euros, c’est le prix d’un abonnement en France pour un an et deux numéros.
Le n°6, qui vient de paraître, contient un texte inédit : « Main
basse sur la forêt de Bornéo ».