Mon blog sur l'écologie politique - "La France d'après"2024-03-29T08:31:36+01:00Audeurn:md5:78a731c5da243981157a40ec0da23d7cDotclearLes structures mentales de la France d'aprèsurn:md5:1899cc9292f416454a9ba5306911f24c2008-02-14T13:45:00+01:002012-04-05T09:01:45+02:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <h2>Edito</h2>
<p>Bien sûr, nous étions bien désolé-e-s de mettre les pieds, en ce lundi 7 mai
2007, dans la France d'après. Même du pied gauche, ça faisait mal à qui aimait
la justice, la solidarité, la pensée... Mais depuis 2002, et plus largement
depuis l'abandon de la gauche, celle qui avait « essayé », il s'agit au
fond d'un même mouvement. Dépolitisation du débat politique au profit de
l'expertise économique, même biaisée. Au profit du spectacle du <em>sport</em>
électoral. Au profit enfin des égoïsmes de qui a cessé de se définir comme
personne sociale.<br /></p>
<p>Du nouveau ? Un homme à la personnalité encombrante, dont on a assez
décortiqué la structure mentale aberrante. Mais cette brochure s'attachera
moins à la personne Sarkozy (qui disparaîtra tôt ou tard de notre horizon) qu'à
la manière de penser qu'il a su imposer peu à peu à « sa » France. La
rupture qu'il s'acharne à représenter est surtout l'épanouissement d'une pensée
qui s'est déjà lâchée aux USA (et ailleurs) et qui trouve pour la première fois
la possibilité de se lâcher en France, tel un pet longtemps contenu.<br /></p>
<p>Aussi vous trouverez, décortiquées dans les prochaines pages, les
notions-clef de la proposition politique sarkozyste : culture de la
violence, apologie du consensus, renaissance du concept de responsabilité. On
tentera également d'y montrer en quoi des systèmes anciens (la grande
distribution) ou nouveaux (l'emploi à domicile), mais certainement pas créés
par notre nouvelle référence, participent à modeler les structures mentales de
la France des années 2007-2012. Si le propos n'y est pas toujours d'une
nouveauté déroutante, on espère qu'il tisse des liens originaux entre tout ce
qui se dit et se fait autour de nous. Et qu'il donne envie d'aller bien plus
loin dans les idées, et de faire renaître une certaine idée de la
politique.</p>
<p>Jointe à ce billet, la <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/public/Brochure__Les_structures_mentales_de_la_France_d_apres_">brochure
version papier</a>, avec un grand merci à Grégoire.</p>
<p>Ces quelques pages, partielles et partiales, pourront donner envie de
poursuivre l'aventure avec quelques lectures utiles...</p>
<h2>A lire</h2>
<ul>
<li>« Rêver contre soi-même », Mona Chollet, 28 mai 2007,
www.peripheries.net/article311.html<br /></li>
</ul>
<p>Plutôt que de vouloir protéger leurs intérêts, les classes moyennes et
populaires imaginent une improbable ascension sociale individuelle qui pourrait
les sauver de leur destin politique et économique.<br /></p>
<p>A retrouver dans <em>Rêves de droite. Défaire l’imaginaire sarkozyste</em>,
La Découverte, 2008, 10 euros.</p>
<ul>
<li>« Une machine à fabriquer des histoires », Christian Salmon, <em>Le
Monde diplomatique</em>, novembre 2006</li>
</ul>
<p>Fini le temps de la pensée politique, la réalité se confond avec des
anecdotes prétendument « révélatrices ». Et raconter des histoires devient
l'ultime arme politique de qui n'a plus rien (d'acceptable, de raisonnable) à
proposer.</p>
<ul>
<li>Serge Portelli, <em>Traité de démagogie appliquée : Sarkozy, la
récidive et nous</em>, Michalon, 2006<br /></li>
</ul>
<p><em>Nicolas Sarkozy, une République sous très haute surveillance</em>,
L’Harmattan, mai 2007, d'abord publié en ligne sous le titre <em>Ruptures</em>
sur www.betapolitique.fr<br /></p>
<p>La Justice contre l'État, ou comment les magistrats se sont posés contre le
système Sarko et ses simplifications abusives. Les bouquins exigeants et
documentés d'un des acteurs de ce « mouvement social ».</p>
<ul>
<li>« Connaissez-vous Nicolas Sarkozy ? Testez vos connaissances sur
le nouveau président français »<br /></li>
</ul>
<p>Une collection minutieuse des faits et des paroles de N. Sarkozy, pour
rétablir quelques vérités. Un souci particulier pour les questions de
Françafrique. Les Renseignements généreux, brochures papier et en ligne :
www.les-renseignements-genereux.org</p>
<ul>
<li>« La culture du narcissisme. Les impacts du système capitaliste sur
notre psychisme », Les Renseignements généreux<br /></li>
</ul>
<p>Une démarche qui a inspiré cette brochure-ci.</p>
<ul>
<li>Serge Halimi, <em>Le Grand Bond en arrière</em>, Fayard, 2004</li>
</ul>
<p>En montrant « comment l'ordre libéral s'est imposé au monde » par
un changement radical de culture démocratique, économique et sociale, cette
somme de près de 600 pages pourra éveiller des échos chez le lecteur de 2008.
On y regrettera cependant le peu de considération pour la question
écologiste.</p>
<ul>
<li>La rubrique « French pride » de la revue
<em>Mouvements</em> : www.mouvements.info</li>
</ul>
<p>ou le numéro 52, « La new droite. Une révolution conservatrice à la
française ? », novembre-décembre 2007</p>
<ul>
<li><em>Réfutations</em>, film de Thomas Lacoste (66’), 12 euros en DVD ou en
ligne : www.lautrecampagne.org/refutations.php</li>
</ul>
<ul>
<li>Elyséethèque : sur elysee.fr, un accès à toutes les déclarations et
tous les discours de N. Sarkozy depuis son accession à la présidence. Moins
drôle qu'un texte de Jonathan Swift, mais tout aussi cruel et absurde.</li>
</ul>1-Une culture de violenceurn:md5:934b094790556484dc76ec8437f49e482008-02-13T13:16:00+01:002010-01-07T14:05:45+01:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <p>Alors que la violence est une force présente dans l'être humain et qui lui
vient des âges les plus lointains, comment pourrait-il exister une
<em>culture</em> de violence ? Une violence <em>organisée</em> ?
Pourtant la présence dans nos villes, de plus en plus visible et audible, des
dépositaires d'une violence légitimée par l'Etat (sirènes et patrouilles de
police) pourrait nous convaincre qu'on est loin de ce mouvement farouche et
instinctif. La violence peut être organisée, elle peut être froide et mue par
des stratégies politiques.</p>
<h2><strong>Violence individuelle, violence collective</strong><br /></h2>
<p>Entendons-nous bien, colères et mouvements violents peuvent saisir un être
humain, que les raisons en soient une première violence, l'épuisement ou
l'injustice. Mais de ces mouvements intimes peut naître une violence qui est
acte de culture : culture viriliste, par exemple, qui propose le passage
par la violence pour construire une identité masculine.<br /></p>
<p>L'ado d'un milieu populaire a le choix pour construire son identité entre la
consommation de biens spécifiques qui l'intègrent, croit-il, à une société
(vélomoteur bruyant ou bagnole, fringues imitées des stars du sport ou de la
musique, etc.), ou l'usage de la violence qui est déjà celui de ses camarades
sur lesquels il doit se calquer, ou s'en distinguer en pire, avec la récompense
assurée qui est l'intégration à un groupe cette fois très spécifique.<br /></p>
<p>Le policier aussi, sur son lieu de travail, doit faire preuve d'un niveau de
violence égal à celui de ses collègues, pour ne pas être stigmatisé. Si une
compagnie de CRS a eu maille à partir avec des manifestant-e-s, des jeunes des
cités, tout-e individu-e appartenant à l'un ou l'autre ces deux groupes sociaux
sera d'emblée suspect, et le CRS devra lui manifester d'emblée une hostilité
qui est celle du groupe auquel lui appartient. Dans ces deux cas, il y a
co-existence entre une violence personnelle et un début de culture de violence,
laquelle peut avoir des usages politiques.</p>
<h2><strong>La construction d'une culture de violence</strong><br /></h2>
<p>Un été, la gare est bondée, et un vigile violent s’accroche avec un voyageur
qui ne l’est pas moins. Il ne s’agit pas uniquement de violence individuelle,
jeune sportif à biscotos contre vieux con hargneux. Car le vigile a été
froidement recruté par une société de sécurité, sur son bon entretien sportif
plus que sur sa capacité à régler les conflits… et la SNCF a froidement offert
le marché à cette société, qui par son action entretient la violence des usages
de la gare.<br /></p>
<p>Prenons un acteur politique, haut fonctionnaire de police ou haut gradé dans
l'armée de son pays. Lui n'a pas « la violence aux tripes », il n'a pas
subi une violence ou une injustice préalable. Souvent au contraire il est
suffisamment éduqué pour comprendre l'utilité du système de violence qu'il
entretient pour les classes dominantes ou les clans politiques dont il fait
partie.<br /></p>
<p>Revenons en octobre 2005, Argenteuil. Si une dame dans une cité apostrophe
N. Sarkozy en lui demandant de le débarrasser d'une « racaille » qui
a une influence négative sur sa vie de tous les jours, on peut bien excuser la
violence de son propos. Si un ministre de l'Intérieur reprend ce terme, lui qui
ne doit pas rentrer souvent du super avec son cabas et des ados qui tentent de
lui voler ce qui en dépasse, sa violence est calcul, elle n'est pas un cri du
cœur spontané, viscéral. Si les conséquences de cette insulte publique envers
un groupe social sont que le ministre réussit à prouver (!) que nos rues sont
peu sûres et hantées par de jeunes « sauvageons » et à imposer ainsi
la légitimité de son discours politique, alors oui, il participe à
l'affirmation d'une culture de violence.</p>
<h2><strong>Imposer de nouvelles contraintes sur les corps</strong><br /></h2>
<p>Une nouvelle exigence sociale de sécurité (alimentaire ou physique) s'impose
lentement dans nos pays. Vigipirate, 11-septembre, permettent d'imposer à
chacun-e une perte conséquente de liberté. Fouille des sacs, des coffres de
voitures, permettent désormais de traquer les terroristes... et de contraindre
tout le monde.<br /></p>
<p>Juillet 2005, quelques jours après les attentats de Londres, les policiers
dans les centres commerciaux mettaient ce fait malheureux en avant pour faire
imposer la volonté des magasins que leurs visiteurs/ses emballassent leurs
précédents achats, effets personnels, etc. dans des plastiques supplémentaires.
Objectivement, ce geste est demandé pour éviter le vol en période de soldes
(ben ouais !), mais c'est par la menace terroriste qu'on l'impose
socialement.<br /></p>
<p>De même le passage dans les bus de ville par la porte avant. « En
montant par l'avant, on avance ! » disait la publicité dans un bus,
prouvant par une tautologie qu'il fallait désormais monter par l'avant parce
que... parce que. Mais d'autres villes ont communiqué sur un surcroît de
sécurité pour les voyageurs. Bien sûr, obliger les voyageurs/ses à monter par
l'avant et ensuite se déplacer dans le reste du bus est une contrainte
désagréable et un nouvel acte contre la liberté de se mouvoir à sa guise. Mais
c'est aussi une source de déplacements supplémentaires en milieu confiné, et
donc de tensions entre voyageurs/ses, voire de disputes, et toujours de rappels
à l'ordre de la part du/de la conducteur/rice : « Mesdames,
messieurs, voulez-vous bien vous déplacer vers le fond du bus, s'il vous
plaît ? ». Sécurité, donc ? Certainement pas, mais possibilité de
contrôle par le/la conducteur/rice des voyageurs/ses avec ou sans billet,
responsabilité nouvelle, source nouvelle de conflits avec les fraudeurs/ses.
Les contraintes quotidiennes augmentent, l'acceptation sociale aussi, mais le
moindre refus, qu'il soit mû par des raisons politiques ou personnelles,
devient conflit violent. La personne qui refuse de s'asseoir ici plutôt que là
a le choix entre devenir l'objet d'une violence ou le sujet d'une nouvelle. La
rébellion ou le contrôle, là où on avait une certaine liberté... on choisit
souvent le contrôle.<br /></p>
<p>Mais les actes de violence suscités par ces nouvelles exigences sécuritaires
prouvent en un cercle vicieux la nécessité du contrôle ! Si le vigile du
supermarché ou de gare suscite par son comportement agressif un acte de
violence, heureusement qu'il est là pour la contrôler ! On n'en sortira
jamais.</p>
<h2><strong>En finir avec l'escalade de la violence</strong><br /></h2>
<p>On n'en sortira jamais si une culture de non-violence reste peu répandue
dans nos sociétés. Être non-violent, ce n'est pas accepter de se faire casser
la gueule sans répliquer. C'est comprendre les mécanismes qui font qu'on répond
à une violence par une autre, dans ce dont les journaux télé ont fait un
stéréotype : « l'escalade de la violence ». Laquelle escalade de la
violence ressentie peut être utilisée dans des systèmes de violence politique
ou institutionnelle qui se l'approprient. Voir la néo-colonisation organisée de
la Palestine par Israël en réponse à la violence de populations qui ne font pas
Etat.<br /></p>
<p>C'est la compréhension même de la violence et de ses usages politiques qui
construit une culture de non-violence. Et non pas l'atténuation, contrainte ou
pensée, de ses manifestations les plus visibles.</p>
<p>Paradoxalement, alors que Nicolas Sarkozy, au même ministère que son mentor
des Hauts-de-Seine Charles Pasqua, a été et demeure le passeur en France d'une
culture de violence nouvelle, le voici depuis le premier tour de l'élection en
<em>étouffeur de conflits</em>. Quel rapport avec la violence que nous avons
dans un premier temps mentionnée ? Tout !</p>2-Le conflit, c'est bon !urn:md5:0ff02c3f19f76c03c849de60ca4380c72008-02-12T13:20:00+01:002012-07-04T13:41:03+02:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <h2>Tous ensemble</h2>
<p>L' « ouverture à gauche », l'association (sur aucun contrat
transparent) de personnalités du PS au gouvernement ou aux réformes
institutionnelles, peut être comprise par les esprits naïfs comme une
réconciliation en vue d'une gestion pragmatique du pays... « <em>Ma seule
idéologie, c'est le pragmatisme.</em> » Une phrase en manière de paradoxe
spirituel, dans laquelle N. Sarkozy se place hors-système idéologique, comme
avant lui Ronald Reagan, Margaret Thatcher, etc. Avec le ton de l’évidence,
yeux écarquillés et bras ballants, qu’il adopte souvent : vous n’allez pas
me contredire, tout le monde sait bien que…<br /></p>
<p>Le sarkozysme n’est pas un pragmatisme : la destruction des solidarités
nationales est un projet politique fort, qui ne s'appuie sur aucune mécanique
scientifique, c'est un projet qui rapproche néolibéralisme et néoconservatisme
depuis trois ou quatre décennies.<br /></p>
<p>Mais si c'était véritablement du pragmatisme, cela sonnerait-il la fin des
idéologies, comme il y a eu une fin de l'Histoire ? Circulez, il n'y a
plus rien à penser, nous sommes tou-te-s d'accord. Un effacement du conflit
politique, de la pensée politique, création continue et confrontation des idées
sur « comment vivre ensemble ».</p>
<h2>Le travail comme super-lien politique</h2>
<p>Le « vivre ensemble » est conçu par les défenseur-e-s de la pensée
sarkozyste comme d'une grande simplicité, il n'appelle plus la réflexion, il
naît d'un consensus « naturel ». Mettons en avant Christine Lagarde.
Avocate d'affaires (comme J.-L. Borloo, N. Sarkozy, etc.), elle travaille pour
les firmes américaines de biotechnologies (biocides et OGM) et son premier
portefeuille est celui de l'Agriculture. Trop gros ! La voici au premier
remaniement ministre de l'Économie, des Finances et de l'Emploi, porte-parole
de l'idéologie socio-politique du travail. Celui-ci s'impose
« naturellement » (« bien souvent » sous la plume de Ch.
Lagarde) comme but commun à l'ensemble de la société, riches comme pauvres,
personnes privées comme collectivités, qu'il participe à réconcilier.<br /></p>
<p>« <em>Cessons d'être aussi pudiques sur notre intérêt personnel, qui,
bien souvent, rejoint celui du groupe. La lutte des classes est bien sûr une
idée essentielle mais, de mon point de vue, essentielle pour les manuels
d'histoire.</em> »<br /></p>
<p>« Cessons donc d'opposer les riches et les pauvres, comme si la société
était irrémédiablement divisée en deux clans. » Car le travail
« <em>met l'ensemble des professions sur un pied d'égalité : le grand
patron comme le petit employé savent l'un et l'autre ce que c'est qu'une
"grosse journée de boulot".</em> » Pas question d'admettre que riches et
pauvres ont des intérêts différents, en manière de fiscalité, de services
publics, etc. Ils et elles travaillent dans la même boîte, et cela suffit pour
assurer leur solidarité !<br /></p>
<p>Si la société, désormais apaisée, était le lieu d'une opposition, ce serait
désormais celle des aristocrates de l'Ancien Régime et de la RTT, méprisant-e-s
envers le travail, intellectuel-le-s dont la régression consiste à ignorer la
pratique, contre tou-te-s ceux et celles qui vont au turbin. En RER, en Porsche
ou en Supercinq pourrie, qu'à cela ne tienne : tous ensemble.<br /></p>
<p>« <em>C'est pourquoi j'aimerais vous dire : assez pensé, assez
tergiversé ; retroussons tout simplement nos manches !</em> »
<strong>(1)</strong></p>
<h2>Trop de négociation tue la négociation ?</h2>
<p>Pareil pour l'écologie (absente du discours de Ch. Lagarde), elle n'est plus
une vision du monde, mais une bonne volonté <em>unanimement</em> partagée.
L'Alliance pour la planète note les programmes de candidat-e-s à l'élection de
2007, distinguant ceux qui parlaient d'écologie et ceux qui la mettaient en
pratique. N. Hulot, en faisant signer à tout le monde le même pacte, remet les
pendules à zéro. Une nouvelle fois, tou-te-s ensemble, tou-te-s pareil
<strong>(2)</strong>. Les deux Nicolas aiment l'unanimisme.<br /></p>
<p>On a pu rappeler que les accords de Grenelle, au ministère du Travail en
1968, étaient le fruit d'une conciliation des intérêts après un conflit social
majeur. Tandis que le Grenelle de l'environnement intervenait avant un
véritable essor des acteurs/rices de l'écologie (et après le déclin du parti
mettant l'écologie au centre de la politique), avant une compréhension complète
de leur propos et de leurs propositions. En clair, avant qu'ils et elles
deviennent des adversaires dignes de ce nom, qu'ils et elles puissent faire
valoir leurs positions dans une négociation serrée.<br /></p>
<p>On le dit, la culture politique française se distingue par une capacité très
faible à négocier, mais la table rase de Sarkozy ne tend-elle pas vers le même
résultat ? Au fond, résoudre le conflit avant qu'il ait lieu permet aussi,
les adversaires restant trop faibles, de ne pas passer par la case de
négociations complexes et difficiles, au cours desquelles il faut donner pour
recevoir.</p>
<p>Si l'on met en parallèle cet effacement du conflit de pensée avec le
durcissement de la violence dans les vies, on imagine combien ce système vise à
une concentration exceptionnelle du pouvoir, avec l'effacement des
contre-pouvoirs. Dans le même temps, « en bas » (pour reprendre une
expression fameuse) on jouirait toujours d'une liberté qui nous donnerait
droits et devoirs. Car avec elle vient l'obligation d'être plus responsable de
ses actes que jamais. Si hier les écolos pouvaient à juste titre regretter la
disparition de la valeur « responsabilité », la voici qui refait donc
surface. Sauf que l'on peut douter que nous jouissons tou-te-s de la même marge
de manœuvre...</p>
<p><strong>(1)</strong> Discours-programme du 10 juillet 2007 à l'Assemblée
nationale, à retrouver sur www.minefi.gouv.fr.<br /></p>
<p><strong>(2)</strong> On lira à ce sujet la brochure « Le développement
durable, quelle drôle d'idée ! », sur www.chicheweb.org.</p>3-J’assume !urn:md5:9493a95e8be9c4cc663ad5a8e5757dab2008-02-11T13:29:00+01:002012-07-04T13:39:21+02:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <h2>La perte du lien</h2>
<p>L’outil automobile a fortement contribué à la perte de lien entre l’individu
moderne et le monde qui l’entoure. Aussi l’automobiliste peut-il dire
« j’assume » chaque fois que ses actes sont mis en question, comme si
<em>dire</em> suffisait pour <em>ne pas faire</em> <strong>(1)</strong>.
Physiquement, il n’est pas tenu d’accepter la responsabilité de son coup de
klaxon rageur, de son refus de céder la priorité au piéton : un coup
d’accélérateur, et le voici plus loin. La dilution de la responsabilité en
permet aussi la disparition : 135 malheureux grammes de CO2/km (voiture
dite propre) sont-ils la cause de l’effet de serre mondial ?
L’environnement est un domaine dans lequel les causes sont éloignées, dans le
temps et dans l’espace, de leurs effets, d’où la difficulté d’appréhender, de
comprendre à leur juste mesure ces phénomènes.<br /></p>
<p>Et l’on sait combien les politiques néolibérales (ou idolâtres du
capitalisme) se sont évertuées à faire disparaître le lien social, la
responsabilité que nous avons les un-e-s envers les autres. Margaret Thatcher
disait : « <em>La société, ça n’existe pas.</em> » D’où le refus
de continuer à faire vivre une communauté d’intérêts liée par l’impôt, le
service public. Un chef d’entreprise ne doit rien à personne, comme si son
patrimoine avait pu exploser de la même façon au Bénin ou en France. La
société, si tant est qu’elle existe, n’a plus rien à offrir, au mieux est-elle
la somme des micro-communautés ou « tribus » qui la
composent.<br /></p>
<p>L’histoire et la culture d’une société n’existent pas plus quand une
personne est réduite à son héritage génétique, son moi « pur », né
hétérosexuel, comme N. Sarkozy croit l’être <strong>(2)</strong>.<br /></p>
<p>Devant cette perte du lien, reconnaître la responsabilité comme l’une de ses
valeurs, avec l’autonomie et la solidarité, n’est pas le moindre des mérites de
l’écologie politique. Mais de même que le mot « liberté » a été
dévoyé (on est désormais « libre » de nuire), on assiste désormais à
une exigence nouvelle et paradoxale de « responsabilité ».</p>
<h2>Une nouvelle responsabilité</h2>
<p>Plus aucune mauvaise excuse n’est désormais acceptable, et les sociologues
sont priés de ne plus excuser aucune conduite déviante, qu’elle soit urbaine,
humaine ou sanitaire. Tout le monde assume. Ou est tenu de le faire.<br /></p>
<p>Devant les étudiants de l’université de Dakar, Sarkozy balaye d’un seul coup
de main les décennies de colonialisme puis de Françafrique : « <em>Je
ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, pour m’apitoyer sur votre sort, parce que
votre sort est d’abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse
africaine, de ma pitié ?</em> » <strong>(3)</strong><br /></p>
<p>Car la pitié, c’est la relégation hors de sa position sociale. C’est ce qui
attend quiconque n’assume plus. Comme des parents qui ont du mal à faire
comprendre les règles de base de la diététique à leurs gosses nourris de pub
pour des aliments gras et/ou sucrés… Plutôt que d’interdire la pub en direction
des gamins, ou (moins ambitieux) d’exiger le rappel de ces règles dans chaque
pub (manger-bouger), la France qui <em>assume</em>, celle que l'on caresse
chaque soir à 20h dans le sens du poil, a un projet qui grattera moins
l'industrie agro-alimentaire. Devant les problèmes d’obésité, pourquoi
s'interdire d’ôter leurs droits familiaux aux parents incapables
d’<em>assumer</em> ces responsabilités sanitaires ? Ben oui,
pourquoi ?</p>
<h2>Égalité des chances ?</h2>
<p>Finalement, le nouveau concept d’ « égalité des chances » ne
dépare pas de ce malheureux tableau. Que cette égalité de départ soit fantasmée
ou qu’on s’en donne les moyens, on demande à chacun d’<em>assumer</em> le
résultat auquel il parvient. Ici le contexte social est encore nié, et les
qualités personnelles mises en valeur, au premier rang desquelles le travail.
Depuis longtemps les doctrines politiques officielles ont individualisé le
chômage, en le disant lié à la trop grande attractivité des aides et des
<em>minima</em> sociaux. Le mouvement continue, tapant dans tous les domaines
de la vie. Sarko ne fait qu’adapter à la France, avec un peu de retard, les
structures mentales les plus aberrantes du capitalisme.</p>
<p>Pendant que les plus faibles « assument », les plus aisés se voient
offrir des cadeaux. On passera sur le « paquet fiscal » largement
commenté, pour nous attacher à ce projet de société bien plus révélateur,
encouragé par les politiques fiscales des années 2002-2007 : l'emploi à
domicile. Car c'est un champ de l'économie qui n’a pas (ou si peu) d’impact sur
l’environnement, qui dans le cadre du développement durable doit connaître un
nouvel essor, et que des politiques fiscales attractives peuvent stimuler.
L’emploi à domicile, appelé aussi « nouveaux services », qui répond à des
besoins jusque là méprisés… Quels besoins ? Y répondre dans quelles
conditions ? Et avec quel impact sur l’environnement ? sur le lien
social ?</p>
<p><strong>(1)</strong> C’est la même expression qu’utilisent le conducteur
d’un camion de police garé sur un trottoir quand je le prends à partie, ou un
jeune gars prêt à accepter un cancer du poumon comme punition d’une vie
d’automobiliste… et qui tombe des nues en apprenant qu’on peut choper la même
chose à vélo ou à pied. L’anecdote date d’un temps où la pollution urbaine
était mieux prise en compte que l’effet de serre.<br /></p>
<p><strong>(2)</strong> Michel Onfray : « Je pense que nous sommes
façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les
conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous
évoluons. » N. Sarkozy : « Je ne suis pas d'accord avec vous.
J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile. <a href="https://blog.ecologie-politique.eu/post/%E2%80%A6" title="…">…</a> Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est
immense. » <em>Philosophie magazine</em> n°8.<br /></p>
<p><strong>(3)</strong> Discours du 26 juillet 2007, on notera également de
lourds effets stylistiques de répétition (toi y en as comprendre ?), ainsi
qu’un appel à « l’avènement de l’Eurafrique ».</p>4-Exploitons-nous les un-e-s les autresurn:md5:4ef414a53b4b22835ecabf5df6c3c70e2008-02-10T13:34:00+01:002016-01-13T16:47:46+01:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <h2>Le boom de la femme de ménage</h2>
<p>Les agences d’emploi à domicile, qui fleurissent dans les villes depuis la
rentrée 2006, près des agences de travail temporaire, présentent des besoins
légitimes : cours particuliers qui peuvent améliorer le quotidien des
étudiant-e-s en palliant le manque de connaissances scolaires de certains
parents des classes populaires ; soin aux personnes âgées soucieuses de
continuer à vivre chez elles, etc. Le ménage est l’une de ces activités,
masquée par la diversité de l’emploi à domicile, mais qui représente un tiers
de cette forme d’emploi. Car c’est de cela qu’il s’agit : défiscaliser le
recours à l’emploi de femmes, plutôt âgées et non diplômées, dans les demeures
de familles très aisées. Caricature ?<br />
L'économiste Sandrine Rousseau s’attache à dresser un tableau précis de cette
activité <strong>(1)</strong>. Ce sont des femmes qui assurent ces boulots,
elles sont souvent plus âgées que les serveuses et les caissières qui sont
aussi peu diplômées ; dans des situations sociales difficiles, elles se
plaignent plus fortement de la pénibilité physique de leur travail, et elles
atteignent rarement le SMIC. C’est qu’elles ne travaillent pas à temps plein,
passant un temps important et non rémunéré dans les transports entre deux
maisons. Le recours à une femme de ménage dépend très peu des besoins que
peuvent avoir certains ménages, du travail à temps complet des deux parents ou
du nombre d’enfants par exemple. Il dépend surtout du revenu du ménage, car il
devient significatif chez les 10 % les plus riches. En clair : on n’a pas
forcément besoin de faire faire le ménage chez soi, mais quand on n’a pas envie
de le faire soi-même, on se paye ce luxe si on en a les moyens.</p>
<h2>Un projet de société</h2>
<p>Les politiques actuelles promeuvent pourtant le recours à la femme de ménage
jusque dans les classes moyennes, et aident à financer ces nouveaux emplois.
Est-ce une aide de plus pour les ménages qui paient des impôts ? ou un
projet de société ?<br /></p>
<p>Côté social, on doit noter l’ignominie que représente des baisses d’impôts
supplémentaires pour les plus aisé-e-s. Et condamner les conditions de travail
auxquelles resteront soumises les femmes de ménage. Un domicile ne peut être
considéré comme un lieu de travail, et à ce titre l’inspection du travail ne
peut y entrer. Les personnes qui sont employées au domicile d’une autre ne
peuvent en aucun cas bénéficier de la protection que nous devons à tou-te-s les
travailleurs/ses.<br /></p>
<p>Côté culturel, c’est une vraie « fracture sociale » qui
s’annonce : ceux et celles qui gagnent correctement leur vie, celles qui
nettoient leur merde à vil prix. Puisque les <em>working poors</em> sont en
majorité des femmes, nous ne pouvons oublier l’approche de genre, et la
soumission économique à un homme qui reste nécessaire à la femme seule pour
sortir le bec de l’eau. Faire faire le ménage par une personnes étrangère au
couple, c’est aussi accepter que les tâches ménagères ne se soient toujours pas
bien réparties entre hommes et femmes. C’est à ce titre que les autorités
suédoises ont longtemps refusé d’accompagner le « boom de la femme de
ménage », témoignage de la violence de la société que nous faisons… ensemble.
On ne peut faire ici qu’une brève allusion au psychisme d’une personne habituée
à refuser de voir sa merde, qu’elle fait nettoyer par une autre. Rapport au
corps et à son milieu de vie incomplet, confrontation à l’altérité (à travers
la boniche prolo) qui se résout dans le mépris et la contrainte… on n’ose pas
imaginer la capacité à faire société dans ces conditions.</p>
<h2>La femme de ménage et le développement durable</h2>
<p>Des conséquences environnementales ? Alors que le télé-travail un jour
par semaine des travailleurs/ses intellectuel-le-s est censé assurer des
économies non négligeables d’énergie, il est des employées qui vont trois fois
au boulot dans la journée, et passent entre 4 et 6h dans les transports.
Pendant que leurs employeurs/ses peuvent se livrer aux plaisirs de travailler
plus pour gagner plus. Délocaliser ses obligations domestiques, c’est se donner
la possibilité de travailler plus de 45h par semaine. Au-delà de cette limite,
on note que le mode de vie change substantiellement, avec le recours moindre
aux transports en commun et la consommation accrue de voyages à forfait,
souvent en avion. Hervé Kempf, dans son pamphlet <em>Comment les riches
détruisent la planète</em> <strong>(2)</strong>, met le mode de vie occidental,
prédateur et impossible à généraliser, sur le compte de la volonté de se
distinguer en adoptant les habitudes de consommation de la classe immédiatement
supérieure. Nul doute que ce système que nous avons décrit participe à la
volonté de voir se diffuser des pratiques « de riches » dans les
classes moyennes les plus aisées.</p>
<p>L’exploitation du « capital humain », qu’il réside dans les cerveaux ou
dans les services qui appartenaient à la sphère non-marchande, est une forme de
croissance économique que l’on affirme « propre » sur le plan
écologique. Il n’en est rien. Elle participe non seulement de la fuite en avant
du développement durable, mais aussi d’un projet de société d’une rare
violence. Nul doute dans ce cas que le <em>détail</em> de l’emploi à domicile
constitue une part importante de la construction de la France d’après…</p>
<p>Le consensus actuel se construit, nous l'avons vu, largement autour d'un
déni des intérêts divergents entre classes sociales. Il s'agit de ne pas penser
cette lutte des intérêts, et de continuer à imaginer qu'on pourra
« réussir ensemble », dans un système « gagnant-gagnant »... On nous
invite au partage d'un gâteau magique capable de satisfaire les besoins de
tou-te-s, et même la cupidité de chacun-e ! Pas de remise en cause des
structures dans lesquelles nous vivons. Et si crise sociale il y a, elle sera
résolue, en surface, par ce qui l'aggravera demain. Un exemple ? Le projet
de sauvegarder le pouvoir d'achat (particulièrement atteint, entre autres, par
les cours mondiaux des ressources alimentaires) en lâchant les ambitions de la
grande distribution.</p>
<p><strong>(1)</strong> Pour un exposé clair et rigoureux de ces
questions : « La supercherie de l’externalisation des tâches
domestiques », Sandrine Rousseau, <em>Entropia</em> n°2, 2007,
Parangon.<br /></p>
<p><strong>(2)</strong> Hervé Kempf, <em>Comment les riches détruisent la
planète</em>, Le Seuil, 2007.</p>5-Supermarchés et pouvoir d'achat : avec Sarko, je positive !urn:md5:14ed200615472a31d87a7d04ed6068be2008-02-09T13:41:00+01:002011-01-16T21:34:16+01:00Aude"La France d'après"Ultra-droite <p>On sait combien, en matière d'urbanisme, la grande distribution a participé
à la distension des tissus urbain... et social. C'est à coups de bagnole que
l'on va en périphérie remplir son frigo pour la semaine, en passant devant une
caissière anonyme, à temps partiel imposé et fragmenté. Mais le supermarché ne
se contente pas de mettre à mal le « doux commerce » et ses
conditions humaines et sociales, il s'attaque à d'autres pans de notre société.
C'est à ce titre que ce système mérite d'être décrit ici
<strong>(1)</strong>.</p>
<h2>Racket organisé</h2>
<p>Le prix d'achat des produits est négocié par les cinq centrales d'achat de
la grande distribution. Elle achète 90 ou 95 un produit qui sera vendu 100 au
consommateur. Jusqu'ici, tout va bien. C'est ensuite que le fournisseur de ces
produits est soumis à des exigences de plus en plus fantaisistes. Il doit payer
des services qu'il ne demande pas : mise des produits en tête de gondole,
sur les catalogues, en avancée de caisse, etc. Sa première livraison est
gratuite, comme le serait aussi une livraison qui arriverait avec quelques
minutes de retard. Le paiement s'effectue à 30, 60, 120 jours, parfois plus.
Pendant ce temps, Auchan ou Leclerc fait fructifier les sous, et le fournisseur
s'endette. C'est jusqu'à 500 raisons qui ont été mises en évidence par les
parlementaires lors de récents rapports, et qui constituent les fameuses (et
méconnues) « marges arrière ». De 10% du prix du produit dans les années
1980, elles sont désormais de l'ordre de 40 à 50% et augmentent de 2% environ
par an. Un véritable racket sur lequel les fournisseurs peuvent difficilement
s'exprimer. En 2000, lors de la mise à jour de ce scandale, certains osent
parler dans les médias. La réponse de la grande distribution est
immédiate : ils sont déréférencés.<br /></p>
<p>Le référencement est l'outil numéro un de la grande distribution. Pour
exister aux yeux de la grande distribution et pouvoir être commandé par les
chefs de rayon, un produit doit être référencé. Le fournisseur paye entre 120
et 150 euros par produit différent (yaourt à la fraise, yaourt à la vanille,
yaourt par 4 ou par 12, etc.) et par point de vente. La facture peut atteindre
des millions. Sans que cela assure le succès du produit, puisque tous les
concurrents se plient à ces conditions et se trouvent sur le même
rayon.<br /></p>
<p>70 000 entreprises et 400 000 agriculteurs, acteurs économiques qui
irriguent le pays, doivent passer par l'une ou l'autre des cinq centrales
d'achat qui monnayent l'accès au marché français (90% des produits consommés en
France, de la supérette Casino à l'hypermarché Géant). Si le consommateur croit
« s'y retrouver », ce sont ces entreprises et les personnes qui y
travaillent qui sont les premières lésées par le système.</p>
<h2>Qui paye ?</h2>
<p>La grosse industrie agro-alimentaire, celle qui concentre sa production et
ses profits, a su s'adapter à ces conditions. Comprimer les prix ? Pas de
souci, les matières premières sont déjà achetées le moins cher possible à des
agriculteurs qui poussent à fond la productivité à coups d'engrais et de
pesticides. Quant aux coûts de main d'œuvre... si vous n'êtes pas contents, on
délocalise. Les petits producteurs ont du mal à suivre, et sont d'autant plus
sensibles aux processus de concentration. Concentration spatiale
notamment : des régions entières perdent leur industrie de transformation,
et les marchandises circulent d'un bout à l'autre du pays ou du continent, à un
coût environnemental qu'il faudra examiner un jour.<br /></p>
<p>Les agriculteurs, qui ne s'assurent pas des chiffres d'affaires décents,
sont quant à eux sous la perfusion de la politique agricole commune (PAC),
<em>via</em> la fiscalité de ménages qui avaient cru faire une bonne affaire
avec des carottes à 1,50 euros le kilo... qui avaient été payées 15cts au
producteur <strong>(2)</strong>. On paye ainsi deux fois le produit, à la
caisse et sur la feuille d'imposition. Et la grande distribution empoche les
bénéfices.<br /></p>
<p>Lors de la crise de la vache folle, une taxe d'équarrissage est mise en
place qui est recueillie sur les ventes de viande par les commerçants. Elle
permet de financer la gestion de la crise par les autorités et en quelques
années lève deux milliards de francs. Plus tard un directeur de supermarché
porte plainte devant l'Union européenne pour ce rôle qu'il a été tenu de
remplir, indûment selon lui. L'Union européenne donne raison à la grande
distribution, l'État français doit rembourser les deux milliards à la grande
distribution... qui elle ne peut simplement pas (le voudrait-elle ?) rembourser
ses consommateurs. Ceux-ci payent donc trois fois : une première fois sur
leur facture de viande, une seconde fois quand l'État doit rembourser la somme,
une troisième fois quand l'Etat finance la gestion de la crise et
l'équarrissage. Bien joué !</p>
<h2>L'être humain multidimensionnel</h2>
<p>Nous ne sommes pas que des pousseurs de <em>caddie</em> (<em>registered
trademark</em>). Nous sommes aussi des salariés de l'industrie ou des services.
Nous sommes des contribuables. Nous profitons aussi tous des recettes de l'Etat
pour la solidarité nationale, la sécurité sociale, les services publics. Nous
sommes même (eh oui !) des personnes avec un projet de société en tête, une
éthique, un souci pour l'environnement. Nous sommes ainsi tous touchés par la
pression sur un producteur de nouilles ou de soupe en bocal, qui sous le
rackett de la grande distribution adoptera toutes les stratégies pour
contribuer le moins possible à la fiscalité nationale. Et pourra mettre au
chômage nos mères et nos cousins qui bossent dans leurs usines.<br /></p>
<p>Voici ce qu'écrit N. Sarkozy a ce sujet : « <em>Je vois bien que
si l’on fait une partie de la parapharmacie dans les grandes surfaces, on fait
baisser les tarifs et c’est bon pour les consommateurs, c’est vrai. Mais, en
même temps, mon travail de chef de l’Etat, c’est aussi de penser à
l’aménagement du territoire et à la véritable mission de service public des
pharmacies. Dans ce débat-là, on ne peut pas réduire tout à la seule question
des tarifs. Parce que si demain, dans un certain nombre de petites villes ou de
territoires, il n’y a plus de pharmacie parce que chacun sait qu’ils vivent en
partie sur la parapharmacie, à ce moment-là comment faites-vous l’aménagement
du territoire ?</em> » <strong>(3)</strong> La droite est parfois capable de
penser la complexité de l'être humain, pour mettre à l'abri les exigences de
solidarité de l'avidité consumériste. Mais c'est uniquement son cœur de cible
électoral qui bénéficiera de sa largeur de vues. Pour les autres secteurs de
l'économie (et notamment ceux de la production), c'est le seul consommateur
qu'on va feindre d'écouter.<br /></p>
<p>Car il n'est pas question politiquement d'interdire ce rackett organisé, on
va au contraire le légaliser en permettant la vente à perte... Sarkozy et ses
ministres vont assurer le pouvoir d'achat des futurs chômeurs en donnant l'arme
ultime au système qui les met à la rue !</p>
<h2>Un contre-projet politique ?</h2>
<p>La grande distribution n'est pas un système dans les marges du capitalisme,
c'est la pointe avancée de la destruction des solidarités, et de la partition
inhumaine de l'individu en régime capitaliste : le consommateur qui paie
moins cher le contenu de son <em>caddie</em> (<em>registered trademark</em>,
encore une fois) oublie ses intérêts de salarié ou de citoyen.<br /></p>
<p>Avant de refaire le monde, il nous faut détruire la grande distribution,
pour relocaliser l'économie, rendre leur autonomie aux acteurs économiques (et
leur imposer une responsabilité plus grande vis-à-vis de l'environnement). Mais
comment ?<br /></p>
<p>On a pu croire en une réponse institutionnelle. Une loi de 1973 soumet les
installations de grandes surfaces aux décisions institutionnelles. Les années
1993, 1995 puis 2000 voient la publication de rapports parlementaires (venus
des rangs de l'UDF ou du PS) sur l'illégalité du système. L'autorité publique
connaît le problème, elle a rarement été assez volontaire pour y répondre,
malgré les outils législatifs à sa disposition. Une réponse individuelle existe
aussi, accessible à qui est moins captif de cette organisation sociale, et qui
a les moyens culturels et financiers d'aller dans les petits magasins bio. Une
simplicité volontaire qui, malgré sa cohérence, a comme défaut sa faible portée
sur la société.<br /></p>
<p>Resterait la réponse collective. La vie d'un marché, une AMAP ou un groupe
de consommateurs qui achète directement au producteur, avec ou sans un contrat
moral, sont déjà des structures qui existent et que l'on peut pousser plus
loin, en imaginant par exemple des structures de distribution associatives qui
permettraient l'accès à des productions locales, transformées ou non, bio ou
pas... à un prix équitable, c'est à dire qui satisfasse les deux parties dans
une négociation claire. Sur ce sujet précis, trois niveaux d'action, à investir
selon son regard sur la démocratie, ses envies, ses possibilités. A
entremêler ?</p>
<p>Suite à ce tableau accablant, la question continue à se poser... Que
faire ? Si le sarkozysme se veut non-pensée capable de réunir tout un
peuple dans le conformisme et la facilité... c'est penser qui peut nous en
sortir. Ouvrons des espaces de connaissance, de confrontation d'idées,
accessibles à chacun-e. Et faisons confiance, nous sommes tou-te-s capables de
les investir.</p>
<p><strong>(1)</strong> A lire, de Christian Jacquiau dont les interventions
ont nourri ce texte, Les Coulisses de la grande distribution, Albin Michel,
2000.<br />
<strong>(2)</strong> Edouard Leclerc, précurseur du système, dénonçait dans les
années 1950 le nombre des intermédiaires, qui faisait alors passer un produit
de 1 à 4, du producteur au consommateur !<br />
<strong>(3)</strong> Discours du 23 janvier 2008.</p>